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Full text of "Mémoires couronnés et autres mémoires ..."

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MÉMOIRES COURONNÉS 



ET 



AUTRES MÉMOIRES 



L. 




MÉMOIRES COUROINNÉS 



ET 



AUTRES MEMOIRES 



PUBLIAS PAR 



L ACADÉMIE ROYALE 



DES SCIENCES, DBS LETTRES ET DES BEACJL-ABTS DE BELGIQUE 



COLLKCTION IW-So. — TOME LX¥I 




BRUXELLES 

HAYEZ, IMPRIMEUR DE L*ACADÉM1E ROYALE DES SCIENCES, DES LETTRES 
ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE 

rue de Louvain, 142 

Juin 1904 



ITIIDE 8IIR II SYSTilE BI16E 

EN MATIÈRE DE 

BUDGET DE L'ETAT 



EXPOSÉ HISTORIQDE ET CRITIQUE 



PAR 



Ernest DUBOIS 

PROFESSEUR HONORAIRE A L'UNIVERSITÉ DE GAND 
DIRECTEUR DE L'INSTITUT SUPÉRIEUR DE COMMERCE D'ANVERS 



Le système financier d'un pays 
se compose non seulement de belles 
institution* éparses , mais d'un 
budget sincère et contréli... 

(Stourm.) 



(Couronné par la Classe des lettres et des sciences morales et politiques, 
dans la séance du 4 mai 1903.) 



Tome LXVl. 

145889 



DEVISES : 



« Le système financier d'un pays se compose non seulement de belles 
institutions éparses, mais d'un budget sincère et contrôlé, réunissant 
annuellement en faisceau les résultats mêmes de ces institutions, pour 
les soumettre à la sanction des représentants de la nation. » (Stourm, 
Les finances du Consulat. Paris, Guillaumin, 1902, p. 357.) 

« Rien n'est étranger au budget, parce que les considérations de 
chiflfres dépendent de la confiance qu'inspire le gouvernement, du 
bonheur dont jouit la nation... Tout rentre dans la discussion du 
budget, parce qu'il n'y a pas une liberté qui n'ait son chiffre dans les 
dépenses. » (de Brouceère, député du Limbourg à la seconde Chambre 
des Étais- Généraux. Discours du 48 décembre i829^ 



Mémoire adressé à la Classe des lettres et des sciences morales et 
politiques de l'Académie royale de Belgique, en réponse à la deuxiètne 
question posée par la Section des sciences morales et politiques pour le 
Concours de i90S : 

« Faire l'histoire et la critique du système belge en matière de budget 
de l'État. 

» L'auteur examinera les règles constitutionnelles, la théorie de la 
comptabilité publique, la pratique parlementaire en matière de con- 
fection, vote et vérification des budgets, etc. 11 che reliera à en tirer des 
conclusions quant au système budgétaire en général et aux améliorations 
possibles en Belgique. Il recherchera autant que possible des éléments 
de comparaison dans l'étude des budgets des pays étrangers. » 



PRÉFACE 



L'étude du budget d'un pays peut être faite à divers points 

de vue. On peut l'envisager sous le rapport économique et 

examiner d'une manière détaillée les revenus dont dispose 

^^ l'État pour la tenue de son ménage, ainsi que les besoins de 

^ celui-ci, étudier les uns et les autres dans leurs relations 

"^ avec les ressources du pays, en montrer le développement 

parallèle et discuter les réformes et les améliorations qu'il 

conviendrait d'introduire. 

Cette étude tn^^n« du budget n'est pas celle que l'Aca- 
démie nous demande. 

Ce que l'Académie désire, c'est a l'histoire et la critique 
du système belge en matière de budget de l'État ». 

Nous avons donc tâché de faire un exposé à la fois histo- 
rique et critique du régime budgétaire belge, c'est-à-dire de 
l'ensemble des principes, des règles, des prescriptions qui 
gouvernent l'élaboration de cet acte important de la vie 
publique, par lequel sont prévues et approuvées les recettes 
et les dépenses nécessaires à un exercice ânancier. 

Le plan que nous suivrons est tout indiqué par les 



(4) 

phases successives que parcourt nécessairement un budget : 
la préparation^ qui se fait principalement dans les bureaux 
du Ministère des finances, le vote par le Parlement, Yexécu- 
tion par les Ministres et leurs subordonnés, le contrôle par la 
Cour des comptes et par les Chambres. 

Ces quatre chapitres seront précédés d'une Introduction 
historique^ où Ton trouvera d'abord un aperçu de l'organisa- 
tion financière dans les Pays-Bas autrichiens et ensuite une 
étude du régime budgétaire du royaume des Pays-Bas, que 
nous avons essayé d'expliquer d'après les documents officiels 
de l'époque. 

Quant aux sources, il faut signaler l'absence de tout tra- 
vail d'ensemble sur la matière. 

L'important mémoire de L. Richàld, Histoire des finances 
publiques de la Belgique depuis 1830^ couronné par l'Aca- 
démie en 1882, est un précieux recueil de documents sur les 
finances belges, mais il n'envisage pas spécialement les 
questions relatives au budget. 

[1 existe aussi un certain nombre d'ouvrages, déjà 
anciens, relatifs à la comptabilité publique, comme le 
Manuel des comptables de Mathys ^, le Dictionnaire de 
Lacomblé 2, mais ces ouvrages se cantonnent exclusivement 
dans une partie de la matière : l'exécution du budget. Ils 
font le commentaire des lois et règlements à l'usage des 

* J.-H. Mathys, Manuel des comptables de l'État. Gand, Hoste, 1860, 
in-80 de yu-543 pages. 

* Ed. Lacomblé, ùictionnaire de la comptabilité générale de VÉtat et 
des provinces. Bruxelles, 1854. 



(S) 

professionnels, des fonctionnaires de Tadministratlon des 
finances. 

De même, les études publiées sur les matières budgétaires 
dans les grands recueils de de Brouckère et Tielemans *, de 
Defooz 2, des Pandectes belges 3, de Giron ^, sont ou bien très 
sommaires ou bien de simples commentaires législatifs. 

Nous avons consulté ces divers travaux, mais nous avons 
puisé surtout aux sources premières : le texte des lois et 
règlements^ les documents et les discussions parlementaires. 

Les travaux des spécialistes étrangers nous ont aussi rendu 
de grands services, surtout pour l'étude des principes géné- 
raux du droit budgétaire et de la législation comparée. 

Nous citerons en particulier les ouvrages de Stourm ^, 
Boucard et Jèze ^, von Heckel '^, etc. Les ouvrages et les 

* De Brouckère et Tielemans, Répertoire de V administration et du 
droit administratif de la Belgique (inachevé), 8 volumes, 1834-1856 
(A.-Hosp.). V^s Budget, Comptabilité de TÉtat, Comptable, Cour des 
comptes. 

* J. Defooz, professeur à l'Université de Liège, Droit administratif 
belgey t. II. Tournai, Casterman, 1861, in-8o de 767 pages. 

5 Pandectes belges, V" Budget, Comptabilité, Cour des comptes. 

* Giron, Dictionnaire de droit administratif et de droit public, 3 vol. 
Bruxelles, Bruylant, 1895 et 1896. 

s Stourm, Cours de finances. Le budget, 4fi édition. Paris, Guillau- 
min, 1900. 

» Boucard et Jèze, Éléments de la science des finances et de la 
législation financière française, 2® édition, 2 volumes. Paris, Giard et 
Brière, 1902. 

7 D' Max von Heckel, Das Budget. (Collection K. Frankenstein, Hand- 
UND Lehrbuch der Staatswissenschaften.) Leipzig, Hirschfeld, 1898. 



(6) 

documents consultés sont d'ailleurs indiqués en note, chaque 
fois que nous y avons eu recours. 

C'est dans ces conditions que nous avons l'honneur 
de soumettre au jugement de l'Académie cette modeste 
étude. 

Nous avons mis tous nos soins à l'orienter, à travers 
les complications du sujet et le dédale des documents offi- 
ciels, vers un exposé clair, concis et complet du système 
belge en matière de budget de l'Élat. 



ÉTUDE SUR LE SYSTÈME BELGE 

EN MATIÈRE DE 

BUDGET DE L'ÉTAT 

EXPOSÉ HISTORIQUE ET CRITIQUE 



Introduction historique 



CHAPITRE PREMIER 
Le Budget à la fin de TaDcien régime. 

L'administration financière des Pays-Bas autrichiens ne 
comporte, pas plus que celle des autres États de Tépoque, une 
organisation budgétaire développée, basée sur la collaboration 
constante et continue à tous ses degrés du gouvernement et des 
représentants de la nation. 

Une telle conception, en opposition manifeste avec les prin- 
cipes de la monarchie absolue, ne devait se réaliser que plus 
tard, dans le cadre des institutions libérales des états constitu- 
tionnels et des gouvernements parlementaires. 

Cependant, chacune des dix provinces belgiques avait sa 
constitution particulière et sa représentation nationale propre, 
et les États provinciaux c( traitaient isolément avec le souverain 



(8) 

chaque fois que celui-ci avait besoin de ressources puisées dans 
la bourse des sujets ^ ». 

Ce droit de consentir aux subsides leur appartenait de très 
ancienne date, et ils l'exerçaient effectivement. Ils possédaient 
donc le droit de voter l'impôt, droit primordial et essentiel, 
d'où l'on a déduit dans la suite tout le système budgétaire 
moderne. 

Hais, pour le reste, l'administration financière était tout 
entière aux mains du souverain, qui en avait la direction 
suprême et l'exerçait sans contrôle sérieux. 

Les nombreux auteurs qui ont décrit nos anciennes consti- 
tutions nationales ont insisté longuement sur cette prérogative 
du vote du subside, peu commune à cette époque et que des 
luttes énergiques et tenaces contre le pouvoir central avaient 
seules réussi à conquérir et à maintenir. 

Il nous suflSra donc ici de rappeler brièvement les principes 
constitutionnels du vote des subsides. Nous examinerons 
ensuite les organes principaux de l'administration financière 
centrale et les quelques règles que l'on peut démêler dans les 
tableaux et les aperçus qui tiennent lieu de budgets et de 
comptes. ^ 

§ 1. — Le vote des subsides 2. 

Les finances de l'État ou du Souverain s'alimentaient à 
quatre sources principales de revenus publics : les aides et 

* PouLLET, Les Constitutions nationales belges de Vancien régime à 
V époque de IHnvasion française de i794. (Mém. cour, de l'Acad., in-S®, 
t. XXVI, p. 9.) 

* A consulter notamment : 

Poullet, loc. cit,, pp. 421 et suiv., et les sources qui y sont citées 
(de Neny, Wynants, etc.). 

Ch. Stedr, Précis historique de l* administration générale des Pays-Bas 
autrichiens sous le règne de Vimpératrice Marie-Thérèse. (Mém. cour, de 
L'ACAD., 1827, m-¥, t. VI, pp. 8-19.) 

Ch. Faider, Exposé des finances belgiques en 1780 et i78i, diaprés les 



(9) 

subsides, le domaine, les droits d'entrée et de sortie, les par- 
ties casuelles ^. 

Sous ce terme générique de parties casuelles, on rangeait des 
droits de nature et d'origine les plus diverses, et notamment le 
médianat, les engagères (ïoflices, l'affermage des postes, le pro- 
duit des terres franches, celui des loteries, etc. « On y compte 
tout d'abord, dit M. Bigwood, de véritables impôts, tels que le 
médianat, la dîme royale sur les magistrats, les droits d'expé- 
dition et d'exploits des conseils et tribunaux, le droit de sceau 
et de timbre. On y trouve ensuite des revenus dont le carac- 
tère est plutôt domanial : ventes d'objets appartenant à l'État, 
produit des postes, du monnayage, confiscations, amendes, 
consignations surannées, intérêts et remboursements des 
capitaux actifs et particulièrement des actions que le prince 
possédait de la Compagnie d'assurances d'Anvers, les clôtures 
actives des divers comptes, produit de la collation de certains 
emplois, diverses reconnaissances d'octrois ^. » 



documents authentiques des Archives du royaume, (Revue belge, Liège, 
1835, t. II, pp. 97 -H2 et 158-170.) 

L. Van de Walle, Des aides et subsides en Belgique, (Messager des 
SCIENCES HiSTOii. Gand, 1845, pp. 57-79 ) 

ACH. Gallet-Miry, Les États de Flandre sous les périodes espagnole et 
autrichienne, Gand, Vuylsteke, 1892. (Extrait du Messager des sciences 
HiSTOR., années 1890-1891-1892, pp. 69 et suiv.) 

G. Bigwood, Les impôts généraux dans les Pays-Bas autrichiens. 
Étude historique de législation financière. Librairie française interna- 
tionale, 1900. 

Abbé Joseph Laenen, Le ministère de Botta-Adorno dans les Pays-Bas 
autrichiens pendant Le règne de Marie -Thérèse (1749-i7ô3). Anvers, 
Librairie néerlandaise, 1901. — Cliap. IV : Botta et les finances publiques. 

* A côté de ces revenus ou fonds ordinaires, il y avait des fonds 
extraordinaires, tels que : les dons gratuits ou subsides extraordinaires, 
les emprunts, les aliénations domaniales, la vente des biens jésuitiques, 
ordonnée après la suppression de TOrdre des Jésuites par Clément XIV 
en 1773, par décret du 19 mars 1777. 

* Bigwood, toc. cit., pp. 4-5. 



( 10) 

La détermination du tarif de ces droits et la jouissance de 
leur produit appartenait exclusivement au souverain, sans 
aucune intervention des États. Il en était de même pour 
les droits de douane, dont tout le produit, depuis qu'on ne 
payait plus la dette de la Barrière, était à la libre disposition 
du souverain ^. 

Cependant, en ce qui concerne ces derniers, « on avait com- 
pris à la fin de l'ancien régime ce qu'il y avait de grave à laisser 
au pouvoir discrétionnaire du souverain le règlement si déli- 
cat des rapports de commerce internationaux ». De là, la stipu- 
lation de l'article 5, paragraphe 8 du traité de La Haye : « Que 
S. M. se propose d'entendre aussi les États sur les changements 
essentiels qui pourraient être faits aux tarifs des douanes » 
— stipulation qui ne rendait pas aux États le vote libre de 
l'impôt douanier, mais qui, du moins, leur permettait de faire 
entendre la voix des intérêts du pays 2. 

Les produits principaux du domaine provenaient des objets 
suivants : forêts, terres, prairies, étangs, maisons, moulins, 
dîmes, terrages, péages, barrières, fiefs, droits de congé, cens, 
arrentemens, revenus en grains et en vins du Luxembourg, 
revenus en plomb et calamine, droits de chasse, de pêche et 
autres très compliqués, droits féodaux de mainmorte ou meil- 
leur calel et corvées, amendes, confiscations, épaves, etc. 3. 

Très considérables au moyen âge et très largement suffisants 
à assurer la marche de tous les services publics dépendant du 
comte ou du duc, les revenus du domaine avaient successive- 
ment baissé, par suite surtout d'une mauvaise administration 
et de gaspillages, tandis que les besoins publics avaient grandi *. 
Les forêts, notamment, qui formaient la principale source 
du revenu foncier, étaient dans un état déplorable à la fin 
de l'ancien régime. En 1780, le produit brut des domaines 

* Cf. PoDLLET, loc, cit., p. 433. 
« Ibid, 

3 Ch. Faider, loc, cit., p. 109. 

* PouLLET, loc, cit., p. 419. — Cf. aussi Laenen, op. cit., pp. 449-155. 



(11 ) 

s'élevait à 2,000,000 de florins et le produit net à 1,600,000 
florins ^. 

Le Conseil des finances avait, sous l'inspection du gouver- 
neur général, la régie et l'administration du domaine 2. Hais 
le souverain n'avait pas le droit d'aliéner le domaine sans le 
consentement des États provinciaux; il n'en avait la*supréme 
administration, avec la faculté d'en percevoir les revenus, que 
dans l'intérêt du pays et à la charge de faire rendre bonne et 
loyale justice à ses sujets 3. 

Le droit pour les États de consentir à l'aliénation du 
domaine était, d'après M. Poullet, un principe constitutionnel 
incontestable dans les Pays-Bas catholiques, et il appuie cette 
affirmation sur l'autorité de Wynants, qui s'exprime à cet égard 
comme il suit : « Les domaines sont inaliénables sans le con- 
» sentement formel des États de la province où ils sont situés; 
» el quoique une grande partie en soit aliénée, vendue, enga- 
» gée, cela .s'est toujours fait par semblable consentement. » 
(Manuscrit n« 12294, chap. IX *.) 

Les Etats de Brabant avaient vu consacrer leurs privilèges, 
dans l'espèce, par l'article 5 de la Joyeuse-Entrée. Ils interve- 
naient même seuls à l'aliénation des domaines du Limbourg 
et du pays d'Outre-Meuse, sans que les corps représentatifs de 
ces pays fussent consultés, et ils restèrent en possession de leur 

* Ch. Fau)ER, loc. cit., pp. 409-HO. 

5 Constitution du 19 septembre 1725, article 19. Placards de Flandre^ 
t. IV, fo 243. Cité par Steur, loc. cit., p. 9. 

3 Loi du 27 juin 1736. Placards de Flandre, t. IV, fo 2033. Cité par 
Steur, Ihid, — M. Steur ajoute : « Le souverain pouvait néanmoins les 
donner en gage pour sûreté des emprunts qu*il avait faits et, à cette fin, 
concéder les revenus en nature, pourvu cependant que cette concession 
n'aggravât point la condition de ses sujets, soit en augmentant la quotité 
des impôts, soit en rendant leur perception plus onéreuse. » (Loc. cit., 
p. 10.) 

* Poullet, loc. cit., p. 419. D'après cette citation de Wynants, le 
souverain n'aurait pu même engager le domaine sans le consentement 
des États. Ce qui contredit l'opinion de Steur que nous venons de 
signaler (note 3). 



(12) 

prérogative jusqu'à la fin de l'ancien régime. « Il semble, au 
contraire, que les États des autres provinces l'avaient perdue, 
défait, peut-être par leur négligence, et (|ue le Souverain, dans 
leur ressort, disposait parfois de ses domaines, sans leur 
aveu 1. » 

L'inaliénabilité du domaine sans le consentement des États 
était comme un corollaire du droit que possédaient ces 
mêmes États de consentir aux aides et subsides. Ceux-ci for- 
maient une source subsidiaire de revenus publics, à laquelle 
on ne pouvait puiser, en principe, qu'en cas d'insuffisance des 
revenus du domaine. 

Les États avaient donc un intérêt capital à surveiller la 
gestion de ce dernier. 

Ceci nous amène à parler des aides et subsides, dont nous 
avons à nous occuper principalement. 

Dans le principe, les aides et subsides {beden en subsidiën) 
n'étaient que des secours temporaires et extraordinaires accor- 
dés au prince par ses sujets, en vue, notamment, des frais de 
la guerre ou d'un besoin pressant. Ces impositions « servaient 
subsidiairement et in subsidium'^ y>. a Mais le retour de ces 
besoins, réels ou fictifs, étant devenu très fréquent, et l'État de 
plus en plus sujet à des dépenses extraordinaires, ces secours 
ont fini par former un état permanent de contributions 3. » 

Source extraordinaire et temporaire de revenus publics, 
l'impôt en est devenu une source ordinaire et permanente : 
c'est là, en deux mots, son évolution historique en tous pays. 

Tel était déjà le caractère des aides et subsides dans nos 
provinces à partir du XIV« siècle -*. Cependant, on distinguait 
encore au XVIII® siècle le subside ordinaire et le subside extra- 
ordinaire : ce dernier portait aussi le nom de don gratuit. 



* PouLLET, loc. Cit., pp. 449420. 

* Selon Texpression de Wynants, citée par Bigwood, loc. cit., p. 8. 
5 Steur, op. ctf., p. 11. 

* Cf. BiGWOOD, loc. cit., p. 6. 



(13 ) 

Les termes de aides et de subsides ont été pris dans des 
acceptions différentes selon les époques et les provinces*. 
Mais, au XVIII* siècle, on pouvait dire que « les noms d'aides 
et subsides s'emploient depuis un certain temps d'une manière 
indifférente et étaient devenus synonymes 2 ». 

Les Pays-Bas n'étaient donc pas un pays d'impôt, mais de 
subside : een land van bede, c< Aucun impôt ordinaire ou 
extraordinaire ne pouvait y être établi directement par le 
prince sur les personnes ou sur les biens, sans le consente- 
ment exprès des États des provinces respectives. Ce principe 
avait été reconnu en faveur de toutes les provinces par l'arti- 
cle 20 du traité d'Arras de 1579 3. » 

Wynants disait : ce Le plus grand droit, qui est véritablement 
une loi fondamentale du pays, est que le souverain ne peut 
faire aucune imposition ni charger ses sujets sans consente- 
ment des États; ce point borne indubitablement l'autorité du 
prince, mais, ce nonobstant, on ne saurait ni le renverser ni 
le détruire sans faire une injustice manifeste et sans contre- 
venir au serment solennel que le souverain fait à son inaugu- 
ration *. » 

Seule, la West-Flandre faisait exception à la règle. Le pays 
rétrocédé par la France aux Pays-Bas, à la suite des traités 
d'Utrecht, de Rastadt et de Bade, dont elle faisait partie, avait 
perdu sa représentation nationale collective et régulière; il 
était pays d'impôt et non de subside. « On levait, d'autorité 
souveraine, sur son territoire les subsides ordinaires sans 
s'embarrasser du soin de demander le consentement de per- 
sonne. On avait même annexé au domaine du prince des 
impôts dont le produit appartenait jadis au corps des sujets, et 



* Cl. à ce sujet : Bigwood, loc. cit., pp. 5-8 et Laenen, op. cit.^ 
pp. Iâ3 et suiv. 

2 Bigwood, loc. cit., p. 8. 

3 PouLLET, loc. cit.j p. 421. 

* Manuscrit no 12294, chap. VIII, cité par Pqullet, ioc. cit., p. 421. 



( 14 ) 

dont la levée dépendait originairement du vote de leurs repré- 
sentants ^. » 

Dans les principautés de Liège et de Stavelot-Malmedy, les 
principes constitutionnels en matière du vote des impôts 
étaient les mêmes que dans les Pays-Bas autrichiens 2. 

Il est vrai qu'à diverses reprises, ces principes constitution- 
nels avaient été méconnus ou niés dans les Pays-Bas autri- 
chiens par le pouvoir centrai, qui supportait mal cette dépen- 
dance des États provinciaux. Sous Kœnigsegg, en 1716, sous 
Prié, un peu plus tard, puis sous Marie-Thérèse et Joseph II, 
diverses tentatives furent faites dans le but d'énerver les. 
antiques privilèges 3 . Mais, à la fin du XVIII^ siècle, le vieux 
droit national fut reconnu formellement et sans restriction 
aucune par la déclaration léopoldine insérée dans le § 5 de 
l'article 3 du traité de La Haye et, en 1795, dans une lettre à 
l'Empereur, Trautmansdorff lui-même se bornait à dire, sans 
ambages : « Us ont le droit de voter les subsides ordinaires et 
extraordinaires * ». 

Le consentement aux aides et subsides était donc un droit 
incontesté des États provinciaux à la fin de l'ancien régime. 
Comment l'exerçaient-ils? Quelle était la procédure régulière- 
ment suivie dans l'espèce? 

Le subside ordinaire, au XVIÏI® siècle, était généralement 



* PouLLET, loc. cit., p. 8. « Les pays rétrocédés, qui comprenaient les 
villes de Tournai, Ypres, Furnes, Warneton, Poperinghe, Wervick, 
avaient perdu le droit de consentir aux aides et subsides. Aussi dans les 
états des revenus du domaine fournis par la Chambre des comptes au 
gouvernement, le 14 juin 1749, range-t-on les subsides et les moyens 
courants de ces pays parmi les revenus du domaine.» Cf. Laenen, op, cit,, 
p. 130, note 1 ; cf. aussi Bigwood, loc. cit., pp. 19-20. 

2 Cf. POULLET, pp. 434-441. 

3 Cf. sur ce point Poullet, op. cit., chap. XIII, § 5; Bigwood, loc. cit.^ 
p. 10; Laenen, loc. cit., pp. 131-132. 

* Poullet, loc, cit., p. 425. 



( 15 ) 

accordé pour un an^. Le gouvernemeDt faisait aux États la 
c( proposition » ou « demande de subside » par Tintermédiaire 
d'un commissaire délégué spécialement à cet effet. La nomi- 
nation du commissaire était notifiée par le gouvernement à la 
députation des ecclésiastiques (députation permanente) et 
membres, qui étaient avertis ainsi de la proposition qui allait 
être faite aux États 2. « Ce commissaire était toujours un haut 
personnage, grand d'Espagne, membre de la Toison d'gr et de 
nationalité flamande; il arriva même que le gouverneur général 
vint en personne aux États de Flandre, il était toujours accom- 
pagné du président du Conseil de Flandre... Le commissaire 
recevait. des instructions écrites, parfois très longues, très 
détaillées, très minutieuses même sur la manière dont il devait 
accomplir sa mission ; les arguments qu'il devait faire valoir en 
laveur de la demande du gouvernement y étaient longuement 
exposés. £n somme, fenvoi d'un commissaire de haut rang 
était surtout une marque de lact et de courtoisie du gouverne- 
ment envers les États, car la mission de ce personnage se 
bornait à paraître à l'assemblée, ayant à sa gauche le président 
du Conseil provincial, chacun dans un fauteuil. Le président 
lisait la harangue au nom du roi et faisait la demande d'un 
subside ordinaire ou extraordinaire. Après quoi, tous deux se 
retiraient î^. » 

^ £n Flandre orientale, depuis 1754, il y avait un accord fixe. Le 
produit était de l,64'i,500 florins, qui se payait par mois à partir du 
1«' novembre de chaque année. Cf. Faider, loc. ciL, p. 102. — Sur la 
réforme de 1754 en Flandre, cf. Gallet-Miry, loc. cit. y pp. 115-130, et 
BiGwooD, loc. cit.j p. 13. 

* Nous exposons ici la procédure suivie devant les États de Flandre, 
d'après A. Gallet-Miry, op. cit., pp. 69 et suiv. Elle était analogue pour 
les autres États. 

' A. Gallet-Miry, loc. cit., pp. 71-72. Le gouvernement faisait 
d'ailleurs tous ses efforts pour se concilier les bonnes grâces des États. 
« Chaque fois qu'il demandait un subside, le gouvernement avait Thabi- 
tude d'accorder une faveur. . . On influençait aussi individuellement les 
membres. . . Quelquefois le ministre s'appuie sur l'un des membres pour 



( 16) 

La députation prenait ensuite l'avis des villes subalternes, 
pays, châtellenies et districts, qui devaient répondre dans la 
quinzaine, (lopies authentiques de ces avis étaient adressées aux 
chefs-villes et au clergé, et les décisions de ces chefs-collèges 
étant parvenues à la députation, celle-ci procédait à la forma- 
tion du résultat. 

c( La formation du résultat consistait à prendre une moyenne 
exitre les diverses résolutions prises. Il fallait tenir compte de 
quatre, même de cinq décisions, — les deux clergés, celui de 
Gand et celui de Bruges, n'étant pas toujours d'accord, — les- 
quelles décisions étaient généralement toutes cinq différentes. 
Ensuite, chaque chef-collège mettait certaines conditions à son 
consentement. Le résultat étant formé, on le transmettait avec 
la copie des résolutions des corps principaux à chaque chef- 
collège, afin qu'il pût vérifier l'exactitude du résultat^. » 

Nouvelle délibération de chacun des chefs-collèges, puis 
rédaction par la députation d'un acte de présentation ou 
d'accord, envoyé encore une fois à l'examen des chefs-collèges, 
(c Ces derniers prenaient encore une résolution, dans laquelle 
ils présentaient, le cas échéant, leurs observations au sujet de 
la teneur de l'acte de présentation 2. » 

Nouveau projet rédigé par la députation, en tenant compte 
des observations présentées par les « principaux ». Nouvelle 
discussion de ceux-ci, qui prenaient une dernière résolution 
pour déclarer si, oui ou non, ils avaient leurs apaisements. 

Lorsque, ensuite de cette procédure longue et compliquée, 
l'acte de présentation avait finalement été élaboré, on le portait 
h Bruxelles, pour le présenter au gouverneur général. « Le 
subside était accepté à Bruxelles par le gouverneur général, 
au nom de Sa Majesté et « par advis des Conseils d'Estat et des 
finances... ». Le gouvernement inscrivait cette acceptation en 

faire échec aux autres. . . Aussi était-ce annuellement une affaire grosse 
de soucis pour le premier ministre, que le vote du subside. » Cf. Lâenen, 
loc, cit., pp. 133-133. 

* A. Gallet-Miry, loc. cit., p. 73. 

« IHd., p. 74. 



( 17 ) 

marge de l'acte d'accord et appointait également les demandes 
et réclamations contenues dans l'acte; celui-ci était ensuite 
renvoyé à la députation, qui le transmettait aux « corps prin- 
cipaux », et l'on formait alors ce qu'on appelait « le résultat 
d'apaisement ». 

« II n'était d'ailleurs pas rare que la formation de ce résultat 
d'apaisement ne subît quelque retard, parce que les ce princi- 
paux » avaient encore des remontrances à opposer aux objec- 
tions que le gouvernement présentait parfois pour ne pas con- 
sentir à toutes les demandes contenues dans l'acte d'accord. 
Enfin, on n'oubliait pas complètement les « subalternes ». Ils 
recevaient, en même temps, communication et du résultat et 
de l'acceptation. La même information était adressée aux com- 
mis des impositions » ^. 

Les conditions auxquelles les chefs-collèges subordon- 
naient l'accord du subside étaient l'expression de vœux rela- 
tifs aux objets et aux intérêts les plus divers. Dans certains 
actes d'accord, il y a parfois plus de trente conditions de toute 
nature. Les États, par ce moyen, tendent à s'immiscer dans la 
direction des affaires : l'administration de la justice, la poli- 
tique générale, la politique commerciale, etc. 2. 

Les Ëtats ayant accordé le subside et fixé sa quotité ^ et les 
moyens destinés à y satisfaire, Tacte d'acceptation émanant du 
gouverneur général et inscrit, comme nous l'avons dit, en 
marge de l'acte d'accord, leur tenait lieu d'octroi pour répar- 
tir et pour faire lever les impôts sur les contribuables. Car, 
d'après la remarque de Poullet, « s'il était de principe consti- 
tutionnel que les charges publiques dussent être consenties 
par les corps représentatifs des sujets, il était également de 

* Ibid.. pp. 74-76. 

* Cf. les exemples rassemblés par A. Gallet-Miry, loc, cit., pp. 76-83. 
3 A la différence des Étals des autres provinces qui votaient, à titre de 

subside, une somme fixe, ceux de Brabant déterminaient certaines 
impositions dont le produit entier, quel qu'il fût, était versé dans les 
caisses du souverain. Cf. Faider, loc. cit,, p. 99; Bigwood, loc. cit. y 
pp. 27-28. 

Tome LXVI. 2 



(18) 

principe qu'elles ne pouvaient éire imposées sinon de l'auto- 
rité du souverain » ^. 

La répartition du subside voté se faisait par les soins des 
États « quand les impôts à y pouvoir-étaient frappés directe- 
ment sur les personnes et sur les biens » 2. Elle était réalisée 
par l'acte de transport de la province, d'après des bases inva- 
riables 3. Aussi « dès le moment que la quotité générale des 
aides et subsides accordés était connue, il n'y avait pas d'en- 
droit qui ne sût pour quelle somme il devait y contribuer, 
tout ce qui restait à faire aux magistrats était de répartir cette 
somme entre les différents contribuables et d'assigner la part 
de chacun 4 ». 

De même que la répartition, la perception des sommes 
réparties était aussi du ressort des États, ce Les agents finan- 
ciers du souverain n'étaient plus nulle part, dans les derniers 
temps de l'ancien régime, en contact avec les contribuables. 
Ils recevaient les sommes perçues, au profit du prince, soit 
des mains des receveurs établis par les États, soit, mais rare- 
ment, des communautés elles-mêmes s. » 

Les sommes perçues étaient centralisées, en définitive, dans 
les caisses de la recette générale, mais, avant d'y parvenir, elles 
subissaient, en cours de route, d'assez notables diminutions, 
qui réduisaient dans une proportion variable, selon les pro- 
vinces, les subsides votés par les différents États. Ces diminu- 

* PouLLET, op. cit., p. 427. 

2 Ibid., p. 428. — «Le subside voté, les États en faisaient la répartition 
sur les quartiers et châtellenies qui composaient la province ; ensuite, 
chaque part était de nouveau subdivisée sur les communautés, villes ou 
villages du quartier ou de la châtellenie ; enfin, la communauté nommait 
des taxateurs chargés de distribuer les sommes demandées sur les 
personnes et les biens imposables. » Lâënen, loc. dt,, pp. d38d39. 

5 Cf. Steur, loc. cit., pp. 41-12. 

* Itnd., p. 43. 

5 PouLLET, loc. cit., pp. 430-431. Cependant, dans le Luxembourg, il y 
avait un receveur général qui levait directement, au nom de l'empereur, 
l'impôt consenti. Cf. Faider, loc. cit., p. 100. « Les abus dans la 
perception étaient nombreux. » Cf. Laenen, loc. cit., p. 140. 



(19) 

tions provenaient principalement soit a des remises faites par 
les États et par le prince à des communautés hors d'état de 
contribuer pour leur part dans les charges publiques )>, soit 
des réductions consenties à une province ou à Tun de ses 
ordres, soit encore des frais de perception défalqués du mon- 
tant brut des sommes perçues, soit de la perte sur le change 
et les frais de transport d'argent monnayé, etc. ^. 

Le receveur général avait à se plaindre aussi de la lenteur 
de la rentrée des impôts qui alimentaient le subside. « En 
prévision de cette circonstance, les actes d'accord détermi- 
naient généralement l'époque des paiements. Ce fut souvent 
une faveur que le prince demandait dans les moments de 
crise, que d'avancer l'échéance d'un paiement; celui-ci se fai- 
sait tous les trois ou quatre mois. Les subsides de Tournai- 
Tournaisis ne devaient être acquittés qu'à la fin de l'année sui- 
vant celle pour laquelle ils étaient accordés... Les versements 
entre les mains du receveur général devaient souvent s'impu- 
ter sur les subsides de deux ou trois ans : c'était une source 
d'erreur et de complication dans la comptabilité 2. » 

La procédure que nous venons de retracer était applicable 
au subside extraordinaire, comme au subside ordinaire. Mais, 
tandis que ce dernier était demandé annuellement à toutes les 
provinces, il arrivait que le gouvernement n'adressait sa péti- 
tion de subside extraordinaire qu'à certaines provinces, à 
l'exclusion des autres ou même seulement à l'un des membres 
des États — le clergé généralement — sans Tintervention des 
autres 3. « Toutes les provinces, en effet, ne se montraient pas 
également disposées à accorder ces dons qui grevaient consi- 
dérablement leur budget. Le gouvernement avait vite remar- 
qué celles qui y consentaient le plus volontiers. Il prit 
l'habitude de s'adresser à elles en premier lieu et de ne faire la 
pétition aux autres qu'après avoir obtenu le consentement des 

4 Cf. BiGwooD, loc. cit.j pp. 30-40; cf. Laenen, loc, ciL, pp. 135-136. 
' BiGWOOD, loc. cit., pp. 4142. 

5 Cf. Laenen, loc. cit., p. 136. 



( 20) 

premières; celles-là ne voulant pas paraître moins dévouées à 
leur prince que celles-ci, n'osaient plus refuser. On débutait 
généralement par le comté de Flandre et le Tournaisis, et on 
finissait par le Brabant et le Hainaut ^. » 

La destination du don gratuit ou subside extraordinaire était 
indiquée chaque fois dans la pétition adressée aux États. On 
l'employait généralement à couvrir les dépenses occasion- 
nées par des guerres. Pendant longtemps, les États fournis- 
saient un subside extraordinaire, qui était en réalité devenu 
ordinaire, pour « être employé aux assistences de l'Empire 
contre les invasions des ennemis Turcqs de la chrétienté 2 >>. 
Depuis 1725, une liste civile de 560,000 florins à répartir entre 
les provinces, destinée à l'entretien delà cour, fut régulière- 
ment accordée pendant tout le temps où un prince de sang 
royal résidait en Belgique 3. 

Quant au subside ordinaire, « en droit constitutionnel 
strict, le produit des aides et des subsides devait servir à payer 
les charges communes de S. M. et du pays... Dans la pratique 
des choses, une partie du produit des impôts votés par les 
Etats passait dans la caisse de guerre ou servait aux besoins 
généraux de la monarchie autrichienne^* ». « En général, dit 
Laenen, l'impôt royal restait affecté à un double but : l'entre- 
tien de l'armée et des places fortes, le payement des fonction- 
naires ^. » 

<c Les aides et subsides, il est vrai, n'étaient accordés par les 
États qu'à la condition parfois exprimée, toujours tacitement 
comprise, d'être employés à l'usage pour lequel on les avait 
demandés. C'était même le dispositif de l'article 18 de la Capi- 
tulation de Mons de 1710. Malheureusement, aucun corps 
représentatif n'était à même, dans l'ancien régime, de veiller à 
l'application de cette règle tutélaire. La publicité des budgets 

* BiGwooD, loc. cit,, p. 43. 

2 A. Gallet-Miry, loc, dt,, pp. 85-86. 
.3 BiGwooD, Loc. cit„ p. 44, 

* PouLLET, loc. cit.^ p. 431. 
5 Loc, cit,, p. 132. 



( 21 ) 

était inconnue. Nul n'avait le droit légal de scruter les arcanes 
des finances du prince ^. » 

11 résulte des citations que nous venons de faire, qu'une fois 
le subside voté et les impôts qui l'alimentaient perçus et ver- 
sés à la caisse^du souverain, leur emploi échappait complète- 
ment au contrôle des États. Le souverain en disposait à son 
gré, il en était le maître. L'administration financière dépen- 
dait de lui, exclusivement, sans possibilité d'un contrôle réel 
et effectif. 

Le droit des États se bornait donc à l'accord du subside, à 
sa répartition et à sa perception. Ils étaient théoriquement 
libres de consentir le subside ou de le refuser. En fait, cepen- 
dant, il leur eût été impossible de ne pas y consentir 2. Tout 
leur pouvoir réel consistait à réduire la quotité demandée par 
le souverain. 

 cela se limitait leur part d'intervention dans les finances 
du prince, 

§ 2. — Le Conseil des finances et la Chambre 
DES comptes. 

L'administration des finances du prince était centralisée 
dans le Conseil des finances et dans la Chambre des 
comptes 3. 

* POULLET, loc, cit.., p. 431. 

* Cf. Laenen, loc, cit., p. 132. — « S*il était de règle que le consentement 
des Ëtats portât toujours sur une somme inférieure à la demande du 
prince, il était au contraire rare que celui-ci rencontrât un refus absolu, 
du moins pour ce qui concerne les subsides ordinaires. » Bigwood, 
loc, ct^, p. 25. 

3 Nous ne ferons que mentionner la Jointe des administrations et des 
affaires des subsides, institution qui n'a pas de rapport direct avec les 
finances du prince, mais dont les archives constituent une source 
précieuse pour l'étude des finances provinciales et communales au 
XVnie siècle. Les États, villes et communautés avaient la libre gestion et 
administration de leurs finances particulières. Mais leur comptabilité 
était des plus embrouillée et leur gestion donnait lieu à de sérieux abus. 



( 22 ) 

Au Conseil apparlenait la gestion des affaires financières, 
sous la haute direction du gouverneur général. « C'était lui 
qui décidait, sauf approbation du souverain, de tout ce qui 
était relatif aux recettes et aux dépenses générales ; c'est lui qui 
posait en cette matière les principes directeurs, qui examinait 
et tranchait toutes les difficultés, qui avait, enfin, la haute direc- 
tion de tout le personnel ^ . » Sa compétence se limitait cepen- 
dant aux questions purement financières. Car « lorsqu'au sujet 
de ces matières, il se présentait des questions d'administration 
générale, de police ou d*ordre public, le Conseil était tenu de 
renvoyer l'affaire à la délibération du Conseil privé, et de ne 
s'occuper de la question purement financière que lorsqu'elle 
était entièrement dégagée de toute contestation civile. Cest par 
ce motif que les réclamations des contribuables ne pouvaient 
être adressées qu'au Conseil privé 2 ». 

Le Conseil des finances ne paraît pas avoir suivi une poli- 
tique bien nette dans la gestion des affaires. Les règles qu'il 
appliquait manquaient de suite et de précision, ce Successive- 
ment, les principaux revenus avaient été donnés en admo- 
diation et remis en régie. C'est ainsi que, pour ne toucher que 
deux exemples, les domaines de Flandre avaient été donnés 
en admodiation, en 1726, à Walckiers et Nicole, et rendus à 
l'administration quatre ans après. Les droits d'entrée et de 
sortie, la principale source de revenus, furent admodiés par 

La Jointe fut créée par décret de Cobenzl du 13 octobre 1764 afin 
de recueillir des renseignements précis sur la situation des finances 
provinciales et communales et d*y remédier. Elle était composée du 
trésorier général, d*un conseiller privé, de deux conseillers des finances 
et d'un membre de la Chambre des comptes. Supprimée par décret du 
27 mars 1787, rétablie par Tempereur Léopold II le 7 juillet 1791, elle 
tint sa dernière séance le 17 juin 1794. (Cf. Gaillard, Introduction à 
l'inventaire sommaire des archives delà Jointe. . .) 

* BiGWOOD, loc. cit., Introduction, p. iv. —«Il intervenait dans la nomi- 
nation des officiers de finance et quelquefois même se les arrogeait 
exclusivement, malgré le décret de Charles de Lorraine de février 17S0. » 
Laenen, loc. cit,, p. 112. 

' Ch. Steur, loc. cit., p. 3. 



( 23 ) 

le baron de Sottelet, de 1719 à 1732 ; le même baron de Sotte- 
let fut nommé directeur général de ces droits trois années plus 
tard ^ ». 

Le Conseil des finances se composait d'un président et d'un 
certain nombre de conseillers. Il comprenait, en outre, deux 
greffiers, un garde des chartes, des commis ou officiaux et des 
huissiers 2. 

Deux de ses membres remplissaient spécialement les fonc- 
tions de trésorier général et de receveur général 3. 

Pour l'expédition des affaires, le Conseil était divisé en 
quatre départements: celui des aides et subsides, celui des 
domaines, celui des droits d'entrée et de sortie et celui du 
revenu casuel. 

Chacun des conseillers avait son département propre. Rigou- 
reusement, ces conseillers n'auraient dû avoir que le référât 
sur les affaires de leur département. Mais ce ils s'en adjugeaient 
la connaissance exclusive, agissant en vrais despotes, sans 
consulter leurs collègues ^ ». 

La Chambre des comptes était hiérarchiquement soumise au 
Conseil des Bnances. Elle siégeait à Bruxelles. Avant 1733, il 



* Laenen, loc, ciL, p. 113. 

- En 1780, le nombre des membres du Conseil était de dix, y compris 
les employés. Il coûtait 68,145 florins. Cf. Faider, loc. cit,, p. 166. 

3 BiGWOOD, loc. cit., Introduction, p. iv. — En 1780, c'était le président 
du Conseil, le baron de Caziers, qui était en même temps trésorier 
général. (Faider, loc, cit., p. 166.) — Il y avait, en réalité, deux receveurs 
généraux, mais non simultaixémént. « Ils exerçaient alternativement 
leurs fonctions pendant un an. A Texpiration de chaque terme, le 
receveur en activité vidait sa caisse dans celle de Taulre et rendait ses 
comptes. On avait cru ce mode de recette propre à prévenir des malver- 
sations. Le cautionnement des receveurs généraux était de 300,000 florins 
et leurs émoluments de 5,786, outre 2,000 pour frais de bureau. » 
(Faider, loc. cit., p. 167.)— Par décrets des 13 juillet et 2 septembre 1784, 
Joseph II avait établi des caisses provinciales en Flandre, Uainaut, 
Namur, Luxembourg et Limbourg, destinées à centraliser les revenus de 
chacune de ces provinces. (Bigwood, loc. cit., p. 3.) 

* Laenen, loc. cit., p. 113. 



(24) 

existait deux Chambres des comptes : l'une, la Chambre des 
comptes de Flandre, instituée à Lille en 1386, par Philippe le 
Hardi; l'autre, la Chambre des comptes de Brabant, créée 
en 1404 par Antoine de Bourgogne. Ces deux Chambres avaient 
été réunies une première fois par Charles le Téméraire, puis 
séparées et réunies à diverses reprises dans la suite jusqu'à leur 
fusion définitive par un décret de Charles VI, du 16 octo- 
bre 1735 4. 

A la mort de Marie-Thérèse, en 1780, la Chambre se com- 
posait du président, de huit conseillers- maîtres ordinaires, 
deux surnuméraires, six auditeurs ordinaires, six surnumé- 
raires. Elle comprenait encore deux greffiers et des commis et 
employés subalternes 2. 

c( Les membres de la Chambre étaient nommés par la Cour 
de Vienne. Cependant, depuis 1753, le président recevait seul 
des lettres-patentes sous le grand sceau et signées par le sou- 
verain. Les conseiller-maîtres, les auditeurs et les greffiers 
avaient de simples commissions, sous la signature du gouver- 
neur général. Celui-ci nommait aussi lesofficiaux ou employés 
subalternes, sur la présentation de la Chambre ^. » 

Tandis que le Conseil des finances « s'occupait de trouver 
les fonds nécessaires et les employait d'après les ordonnances 
du souverain, la Chambre contrôlait la gestion des officiers 
qui maniaient les deniers du prince * ». 

* A consulter sur Thistoire des anciennes Chambres des comptes, la 
Notice historique de M. Gachard, qui précède son Inventaire des archives 
des Chambres des comptes. Bruxelles, Hayez, 1837, t. L 

2 Cf. Gachard, toc, cit., p. 64; Laenen, lac, cit., p. 114. Le traitement 
des^ conseillers et auditeurs surnuméraires était le même que celui des 
ordinaires. Le président touchait 7,000 florins; les conseillers, 3,000; 
les auditeurs, 2,600; les greffiers, 2,000. Les émoluments, composés 
des taxes et droits de dépêches perçus par la Chambre, augmentaient les 
traitements de 2,000 florins environ pour les greffiers, de 500 florins 
pour les autres membres. Ils jouissaient de plus de l'exemption et 
franchise des impôts. (Gachard, loccit,, pp. 64, 68, 69.) 

5 Gachard, p. 64. 

* Laenen, op. cii., p. 114; Steur, lac. cit., p. 26. 



( 25 ) 

Le contrôle de la comptabilité était sa fonction capitale Elle 
vérifiait et contrôlait le produit ainsi que l'emploi des revenus 
du souverain. Elle s'acquittait de cette fonction au moyen de 
l'audition des comptes de tous les officiers royaux de recette 
et de dépense. Lorsque ces officiers négligeaient de présenter 
leurs comptes à l'époque voulue, la Chambre les faisait com- 
paraître, leur assignait un nouveau terme, comminait des 
amendes contre les officiers en défaut et pouvait enfin en 
arriver à la suspension du comptable réfractaire ^. • 

M. Steur délimite en ces termes l'étendue du contrôle exercé 
par la Chambre 2 : « Les actes des fonctionnaires comptables 
n'étaient soumis à ses investigations que par suite du renvoi 
ordonné par le gouvernement. Tous les receveurs ou comp- 
tables publics ne devaient reconnaître d'autre autorité que 
leurs supérieurs immédiats. C'est ainsi que les receveurs des 
communes, pour satisfaire à leurs obligations, n'étaient tenus 
annuellement de rendre leurs comptes qu'au magistrat muni- 
cipal, en présence d'un commissaire envoyé par le collège du 
chef-lieu; que les receveurs des chefs-lieux n'avaient d'autres 
devoirs à remplir, qpe de rendre les leurs, aux mêmes époques, 
à un membre du Conseil des finances, et que le receveur 
général ne rendait le sien, en présence d'un contrôleur, qu'aux 
conseillers députés par le Conseil des finances. Les comptes 
de ces divers fonctionnaires étant ainsi rendus, mis en écrit et 
soutenus des pièces à l'appui, étaient envoyés aux membres de 
la Chambre des comptes, qui, après vérification de tous ces 
documents, en constataient l'exactitude ou les erreurs. » 

Dans un mémoire adressé à la reine 3, on lit encore : « La 
principale besogne de la Chambre des comptes est d'ouïr et de 

* Sur les attributions de la Chambre des comptes, cf. Gachard, loc. cit,, 
pp. 66-68. Elles étaient encore, dans les derniers temps, conformes aux 
instructions données par Charles-Quint en 1541. 

2 Loc. cit., pp. 25-26. 

5 Bruxelles. Secrétairerie, liasse 51 : « Idée en raccourci de Tétat actuel 
du ministère aux Pays-Bas. » Sans date (1735?). Cité par Laenen, loc. dt., 
p. 114. 



( 26 ) 

clore tous les comptes des officiers comptables du chef de 
leurs emplois dans les revenus de V. M., de même que des 
officiers de police et de justice, qui doivent rendre compte des 
amendes ^. Indépendamment de ces comptes coulés qui y sont 
gardés avec les acquits y servant, la Chambre des comptes est 
encore le dépôt des comptes des États, des villes, châtellenies, 
pour la clôture desquels on envoie des commissaires du gou- 
vernement dans les résidences de ces administrations ». 

En plus .de cette attribution fondamentale, la Chambre sur- 
veillait aussi Tadministration des domaines, sous la direction 
supérieure du Conseil des finances. « Elle donnait son avis sur 
les arrentements de la direction des eaux et forêts, sur les 
octrois pour des concessions de moulins, et elle assistait au 
besoin par commissaires à la ferme des droits de pâturage dans 
les forêts domaniales. La Chambre des comptes n'avait, en 
tout cas, qu'un pouvoir de contrôle consistant à redresser les 
erreurs et à constater les infidélités 2. » 

Elle veillait encore au maintien des droits et hauteurs du 
prince, en ce qui concernait les domaines; elle recevait les 
serments et les cautions des receveurs des domaines'3, conférait 
les emplois domaniaux subalternes et procédait à la nomina- 
tion de certains échevins. 

La Chambre possédait juridiction sur les hôtels et les offi- 
ciers de monnaies. L'entérinement des octrois accordés aux 
provinces, aux châtellenies, aux villes, aux communes, aux 

* « La Chambre régularisait la note des frais de justice à charge de 
Sa Majesté et en particulier de ceux faits pour la détention des coupables. 
Elle avait, dans cette occasion, h s'assurer si la détention des prévenus 
ou des condamnés n'avait pas été prolongée au delà du terme fixé par la 
loi; elle faisait, en cas d'affirmative, retomber ces frais sur ceux qui 
étaient convaincus d'être les auteurs de ces détentions illégales. » 
(Ch. Steur, loc, ciL, pp. 24-25.) 

« Steur, loc, cit., p. 25. 

^ a Les receveurs des subsides royaux établis dans les provinces, de 
même que les receveurs des droits d'entrée et de sortie étaient tenus 
également de prêter serment entre ses mains et de lui donner une 
caution dont elle se contentât. » (Gachard, loc. cit.) 



(27 ) 

églises, aux maisons religieuses pour perception d'impôts, 
construction de canaux et de chaussées, levée de deniers, créa- 
tion de rentes, etc., était du ressort de la Chambre, de même 
que Tentérinement des privilèges, patentes de noblesse, octrois 
d'amortissement, etc. 

Enfin, la Chambre était chargée de la garde des conventions, 
concordats, traités de paix et autres actes relatifs aux posses- 
sions et aux droits utiles du souverain. 

• Chaque jour ouvrable, les membres de la Chambre 
devaient être rendus à leur poste à 8 ^/g heures, ils entendaient 
la messe ^ que célébrait un chapelain spécialement établi à cet 
effet; ensuite ils commençaient leurs travaux qui se prolon- 
geaient jusqu'à 1 heure. Ils avaient été dispensés, en 1753, de 
fréquenter les après-midi 2. » 

La Chambre était divisée en deux départements : celui de 
Flandre et celui de Brabant. Car, malgré la réunion de 1735, 
chaque département avait conservé son ressort, son greffier, 
son sceau spécial et ses archives distinctes. Les affaires étaient 
distribuées à l'un ou l'autre de ces départements, selon le 
domicile des personnes ou la situation des lieux qu'elles 
concernaient 3. 

ce A l'égard des affaires génél*ales, le président chargeait de les 
traiter tel membre de la Chambre qu'il jugeait à propos. Les 
rapports sur les objets qui exigeaient une décision étaient faits 
soit au bureau de l'un ou de l'autre département, soit aux 
deux burepux réunis, selon la nature ou l'importance de la 
chose. 

ce Lés conseillers-maîtres seuls siégeaient au bureau; les 
auditeurs, alors même qu'ils y rapportaient, n'avaient voix 
délibérative que dans le cas qu'ils eussent été appelés à sup- 
pléer un conseiller-maître absent ; jusqu'en 1740, les conseillers- 

* Usage aboli par Joseph II en 1787. 
2 Gachard, loc. cit. y p. 65. 

5 Ibid. 



(28) 

maîtres avaient même prétendu obliger les auditeurs à rester 
debout pendant la lecture des rapports ^. » 

La Chambre des comptes était subordonnée au Conseil des 
finances, qui détenait en définitive la haute administration 
financière sous la direction du gouverneur général. Elle rece- 
vait les ordres de ce dernier par l'intermédiaire du Conseil et 
en référait au Conseil dans les affaires qui dépassaient sa 
compétence 2. 

§ 3. — Les états et aperçus des recettes et dépenses. 

II n'existait pas, sous l'ancien régime, des budgets et des 
comptes, au sens précis que nous donnons à ces mots dans nos 
états modernes. 

« Le budget, tel que le définit la science financière, dit 
excellemment iM. Besson 3, ne s'analyse pas seulement en un 
état de prévisions; c'est un acte de la puissance publique, 

* Gachard, p. 65. 

* Cf. Gachard, p. 68. — Le décret de Joseph II du 4 juillet 1787 réorga- 
nisa la Chambre des comptes. Elle fut placée sous la double dépendance 
du gouvernement des Pays-Bas et de la Chambre aulique des comptes à 
Vienne. Ses membres étaient nommés par Tempereur. Ses attributions 
comprenaient le contrôle de la comptabilité des receveurs royaux, des 
receveurs des administrations provinciales et communales, des fonda- 
tions et établissements religieux, mais elle n'administrait plus les 
domaines ni aucune autre branche du revenu pubhc. Elle reçut aussi, 
dans une certaine mesure, le contrôle préalable des finances. Le 11 juil- 
let 1791, la Chambre fut rétablie « sur le pied où elle existait en 1786 »; 
elle reprit ses anciens usages, droits et prérogatives. Elle se composa 
dès lors d'un président, de huit conseillers-maîtres, douze auditeurs 
ordinaires, quatorze auditeurs surnuméraires et deux greffiers. 
(Cf. V. Marge, Étude sur la Cour des comptes et la œmptabilité publique 
en Belgique. Paris, Guillaumin, 1892, pp. 13-14.) 

3 Emmanuel Besson, Le contrôle des budgets en France et à l'étranger. 
Étude historique et critique sur le contrôle financier des principaux États , 
depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours. Paris, Chevalier-Maresq, 
1899, p. 197. 



(29) 

auquel s'attache invinciblement une idée de coercition et de 
sanction. Les fixations contenues dans cet acte obligent le 
gouvernement, elles lui tracent une ligne de conduite inflexible, 
dont il ne lui est permis de s'écarter sous aucun prétexte. » 

Et de même, le « compte » n'est pas un simple état des 
dépenses et recettes réalisées au cours d'un exercice passé, 
mais il implique aussi un acte de la puissance publique et 
l'intervention d'une loi qui donne décharge au gouvernement 
de sa gestion financière. * 

Rien de semblable, sous l'ancien régime, où l'administration 
financière dépendait exclusivement du gouvernement, nous le 
répétons, sans intervention ou contrôle possible de la part des 
États. 

On rencontre cependant, sous le nom de : états géfiéraux 
des recettes et dépenses, aperçus, rapports, tableaux, des docu- 
ments décrivant la situation financière, et destinés unique- 
ment à éclairer l'administration. Ils étaient purement faculta- 
tifs et leur rédaction dépendait essentiellement, de la bonne 
volonté du souverain et de son désir plus ou moins vif d'être 
renseigné sur l'état des finances de son pays. 

Dans les Pays-Bas autrichiens, il existe au XVIIl® siècle, 
des états généraux des receltes et dépenses effectuées pendant 
une année ou « apparentes » pour Tannée suivante, des 
bilans, des rapports, réclamés notamment par Charles Vï 
et Marie-Thérèse, qui, à partir de 1760, se fit adresser par 
le trésorier général un rapport annuel sur l'état des finances 
belgiques^. 

Sous le règne de Joseph II, de nombreuses et utiles réformes 
furent apportées en matière de comptabilité et d'administra- 
tion financière, et des états furent dressés avec précision sui- 
vant un plan méthodique, de manière à faire jaillir la lumière 
sur une situation financière jadis bien embrouillée et bien 
obscure. 

* Cf. BiGWOOD, pp. 1-3. 



(30) 

Le ministère du prince de Starhemberg aux Pays-Bas fut 
particulièrement fécond sous ce rapport. 

Un document récemment publié dans les Bulletins de la 
Commission royale d'histoire de Belgique, contient des ren- 
seignements très intéressants sur les lacunes que présentaient 
les états généraux des recettes et dépenses et sur les améliora- 
tions qu'il conviendrait d'y apporter. Il s'agit des remarques 
adressées par le ministre plénipotentiaire, prince de Starhem- 
berg, au [chancelier Prince de Kaunitz, le 10 février 1781, sur 
le rapport général des fmancesdes Pays-Bas pour Tannée 1778, 
et développement du nouveau plan de comptabilité qui résulte 
de ces remarques^. 

Ce nouveau plan de comptabilité, dont le prince de Star- 
hemberg développait les principes, fut réalisé dans la suite 
sous son impulsion et notamment par le décret des gouver- 
neurs Albert et Marie- Christine du 31 octobre 1782. 

Nous nous proposons d'examiner rapidement les parties 

* Cf. Eugène Hubert, Les finances des Pays-Bas à Vavènement de 
Joseph II (4780-4784). (Comptes uendus des séances de la Commission 
ROYALE d'histoire OU RECUEIL DE SES BULLETINS, Bruxelles, 1899, 
t. LXVIII, 5® sér., t. IX, pp. 429 et suiv.) Nous citons d'après l'extrait ou 
tiré à part : Bruxelles, Hayez, 1899, pp. 1-169. Outre le texte de ce 
document (pp. 28 et suiv.), on trouvera dans l'étude de M. Hubert l'expli- 
cation des circonstances qui ont provoqué ce rapport de Starhemberg. Ces 
circonstances les voici : Joseph II, avant d'entreprendre son voyage aux 
Pays-Bas en 1781, veut se renseigner exactement sur la situation finan- 
cière de ces provinces. (Lettre au prince de Kaunitz, le 44 janvier 4781 . 
Cf. Hubert, pp. 10-11.) En conséquence, le chancelier prescrit au 
ministre plénipotentiaire des Pays-Bas de produire un tableau des 
revenus royaux de 1757-1780. Le 20 janvier, le prince de Starhemberg 
répond qu'il sera satisfait aux ordres de l'empereur dans le plus bref 
délai possible. (Cf. Hubert, pp. 12-14.) En attendant l'achèvement de ce 
travail considérable, il communique, le 27 janvier, au prince de Kaunitz, 
le Tableau des dettes actuelles du gouvernement des Pays-Bas (cf. Hubert, 
pp. 14r20) et, le 10 février, un Rapport détaillé sur un nouveau plan de 
budget (cf. Hubeut, pp. 20 et suiv.). Ces diverses pièces sont conservées 
aux Archives de la chancellerie des Pays-Bas à Vienne (portefeuille CCLX), 
d'où M. Hubert les a extraites. 



(31 ) 

essentielles de ce document et les réformes injportantes qu'il 
a provoquées. 

Le prince débute par des observations générales sur le 
rapport général des finances des Pays-Bas pour 1778, puis il 
fait porter ses observations sur chacune des deux parties de ce 
rapport : c'est-à-dire le tableau de la recette et dépense opérées 
à la recette générale pour 4778, ce que nous appellerions 
aujourd'hui : le compte de 1778 et Vaperçu de la recette et de 
la dépense apparentes de la recette générale des finances de l'impé- 
ratrice et reine apostolique aux Pays-Bas pour tannée 1779, ce 
qui correspond au budget de 1779. 

Laissant de côté le détail de l'argumentation, nous nous 
bornerons à signaler les idées maîtresses qui dominent le 
nouveau plan de comptabilité. 

1. Un rapport général des finances, pour être vraiment 
utile et remplir son but, doit satisfaire aux conditions sui- 
vantes : 

ce a) Faire connaître la consistance de tous les revenus 
quelconques du souverain, c'est-à-dire leur produit brut ou 
total, avec des notions succinctes sur les objets d'où chaque 
revenu procède et sur sa manutention ; 

b) Faire connaître avec la même précision le montant des 
frais de perception ou d'exploitation; 

c) Faire connaître de même les charges que supportent 
partie de ces revenus, avant qu'ils soient versés dans le trésor 
royal, telles qu'engagères, copropriétés ou aliénations par- 
tiaires, etc., ainsi que les non-valeurs soit fortuites ou per- 
manentes; 

d) Donner, ensuite de cela, la désignation exacte de ce qui 
en doit entrer dans le trésor royal ; 

^ Expliquer exactement ce qui est entré dans la recelte 
générale pendant le cours d'une année, du produit net de 
chaque espèce de revenus, tant de la même année que de 
l'année précédente. D'autant plus, qu'on remarque que le pro- 
duit net des diverses branches, telles que le subside, le 



(32 ) 

domaine et les douanes, ne rentre pas aux mêmes époques et 
par conséquent les deniers entrés dans la recette générale 
pendant l'année 1778 ne représentent point le produit courant 
des différentes branches de revenus pendant la même année, 
mais qu'il est composé en grande partie des revenus courants 
de l'année précédente, pendant qu'une partie des revenus 
courants de 1778 ne sera entrée dans la recette générale qu'en 
1779 ^» 

Or, ces diverses conditions ne sont remplies que très impar- 
faitement jusqu'ici par les rapports généraux. Et notamment, 
on constate un manque de concordance entre les comptes des 
différentes recettes particulières et ceux de la recette générale, 
lequel nuit beaucoup à la clarté de Texposé général de la 
situation. 

Ce défaut de clarté tient surtout à la confusion que l'on fait 
entre le revenu (ïune année et la recette d'une année. 

On entend par revenu d'une année « la reproduction du fond 
de chaque branche des finances, du chef de cette année-là, et, 
le plus souvent, ce revenu n'entre en caisse que dans Tannée 
suivante ». 

On entend par recette d'une année « la rentrée des deniers 
dans les mains des receveurs. Cette recette est presque tou- 
jours composée d'une partie du revenu résultant de l'année 
précédente, et d'une partie seulement du revenu de l'année 
courante dont le reste ne rentrera en deniers comptants que 
l'année prochaine 2 ». 

Pour remédier à la confusion qui se produit entre « ces 
deux mouvements dans les finances », il conviendrait que 
« tous les receveurs particuliers des domaines, des subsides, etc., 
fussent obligés à envoyer des bilans mensuels rédigés avec des 
précautions qui en assurent l'exactitude, lesquels bilans con- 
tiendraient ce qu'ils ont reçu et payé pendant le mois, en y 
distinguant avec précision ce qui, dans les deniers reçus et 

* Cf. Hubert, hoc. cit., p. 32. 
«76irf., p. 35. 



(33) 

dans les paiements faits, appartient au revenu de Vannée préeé^ 
dente, et ce qui résulte du revenu de Vannée courante. 

« Au moyen de celte méthode, on peut connaître chaque 
année, et même mois par mois, la recette et la dépense effec- 
tives. 

» On ne fera en cela que suivre l'ordre naturel des choses, 
et les deux mouvemens de la finance, qui sont le revenu ou 
produit d'une année, et la recette en deniers comptants, seront 
également constatés, le premier par les comptes du revenu de 
chaque année, rendus à la Chambre des comptes, et le second 
par les bilans mensuels des caisses. 

» Ces deux résultats devront se trouver dans les rapports 
généraux ^. » 

Ces bilans mensuels sont déjà dressés par les receveurs des 
douanes. 11 suffira d'étendre cette méthode à tous les autres 
receveurs particuliers, et il y aura lieu de procéder aussi à 
certaines modifications dans les procédés de comptabilité de la 
recette générale '2. 

« En matière de routine, conclut judicieusement le prince, 
le moment d'un changement, même léger, présente presque 
toujours quelques difficultés; mais la nouvelle routine, une 
fois établie, devient bientôt familière, surtout lorsqu'elle n'a 
pour objet que de mettre plus de clarté dans la manutention. 
Il n'y aurait plus alors dans les rapports généraux des finances 
cette complication de calculs qui résulte de la différence des 
époques entre la recette générale et les recettes particulières; 
èl les bilans mensuels, qui seraient la base des résultats des 
receveurs particuliers, deviendraient également la base des 
résultats de la recelte générale 3. » 

2. Abordant un autre ordre de considérations, à propos de 
Taperçu des recettes et dépenses apparentes de 1779, le rapport 

* IHd., p. 38. 

2 Cf. iMd., pp. 39-44. 

3 Ibid.^ p. 44. Sur celte question des bilans imnsueiSy cf. aussi : ibid.^ 
pp. 61 et suiv. 

Tome LXVi. 3 



(34) 

signale l'intérêt pour une administration prudente de prévoir 
d'avance les ressources de Tannée suivante. Elle doit donc 
dresser son budget des recettes et des dépenses, et il importe à 
cet effet que les évaluations qu'elle en fait soient aussi exactes 
que possible. 

On prendra pour base Texpéricnce de l'année écoulée, et si 
les circonstances font prévoir des modilications, il faudra les 
signaler et en tenir compte. 

Nos administrations modernes ne procèdent pus autrement. 
Voici en quels termes le rapport énonce ce principe très sage : 

ce Un pareil tableau ne peut, ù la vérité, jamais être 
formé qu'en donnant quelque chose au hasard, mais sa base 
doit être l'expérience de ce qui a été reçu et dépensé l'année 
précédente, dès qu'il n'y a pas de changement prévu dans les 
circonstances, et dès lors que, dans l'aperçu pour l'année sui- 
vante, on augmente ou l'on diminue sensiblement quelque 
article de recette ou de dépense, il écherroit d'énoncer le 
changement des circonstances qui donnent lieu à cette pré- 
somption ^. » 

Mais cette règle n'a guère été observée jusqu'à présent. Le 
prince critique à ce point de vue l'aperçu de 1779 et montre 
comment on aurait dû l'établir. 

Ainsi, on suppose que, du chef des aides et subsides, la 
recette générale encaissera pour 1779, 3,000,000 de florins, 
indépendamment des revenus du pays rétrocédé. Or, en 1778, 
elle n'a touché que 2,892,000 florins, il y a donc une différence 
en plus de 108,000 florins. « il aurait été à propos d'expliquer 
sur quoi l'on fondoit l'espoir de ces 108,000 florins dans le 
subside ordinaire, et de quelles provinces on espérait le 
tirer 2. » 

Le produit des recettes domaniales est porté seulement à 
800.000 florins pour 1779fEn 1778, il était de 1,026,000 florins. 
« On n'explique pas ce qui pourrait faire appréhender une 

- . * Hubert, loc, cit., pp. 53-54. 
« Ibid., p. 54. 



( 33 ) 

diminution de 236,000 florins sur un revenu d'une nature 
aussi fixe que le domaine ^. » 

Pour les parties casuelles, l'estimation de leur recette pour 
1779 n'est portée qu'à 30,000 florins, tandis qu'en 1778, on 
avait touché de ce chef 103,000 florins. « Il auroit été à propos 
de citer quelles parties extraordinaires il peut y avoir eu 
en 1778, qui ne seraient pas de nature à se reproduire, et qui 
feroient présumer une aussi grande diminution en 1779 2. » 

De même, pour les droits d'entrée, de sortie et autres, on 
suppose que la recette générale en retirera, en 17*79, 
2,200,000 florins. Elle avait touché cependant, en 1778, 
2.238,000 florins. Pourquoi cette diminution? 

A propos de cette source particulière de revenus, le prince 
donne le conseil suivant : « Il paraît, dit-il, que si le rapport 
se faisait au commencement de l'année, le meilleur parti sur 
une branche de revenu dont la variation ne peut guère être 
prévue serait de supposer l'année suivante d'un produit égal 
à la précédente; mais comme lorsqu'on fait ce rapport on est 
déjà avancé de quelques mois dans l'année suivante, et qu'on 
à chaque mois les états des produits des douanes, on pourrait 
marquer dans le rapport qu'il y a déjà une augmentation de 
tant^ et tabler à tout hasard là-dessus, pour le reste de l'année, 
à moins que quelque circonstance particulière ne donnât lieu 
à calculer différemment pour les moissuivans 3. » 

Ceux qui de nos jours ont la charge de préparer les budgets 
et qui connaissent par expérience les difficultés de faire des 
évaluations sérieuses, ne pourraient, nous semble-t-il, que 
souscrire à d'aussi sages conseils. 

Enfin, pour terminer les critiques de la partie de l'aperçu 
de 1779 qui concerne les revenus, le rapport insiste sur la 
nécessité de distinguer nettement la recette ordinaire et la 
recette extraordinaire. « il conviendrait que cet aperçu fût 
formé dans Tordre qu'on a indiqué sur le tableau de la recette 



* Ibid. 

« Ibid., p. S6. 

^ Ibid., p. 55. 



( 36 ) 

générale de 1778, c'est-à-dire en distinguant les revenus ordi- 
naires belgiques, sans y comprendre le don gratuit et les ventes 
des biens jésuitiques, ni les remises de Vienne, puisque c'est 
principalement sur les revenus courants et ordinaires que 
doivent porter les comparaisons de produit d'une année à 
Fautre. 
Dans l'aperçu, les revenus ordinaires font . fl. 7,004,000 
Le doit gratuit (4 mill.) et les ventes de biens 
jésuitiques (1 mill.), faisant de fonds extraordi- 
naires belgiques 5,000,000 

Les remises de Vienne 1,961,000* 

n. 13,965,000 



Il faut adresser des critiques analogues à Vapperçu des 
dépenses. Ici aussi, il conviendrait de motiver les évaluations 
plus ou moins fortes que l'on fait des dépenses pour 1779. 
Pour les fortifications, par exemple, qui sont portées à 
80,000 florins dans l'aperçu, tandis qu'en 1778 la recette 
générale n'a dépensé pour cet objet que 40,357 fl. 6 s. 8 d. 
a On croit se rappeler que dans les années précédentes c'était 
à peu près la même chose, et que cela provient de ce que quel- 
ques administrations municipales contribuent directement à 
cette dotation; mais, dans ce cas, pourquoi porter les 
80,000 florins en entier dans l'apperçuZ ^ » 

3. L'article dépenses jésuitiques fournit au prince de Star- 
hemberg l'occasion de rappeler une règle que l'on peut consi- 
dérer comme le principe fondamental de la comptabilité des 
finances publiques sous l'ancien régime et dont l'examen doit 
retenir quelque peu notre attention. 

Le prince observe que les dépenses jésuitiques 3 sont portées 

* Hubert, loc, cit., p. 56. 

2 md'. p. 57. 

3 Ainsi que nous le rappelions ))lus haut (p. 9, note 4), la vente des 
biens de la Compagnie de Jésus, supprimée par Clément XIV en 1773, avait 
été ordonnée par un décret du 49 mars 4777. Au 4e»' août 4780, le produit 



( 37) 

dans l'aperçu pour 1779 à 100,000 florins, et il ajoute : « Cet 
article auroit eu spécialement besoin d'explication. 11 avait été 
établi pour maxime que tous les fonds jésuitiques seroient 
censés unis au domaine, et même les intérêts des capitaux 
placés, provenant des veiltes faites; mais qu'en revanche toutes 
les dépenses en résultante sans exception seroient censées 
charges inhérentes au domaine. Ces dépenses jésuitiques, 
savoir la dotation des nouvelles études, les pensions des indi- 
vidus de la Société éteinte, la dotation des Acta Sanctorum et 
autres objets assignés sur les biens jésuitiques, sembloicnt 
devoir être toutes assignées sur les recettes domaniales. 

» Quelle est la raison pour laquelle, en effet, les receveurs 
du domaine payent la majeure partie de ces objets, et pour 
laquelle en même temps on en auroit laissé une partie affectée 
sur la recette générale. Il est à craindre que ce ne soit l'eff^et de 
quelque méprise dans Tapplicalion du principe prescrit : car 
supposé même qu'il y eût des payemens qui ne pussent être 
convenablement effectués par les receltes particulières du 
domaine, ce qui se conçoit difficilement, il conviendroit tou- 
jours d'arranger les choses de façon que la totalité des 
dépenses jésuitiques fût acquittée par l'administration du 
domaine, et comprise dans les comptes de cette branche de 
revenu. 

» Cest un grand principe en matière de finances, lorsqu'on veut 
y établir l'ordre et la clarté, que chaque branche de revenu doit 
supporter ses charges, et que ces charges ne doivent jamais être 
assignées sur une autre branche ou sur une autre caisse. Si l'on 
n'établit pas rigoureusement ce principe, on ne pourra jamais 
trouver le montant des dépenses inhérentes à chaque branche de 
revenu, et son revenu net effectif^. » 

de la vente des meubles et immeubles s'élevait à 5,791,083 fl. 16 s. 16 d., 
mais si ce produit entrait comme revenu extraordinaire dans les caisses 
du trésor, le gouvernement avait, en revanche, à supporter certaines 
charges appelées dépenses jésuitiques et dont le détail est donné dans 
le texte. 
* Cf. Hubert, loc. cit., pp. 57-58. 



( 38 ) 

Dans la suite, parmi les diverses réformes qu'il introduisil 
dans la comptabilité, le prince de Starhemberg prit des 
mesures destinées à assurer l'observation rigoureuse de ce 
principe. 

Un décret de Leurs Altesses Royales (Albert et Marie-Chris- 
tine) du 18 janvier 1782 ^ contient notamment la disposition 
suivante : 

« Nous informons le Conseil que, conformément aux prin- 
cipes prescrits par S. M. et qui ont été consignés dans un décret 
du prince de Starhemberg du l®*" mars 1781, nous avons 
résolu que tous les articles de dépenses suivans, qui, jusqu'au 
l®*" janvier 1782, avaient été assignés sur la recette générale des 
finances soient désormais, à commencer du 1®"^ janvier de la 
présente année, transportés comme s'ensuit, savoir... » 

Suit une longue énumération de dépenses qui seront assi- 
gnées à l'avenir sur les recettes des domaines^ sur les recettes 
des subsides, sur les recettes des douanes, par exemple, sur ces 
dernières : a tous les paiements qui se faisaient jusqu'ici par 
la recette générale des finances, pour imprimés d'acquits, 
registres, inspections, frais de commissions, fournitures, telles 
qû'étuves, fers, pinces, etc.. ». 

Le môme principe est encore énergiquement proclamé dans 
un décret ultérieur du 31 octobre 1782 2 : a Nous recomman- 
dons spécialement au Conseil et à la Chambre des comptes, 
dans tous les cas qui les concernent respectivement, de faire 
observer exactement les principes et directions déjà consi- 
gnées dans les décrets du 1*"^ mars 1781 et du 18 janvier 1782, 
par rapport à la maxime générale que chaque caisse et chaque 
branche de revenu doit supporter ses charges et les dépenses qui 
y sont inhérentes, et qu'on ne doit assigner sur aucune caisse ou 
branche de revenu, sous quelque prétexte ou pour quelque cause 
que ce soit, des charges ou dépenses qui incombent à une autre 

* Arciiives générales du royaume. Conseil des finances, registre 63, 
fol. 24. 
2 /^irf., fol, 30 et 31. 



(39 ) 

branche de revenu, de manière que pour chaque revenu, on en 
connaisse exactement le produit net, et que chaque dépense se 
trouve en entier dans un seul et même endroit, tant des tableaux 
généraux ou particuliers à chaque branche de revenu, que dans 
la mention qui en sera faite dans les rapports de Vannée. » 

Celte mélhode de comptabilité, qui consiste à assigner sur 
chaque branche de revenu les charges et les dépenses qui y 
sont inhérentes, « de manière que pour chaque revenu, on en 
connaisse exactement le produit net », porte en science finan- 
cière le nom de système de la spécialisation. Elle était pratiquée 
Irèi^ généralement sous Tancien régime. On la retrouve notam- 
ment en France, en Prusse, en Autriche ^. 

Ce système de la spécialisation s'oppose à celui de l'univer- 
salité, que les budgets modernes ont adopté dans une mesure 
plus ou moins large 2. 

La spécialisation, sous l'ancien régime, était, d'après 

* En France, « cette règle de la spécialisation des revenus à Tacquit 
de dépenses délerminées était traditionnelle. Dès le XIV* siècle, on voit 
une ordonnance du 15 avril 1360 affecter les subsides et aides aux 
dépenses de guerre. Tous nos anciens auteurs proclament la nécessité 
de cette mesure de précaution. L'auteur anonyme du Traité des finances 
de France, qui était contemporain de Henri lll, déclare très énergique- 
ment que, pour assurer les finances, il faut « que chascune sorte d*impo- 
» sition soit destinée pour quelque chose ». (Besson, op. cit., p. 200, 
note 1.). 

En Prusse, dès le milieu du XVII« siècle, on trouve déjà des états 
budgétaires. Le premier budget général méthodiquement établi date du 
règne de Frédéric-Guillaume I®*', en 1688. Le principe de la spécialisation 
y était appliqué aussi. « Aus dem Etat geht hervor, dass das Princip der 
» Specialisirung der Fonds in Anwendung stand, indem bei den Ausga- 
» ben in aller Uegel zugleich die besondere Einkommensquelle ange- 
r> geben ist, aus v^elcher die Ausgabe ihre Deckung zu fmden habe. » 

(Cf. D' G. Seidleu, Budget und Budgetrecht im Staatshaushalte der 
constitutionellen Monarchie. VVien, Alfred Hôlder, 1885, pp. 60-6i.) 

Pour TAutriche (cf. ibid., p. 62). 

* Sur les mérites respectifs des deux systèmes : cf. Stourm, Le Budget, 
4« édition. Paris, Guillaumin, 1900, chap. YI, pp. 142-167. Nous aurons 
Foecasion d'y revenir au cours de ce travail. 



(40) 

H. Besson, une mesure de précaution destinée à contre- 
balancer Tabôence de contrôle, qui, sous les monarchies 
absolues, existait en matière d'administration financière. 

(c La spécialisation, dit-il, telle que l'entendaient les finan- 
ciers d'autrefois, avait certes le grave inconvénient de morce- 
ler le budget général en autant de budgets particuliers qu'il 
existait de catégories de revenus ; mais elle ne procédait pas 
tant d'une conception erronée que du désir de protéger les 
deniers publics contre les prodigalités du roi et de son entou- 
rage. On savait que les fonds de l'impôt, une fois entrés au 
trésor central, étaient à la merci du souverain, libre de dépen- 
ser sans mesure et sans contrôle. Il n'y avait qu'un moyen de 
soustraire à cette éventualité la dotation des services publics, 
c'était de considérer la dépense de ces services comme une 
charge inhérente au recouvrement des revenus, grevant le pro- 
duit de l'impôt à la manière de frais de gestion, et, dès lors, 
devant être acquittée, par voie de retenue sur la recette brute, 
dans les divers bureaux de la ferme, de la régie et de la recette 
générale des finances. Par l'effet de cette combinaison, une 
notable partie des dépenses publiques échappait à la sphère 
d'action du service central du trésor, et se soldait directement 
à la caisse des receveurs locaux et régionaux des généra- 
lités ^. » 

4. Nous retournons à l'examen des observations du prince 
de Starhemberg sur le rapport général des finances de 1778, 
pour mentionner une dernière réforme qu'il recommande. 

Le prince insiste sur la nécessité de distinguer nettement les 
diverses catégories de dépenses, et notamment les dépenses 
ordinaires d'avec les dépenses extraordinaires 2. 

a Pour tâcher, dit-il, de donner une direction à suivre 
là-dessus, on a analysé la pièce intitulée : Relevé des dépenses 
appelées casuelles, sotis les rubriqttes de grosses et menues par- 

* Besson, op. cit , pp. 199-200. 

* De même qu'il avait indiqué à un autre endroit la distinction essen- 
tielle entre revenus ordinaires et extraordinaires. Cf. plus haut, p. 35. 



( 41 ) 

ties, dons et récompenses, frais de. nécessités d'offices, lo'iers de 
maisons, etc., qui est annexée au rapport général de 1778. 

» On a reconnu qu'on avait confondu en masse dans cette 
liste des dépenses de cinq catégories différentes, savoir : des 
dépenses ordinaires; des dépenses extraordinaires; des objets 
qui auraient dû naturellement être rapportés à la catégorie des 
appointemens et pensions ; d'autres qui auroient dû faire par- 
tie des payemens particuliers qui ne tiennent pas aux dépenses 
du département civil; enfin, des articles de dépense qui 
auroient dû être supportés immédiatement par les branches 
particulières de revenu auxquelles elles sont inhérentes, telles 
que les domaines et les douanes ^. » 

Suit une longue liste des dépenses qu'il faut considérer 
comme ordinaires et que l'on peut définir : « toutes les 
dépenses tenant à l'existence du gouvernement, et de nature à 
se reproduire régulièrement chaque année ». 

Au contraire : a dans les dépenses extraordinaires, résul- 
tantes du service du gouvernement, on ne devroit porter que 
celles qui sont tout à fait casuelles et imprévues, et qui ne 
sont pas les mêmes une année que l'autre ^ ». 

Le prince en donne divers exemples; il dresse ensuite le 
plan du classement méthodique des autres catégories de 
dépenses et conclut de la manière suivante : « Si les choses 
étaient exécutées selon le plan qu'on vient d'exposer, il en 
résulterait qu'après les dépenses militaires, les dépenses 
civiles se trouveraient comprises sous ces quatre caté- 
gories : 

» Appointemens et pensions; dotation du département des 
Pays-Bas à Vienne; dépenses ordinaires; dépenses extraordi- 
naires. 

» La différence entre les revenus tant ordinaires qu'extraor- 
dinaires belgiques, et le total de la dépense tant du départe- 
ment militaire que du département civil, composerait le revenu 



* Hubert, loc, cit., p. 131. 
« ID., ilrid,, p. 132. 



(42) 

Del, el remploi de œ rereno net derroit être oonstalé dans les 
colonnes saî%'antes... 

» Ensuite, après avoir additionné ensemble les col<maes des 
trois catégories générales de dépense militaire, de dépense 
dnie et d*emploi du rerenn net, la différence entre le total de 
ces trois catégories et le total des revenus belgiques démon- 
treroit ce qui seroit resté dans la caisse de la recette générale 
à la fin de l'année du produit de ces mêmes revenus. 

» Là finiroit le décompte des revenus belgiques. 

» Mais comme les remises et remboursemens par les capi- 
taux levés au compte des finances allemandes sont censés 
s'opérer par le canal de la recette générale, il y auroit après 
cela une nouvelle colonne intitulée : Rembounemeiii ei intérêts 
des capitaux levés pour le compte des finances allemandes; et ces 
deux colonnes comparées immédiatement ensemble, au lieu 
d'être confondues, comme elles Font été jusqu'à présent au 
milieu du décompte des finances belgiques, feroient voir si la 
recette générale à Bruxelles, emploiée comme agent des 
finances allemandes, auroil plus reçu que déboursé de ce chef 
ou plus déboursé que reçu. 

» Telle serait la marche du tableau de la recette géné- 
rale ^, » 

Cette discussion serrée à laquelle le prince de Starhemberg 
soumet le système de comptabilité financière des Pays-Bas 
autrichiens ne présenta pas seulement un intérêt purement 
théorique, qui explique d'ailleurs lattentiou que nous y avons 
prêté. 

Le plan nouveau qui lui servait de conclusion fut exécuté 
dans la suite par une série de décrets rendus sous le ministère 
même du prince de Starhemberg. 

Il y a lieu de citer notamment le décret du l*' mars 1781 *, 
qui résume encore une fois les principes nouveaux dont le 



* Hubert, loc. cit., pp. 138-139. 

* Archives générales du royaume. Conseil des finances, registre 63, 
fol. 1 à 20. 



( 43 ) 

prince veut assurer l'application, puis les décrets du 18 jan- 
vier 1782 et des 19 et 31 octobre 1782 i. 

Laissant de côté les prescriptions de ces décrets relatives à 
l'application rigoureuse du principe de la spécialisation dont 
nous avons parlé, nous nous bornerons à signaler quelques 
autres règles intéressantes consacrées par ces décrets. 

La comptabilité des divers objets de revenus et de dépenses 
des finances belgiques devra être terminée dorénavant au 
1«' novembre, et cela à dater du 1«' novembre 1782, époque du 
commencement de Tannée militaire 1783 2. 

Pour Tannée 1782, par mesure transitoire, la comptabilité 
comprendra seulement les dix premiers mois de Tannée. Le 
décret établit diverses prescriptions pour assurer Texécution 
de celte mesure 3. 

Le décret du 31 octobre 1782 remet au Conseil des finances 
le modèle nouveau, d'après lequel sera dressée « la comptabi- 
lité des recettes et des dépenses quelconques des finances bel- 
giques à commencer au 1«' novembre prochain pour Tannée 
militaire 17(S3 ^ ». 

Le Conseil des finances, la Chambre des comptes et tous 
autres qu'il appartiendra devront s'y conformer, jusqu'à ce 
qu'il en soit autrement disposé. 

Les comptes de chaque année devront être arrêtés avec toute 
l'accélération possible. La Chambre des comptes s'assurera, 
notamment, de l'exactitude des états mensuels que les diffé- 
rents comptables remettront en conséquence des dispositions 
actuelles. Il faut aussi que ces étals correspondent a avec autant 
d'accuratesse qu'il est possible » aux états définitifs, ce Et 
à cet effet, les comptes à rendre à la Chambre des comptes, à 
commencer de Tannée militaire 1783, devront être rédigés en 
suivant les même subdivisions de chapitres et intitulations de 

1 Ibid., fol. 21-77. 

« Décret da 19 octobre 1782, toc. cit,, fol. 27 et 28. 

* Ibidem, 

* Conseil des finances, loc, cit. y fol. 30. 



(44) 

rubriques qui sont désignées dans les directions annexées au 
présent décret. 

» On devra pareillement, à commencer à la même époque, 
avoir la plus grande attention à ce que les listes d'appointe- 
ments, états de frais, et toutes les autres opérations quel- 
conques de recette et de dépense, aussi bien à la recette géné- 
rale que dans les recettes particulières soient exactement et 
invariablement rapportées à la rubrique au titre de laquelle 
elles appartiennent selon le nouveau plan ^. » 

Ce nouveau plan est annexé au décret du 31 octobre 1782, 
dont nous venons de parler. Il est intitulé : Modèle d'après 
lequel devront être rédigés les apperçus, les étals de trimestre, et 
les états ou rapports annuels des finances belgiques 2. 

Chacun des articles de ce modèle est accompagné de direc- 
tions ou instructions auxquelles devront se conformer les fonc- 
tionnaires et employés intéressés, pour rétablissement de la 
nouvelle comptabilité. 

Le modèle se divise en deux parties : recettes et dépenses. 

Les recettes sont soigneusement distinguées en ordinaires et 
extraordinaires. Chacune des sources des revenus ordinaires : 
subside, domaines et revenus domaniaux, douanes, revenus 
particuliers et parties casuelles fait l'objet d'un tableau qui 
doit aussi exactement que possible indiquer le total du revenu 
brut, les charges, frais et dépenses afférentes à chaque branche 
et le revenu net. 

Cette première sous-division delà première partie est ter- 
minée par la récapitulation des fonds ordinaires. 

La seconde sous-division de la première partie comprend le 
tableau des fonds extraordinaires^, qui se composent du pro- 
duit : 

1*» De la vente des biens provenant de la suppression de la 
Société des jésuites et qui avaient été unis aux domaines; 



* Conseil des finances, lac. cit., fol. 30-33. 
«/M., fol. 33-77. 
5 Ibid., fol. 48. 



(45) 

i" Des ventes de terrains des fortifications et des bâtiments 
militaires provenant de la démolition des places; 

3^ Des ventes des biens et revenus de Tancien domaine. 

ce Ce qui rentrera de ces fonds extraordinaires sera porté à 
la suite des produits ordinaires, dans le sommaire de chaque 
trimestre, ainsi que dans le rapport général pour 1783. » 

Le tableau de \si dépense forme la seconde partie du modèle ^. 
Il se caractérise par une distinction très nette de la dépenae 
civile et de la dépense militaire et des dépenses ordinaires et 
extraordinaires. Les diverses dépenses sont l'objet d'une spéci- 
fication très détaillée dans chacune de ces catégories. 

C'est d'après ce modèle que furent dressés tous les états de 
comptabilité des Pays-Bas autrichiens pendant les dernières 
années de l'ancien régime. 11 témoigne d'un eff'ort sérieux de 
l'administration pour introduire la méthode, Tordre et la 
clarté dans les rapports, états et aperçus destinés à décrire la 
situation financière de nos provinces. 



CHAPITRE IL 
La domination française* 

Dans la France d'autrefois, si le droit de consentir le subside 
était théoriquement reconnu aux représentants du pays, 
ceux-ci ne possédaient pas en fait les moyens de l'exercer 
pratiquement. 

Depuis 1314, date à laquelle ils s'occupèrent pour la pre- 
mière fois de questions fiscales, sous Philippe le Bel, jusqu'en 
1G14, les États-Généraux furent convoqués très irrégulière- 
ment. On ne compte guère plus de cinq ou six assemblées, en 
moyenne, par siècle, si l'on fait abstraction des règnes excep- 
tionnels de Jean le Bon et de Charles VU 2. 

* Ibid., fol. 51-65. 

* Cf. Stourm, loc, cit., pp. 27 et 30. Nous avons puisé ces rensei- 
gnements historiques et ceux qui suivent dans le beau chapitre que 
M. Stourm a consacré à l'étude des Origines du droit budgétaire en 
France {toc. cit., chap. II, pp. 25-50), 



( ^6) 

« A partir de 1614, les États-Généraux cessent d'être convo- 
qués et jusqu'en 1789, pendant cent soixante-quinze ans, la 
Couronne gouvernera seule, établira seule les impôts, réglera 
les dépenses à son gré, sans le concours des représentants du 
pays^. ^> Cependant « l'idée que tout impôt doit être consenti 
par la nation ne cessa pas de survivre en France. Cette idée, 
proclamée en maintes circonstances solennelles, reconnue par 
la royauté elle-même, domina constamment les esprits. Bien 
qu'elle ait trouvé rarement sa réalisation, on peut dire qu'elle 
forma toujours la base latente de notre droit public 2 ». 

Aussi les cahiers de 1789 furent-ils unanimes à proclamer 
que « aucun impôt ne peut être levé sans l'autorisation de la 
nation », et le décret de l'assemblée nationale du 17 juin 1789 
apporta la consécration légale décisive à ce principe longtemps 
méconnu et qui fut reproduit et organisé dans la suite par les 
diverses constitutions françaises. 

Cependant, seul le droit de voter l'impôt se trouvait consacré 
de la sorte. Aucune Constitution, ni celle de Tan III, ni celle 
de l'an Vlil, ni la charte constitutionnelle de 1814 n'attribue 
à la représentation nationale le droit de voter l'emploi de l'im- 
pôt et de contrôler les dépenses publiques. 

Après comme avant la Révolution, le pouvoir exécutif 
restait donc maître de déterminer et d'effectuer les dépenses, 
sans l'intervention de ceux qui, par le vote de l'impôt, lui 
avaient fourni les moyens de gérer les affaires publiques '^. 

Aussi, la réunion de nos anciennes provinces belgiques à 
la France et leur transformation en départements français par 



* Stourm, loc, cit., p. 35. 

* Ibid., p. 31. 

3 « Un seul homme, en résumé, gouverne les finances du pays sans 
contrôle : telle est la situation que le Consulat va léguer à TEmpire, et 
que TEmpire ne fera qu'aggraver. » C'est la conclusion du beau livre que 
M. R. Stourm vient de publier sur les finances du Consulat, (Paris, Guil- 
laumin, 1902, p. 334.) On consultera avec intérêt, pour se rendre compte 
dans le détail de la vérité de cette affirmation, la quatrième partie de 
cet ouvrage, chapitres XXIIl-XXX. - 



( 47 ) 

les lois de la Convention des 9 et 14 vendémiaire an IV n'ap- 
portent aucun élément nouveau à nos franchises nationales. 

Nos anciens États provinciaux non seulement possédaient 
de très ancienne date le droit de voter les subsides, mais ils 
Fexerçaient effectivement et régulièrement. Ils réussirent, 
ainsi que nous l'avons rappelé, à le conserver et à le défendre 
avec succès contre tous les empiétements tentés par l'absolu- 
tisme autrichien. C'est pourquoi le décret du 17 juin 1789, qui 
représente, à bon droit, aux yeux de la nation française une 
des conquêtes les plus précieuses de la Révolution, n'avait pour 
nos provinces nouvellement annexées qu'une importance 
minime. Leur annexion à la France ne leur apportait aucune 
franchise nouvelle, et celles qu'elles auraient pu leur donner, 
comme par exemple le vote et le contrôle des dépenses, les 
constitutions françaises de l'époque révolutionnaire et impé- 
riale ne les prévoyaient pas plus que nos anciennes constitu- 
tions nationales. 

On peut donc dire que les vingt années de domination fran- 
çaise qui précédèrent la création en 1814 du royaume des 
Pays-Bas ne laissèrent aucune trace marquante dans Télabora- 
tions de nos institutions budgétaires. 



CHAPITRE m. 
L*organisation budgétaire du royaume des Pays-Bas. 

Les principes de cette organisation tigurent dans la loi fon- 
damentale du 24 avril 1815 ^, qui fut la charte constitution- 
nelle du royaume éphémère constitué par le traité de Londres 
du 20 juin 1814. 

Nous y retrouvons proclamée et consacrée l'ancienne règle 

* Principales dispositions de la loi fondamentale relatives aux finances 
et à rorganisation budgétaire : 
" Art. 61. — Le roi a la direction suprême des finances; il règle et fixe 



1 



(48) 

du vote du subside, sous une forme . plus moderne, dans 
Particle 197 : « aucune imposition ne peut être établie au pro- 
fit du trésor public qu'en vertu d'une loi ». Mais, de plus, 
l'article 121 introduit le principe nouveau de l'assentiment 
nécessaire des États-Généraux au budget des dépenses du 
royaume, qui est présenté par le roi à la seconde Chambre 
dans la session ordinaire. 



les traitements des collèges et des fonctionnaires, qui sont acquittés par 
le trésor public ; il les porte sui' le budget des dépenses de l'Ëtat. 

CHAPITRE m. — Des États-Généraux. 

Section VI : Du budget de VÈtat, 

AftT. 121. — Le budget des dépenses du royaume doit avoir l'assenti- 
ment des États-Généraux; il est présenté par le roi à la seconde Chambre 
dans la session ordinaire. 

Art. 122. — Le budget est divisé en deux parties. Cette division devra 
être faite pour l'an 1820, et plus tôt si les circonstances le permettent. 

Art. 123. — La première partie contient toutes les dépenses ordi- 
naires, fixes et constantes, qui résultent du cours habituel des choses et 
se rapportent plus particulièrement à Tétat de paix. 

« Ces dépenses étant approuvées par les États -Généraux ne sont pas 
soumises pendant les dix premières années à un consentement ultérieur 
et annuel. 

» Elles ne deviennent pendant ce période [sic) le sujet d'une nouvelle 
délibération que lorsque le roi fait connaître qu'un objet de dépenses a 
cessé ou varié. » 

Art. 124. — En arrêtant celte partie du budget, on détermine en 
même temps les moyens d'y faire face. 

Ils sont également arrêtés pour dix ans et demeurent invariables, à 
moins que le roi ne fasse connaître qu'il est nécessaire de remplacer ou 
de modifier un de ces moyens. 

Art. 125. — Un an avant l'expiration du terme pour lequel ces dépenses 
fixes sont arrêtées, le roi propose un nouveau budget pour les dix années 
qui suivent ce terme. 

Art. 126. — La seconde partie du budget contient les dépenses extra- 



(49) 

L*article 427 déclare encore que les dépenses de chaque 
déparlement d'administration générale sont l'objet 4'un chat- 
pitre séparé du budget. 11 établit ainsi la règle de la spécialité 
par chapitre, dont le corollaire est qu*aucun transfert de 
dépense ne peut avoir lieu d'un chapitre à un autre saiis le 
concours des États-Généraux. 

ordinaires, imprévues et incertaines, qui surtout en temps dé guerre 
doivent être réglées d'après les circonstances. 

Ces dépenses ainsi que les moyens de les couvrir ne sont arrêtées que 
pour un an. 

Art. 127. — Les dépenses de chaque département d'administration 
générale sont l'objet d'un chapitre séparé du budget. 

Les fonds alloués pour un département doivent être exclusivement 
employés pour des services qui lui appartiennent, de sorte qu'aucune 
somme ne peut être transférée d'un chapitre d'administration générale 
à un autre, sans le concours des États-Généraux. 

Art. 128. — Le roi fait mettre annuellement sous les yeux des États- 
Oénéraux un compte détaillé de l'emploi des deniers publics. 

CHAPITRE VIL — Des finances. 

Art. 197. — Aucune imposition ne peut être établie au profit du trésor 
public qu'en vertu d'une loi. 

Art. 198. — Il ne peut être accordé aucun privilège en matière de 
•contributions. 

Art. 199. — Tous les ans la dette publique est prise en considération 
dans l'intérêt des créanciers de l'État. 

Art. 200-201. — (Monnaies, conseillers et maîtres généraux des 
monnaies.) 

Art. 202. — Il y a pour tout le royaume une Chambre des comptes, 
chargée de l'examen et de la liquidation des comptes annuels des dépar- 
tements d'administration générale, de ceux de tous les comptables de 
l'État et autres, conformément aux instructions données par la loi. 

Les membres de la Chambre des comptes sont choisis, autant que 
possible, dans toutes les provinces. 

Le roi nomme aux places vacantes sur une liste triple que la seconde 
Chambre des États-Généraux lui présente. 

Tome LXVI. 4 



{ «0 ) 

Ces concessions faites à l'intervention du Parlement dans 
l'administration financière étaient cependant plus apparentes 
que réelles. L*esprit général de la nouvelle constitution et 
d'autres dispositions de cette loi fondamentale en diminuaient 
sensiblement la valeur et l'importance. 

On sait que le gouvernement du royaume des Pays-Bas, tel 
qu'il fut conçu par la loi de 1815, n'était qu'un simulacre de 
gouvernement parlementaire. Sa forme était celle d'une 
monarchie représentative, mais tous les pouvoirs étaient 
réellement concentrés entre les mains du roi, sans trouver de 
contrepoids dans la responsabilité ministérielle. 

C'est ainsi que l'article 61 de la loi fondamentale attribue au 
roi la direction suprême des finances. 11 règle et fixe les trai- 
tements des collèges et des fonctionnaires, qui sont acquittés 
par le trésor public; il les porte sur le budget des dépenses 
de l'État. 

Si les États- Généraux ont le droit de voter ce budget des 
dépenses, ce droit est cependant profondément énervé par la 
division de ce budget en deux parties, le budget décennal et le 
budget annal (art. 12^26), qui aboutissait en fait à soustraire 
au vote et au contrôle du Parlement, pendant dix ans, les 
trois quarts des dépenses et des revenus de l'État. 

Si le roi était tenu « de mettre annuellement sous les yeux 
des États- Généraux un compte détaillé de l'emploi des deniers 
publics » (art. 128), c'était là une simple formalité, qui ne 
trouvait pas sa sanction dans le vote de la loi des comptes par 
les États-Généraux. 

Les transferts des dépenses d'un département d'administra- 
tion générale à un autre devaient être autorisés par les États- 
Généraux (art. 127), mais la détermination des services que 
devait comprendre chaque département d'administration gêné* 
raie appartenait au roi seul et dans les limites d'un même cha- 
pitre tous les transferts pouvaient se faire librement, sans le 
concours du Parlement. 

La Chambre des comptes organisée par Tarticle 202 était un 
simple corps de fonctionjsaires nommés par le roi et dépen* 



(81 ) 

.dant de lui. La valeur du contrôle qu'elle exerçait sur les 
finances s'en trouvait dès lors fort amoindrie. 

Nous voudrions maintenant étudier avec quelques détails 
cette organisation budgétaire, dont les vices et les lacunes 
n ont pas peu contribué à la fondation du royaume de Bel- 
gique et à l'élaboration du régime budgétaire belge dont nous 
nous occuperons spécialement. 

Dans cette étude, trois points surtout retiendront notre 
attention : 

1" Le budget décennal ; 

S"" Le syndicat d'amortissement ; 

S"" La Chambre des comptes et la comptabilité publique. 

§ 1. — Le budget décennal. 

Le traité de Londres, en constituant le royaume des Pays- 
Bas, avait décidé qu'une nouvelle constitution serait établie, 
du consentement des deux pays fusionnés, sur le modèle de la 
loi fondamentale des Provinces-Unies du 23 mars 1814. 

Le roi Guillaume convoqua donc une commission mixte de 
vingt-quatre membres, composée de jurisconsultes belges et 
hollandais, à l'effet d'examiner les moyens d'adapter la l6i 
de 1814 au nouvel État et de préparer le projet qui devait 
aboutir à la loi fondamentale de 1815. 

Au point de vue budgétaire, l'article 71 de la loi de 1814 
distinguait un double budget : le budget décennal ou ordi- 
naire, le budget annal ou extraordinaire. Lorsqu'on proposa 
à la commission d'introduire purement et simplement la 
même disposition dans la Constitution du nouveau royaume, 
une discussion s'éleva entre les commissaires belges et leurs 
collègues hollandais. 

Au nom des premiers, ce Raepsaet, invoquant les vieilles tra- 
ditions brabançonnes, demanda le vote annuel du budget tout 
entier. La permanence du budget lui semblait, à bon droit, 
conduire à la négation de la liberté, à la destruction des privi- 
lèges des États-Généraux. Ëlout et Van Lyden objectèrent que 



(52 ) 

le vote annuel des subsides n'avait été jadis qu'une sauvegarde 
contre le despotisme, dont les jours étaient expirés; qu'autre- 
fois, le souverain demandait des aides pour son profit person- 
nel, tandis qu'aujourd'hui, il les réclamait pour le bien de 
rËtat. Hogendorp ajouta que le vote annuel du budget serait 
une cause de désordre et d'instabililé dans les affaires. La com- 
mission se rallia à son avis ^. » 

La loi fondamenlale de 1815 adopta donc le même régime 
budgétaire que la loi de 1814 (art. 122-126). Ce régime devait 
peser lourdement sur les destinées du nouveau royaume. 
L'hostilité que lui avaient vouée les Belges et que Raepsaet 
avait éloquemment motivée dans les réunions de la commis- 
sion, ne désarma pas. Le budget décennal constitua, on ne 
rignore pas, Tun des griefs les plus sérieux des provinces 
méridionales contre le gouvernement hollandais, et leurs 
députés ne négligèrent aucune occasion d'attaquer ce système 
budgétaire et d'en signaler les vices et les abus. 

La lutle engagée en 1828 et 1829 entre le gouvernement et 
les États-Généraux sur le vote du budget décennal pour la 
période postérieure à 1830 est particulièrement intéressante et 
instructive pour Tétude de l'organisation budgétaire du 
royaume des Pays-Bas. Ces discussions parlementaires servi- 
ront donc de base aux développements de ce chapitre ^. 



Le premier budget décennal pour la période de 1820-1830 
avait été tixé par la loi du 27 avril 1820. Il s'élevait en 

* Louis Hymans, Histoire politique et parlementaire de la Belgique de 
4814-4830, lome I : La fondation du royaume des Pays-Bas, Bruxelles, 
Office de publicité, 1869, p. 229. 

* La discussion du premier budget décennal en 1819 avait déjà donné 
lieu à de sérieuses difficultés. Le budget avait été une première fois 
rejeté par la seconde Chambre des États -Généraux (Cf. A.-J. Van der 
Heim, Hct Budgetrec/U, eene historisclie schets. Leiden, P. Somerwil, 1884, 
p. 142 et De Bosch Kebipeu, Staatskundige geschiedenis van Nederland 
tôt 4830, p. 543. 



(83) 

dépenses à fl. 89,878,053.89 et présentait les subdivisions sui- 
vantes : 

Chapitre I. — La maison royale fl. 2,600,000 00 

— IL — La secrétarerie d'État, hauts collèges 

et officiers qui n'appartiennent à 

aucune branche d'administration . . 1,005,143 » 

— IIL — Département des affaires étrangères . 678,790 » 

— IV. — de la justice 246,500 » 

— V. — de l'intérieur et des digues 2,267,553 42 

— VL — du culte réformé et autres, 

à l'exception du culte catholique 

romain 1,325,755 65 

— VIL — Département du culte catholique romain 1 ,826,859 58 

— VIIL — de l'instruction publique, 

industrie nationale et colonies. . . I,0i2,355 06 

— IX. - Département des tinances 26,829,742 67 

— X. — de la marine . . . , . 5,395,291 34 

— XL — de la guerre 16,677,06217 

Total . . . . fl. 59,875,052 89 



Les recettes destinées à couvrir ces dépenses atteignaient un 
total de fl. 47,979,113 33 et comprenaient : 

1® Le produit des contributions ilirectes (foncier — person- 
nel et mobilier — portes et fenêtres) ; 

2* Le produit de l'enregistrement, du timbre, des droits 
d'hypothèque et de succession ; 

3« Les 2/3 du produit des droiu d'entrée et de sortie, y 
compris les péages sur les rivières et les accises; 

4® Le produit de la taxe sur les ouvrages d'or et d'argent ; 

b^ Le produit de la poste. 

On leva, en outre : 

a) 23 <>/o en sus de la taxe personnelle et mobilière pour 
les non-valeurs, frais d'administration et de justice ; 

b) 10 7» en sus des portes et fenêtres, pour frais de per- 
ception et non-valeurs; 



( si ) 

c) 6 V« sur rimpôt foncier, ainsi que sur la taxe person- 
nelle et mobilière pour faire face aux dépenses com- 
munales, jusqu'à ce que d'autres règlements sur \os 
droits d'octroi soient agréés par le gouvernement. 
Les dépenses du budget décennal attei- 
gnaient ; . . . fl. 59,878,052 89 

Les recettes du budget décennal étaient 
de . • fl. 47,979,H3 33 

Il Y avait donc un déficit prévu de . . fl. 11,895,939 56 

D'autre part, le budget annal pour 1820, s'élevant en 
dépenses à fl. 22,314,481 79 et en recettes à fl. 17,754,390 62 
était lui aussi en déficit de fl. 4,560,091 17. 



Pour la période décennale postérieure à 1830, un premier 
projet de budget fut présenté par le roi aux États^énéraux, 
en octobre 1828, conformément à l'article 125 de la loi fonda- 
mentale. 

Le plan général de ce'projet était le suivant : 

CHAPITRE I. 

Liste civile fl. 2,100,000 » 

CHAPITRE IL 
La secrélarerie d'État et les grands corps de VÉtat. 

Section 1. — La secrélarerie d'État il. 88,466 » 

— !2. — Le cabinet du roi 17,076 » 

— 3. — La poste d'État 25,608 » 

— 4. - Les États-Généraux 624,100 » 

— 6. — Le Conseil d'État .... ....... 274,463 50 

— 6. — La Chambre générale des comptes .... 155,086 50 

— 7. — L'Ordre militaire de Guillaume 53,800 » 

— 8. — L'Ordre du Lion Belgique 21,700 » 

fl. 1,160,000 » 



(38) 

CHAPITRÉ III. 
Département des affaires étrangères. 

Section 1.— Frais du département 11. ' 89,000 » 

— 2. — Frais des missions à Télranger (représent. 

diplomat.) 600,000 » 

— 3. — Consulats. 35,000 » 

— 4. — Fraiï d'équipement et de route pour les 

missions ordinaires à Tétranger . 23,X)0 » 

— 6. -- Port de lettres, frais d'affranchissement, 

autres déboursés à restituer aux agents - 

diplomatiques 30,000 » 

( — 6. — Frais de secours et transports à fournir à 
des marins et militaires belges par agents 
diplomatiques 5,000 » 

— 7. — Dépenses diverses 66,000 » 

fl. 737,000 » 
CHAPITRE IV. 
Département de la justice. 

Section 4. — Frais du département 53,538 » 

— 2, — Frais de la Haute-Cour 197,300 » 

— 3. — Frais des cours et tribunaux dans les pro- 

vinces 1,885,200 » 

— 4. — Frais généraux de justice 473,800 » 

— 5. — Frais de justice militaire 123,062 » 

— 6. — Dépenses diverses 48,700 » 

fl. 2,800,000 » 
CHAPITRE V. 
Département de V intérieur. 

Section 1. — Frais du département , . . : . 345,612 70 

— 2. — Frais de l'administration de l'intérieur 
^ (art. 1-18 : les dix-huit provinces, 

art. 19 : le Grand-Duché de Luxembourg) 1,441,219 » 



(86) 

Section 3. — Dépenses diverses fl. 5,490 » 

— 4. — Frais du service de santé 12,!500 » 

— 5. — Frais généraux du Waterslaat 141,400 » 

— 6. — Frais généraux des bâtimens 7,671 20 

— 7. — Rivières, canaux, navigation intérieure. . 108,500 » 

— 8. — Ports de mer et travaux maritimes .... 418,000 » 

— 9. — Palais royaux 100,000 » 

— 10. — Frais des prisons 892,234 68 

— 11. — Frais des fonctionnaires supérieurs de 

l'instruction 27,600 » 

— 12. — Frais des universités et aihénées .... 596,323 80 

— 13. — Séminaires pour Tinstruction scientifique, 

concernant des cultes particuliers . . . 8,320 » 

— 14. — Frais des collèges et écoles latines. . . . 73,499 65 

— 16. — Subsides ordinaires aux commissions pour 

les écoles 66,955 » 

— 16. — Traitements et suppléments aux institu- 

teurs des écoles moyennes et primaires. 188,993 97 

— 17. — Secours et encouragements pour l'instruc- 

tion moyenne et primaire 46,160 » 

— 18. — Archives et histoire du royaume 26,440 » 

— 19. — Institutions et entreprises scientifiques . . 39,780 » 

— 20. — Frais des fonctionnaires pour l'industrie 

nationale 4,300 » 

— 21. — Primes pour le soutien de quelques bran- 

ches de l'industrie nationale..., de l'ar- 
mement des navires marchands, de la 
pèche et de l'agriculture 800,000 » 

— 22. — Frais de l'administration du culte catho- 

lique dans l'archevêché de Malines et 

les sept évéchés 253,600 » 

— 23. — Frais du clergé catholique 2,192,100 » 

-— 24. — Frais du culte catholique (dit Owàe Klerezij) 4,300 » 



fl. 7,800,000 



(87) 

CHAPITRE VI. 

Département des affaires du culte réformé, elc, 

SectionI. — Frais du département fl. 33.600 » 

— 2. — Frais de Tadministration ecclésiastique du 

culte réformé 40,500 » 

— 3. — Frais de l'administra tion ecclésiastique des 

autres cultes protestants 4,500 » 

— 4. — Frais de l'administration ecclésiastique du 

culte israélite 2,500 » 

— 5 — Frais des différents clergés 1,112,490 » 

— 6. — Indemnités dites « Kinder-scliool en Aca- 

demiegelden» ». 121,000 » 

— 7. — Frais du clergé israélite 11,000 » 

— 8. — Dépenses diverses 74,710 » 

fl. 1,400,000 » 

CHAPITRE VIL ' 
Département de la gueire. 

19 Sections fl. 16,277,916 36 

CHAPITRE VIII. 

Département de la marine et des colonies, 
18 Sections fl. 5,920,000 » 

CHAPITRE IX. 

Département des finances. 

SectionI. - Dette nationale fl. 22,000,000 » 

— 2. — Pensions et gratifications 1,050,000 » 

— 3. -- Frais du département des finances .... 212,664 » 

— 4. — Frais de l'administration du trésor public 

(dont remise de 115,000 florins à la 
Société générale du chef de ses fonctions 
de caissier de l'État) 224,300 » 

— 5. — Frais de l'administration des monnaies . . 69,000 » 

— 6. — Frais du département des recettes de l'État. 32,500 » 

fl. 23,793.964 « 
Total du budget : fl. 61,988,880 36. 



(88) 

Le projet de budget comprenait donc neuf chapitres, divisés 
en un certain nombre de sections, subdivisées à leur tour en 
articles et numéros. 

Quant aux recettes, destinées à faire face aux dépenses du 
budget décennal, le gouvernement avait élaboré un double 
projet : projet A et projet R, qui différaient l'un de l'autre en 
ce que le premier maintenait l'accise sur la mouture, tandis 
que le second la supprimait à partir du !«' janvier 1830. 

Dans la suite, le gouvernement adopta le projet B, qui se 
montait à fl. 62,047,582 42 net. Car les frais d'administration 
et de perception des impôts avaient été déduits du montant 
brut présumé, mais ils figuraient dans le projet du budget 
dans une colonne séparée, intitulée : produits présumés bruts. 

Le budget des recettes était donc divisé en deux colonnes : 
brut et net. Les frais d'administration et de perception des 
impôts étaient évalués à fl. 6,765,437 64. 

Quatre grandes catégories de moyens et revenus alimen- 
taient ce budget : 

L — Contributions directes. 

Elles se composaient de l'impôt foncier sur les propriétés 
bâties et non bâties, de l'impôt personnel, des patentes. 

II. — Droits d'entrée et de sortie. 
Accises (sel, abatage, vin, boissons distillées à l'intérieur 

et à l'étranger, bières, vinaigre, sucre, timbre collectif). 

L'accise sur la mouture est supprimée. 
Impositions indirectes (enregistrement, timbre, greffe, 

hypothèques, droits de succession). 

, 111. — Produit des postes. 
IV. — Droits de garantie sur les ouvrages d'or et d'argent. 



Déposé en octobre 1828, ce projet de budget décennal fut 
soumis à l'examen des sections de la seconde Chambre, pen- 
dant les derniers mois de l'année. Ce travail préparatoire 



( 59 ) 

éclafre vivement les différents aspects du régime budgétaire, 
et à ce point de vue nous avons étudié avec fruit les rapports 
des sections. 

Laissant de côté les critiques relatives à l'augmentation 
exagérée des charges budgétaires, qui recueillent une adhésion 
unanime, nous constatons que la discussion a surtout porté : 

i^ Sur la composition du budget décennal ; 

S'* Sur la forme que lui a donnée le gouvernement ; 

3<^ Sur la déduction des frais d'administration et de percep- 
tion des impôts et la présentation d'un budget net. 

Nous examinerons successivement ces différentes questions. 

I. — Le budget décennal contient, diaprés la loi fondamen- 
tale (art. 123) : c( toutes les dépenses ordinaires, fixes et con- 
stantes qui résultent du cours ordinaire des choses et se rap- 
portent plus particulièrement à l'état de paix ». 

Le budget annal est réservé aux « dépenses extraordinaires, 
imprévues et incertaines, qui surtout en temps de guerre 
doivent être réglées d'après les circonstances » (art. 126). 

Or, les États-Généraux, supportant mal cette distinction qui 
leur enlevait pendant dix ans le contrôle de la très grande 
majorité des dépenses publiques, la tactique de l'opposition 
gouvernementale était tout indiquée. Elle apparaît très claire- 
ment dans les travaux des sections, qui s'appliquent à faire 
rayer du budget décennal le plus de dépenses possible pour 
les reporter au budget annal. 

Il s'agissait pour cela d'interpréter le texte de la loi fonda- 
mentale et de déterminer ce qu'il faut entendre par dépenses 
ordinaires^ fixes et constantes j- et ce qu'il faut ranger dans la 
catégorie des dépenses extraordinaires, imprévues et incertaines. 

Tout ce qui n'est pas d'une nature certaine et constante, 
disait le rapporteur de la première section, semble devoir 
être porté à l'extraordinaire, c'est-à-dire au budget annal. 

Or, il est de nombreuses dépenses qui n*ont pas ce caractère 
de fixité et de certitude et qui néanmoins figurent au budget 
décennal. Les sections en relèvent de nombreux exemples. 



( 60 ) 

Elles réclament ënergiquement le respect de la loi fondamen- 
tale et le report de ces dépenses au budget annal. 

« On le demande avec confiance, lisons-nous dans le 
rapport de la première section, les dépenses, par exemple 
pQ,ur l'entretien des locaux, pour achat et réparations de 
meubles, pour rivières, canaux et navigation intérieure, pour 
frais de route et vacations, non compris dans les articles 
communs à chaque chapitre et qui, par conséquent, ont paru 
d'une nature extraordinaire, ces dépenses sont-elles variables 
ou invariables, constantes ou assujetties à être calculées diffé- 
remment pour chaque année, à raison des besoins existants et 
présomptifs? 

» 11 est vrai qu'une observation semblable a déjà été présen- 
tée lors de l'examen du budget décennal de 1820, et qu'alors 
le gouvernement a répondu que, quoique de pareils objets 
fussent variables par leur nature, cela ne devait pas empêcher 
qu'ils ne tiennent au cours habituel des. choses ! 

» Cet argument cependant n*a pas convaincu la section. 
Elle pense qu'il tendrait à trop prouver, et ainsi, en ne le 
trouvant pas assez péremptoire pour autoriser un crédit fixe 
pendant dix années, crédit dont le montant entre dans la 
masse générale, elle croit devoir insister à ce que la dite obser- 
vation soit prise en considération ultérieure. » 

<c II paraît k la seconde section que selon le prescrit de la 
loi fondamenlalo, le budget décennal doit contenir les dépenses 
fixes et constantes qui résultent du cours habituel des choses 
et se rapportent plus particulièrement à l'état de paix; que 
conséquemment toutes les dépenses variables et douteuses 
doivent paraître au budget extraordinaire, à l'égard duquel le 
commun accord des États-Généraux est requis annuelle- 
ment. » 

En conséquence, la section propose une série de transferts 
de dépenses du budget décennal au budget annal. Pourquoi, 
par exemple, faire figurer au budget décennal les dépenses 
pour la confection des tableaux décennaux de Vétat civil ? « Cet 
objet ne peut paraître comme une dépense fixe et constante 



(61) 

sur le budget décennal, parce que les tableaux décennaux 
d'état civil ne peuvent pas se faire chaque année du période 
décennal et qu'ainsi cette dépense ne devra se trouver qu'au 
budget extraordinaire de Tannée où les tableaux décennaux 
devront être faits. » 

De même, on porte au budget décennal, en même temps 
que les traitements des fonctionnaires, les suppléments de 
traitements. Et la section remarque, à bon droit, que ce sup- 
posé que les traitements soient tixes et constants, les supplé- 
ments doivent être variables et par conséquent paraître au 
budget extraordinaire, pour autant qu'il y aura lieu ». 

Le budget décennal de la guerre prévoit des crédits pour 
frais de transport et de passage d^eau, pour frais de charroi, etc. 
c< La section a peine à concevoir que cet objet exige chaque 
année la même somme et croit par cette raison que cela ne 
peut faire partie du budget ordinaire. » 

En ce qui concerne ce même budget de la guerre, la 
sixième section remarque « que la totalité des frais pour sub- 
sistances est réservée pour le budget annal et que les traite- 
ments, soldes et autres frais sont portés en totalité au budget 
décennal ». 

A première vue, cette distinction semble correcte et con- 
forme aux règles posées dans la loi fondamentale. Mais la sec- 
tion observe qu'il résulte de ce système que par l'acceptation 
du budget décennal ce Ton pourrait considérer les États-Géné- 
raux comme obligés de consentir annuellement les frais de 
subsistances, car l'armée soldée doit aussi être nourrie et 
entretenue. Or, comme l'effectif de l'armée est tout aussi 
variable que le prix des subsistances, la section demande, que 
de même comme au budget précédent un douzième de tous 
les frais soit réservé pour le budget annal et croit que les onze 
douzièmes peuvent suffire, puisqu'au budget annal aucun sup- 
plément n'a été nécessaire pour les dernières années, et qu'au 
surplus si les circonstances exigeaient une somme plus forte, 
elle pourra être suppléée par le budget annal ». 

La quatrième section présente la même observation. 

D'autres sections signalent encore des dépenses qu'il con- 



(62 ) 

viendrait de transférer au budget annal : les crédits demandés 
pour présents et cadeaux à Toccasion des traités n'ont rien de 
fixe et de constant. Pourquoi donc les maintenir au décennal? 

Les Trais prévus pour les épidémies sont éventuels, comme 
les épidémies elles-mêmes. Ils doivent donc figurer à Pextraor- 
dinaire. 

Le budget prévoit 800,000 florins à litre de primes pour sou- 
tien de tindustrie nationale. Mais « ces dépenses étant ou pou- 
vant être variable d'année en année, on pense qu'il convien- 
drait de les porter au budget annal ». 

IL — En ce qui concerne la forme adoptée pour la présen- 
tation du budget décennal, les observations des sections 
concernent notamment les points suivants : 

a) Le gouvernement ne détaille pas suffisamment les' crédits 
qu'il sollicite. Il se contente de demander des sommes glo- 
bales, des allocations en bloc, sans spécifier nettement les 
objets particuliers auxquels elles doivent servir. Les États- 
Généraux ne peuvent, dès lors, se rendre compte d'une 
manière exacte de l'affectation des crédits. 

Toutes les sections s'accordent à faire celte critique. La 
quatrième section exprime le désir que oc les états prescrits par 
les articles 122 et 127 du règlement sur la comptabilité arrêté 
le 24 octobre 1824 ^ et qui ont dû servir de base à l'évaluation 
des dites dépenses au présent budget soient communiqués à la 

* L'arrêté royal organique de l'administration générale des finances 
du 24 octobre 1824 avait publié le Règlement général sur l'administration 
des finances dans le royaume des Pays-Bas, Ce règlement ne contenait 
pas moins de 453 articles. 11 embrassait l'organisation budgétaire dans 
tous ses détails, depuis les évaluations jusqu'à la clôture des comptes. 

Art. 122. — L'état d'évaluation des dépenses de l'État qui se rapportent 
à chaque période décennale sera formé d'après le modèle joint au présent 
règlement. 

Art. 424. — Chaque chapitre particulier sera divisé en sections et 
celles-ci en articles. 

Art. 127. — Chaque article du projet sera appuyé d'états particuliers 
détaillés présentant les éclaircissements nécessaires, et qui devront être 
établis conformément au modèle joint au présent règlement. 



(63) 

Cbambre de la manière que le gouvernement le jugera le plus 
convenable ». 

b) La spécialité par chapitre est consacrée par l'article Hl 
de la loi fondamentale. Les transferts de crédits d'un chapitre 
d'administration générale à un autre chapitre sont dès lors 
interdits. Mais le gouvernement a toute latitude de faire, sans 
le concours des États-Généraux, tous les transferts qu'il veut 
dans les limites d'un même chapitre. Et comme, d'autre part, 
c'est au gouvernement seul qu'il appartient de déterminer les 
départements d'administration générale et les dépenses qui y 
correspondent dans chaque chapitre du budget, le contrôle des 
États-Généraux sur les transferts de crédits et les virements est 
pratiquement illusoire. 

Aussi, les membres de la première section ont-ils été una- 
nimes à demander (c que tout ce qui est relatif à chaque admi- 
nistration distincte, quoique combinée maintenant avec une 
autre administration générale, soit compris sous un titre séparé 
et qu'ainsi la division de chaque ministère se fasse en rapport 
avec le nombre des administrations d'une nature essentielle- 
ment diverse, attachées à ce même ministère ». 

A la quatrième section, on précise cette remarque générale 
et on signale, par exemple, le chapitre V du budget, relatif au 
département de l'intérieur et dans lequel on a réuni les 
dépenses les plus diverses : celles concernant le culte catho- 
Hque^ Vindustrie nationale , Vinstrudion publique. c( Toutes ces 
branches de l'administration publique, ajoute le rapport, n'ont 
rien de commun avec le ministère de l'intérieur proprement 
dit, mais ce sont des choses tout à fait distinctes, qui ont cha- 
cune leurs dépenses propres à elles et qui doivent rester sépa- 
rées des dépenses affectées aux autres branches de i'adminisr 
tration qui y sont étrangères... 

» Sans contester à Sa Majesté le droit de réunir plusieurs 
départements en un seul département ou à un seul et même 
ministère, il est désirable que les dépenses alférentes à chacun 
de ces départements de nature toute différente, restent exclu- 
sivement affectées à celui pour lequel elles ont été créées, en 



(64) 

un mot, qu'elles doivent former dans le budget autant de cha- 
pitres séparés sans pouvoir transférer les dépenses d'un 
chapitre à un autre chapitre et qu'ainsi, par exemple, les 
dépenses votées pour le culte catholique ne peuvent dans 
aucun cas, et sans le concours des États-Généraux, être 
employées à faire face aux frais du Waterstaat ou de quelque 
autre branche d'administration générale dépendante du 
ministère de l'intérieur. » 

Dans le budget de 1820, d'ailleurs, les dépenses pour le 
culte catholique formaient un chapitre séparé ^, de même que 
les dépenses pour le culte réformé : pourquoi, dans le budget 
de 1830, les faire rentrer parmi les dépenses du département 
de l'intérieur? 

c) Afin de mieux assurer le contrôle des dépenses exercé 
par la Chambre, un certain nombre de membres de diverses 
sections émettent le vœu a que les différents chapitres du 
budget des dépenses soient divisés en autant de lois distinctes 
et votées séparément ». (l'« section.) Ce mode leur paraît pré- 
férable aussi, parce que « de cette manière on pourrait éviter 
la nécessité de rejeter le tout à cause d'une raison de rejet qui 
se rattache à un seul chapitre, même à un seul article et 
qu'ainsi le gouvernement lui-même s'assurerait, par ce mode, 
un avantage essentiel ». 

Le règlement de la seconde Chambre interdisait, en effet, 
tout amendement au budget et forçait la représentation natio- 
nale à adopter ou à rejeter le budget en bloc. 

Cependant, cette proposition fut loin de recueillir la majo- 
rité dans les sections. On fit remarquer qu'il suffirait de 
reviser le règlement de la Chambre, sans modifier le mode de 
présentation du budget, et qu'au surplus le mode de présenta- 
tion actuel est préférable, parce qu'il permet d'envisager d'une 
manière plus générale lo budget de 1 État que si ce dernier 
était fractionné en une série de projets. (5°»® section.) 

111. — Le budget décennal de 1820 était un budget brut. II 
* Cf. supra, p. 53. 



(68) 

faisait figurer en recettes les différents revenus publics sans 
en déduire les frais d'administration et les frais de perception 
des impôts. Ces frais figuraient parmi les dépenses, au chapitre 
du ministère des finances. 

C'était là une excellente pratique budgétaire que le gouver- 
nement, sous prétexte d'amélioration, abandonna en présen- 
tant le budget décennal pour 1830 à 1840. Dans son discours 
d'octobre 1828, le ministre des finances tentait de justifier en 
ces termes, la modification qu'il proposait : « Il a semblé au 
roi, que le mode adopté jusqu'à présent à cet égard était 
défectueux; que celui qu'on propose actuellement est plus 
convenable et mieux approprié à son objet; qu'il indique plus 
distinctement le montant des dépenses publiques; qu'il n'en 
porte pas la totalité à une hauteur imaginaire, et qu'il ne met 
plus sur le compte du département des finances une somme de 
quelques millions de florins qu'on a pu considérer à tort 
comme faisant partie des dépenses réelles de ce dépar- 
tement. 

» Or, comme, malgré cette modification, la chose reste au 
fond la même, tandis que le produit net des impôts et les frais 
d'administration, déduits de leur montant et séparément énon- 
cés et justifiés, figurent comme ci-devant, au budget, dans le 
chapitre du déparlement des finances. Sa Majesté espère que 
l'adoption de ce nouveau mode obtiendra l'assentiment de Vos 
Nobles Puissances. 

» Et, en effet..., si l'on considère, indépendamment des 
raisons que je viens d'alléguer, combien, par exemple, le mon- 
tant des salaires alloués pour la perception des impôts dépend 
de la quotité des sommes à percevoir, et combien, par consé- 
quent, il est incertain; si l'on fait attention qu'il paraît moins 
raisonnable, à l'occasion d'une loi sur les dépenses publiques, 
de voter, pour frais d'administration, une certaine somme 
dont la quotité dépend néanmoins nécessairement du mon- 
tant des recettes, dont alors on n'a encore pu juger, certaine- 
ment, Vos Nobles Puissances regarderont ce changement 
comme une véritable amélioration. » 

Tome LXVI. 8 



(66) 

Tel ne fut pas l'avis des sections, qui très généralement se 
prononcèrent contre le projet de budget net et pour l'an- 
cienne méthode du budget brut. La première section se chargea 
de répondre à l'argumentation du ministre. « Elle avoue que 
le résultat financier des modes différents, dont on a fait la 
comparaison en faveur de celui qui vient d'être proposé, est 
égal pour tous les deux. Elle avoue encore que le montant des 
frais de perception des impôts dépend de la quotité des sommes 
à percevoir, mais ces motifs ne semblent pas pour cela devoir 
autoriser la marche nouvelle. 

2> D'abord, n'est-elle pas en contradiction avec les règles 
ordinaires de comptabilité qui prescrivent que tout ce qui est 
perçu doit être porté en recelte ; et que, par contre, tout ce qui 
est payé en général, donc aussi ce qui est payé pour frais 
d'administration, de quelque nature que ce soit, doit être porté 
dans les dépenses? 

» Ensuite, le montant des taxes et recettes, telles qu'elles 
sont payées par la nation, figurerait de cette manière à raison 
de 6 à 7 millions de moins qu'il ne le serait effectivement 
d'après les calculs du gouvernement, et dès lors l'état des 
choses ne paraîtrait pas entièrement sous son véritable point 
de vue. 

» D'ailleurs, l'incertitude de ces frais ne dépend-elle pas 
uniquement du montant des recettes elles-mêmes, de sorte que, 
en adoptant le projet énoncé dans le discours précité, une 
incertitude de la même espèce resterait toujours dans le mon- 
tant net des recettes d'après l'évaluation qui en a été proposée, 
et sur laquelle les projets de loi pour les recettes reposent éga- 
lement? » 

La troisième section appuyait cette manière de voir et résu- 
mait excellemment son point de vue en disant : « La section 
entière est d'avis que la recette brute doit figurer au budget et 
que les frais de perception trouveront alors leur place parmi 
les dépenses. La section estime que le système contraire ne 
peut prévaloir, parce que les frais de perception aussi bien que 
toute autre dépense doivent être soumis au contrôle de la 



(67 ) 

Chambre et faire partie du compte détaillé qui doit être rendu 
annuellement. » 

Dans sa réponse aux observations des sections ^, le gouver- 
nement déclare d'abord ne pouvoir entrer dans les vues expri- 
mées par un grand nombre de députés et ratifiées assez 
généralement par les sections, au sujet du transfert au 
budget annal de la totalité ou au moins d'un nombre impor- 
tant de dépenses dont le montant n'est pas en tout temps te 
même. 

Les articles 123 et 126 de la loi fondamentale, d'après l'in- 
terprétation du gouvernement, ne permettent pas de grossir 
de la sorte le budget annal aux dépens du décennal. De plus, 
« de cette manière, les objets à comprendre dans les budgets 
annuels seraient si nombreux et leur montant si considérable, 
qu'il y aurait impossibilité physique à terminer les opérations 
relatives à celui de chaque année dans l'espace de vingt jours, 
ce dont l'article 100 de la loi fondamentale suppose néanmoins 
la possibilité pour quelques années ». Enfin « l'admission 
d'un principe, qui déroge à la division voulue par la loi fonda- 
mentale, ramènerait, chaque année, des discussions sur des 
objets d'administration, qui se renouvellent constamment, et 
sur des dépenses dont le montant doit être réparti sur plus 
d'une année ». 

Le gouvernement consent toutefois à modifier son projet de 
budget, d'après le vœu des sections, en portant, notamment, 
comme par le passé, les frais de perception et d'admi- 
nistration séparément au nombre des dépenses,^ bien qu'il ne 
soit nullement convaincu des avantages de cette méthode. 

« On ne conçoit pas, dit-il, quelle espèce d'avantage il en 
pourra résulter; on persiste même à croire que c'est le moyen 
de grossir inutilement et d'exagérer la somme des dépenses 

* Mémoire contenant les réponses aux procès-verbaux des sections de 
la seconde Chambre des États-Généraux, concernant les projets de loi 
relatifs au budget ordinaire pour le terme de dix années, à commencer 
par 1830. {Doc, de 48^8-48^9, no 19 a). 



(68) 

publiques ; d'autres considérations, dictées par la nature dés 
choses, Tordre et la simplification de la comptabilité, semblent 
aussi militer pour la conservation du mode adopté dans le 
projet présenté : néanmoins le roi ne s'est pas refusé à faire 
aussi cette concession à l'opinion de l'assemblée. » 

De même, le gouvernement, tout en assurant que les trans- 
ferts abusifs de crédits d'un chapitre à l'autre du budget ne sont 
pas à craindre et qu'il n'y a pas de motifs de multiplier le 
nombre des chapitres du budget, consent à détacher le culte 
catholique du département de Tintérieur, pour en former le 
VII® chapitre d'administration intérieure. « En même temps, 
S. M. a déclaré être disposée, d'après les résultats de cette 
épreuve, à donner un peu plus d'extension à ce principe. » 

Dans son discours du 12 mai 1829 ^, le ministre des 
finances fit valoir ces concessions ; il insista aussi sur l'aboli- 
tion de l'impôt sur la mouture et sur la diminution et les 
économies réalisées sur le premier projet, pour un total de 
a. 4,649,863 59. 

Le projet de budget décennal, amendé, se présentait donc 
comme il suit : 

Au total du premier projet, qui s'élevait à fï. 61,998,880 36 
on ajoutait les frais d'administration et de 
perception des impôts, se montant à. . . fli. 6,768,437 64 

Soit un total de. . fl. 68,754,318 00 
Lequel, grâce à différentes réductions, a été 
diminué de fl. 4,649,863 59 

De manière que le projet du budget décen- 
nal amendé s'élevait à . ...... fl. 64,104,45441 



* Cf. Verslag der Handelingen van de Staten-Generaal, gedurende de 
zitting van 1828-1829, gehouden te Brussel, van 20 Oktober 1828 toi 
20 Mei 1829. Bewerkt door J. J. F. Noordziek en uitgegeven onder 
toegezicht van de Commissie voor de huishoudelijke aangelegenheden 
van de tweede Kamer der Staten-Generaai. 's Gravenhage, ter algemeen 
Landsdnikkerij, 1888, blz. 649 en^volg. 



(69) 

Il était divisé en dix chapitres au lieu de neuf, par suite de 
l'érection en chapitre distinct des dépenses pour le culte catho- 
lique. 

Les États-Généraux discutèrent ces nouvelles propositions 
budgétaires en trois séances : les IS, 13 et 14 mai 18^9. 

Le 14 mai, le budget décennal des dépenses fut rejeté par 
79 voix contre 3ti, et le budget des moyens par 86 voix 
contre 19 ^. 

Après le rejet de ce projet, à une majorité aussi considé- 
rable, le gouvernement se décida à tenir compte dans une 
plus large mesure de la volonté des États-Généraux, dans 
l'élaboration du nouveau projet qu'il avait à leur soumettre. 

Ce troisième projet se distinguait, en effet, des deux précé- 
dents par une sérieuse revision des évaluations budgétaire;} 
primitives, qui aboutit soit à la suppression d'un certain 
nombre de dépenses, soit à leur transfert du budget décennal 
au budget annal. « Je ne m'arrêterai pas, disait le ministre des 
finances 3, à la réduction de plus de 8 millions qu'ont subie les 
calculs antérieurs du budget ordinaire, car la valeur de cette 
réduction ne peut être jugée que par la comparaison combi- 
née du budget décennal et de Tannai pour 1830; je me con- 
tenterai de faire remarquer qu'en tout cas une grande partie 
des dépenses qui figuraient primitivement au décennal, a été 
ou supprimée ou reportée à Tannai. » 

Ces concessions rallièrent au gouvernement bon nombre de 
députés, qui avaient voté une première fois contre le budget. 
Il restait néanmoins une opposition irréductible, dont Thosti- 
lité se manifesta au cours de la discussion 3. Elle motivait son 

< Ibid., p. 694. — Cette importante majorité ne comprenait pas seule- 
ment les députés des provinces méridionales, mais encore un grand 
nombre de députés du Nord. 

« Discours du 26 octobre 4829. 

» Elle eut lieu du 14 au 49 décembre 1829. — Cf. Verslag der Hande- 
lingen van de Staten-Generaal, gedurende de zitting van 4829-1830 
gehouden te 's Gravenhage van 49 Oktober 4829 tôt 2 Juni 4830, bewerkt 
door J. J. F. Noordziek, i^ deel, blz. 425 en volg. 



(70) 

refus du budget par la mauvaise administration financière du 
gouvernement et aussi par la défiance que lui inspirait sa poli- 
tique générale. 

Cependant, si Topposition était d'accord pour refuser le 
budget décennal, elle consentait, afin de ne pas entraver la 
marche des affaires, à voter un budget provisoire. 

Les partisans du gouvernement reprochaient cette attitude 
à l'opposition, qui se composait en majeure partie de Belges. 
Mais ceux-ci défendaient énergiquement leur droit d'agir de la 
sorte et proclamaient la vieille formule : (c point de redresse- 
ment de griefs, point de subsides ». 

c( On nous fait un crime, disait le député du Limbourg, 
H. de Brouckère, de rattacher des griefs à notre vote, tandis 
que nos accusateurs font eux-mêmes abstraction des chiffres. 
L'adoption du budget sans examen, ou plus de budget, c'est- 
à-dire plus de loi fondamentale, tel est leur adage constitu- 
tionnel!... Le budget décennal n'est pas un subside, il com- 
prend les dépenses fixes et régulières; mais si, parmi elles, il 
s'en trouve qui se rattachent à un abus, il faut ou y refuser son 
adhésion, ou vouloir que l'abus se perpétue. En ce sens, c'est 
plus particulièrement sur l'adoption du budget décennal qu'il 
faut être rigoureux. De son côté, le gouvernement peut préve- 
nir que par des combinaisons de plusieurs minorités, il n'y ait 
confusion et que ses projets soient renversés. Le moyen est 
simple, la divison par chapitres ^. » 

Le règlement d'ordre de la seconde Chambre des États- 
Généraux interdisait, en effet, tout amendement, il obligeait les 
députés à voter ou à rejeter en bloc tout le budget et n'admet- 
tait pas le vote par articles ou par chapitres 2. Les vices de ce 
système sont évidents. Il restreignait la libre expression de la 
volonté parlementaire, tout en exposant le gouvernement à 
voir rejeter ses propositions, pour un désaccord sur Tun ou 
l'autre point de détail. 



* Ibid., p. 484. 

* Voyez plus haut. 



(71 ) 

M. Angillis, député de la Westflandre, appréciait très exac- 
tement la situation créée par cet article du règlement, dans son 
discours du 17 décembre ^ : « Je partage, disait-il, l'opinion 
émise pour que le budget soit discuté par chapitre. Ce mode 
qui tend à introduire les amendements est de beaucoup préfé- 
rable à celui observé jusqu'à présent. Et tel est le malheur 
attaché à notre manière de voter en masse sur une foule de 
dispositions diverses, accumulées dans une seule et même loi, 
que souvent on se trouve placé dans la pénible alternative, ou 
de repousser pour un seul article, pour une seule phrase, un 
projet de loi dont quelquefois toutes les autres parties sont 
sagement combinées, ou d'admettre une espèce de compensa- 
tion en vertu de laquelle on adopte les projets qui contiennent 
plus de dispositions utiles que de dispositions défectueuses, et 
quoique ce calcul soit singulièrement trompeur, on l'a cepen- 
dant plus d'une fois admis. A une demande si juste, si raison- 
nable, si conforme enfin aux usages parlementaires d'autres 
pays, que répond-on? On répond que cette marche n'est pas 
voulue par la loi fondamentale. Mais cette loi ne la défend pas, 
et comme le mode de voter est purement réglementaire, la loi 
a bien fait de ne pas s'en occuper... Dire que le mode de déli- 
bérer et de voter par amendement est contradictoire avec 
l'esprit de la loi fondamentale, est une erreur. Seulement, il 
n'est pas admis par notre soi-disant règlement d'ordre, mais ce 
règlement, qui ne dit pas la dixième partie de ce qu'il aurait 
dû dire, et qui laisse souvent deviner ce qu'il veut dii*e, 
réclame depuis longtemps une réforme complète. En adoptant 
les amendements, nos discussions seraient bien plus régulières, 
autant de projets ne seraient pas rejetés, nous aurions de 
meilleures lois, et nos lois financières seraient plus stables. 

Au vote, qui eut lieu en séance du 19 décembre 1829 2, le 
budget décennal des dépenses fut adopté par 61 voix contre 46, 
tandis que le budget des moyens destinés à y faire face était 
rejeté par 84 voix contre 52. 

* Verslag der Handelingen,.,, blz. 166. 
« Ibid., blz. 219. 



(72) 

Le 21 décembre 1829, le gouvernemenl proposa un nouveau 
budget des voies et moyens, t)rovisoire jusqu'en octobre 18S0, et 
ce budget fut adopté le 22 par 100 voix contre 1 (de Stassart). 

Ainsi se termina, sans grande gtoire pour le gouvernement, 
la lutte parlementaire mémorable engagée autour du dernier 
budget décennal du royaume des Pays-Bas. 

Nous l'avons exposée en détail, afin de saisir sur le vif l'orga- 
nisation budgétaire, telle qu'elle était conçue par la loi fonda- 
mentale de 1815 et pratiquée par le gouvernement du roi 
Guillaume. 

Et cette étude un peu longue n'était pas inutile, pensons- 
nous, puisqu'elle nous aide à comprendre la genèse du système 
budgétaire de la Constitution belge, dont les principes fonda- 
mentaux incarnent en quelque sorte la réaction contre les 
pratiques hollandaises, si âprement critiquées aux États- 
Généraux par les députés des provinces méridionales. 

§ 2. — Le syndicat d'amortissement. 

L'étude de l'organisation budgétaire du royaume des Pays- 
Bas serait incomplète, si nous passions sous silence l'institution 
du syndicat d'amortissement, véritable budget occulte, qui 
existait à côté du budget annal et décennal et permettait au 
gouvernement d'alimenter ses finances, en dehors de toute 
prévision constitutionnelle et indépendamment du contrôle, 
même purement formel, du Parlement^. 

Dès les premières années de l'administration hollandaise, 
les déficits s'installèrent dans sa gestion financière et ne la 
quittèrent plus. Lorsqu'on eut épuisé les moyens ordinaires 

* Nous avons consulté avec intérêt sur ce sujet une brochure anonyme 
de Tépoque, intitulée : « Exposé historique des finances du Royaume des 
Pays-Bas depuis 1813, par Tauteur de Texamen de la question sur la 
liberté du commerce et sur le système de prohibition dans les Pays- 
Bas, etc.. », traduite de Tallemand par ***. Bruxelles, 1829, imprimerie- 
librairie romantique, rue Ducale n^ 8. 



( 73 ) 

d'y remédier : augmentation des impôts, emprunts, etc., on 
recourut à des combinaisons extraordinaires, comme cet 
emprunt par loterie sur les domaines^ proposé aux États-Géné- 
raux au commencement de 1822 et combiné avec la création 
de 40 millions de papier-monnaie, sous la dénomination de 
billets du domaine. 

L'inefficacité de cette combinaison fit adopter un nouvel 
expédient : la création d'un syndicat d'amortissement (amorti'- 
satie syndikaal)^ destiné à réunir les opérations d'un syndicat 
antérieurement existant et de la caisse d'amortissement. 

Le syndicat fut créé et organisé par les lois du 27 décembre 
1822 et du 5 juin 1823. 

Le syndicat assumait vis-à-vis de l'Etat les obligations sui- 
vantes : 

L — Payer annuellement au trésor une somme de 190,000 flo- 
rins pour les produits des domaines cédés à S. A. R. le prince 
Frédéric des Pays-Bas, par la loi du 25 mai 1816; 

Payer les intérêts des emprunts faits sur la grande commu- 
nication du royaume et procurer les fonds nécessaires au rem- 
boursement de ces emprunts, pour autant que le produit des 
péages n'y fût pas suffisant; 

Remplir les obligations affectées aux domaines ; 

Payer au trésor dans le courant des cinq années 30 millions 
de florins, aux fins qui suivent : 

a) Pour achèvement des grandes communications par eau et 
par terre; 

b) Pour remplir le déficit qui se trouvera à la fin des travaux 
de la commission de liquidation, ainsi que pour satisfaire à ce 
dont le gouvernement serait reconnu être redevable aux puis- 
sances étrangères ou à leurs sujets avant la fin de la liqui- 
dation ; 

c) Pour la construction extraordinaire de vaisseaux de 
guerre ; 

d) Pour achèvement des fortifications de diverses places dans 
les provinces méridionales ; 

e) Pour remplir le déficit de 1822. 



(74) 

II. — Mettre le trésor en état de payer les pensions et rentes 
viagères extraordinaires et de satisfaire à d'autres obligations 
qui s'éteignent successivement ; 

III. — Payer au trésor la somme de 12 millions pour faire 
face aux frais que nécessitait l'introduction du nouveau système 
monétaire ; 

IV. — Rembourser les obligations à charge du syndicat qui 
avait existé jusqu'alors; 

Retirer la dette différée, aussi bien les certificats que les 
billets de chance (de la lotterie du domaine), tous deux 
ensemble, au prix de 50 «/o valeur nominale. 

Afin de permettre au syndicat de tenir ces engagements, on 
lui assigna les moyens suivants : 

I. — L'État lui céda : 

a) Le produit net des péages sur routes et rivières, après le 
remboursement des emprunts y affectés ; 

b) Le droit de vendre des biens domaniaux jusqu'à concur- 
rence d'un revenu annuel de 1,750,000 florins, ou bien d'hypo- 
théquer ces biens pour des sommes remboursables par le 
produit de la vente. 

II. — Ouverture au grand-livre d'un crédit de 68,000,000 de 
florins de dette effective donnant 2 Vs"/** 

III. — Ouverture au grand-livre d'un crédit de 26,000,000 de 
florins de dette effective à 2 Va Vo- 

IV. — Autorisation d'émottre pour 116 millions d'obliga- 
tions à 4 V2 "A- 

tt En substance, dit l'auteur de la brochure anonyme citée *, 
cette nouvelle et importante opération de finances consistait 
en ce que, après une suite d'années de paix, il fut créé une 
masse de nouvelles dettes tellement prodigieuse, que peut-être 
on n'en trouve point d'exemple dans l'histoire des autres États, 
eu égard à leurs forces ; et cela, sans qu'on songeât seulement à 
augmenter la recette par quoi que ce fût, afin de la mettre à 
même de pouvoir payer les intérêts de ces dettes, 

* Exposé lits torique, . ., p. 49. 



(78) 

» Après cela, est-il étonnant que les déficits, quoique 
couverts pour quelque temps, se soient enfin augmentés 
considérablement ? 

» Il est donc permis de penser que la création de la nouvelle 
institution ne pouvait avoir iautre but que de porter sur un 
autre compte tout ce qui aurait pu choquer l'économie de FÉtat ; 
et de le dérober par là à l'attention des Chambres, dont le mécon- 
tentement hautement prononcé sur cet étemel renouvellement du 
déficit avait inspiré quelques alarmes aux conseillers de la 
couronne. » 

De son côté, H. de Gerlache, député de Liège aux États- 
Généraux, caractérisait l'institution en ces termes, dans son 
discours du 18 décembre 1829 ^ : « Le syndicat d'amortisse- 
ment, créé en 1822, espèce de corporation anonyme, grand 
propriétaire, immense capitaliste, entrepreneur de barrières, 
routes, canaux, mines, etc., qui exploite à la fois diverses 
sortes d'industries, qui administre, prête, emprunte, aliène et 
qui n'est pas plus responsable que nos ministres, a été imaginé 
afin de faire disparaître ces terribles déficits qui efirayaient de 
plus en plus les États-Généraux et la nation; il a été imaginé 
non pas afin de combler réellement le vide du trésor, mais de 
le dérober pour un temps aux regards des feibles en finances, 
c'est-à-dire à ceux de l'immense majorité. C'est la fureur de 
tout réglementer, administrer, centraliser, accaparer, qui a 
créé parmi nous cette troisième espèce de budget, ce budget 
occulte, qu'on nomme syndicat d'amortissement. 

» On peut regretter de voir dans le seul budget décennal les 
trois quarts de nos finances soustraits à l'investigation des 
Chambres. Toutefois, cela est constitutionnel. Mais le syn- 
dicat ne Test point, mais le syndicat va beaucoup plus loin 
que le budget décennal, puisqu'il rend presque nul le droit 
de censure que vous devez exercer sur toutes les opérations 
du gouvernement. 

1 Verslag der Handelingen..,, 4829-18S0, blz. 189. 



(76) 

» C'est pourquoi j'avais demandé en section que cet établis- 
sement fût soumis h une revision générale et ramené à son 
véritable but, qui est l'amortissement de la dette. » 

Les statuts du syndicat ne laissent aucun doute sur le véri- 
table caractère de cette institution, qui permettait au gouver- 
nement de se livrer à de vastes opérations financières, à l'abri 
de tout contrôle parlementaire ^. 

L'article 48 de la loi déclare que « le compte du syndicat 
d'amortissement est confié, sous Fimposition du secret, aux 
mains d'une commission de sept membres qui sont .les deux 
présidents des Chambres, deux conseillers d'État et trois 
membres de la Chambre générale des comptes. Ces trois der- 
niers sont à la nomination du gouvernement ». 

L'article 49 ajoute : « à commencer de l'année 1829, et ensuite 
tous les dix ans, l'état de situation du syndfcat d'amortissement 
sera communiqué aux États-Généraux et ensuite rendu public, 
et chacun en pourra faire l'acquisition. » 

Cette organisation Occulte du syndicat était manifestement 

* On peut se denjander comment il se fait que les États- Généraux 
aient pu consentir à voter la loi de 4822, qui créait le syndicat. Nous 
trouvons Texplication suivante dans la brochure anonyme citée : « Ceux 
qui présentèrent le projet de loi semblent avoir compté principalement 
sur ce que le plus grand nombre des membres de tous les corps légis- 
latifs a> aient toujours prouvé jusqu'ici un défaut de connaissances en 
matière d'économie politique et plus encore en ce qui regardait propre- 
ment la comptabilité; el ils ne furent pas trompés dans leur attente, car 
le projet de loi passa bon gré mal gré aux deux Chambres. . . Il est vrai 
qu'il fallut employer quelques tours de tactique parlementaire pour 
réussir : par exemple, il ne fut nullement question de nouveaux impôts 
pour faire face aux intérêts des grands emprunts nouveaux; on présenta, 
au contraire, le projet comme étant le seul moyen de satisfaire à tous les 
besoins extraordinaires de l'État, sans charger la nation d'un nouvel 
impôt; et pour ne pas laisser le moindre doute sur un effet si bienfaisant, 
on procéda d'abord à une petite réduction de quelques contributions, ce 
qui plut particulièrement dans les provinces méridionales; et les con- 
seillers de la couronne surent si bien tirer parti de ce moment favorable, 
qu'ils se procurèrent la majorité des voix dans les Chambres. » (p. 49.) 



(77) 

contraire aux articles 121, 128 et 199 de la loi fondamentale. 

Inconstitutionnelle dans son principe, cette institution don- 
nait lieu à de graves abus dans son fonctionnement. 

Les déficits budgétaires que Ton prétendait faire disparaître 
grâce aux secours du « bienfaisant » syndicat étaient simple^ 
ment masqués artificiellement. On creusait un trou pour en 
combler un autre. 

Jusqu'en 1829 le syndicat avait contribué au budget annal, 
pour les sommes suivantes ^ : 

1823 tl. 9,653,579 74*/» 

1824 9,598,980 14 

1825 10,358,361 21 

4826 7,460,996 80 

4827 7,456,936 40 

4828 6,586,957 54 Vi 

4829 8,372,742 87 Va 

ce Dans les sept années de 1823 à 1829, une caisse secrète, 
qui ne se procure de nouveaux fonds qu'en émettant de nou- 
velles obligations, a donc fourni aux besoins de l'Etat, un 
secours notoire de fl. 58,888,543 384/2 2. „ 

Le gouvernement avait ainsi toute latitude de se procurer 
les fonds nécessaires à des dépenses arbitraires, sans avoir 
de compte à rendre de son administration financière, mais, 
de plus, il disposait d'un moyen facile de dépasser les crédits 
mis à sa disposition par le Parlement et de faire fi de ses 
décisions. 

Voici deux faits à l'appui de cette affirmation. Nous les 
empruntons au discours de M. de Gerlache, dont nous par- 
lions plus haut, 

ce En 1828, si j'ai bonne mémoire, nos collègues du Nord 

* Brochure citée, p. 103. 
« Ibid,. p. 114. 



( 78 ) 

réclamèrent contre les travaux que le gouvernement faisait 
exécuter à l'île de Marken. Cependant, ces travaux furent con- 
tinués et poussés fort avant, quoique twus eussions refusé des 
fonds à cet effet, et ils coûtèrent plusieurs millions. Le syndicat 
d'amortissement y avait pourvu. 

y> Il résulte de l'état dressé par la commission permanente, 
que le syndicat a déboursé une somme de 3,618,329 tlorins 
pour l'encouragement de l'industrie nationale. 11 suit de là 
-que le million mis à la disposition du gouvernement pour la 
même fin et dont la plupart des sections ont demandé la 
suppression, a paru insuffisant au ministre, ce qui laisse 
beaucoup à penser ^... » 

La situation budgétaire du royaume des Pays-Bas était donc 
des plus embrouillées. On n'y comptait pas moins de trois ou 
même quatre budgets : le budget décennal, alimenté par des 
impôts fixes; un budget annal, basé lui aussi sur des imposi- 
tions publiques; un second budget annal, qui reposait sur les 
subsides du syndicat d'amortissement; enfin, le budget secret 
de ce syndicat. 

Les deux premiers s'élaboraient au grand jour du Parlement», 
sous des garanties constitutionnelles, les deux derniers étaient 
occultes et leurs opérations sont soigneusement soustraites 
aux regards indiscrets des profanes. 

Nous pouvons donc conclure avec l'auteur anonyme que 
nous nous plaisons à citer : « Un tel ordre dans les finances 
appartient exclusivement aux Pays-Bas, et le politique, même 
le plus pénétrant, pourrait être fort embarrassé de se faire une 
idée juste de la cohérence du tout. 

» Il n'est donc nullement étonnant que dans un pareil état 
de choses, les plaintes sur l'obscurité qu'on met dans la reddi-^ 
tion des comptes se renouvellent et s'augmentent à chaque 
session des Étals-Généraux 2. » 

1 Verslag der Hancielingen,.., 48^9-1850, blz. 189. 

2 Exposé historique,,,, p. 129. 



( 79 ) 



§ 3. — LA CHAMBRE GÉNÉRALE DES COMPTES 
ET LA COMPTABILITÉ PUBLIQUE. 

Un arrêté du prince-souverain Guillaume I®', roi des Pays- 
Bas, du 30 novembre 1814, avait institué une Chambre des 
comptes pour les départements de la Belgique, appelés à 
former les provinces méridionales du nouveau royaume. 

La loi fondamentale de 1815 confirma cette institution. 
L'article 202, alinéa 1, déclare : c( Il y a pour tout le royaume 
une Chambre des comptes, chargée de l'examen et de la liqui- 
dation des comptes annuels des départements d'administra- 
tion générale, de ceux de tous les comptables de l'Etat et 
autres^ conformément aux instructions données par la loi. » 

En exécution de cet article, la loi du 21 juin 1820 organisa 
la Chambre générale des comptes et précisa ses attributions et 
ses devoirs. 

Enfin, un volumineux règlement générai sur l'administration 
des finances — il ne comprenait pas moins de 453 articles — 
approuvé par un arrêté royal du 24 octobre 1824 ^, précisa tous 
les détails de la comptabilité publique et de l'administration 
financière et notamment le rôle de la Chambre générale des 
comptes. 

La Chambre siégeait à La Haye. Elle se composait de seize 
membres, choisis, selon la prescription de la loi fondamen- 
tale, autant que possible dans toutes les provinces (art. 202, 
al. 2} et nommés par le Roi sur une liste triple de candidats 
présentés par la seconde Chambre des États -Généraux 
(art. 202, al. 3). Elle comprenait, en outre, un secrétaire, 
nommé, lui, directement par le roi (loi de 1820, art. 4). 

La loi de 1820 lui donnait les principales attributions sui- 
vantes : 

1*» Exercer un contrôle exact sur les dépenses et sur la 
comptabilité des fonds, biens et propriétés de TÉtat (art. 12) ; 

* Cf. supra^ 



(80) 

^ Examiner et clôturer le compte des revenus ordinaires 
et extraordinaires de l'État, destinés par la loi à faire face aux 
dépenses publiques. Ce compte sera transmis par l'administra- 
tion à la Chambre, accompagné de pièces justificatives consta* 
tant que les sommes y énoncées sont versées au trésor du 
royaume (art. 13). 

L'administration transmettra de même à la Chambre, pour 
y être examiné et clos, le compte des dépenses ordinaires et 
extraordinaires de l'État. La Chambre n'admettra définitive- 
ment dans ce compte aucun paiement dont la vérification et 
la liquidation voulue par l'article 15 n'auraient pas eu lieu 
(art. 18) ; 

3® S'opposer au transfert des crédits d'un ministère à un 
autre. « La Chambre générale des comptes veillera spéciale- 
ment à ce que les dispositions contenues dans Tarticle 127 de 
la loi fondamentale, par rapport aux dépenses publiques, aient 
leur plein efiet et que les sommes des budgets décennal et 
annuel, dont nous avons accordé la disposition, ne soient 
surpassées, ni employées à d'autres fins que conformément à 
ces dispositions (art. 14) ; 

4° L'article 15 attribue nettement à la Chambre le contrôle 
préventif des dépenses publiques : « Aucune disposition pour 
paiement de quelque dépense de TÉtat, affectée sur le budget, 
ne pourra être ordonnée, si au préalable cette dépense n'est 
vérifiée^ liquidée et enregistrée à la Chambre^. 

» Tous paiements provisoires, lesquels pourront d'après 
notre autorisation être ordonnés par un département d'admi- 
nistration générale, seront considérés comme des avances et 
devront être soumis à l'examen, la liquidation et l'enregistre- 

* Le rapport de la section centrale constate que la majorité dans une 
section et les membres d'une autre ont pensé que les attributions données 
par cet article et d'autres du projet sont hors du cercle de celles voulues 
par l'article 202 de la loi fondamentale, et qu'aux termes de cet article la 
Chambre des comptes serait seulement chargée de l'examen et de la 
liquidation des comptes annuels des départements d'administration 
générale et de ceux de tous les comptables de l'État et autres. 



(81) 

ment de la Chambre générale des comptes, avant de pouvoir 
être reconnus dépenses légales de l'État. 

» Les règles à suivre à cet égard seront arrêtées par nous 
après avoir entendu la Chambre. » 

L'article 16 ajoute : ce La Chambre générale des comptes ne 
pourra procéder aux liquidations mentionnées à l'article pré- 
cédent, à moins qu'il ne lui conste que la dépense a été 
autorisée par nos arrêtés généraux ou spéciaux. » 

S"" L'article 20% de la loi fondamentale chargeait la Chambre 
des comptes de l'examen et de la liquidation des comptes de 
tous les comptables de l'État et autres. 

L'article 22 de la loi de 1820 organise partiellement cette 
disposition en décidant que « la Chambre générale des comptes 
arrêtera et clorra les comptes des receveurs généraux dans les 
provinces; elle devra s'assurer que les revenus de l'État y 
soient portés conformément au compte général des recettes, 
qui lui sera transmis conformément à ce qui est prescrit dans 
l'article 13. 

» Pour ce qui concerne les dépenses publiques, la Chambre 
générale des comptes devra s'assurer que ces dépenses forment 
partie du compte mentionné à l'article 18, avant de les 
admettre définitivement dans ceux des receveurs généraux ». 

Quant aux autres comptables de l'État, soumis au contrôle 
de la Chambre, la loi, contrairement à l'avis exprimé par la 
section centrale, en abandonne la désignation à des arrêtés 
royaux : a Nous désignerons, en outre, par des arrêtés spé- 
ciaux, les comptables ordinaires et extraordinaires du royaume 
et autres, dont les comptes d'administration de fonds ou de 
biens et propriétés du royaume seront examinés et clos par la 
Chambre générale des comptes, en y comprenant, dans tous 
les cas, ceux qui toucheront des deniers publics à charge d'en 
rendre compte (art. 23). » 

6" Les articles 20 et 21 organisent le contrôle de la dette 
publique. « Le double du grand-livre de la dette nationale 
sera déposé à la Chambre générale des comptes et sera tenu 

Tome LXVL 6 



( 82 ) 

conformément aux règlements déjà arrêtés ou à arrêter. A 
regard de Tinscription des pensions, les règlements arrêtés ou 
à arrêter seront observés, ainsi que la règle générale comprise 
à l'article 16 (art. 20). » 

c< La Chambre générale des comptes tiendra également des 
registres de tous les emprunts, avances et autres opérations 
au profit du trésor, à TefFet d'en assurer la comptabilité 
(art. 21). « 

Cette organisation, quelque développée et bien conçue 
qu'elle puisse paraître à première vue, ne répondait cependant 
pas aux exigences d'une comptabilité publique rationnelle 
dans un gouvernement représentatif. 

Comme nous le disions plus haut, le gouvernement du 
royaume des Pays-Bas n'avait que les formes extérieures et 
pour ainsi dire la façade d'un gouvernement parlementaire. 

C'est le roi, en réalité, qui exerçait tous les pouvoirs et les 
ministres qu'il nommait n'étaient pas responsables vis-à-vis du 
Parlement. 

L'article 61 de la loi fondamentale attribuait expressément 
au roi la direction suprême des finances, et ce droit il l'exer- 
çait de manière à rendre pratiquement vaines et illusoires 
toutes les garanties constitutionnelles destinées à ménager le 
contrôle de la gestion financière du gouvernement. 

Aussi la Chambre des comptes, qui était théoriquement 
investie de ce contrôle, n'avait pas les moyens de l'exercer 
efficacement. 

Et d'abord, elle n'était pas indépendante du gouvernement, 
dont elle avait mission de surveiller les actes financiers. 

Ses membres étaient nommés par le roi, non pas directe- 
ment, il est vrai, puisque le Parlement avait un droit de pré- 
sentation. Mais à cela se bornait le droit de ce dernier, car les 
membres de la Chambre étaient destituables à volonté par lu 
roi qui les nommait. 

Au cours des travaux parlementaires de la loi de 1820, des 
sections avaient proposé de déclarer inamovibles les membres 



(83) 

(le la Chambre, — voulant leur donner ainsi une garantie 
d'indépendance — ou du moins de fixer la durée de leurs 
fonctions. 

Nous lisons, en effet, dans le rapport de la section centrale : 
« Une section, vu surtout le mémoire du ministre duquel il 
résulterait que les membres de la Chambre des comptes ne seraient 
pas inamovibles, mais destituables à volonté, a déclaré unanime- 
ment persister de plus en plus dans l'opinion que ces emplois 
(levaient être inamovibles pour que l'institution pût corres- 
pondre à son objet... 

» Une autre section a développé son observation à cet égard, 
en disant que dans l'intérêt du roi et celui de l'État, les mem- 
bres de la Chambre générale des comptes doivent jouir de la 
plus haute indépendance si on ne veut pas les assimiler à des 
commis des ministres, amovibles au gré de ceux dont ils doivent 
surveiller et arrêter les comptes; que personne ne s'est imaginé 
que même ceux actuellement existants ne fussent nommés à 
vie, qu'il est au moins dans le domaine de la loi de fixer la 
durée de fonctions aussi intéressantes et que si elle n'est pas à 
vie, la loi fondamentale aura manqué son but en instituant 
une Chambre des comptes. » 

Mais ces propositions ne furent pas suivies et aucun article 
de la loi ne stipule l'inamovibilité des membres de la Chambre 
des comptes ou ne précise la durée de leurs fonctions. 

De plus, le roi nommait directement le secrétaire de la 
Chambre dont les fonctions et la situation étaient prépondé- 
rantes au sein de celle-ci. 

De même, toutes les nominations des employés de la Cham- 
bre et toutes les instructions à lui donner émanaient de celui 
qui avait la direction suprême des finances ^. 

* Cf. Considérations sur les systèmes politiqtœs de comptabilité des 
gouvernements belge et des Pays-Bas, suivi d'un tableau général du 
mouvement de la dette publique jusqu'en 4830, à Toccasion de la revision 
de la loi qui institue la Cour des comptes, par un Belge, attaché à la 
Cour des comptes. (F. Rapaert, conseiller à la Cour.) Bruxelles, H. Remy, 
imprimeur du Roi, 4835, p. 18. 



(84.) 

Dépendante du gouvernement dans sa cotnposition, la 
Chambre générale des comptes se trouvait aussi très empêchée 
d'exercer normalement ses multiples attributions. 

L'article 14 de la loi de 1820 la chargeait, par exemple, du 
soin de veiller spécialement à l'application de l'article 127 de 
la loi fondamentale, qui établit la spécialité des crédits par 
ministère ou par département d'administration générale et 
interdit le transfert des crédits d'un chapitre d'administration 
générale à un autre chapitre, sans le concours des États- 
Généraux. 

Mais cette spécialité était absolument insuffisante pour per- 
mettre à la Chambre — ce qui eût été sa mission normale — 
de s'assurer que les crédits alloués au gouvernement étaient 
réellement employés à l'objet pour lequel il les avait obtenus. 

En effet, c'est le roi qui détermine lui-même les chapitres 
du budget (art. 75 de la loi fondamentale), et il lui est loisible, 
dans les limites d'un même chapitre, de faire toutes les 
dépenses qu'il juge à propos, sans s'inquiéter de l'attribution 
spéciale des crédits^. 

Dans ces conditions, le rôle attribué à la Chambre des 
comptes par la loi était bien diminué et presque illusoire. 

11 en était de même de son contrôle préventif (art. 15). « Cette 
innovation était alors de peu d'importance, car le chef du 
nouvel Etat, comme le chef de l'Empire (français) qui venait de 
s'écrouler, avait la direction suprême des tinances, d'après la 



' D'après la loi fondamentale, le roi Guillaume pouvait faire des 
transferts dans chaque chapitre du budget, sans l'autorisation de la 
Législature. Toutes les subdivisions, tous les chiffres à l'appui des projets 
n'étaient que des moyens d'apaiser les plus scrupuleux, de contenter les 
curieux, de justifier le montant des dépenses, sauf à bouleverser après 
l'approbation toutes les combinaisons primitives de chaque département 
d'administration générale. (Cli. de Brouckere, administrateur général des 
finances. Exposé des motifs du budget des dépenses pour le premier 
semestre 1834. — Séance du congrès national, 13 janvier 1831. Huyttens, 
IV, p. 499.) 



(88 ) 

loi fondamentale, sans avoir à rendre compte de leur gestion à 
la représentation nationale ^ . » 

Il avait notamment une faculté illimitée d'ordonner des 
paiements provisoires ou avances (art. 15, al. S), et il n'existait 
aucune sanction à Fexamen et à la liquidation préalable con- 
cédée à la Chambre des comptes. 

Si l'article S2 de la loi de 1820 confie à la Chambre des 
comptes le contrôle des recettes, en ce qui concerne les rece- 
veurs généraux, et si l'article 23 de la même loi prévoit l'exten- 
sion de ce contrôle, par voie d'arrêtés, à d'autres comptables, 
ces articles ne reçurent jamais d'exécution. 

« Le gouvernement hollandais, qui avait adopté le principe 
de n'admettre que l'œil du maître pour contrôler les finances, 
et qui repoussait par conséquent tout ce qui aurait pu répandre 
quelque jour sur la gestion des deniers publics, ne permit pas 
à la Chambre des comptes de vérifier les receltes. 

» En effet, le règlement sur l'administration des finances du 
24 octobre 1824, délayé en 453 articles, ne tarda pas à paraître. 
Ce règlement modifia complètement le système de comptabi- 
lité, supprima les seuls justiciables que la loi de 1820 avait 
donnés à la Chambre des comptes et se garda de lui en 
assigner de nouveaux. 

» La Chaipbre des comptes fut donc chargée d'arrêter des 
comptes et n'eut pas de justiciables; elle eut à vérifier des 
recettes, sans moyens d'en obtenir la justification, et à liquider 
des dépenses, d'après le bon vouloir du Pouvoir exécutif. Le 
ministre des finances puisait dans le trésor public, sans autre 
contrôle que celui du chef d'État 2. » 

Enfin, il n'existait aucun contrôle parlementaire sur la 
gestion des finances publiques. Le Parlement votait les impôts, 

* Rapport de M. de Man d'Attenrode, au nom de la section centrale, 
sur le projet de loi concernant la comptabilité de l'État. (Session de 
1844-1845, Doc. pari., no 160.) 

» Ihidein. 



(86) 

il autorisait aussi les dépenses et allouait au gouvernement les 
crédits que celui-ci réclamait, mais il ne disposait d'aucun 
moyen de s'assurer que les crédits qu'il votait recevaient l'emploi 
auquel il les avait affectés. L'article 128 de la loi fondamentale 
obligeait certes le roi à faire mettre annuellement sous les yeux 
des États- Généraux un compte détaillé de l'emploi des deniers 
publics. Mais c'était là une pure formalité. Le Parlement 
n'avait pas à examiner ce compte, ni à en délibérer, ni à 
l'arrêter^. La loi des comptes n'existait pas et les ministres 
n'étaient pas responsables vis-à-vis du Parlement. 

Aussi pouvons-nous conclure, avec M. de Man d'Attenrode 2 : 
c( La Chambre des comptes, comme dans les États où la 
représentation du pays ne peut s'enquérir de l'emploi des 
subsides, fut donc réduite au rôle d'auxiliaire de l'administra- 
lion : elle ne fut qu'un bureau où le gouvernement réunissait, 
pour ses propres investigations, les pièces justificatives des 
dépenses, afin de s'assurer qu'elles avaient été faites conformé- 
ment à ses ordres, dans la limite de la répartition qu'il avait à 
faire des crédits généraux ». 

Ce qu'on a justement appelé c< la comptabilité politique » 
laissait donc beaucoup à désirer sous le gouvernement du roi 
Guillaume, et la « comptabilité matérielle » -^ bien que très 

* « La chose était rationnelle. En effet, sur quoi eussent porté et les 
discussions, et les recherches, et les observations, en présence des 
crédits absolus, accordés sans délimitation aucune? Tous les documents 
que le pacte fondamental prescrivait de présenter aux Chambres étaient 
dans leur essence frappés d'une insignifiance complète; ils étaient 
véritablement dérisoires pour la nation à qui on les offrait; aussi, 
pendant toute la durée du royaume, aucun compte n'a été ni publié, ni 
arrêté, ni discuté; et. en vérité, c'eût été un hors-d'œuvre. » (Cf Consi- 
dérations sur les systèmes politiques, etc., pp. 13-14.) 

2 Rapport de la section centrale, cité plus haut. L'honorable rapporteur 
emprunte d'ailleurs cette remarque à l'auteur des Considérations sur les 
systèmes politiques, etc., p. 19 in fine, 

5 « Le gouvernement des Pays-Bas possédait une tenue de livres 
parfaite; aucun denier n'entrait, aucun denier ne sortait des caisses 



( 87 ) 

perfectionnée, ne pouvait suppléer évidemment à TinsufBsance 
de la première. 

Cependant, on s'exposerait à porter sur cette organisation 
budgétaire et comptable du royaume des Pays-Bas un juge- 
ment peu équitable, si Ton se bornait à la comparer aux insti- 
tutions plus développées et plus libérales qui Tont remplacée 
après 1830. 

Il ne faut pas perdre de vue, en effet, qu'avant cette époque, 
les institutions budgétaires modernes étaient encore dans 
l'enfance, comme les institutions parlementaires elles-mêmes, 
et que la plupart des pays, si Ton excepte l'Angleterre, étaient 
loin d'avoir réalisé un régime libéral attribuant aux représen- 
tants de la nation une influence réelle dans la gestion des 
finances publiques. 

On pourrait même soutenir que les lois politiques et consti- 
tutionnelles des Pays-Bas avaient réalisé un progrès et, en 
tout cas, on peut affirmer que le royaume des Pays-Bas n'était 
pas, sous ce rapport, dans une situation plus mauvaise que ses 
voisins du continent. 

La France seule faisait exception, grâce aux réformes finan- 
cières accomplies dans ce pays, sous la Restauration, sur l'ini- 
tiative notamment de M. de Villèle i. 

Cependant, on peut encore relever dans les institutions déjà 
très libérales existant sous Louis XVIH, de sérieuses lacunes, 
notamment en matière de spécialité budgétaire. 

« Depuis le début de la Restauration, malgré le silence de la 

publiques sans que Tenlrée ou la sortie n*en fût à la fois constatée et 
justifiée dans ses motifs : d'abord dans les livres locaux, si je puis 
m'exprimer ainsi, tenus sur les lieux par ceux qui faisaient directement 
les recettes et les dépenses; ensuite dans des livres de centralisation, 
tenus aux administrations générales chargées de l'examen et de la vérifi- 
cation des pièces. » (Cf. Considérations, etc., pp. 4-5.) 

* Cf. Stocrm, Le budget, passim, spécialement chapitres II, XIII, XXX. 
— Georges Surleau, Les réformes financières de M. de Villèle, Paris, 
Larose, 1901 (thèse), spécialement 2* partie, chapitres I, II, IV, V. 



^ 



(88) 

Charte, les députés votaient quand même le budget des 
dépenses. Seulement, leur vote ne portait que sur Tensemble 
des crédits, lesquels se trouvaient ainsi mis en bloc à la dispo- 
sition du gouvernement; le détail ne figurait dans la loi du 
budget qu'à titre de renseignement annexe. i 

» D'après Tarticle 151 de la loi du 25 mars 1817, non seule- 
ment le Parlement demeure chargé d'ouvrir les crédits néces- 
saires aux divers services publics, mais il pénètre dans leurs 
détails, il en spécialise la distribution par ministère i. » 

Cette loi créait la spécialité des dépenses par ministères, au 
lieu du vote des dépenses en bloc. « L'innovation réalisait sans 
doute un progrès considérable pour l'époque, en posant pour 
la première fois le principe de la spécialité. Hais ce principe 
étendu à tout un ministère laissait au gouvernement beaucoup 
trop de latitude, les ministres, une fois la loi de finances 
votée, demeurant maîtres de se mouvoir à leur guise dans des 
cadres de 100, 120 et jusqu'à 190 millions de crédits en bloc. 
Pourvu que ces blocs fussent respectés, l'aménagement des 
éléments qui les composaient pouvait être impunément bou- 
leversé 2. » 

A ce moment, la spécialité budgétaire n'était donc pas plus 
avancée en France qu'elle ne l'était dans le royaume des Pays- 
Bas. 

Mais les libéraux ne cessèrent de protester contre ce système, 
et en 1827 une ordonnance de M. de Villèle, du 1«' septembre, 
fit faire un pas de plus à la spécialité, en la restreignant à des 
sections formées dans l'intérieur de chaque ministère : <c A 
partir de l'exercice 1829, dit l'article 1", le projet de budget 
général de TÉtat présentera directement l'évaluation des 
dépenses par branches principales de services. 

» En conséquence, le vote du budget de l'exercice 1829 
porta non plus seulement sur sept ministères, mais sur 
cinquante-deux subdivisions budgétaires : la réforme avait 

* Stourm, loc, cit,f p. 48. 
« Ibid., pp. 293-294. 



(89) 

donc uoe certaine valeur. Mais elle péchait d'abord par son 
origine, puisqu'elle émanait d'une simple ordonnance, dont le 
gouvernement se réservait chaque année de reviser les cadres. 
Puis les sections formaient encore des subdivisions d'une 
étendue trop considérable, quelques-unes comprenant 25, 33, 
42, 45 et même 169 millions. 

» La révolution de 1830 provoqua un pas en avant décisif. 
Le vote par chapitre fut alors édicté par la loi du 29 jan- 
vier 1831 (art. 11, 12) <. » 

Si Ton excepte la spécialité budgétaire, qui ne reçut une 
solution satisfaisante qu'après la chute de Louis XVIII, on peut 
dire que la France de la Restauration possédait une organisa- 
tion budgétaire digne d'un gouvernement parlementaire. 

Elle connaissait en effet le vote annuel du budget, la loi des 
comptes depuis la loi du 15 mai 1818 ^ et avait développé 
d'une manière heureuse les attributions parlementaires de la 
Cour des comptes, solidement établie déjà dès 1807 dans ses 
attributions judiciaires 3. 

Il n'est pas étonnant que ces institutions libérales françaises 
aient inspiré sur bien des points l'œuvre législative de nos 
constituants belges de 1830. 

CHAPITRE IV. 

Le Congrès national et la Constitution belge. 

Il nous serait difficile toutefois d'établir d'une manière 
précise cette influence des réformes de M. de Villèle sur l'éla- 
boration du système budgétaire de la Constitution belge, 
bien que nous soyons persuadé que c'est par le canal des 
institutions françaises qu'a pénétré chez nous l'ensemble des 

* STomn, toc, cit., pp. 294-295, 

« Ilfid., p. 606. 

3 Ibid,, pp. 593et suiv. 



( 90) 

principes financiers très libéraux qui caractérisent Tœuvre des 
constituants de 1830. 

Plus tard, dans la loi de comptabilité du 15 mai 1846 et 
dans les règlements généraux qui Font suivie, Tinfluence 
française est très nettement marquée. Des textes entiers des 
lois et règlements de la comptabilité française ont passé dans 
la comptabilité belge, et nous aurons plus d'une fois Toccasion 
de les signaler. 

Mais les discussions du Congrès national sur les articles du 
pacte constitutionnel relatifs aux fmances publiques ont été 
très sommaires, peu explicites et ne permettent pas de discer- 
ner avec précision leur origine directe. 

Le titre IV : Des finances, a d'abord été l'objet d'un rapport 
très laconique, fait au Congrès, dans la séance du 22 janvier 
1831, par le chevalier de Theux de Meylandt ^. 

La discussion a été très rapidement menée dans les séances 
des 26 et 27 janvier 1831 2 et n'a guère porté sur les principes 
essentiels* 

D'autre part, les constituants ont eu soin d'adopter un 
régime financier diamétralement opposé à celui du royaume 
des Pays-Bas. Leur œuvre s'inspira naturellement d'une 
réaction contre les règles et les pratiques financières du gou- 
vernement précédent. 

Ils proclamèrent notamment que tout impôt doit être établi 
par une loi (art. 110) et que les impôts au profit de l'État sont 
votés annuellement, insistant d'ailleurs sur ce point, que les 
lois qui les établissent n'ont de force que pour un an si elles 
ne sont renouvelées (art. 111), et que les Chambres votent 
chaque année le budget (art. 115) : tout cela pour prévenir les 
abus auxquels donnait lieu le budget décennal. 

De même, la règle de l'universalité du budget est établie 



* HuYTTENS, Discussions du Congrès national, lY^ n» 61, pp. 105 et 
suiv. 
« Ibid., II, pp. 274-276 et 281 et suiv. 



I 



(94) 

par Tarticle 118, alinéa 2 : il n'y a plus place* sous le régime 
nouveau, pour le budget net et les budgets occultes. 

Le compte annuel des finances de l'État ne sera plus soumis 
au Parlement, à titre de simple renseignement, mais les 
Chambres le contrôleront et voteront chaque année la loi des 
comptes (art. 115, al. 1). 

La Cour des comptes sera complètement indépendante du 
gouvernement dont elle a mission de surveiller les actes. Ses 
membres seront nommés par la Chambre des représentants. 
La Cour sera en quelque sorte une commission de la Cham- 
bre, et parmi les attributions étendues que lui confère Tar- 
ticle 116, les constituants ont eu soin d'inscrire celle qui sera 
une garantie sérieuse du principe de la spécialité budgétaire, 
si méconnu sous le régime antérieur : la « Cour veille à ce 
qu'aucun transfert n'ait lieu ». 

Il nous suffira, pour le moment, d'indiquer ces principes 
fondamentaux de notre organisation financière. Nous aurons 
l'occasion d'y revenir et de les examiner d'une manière plus 
détaillée, à mesure que nous avancerons dans cette étude. 



PREMltîRE PARTIE 



LA PRÉPARATION DU BUDGET 



SOMMAIRE : 

Chapitre premier. — L'absence d'unité dans le budget belge, 
§ 1. — La pratique belge des budgets spéciaux et divisés. 
§ 2. — La forme extérieure des budgets. — L'arrêté royal du 

19 février 1848. 
§ 3. — La tentative de réforme de M. Graux : le budget de 1884. 
§ 4. — Le budget extraordinaire : 

A. — La situation avant 1884; 

B. — La réforme de M. Graux; 

C. — Le budçfet extraordinaire organisé par M. Beernaert ; 

D. — La distinction des dépenses exceptionnelles et des 

dépenses ordinaires, inaugurée en 1895. 
§ 5. — Appréciation critique de cette organisation. 

Chapitre IL — La procédure belge en matière de préparation de budget. 

Le comité permanent du budget. 
Chapitre IIL — La règle de V universalité. 

§ 1. — L'article 115, alinéa 2 de la Constitution. 

§ 2. — Étendue d'application de la règle : 

A. — Le budget belge est un budget brut ; 

B. — Loi du 15 mai 1846 sur la comptabilité : article 16 ; 

C. — Le budget des recettes et dépenses pour ordre. 
§ 3. — La spécialisation. 

Chapitre IV. — L'évaluation des recettes et des dépenses. Les crédits 
complémentaires et les crédits supplémentaires. 

Chapitre V — Époque de la présentation du budget à la Chambre. (Loi 
du 15 mai 1846 : art. 1. — Loi du du 24 juillet 1900.) 



(93) 



CHAPITRE PREMIER. 

L'absence d'unité dans le budget belge. 

§ 1. — La pratique des budgets spéciaux et divisés. 

Depuis l'époque où une administi'ation régulière a pu être 
organisée en Belgique après les événements de 1830, et 
jusqu'en 1846, le budget de l'État était présenté par le gouver- 
nement en deux projets de loi distincts, dont l'un, compre- 
nant toutes les dépenses publiques, était intitulé : Budget 
général des dépenses et services du royaume, et l'autre, consacré 
aux recettes, était dénommé : Budget général des voies et 
moyens. 

Ces deux projets étaient déposés à des époques différentes. 
En novembre 1840, par exemple, le ministre des finances 
soumet à la Chambre le projet fixant à fr. 103,632,724 31, pour 
l'exercice de 1841, les budgets de la dette publique, des 
dotations, des services généraux des ministères et des non- 
valeurs et remboursements, et à 1,714,000 francs le budget des 
dépenses pour ordre. Le 21 décembre suivant sont déposés le 
budget des voies et moyens, s'élevant à 101,464,464 francs, et 
celui des recettes pour ordre, évaluées à 1,514,000 francs. 

De même, pour l'exercice 1846, un premier projet de loi 
comprend le budget des recettes de l'État et les recettes pour 
ordre, un second projet tous les budgets de dépenses et les 
dépenses pour ordre. Ces deux projets réunis forment le budget 
des recettes et des dépenses du royaume de Belgique, et leur 
présentation est précédée d'un discours du ministre envisa- 
geant, dans son ensemble, la situation financière. 

Mais, selon la marche des travaux de la Chambre, le projet 



(94) 

unique, proposé pour les budgets de dépenses, était divisé en 
lois séparées relatives à un ou plusieurs départements ou 
services. Ainsi en 1846, du 21 janvier au 18 juin, plusieurs 
lois publièrent successivement les budgets des dépenses, à 
mesure qu'ils étaient votés ^. 

Aussi jugea-t-on opportun de consacrer cette pratique et de 
présenter dorénavant à la Chambre des projets de loi distincts, 
correspondant chacun à un service budgétaire déterminé et 
présentés à des époques différentes. 

Ce changement fut inauguré pour l'exercice 1847. En avril 
1846, le gouvernement présenta les projets de loi relatifs à la 
dette publique, aux dotations, aux non-valeurs et rembourse- 
ments, et aux départements de la justice, des affaires étran- 
gères, de la marine et des finances. En novembre de la même 
année, ce fut le tour du budget général des voies et moyens, 
et des projets de loi fixant le budget des dépenses et services 
du ministère de l'intérieur et du ministère des travaux 
publics. 

Enfin, depuis 1849 jusqu'à nos jours, exception faite pour 
le budget de 1884^, tous les gouvernements qui se sont 
succédés aux affaires ont conservé cette pratique des budgets 
spéciaux et divisés, avec cette différence, qu'au lieu d'être 
déposés à la Chambre à des époques variables, les différents 
projets de loi sont proposés tous ensemble à une même 
époque, actuellement au plus tard le 31 octobre de Tannée qui 
précède l'ouverture de l'exercice 3. 

A cette date, les projets de budgets doivent être imprimés et 
distribués aux membres des Chambres législatives, de manière 
que ceux-ci puissent s'en occuper dès la rentrée des Chambres, 
dont la session ordinaire s'ouvre de plein droit le second 
mardi de novembre. 



* Cf. Ch. des Représ., sess. de 4884-4885, Doc. pari., no 3. 

« Cf. § 3, infra. 

5 Cf. infra, chap. V. Loi du 24 juillet 4900. 



(95 ) 



§ 2. — La forme extérieure des budgets. L'arrêté royal 
du 19 février 1848. 

C'est dans les conditions que nous venons d'exposer que 
furent présentés les budgets des recettes et des dépenses pour 
l'exercice 1902. 

A l'époque voulue, le ministre des finances soumit à la 
Législature treize projets de loi formant le budget général des 
recettes et des dépenses du royaume pour l'exercice 1902, et un 
quatorzième projet contenant le budget des recettes et des 
dépenses pour ordre. 

Les treize premiers projets constituent le service ordinaire 
des recettes et dépenses du royaume. 

Le budget des recettes et dépenses pour ordre est un simple 
budget de comptabilité, ne renfermant que par exception des 
receltes et des dépenses réelles de l'État i. 

A une époque variable, le gouvernement dépose, en cours 
de session, un quinzième projet de budget consacré aux 
recettes et dépenses extraordinaires 2. Pour 1902, ce budget a 
été déposé à la séance du 15 avril 1902, trois semaines à peine 
avant la clôture de la session. 

Des treize projets de loi qui forment le budget ordinaire de 
l'État, le premier est le budget des recettes ou budget des 
voies et moyens. 

Les douze autres sont des budgets de dépenses, dont : 

Huit concernent les huit départements ministériels; 

Un le corps de la gendarmerie : 

Dn la dette publique (service de la dette proprement dite, 
annuités diverses, rémunérations et pensions, intérêts sur 
cautionnements et consignations) ; 

Un les dotations (liste civile, dotation de S. À. R. le comte 

* Cf. infra, chap. 111, § 2. 
« Cf. infra, § 4. 



(96) 

de Flandre, Sénat, Chambre des Représentants, Cour des 
comptes); 

Un les non-valeurs et remboursements (cotes irrécouvrables 
sur les diverses contributions, restitutions de droits indûment 
perçus, etc.). J 

Le projet de budget des voies et moyens pour 1902 est 
précédé d'une note préliminaire, donnant toutes les explica- 
tions et les éclaircissements nécessaires, et suivi de deux | 
tableaux, dont l'un énumère, article par article, les différentes 
sources de produits et donne le montant des évaluations de 
recettes par article et le total par chapitre^ et dont l'autre con- 
tient un état des produits et revenus réalisés pendant les exer- 
cices 1896, 1897, 1898, 1899 et 1900, et une comparaison des 
évaluations de recettes pour 1901 avec les évaluations propo- 
sées pour 1902. 

Le projet de loi lui-même est divisé en deux titres. Le pre- 
mier, suivant une habitude qui tend à devenir la règle, et dont 
nous aurons l'occasion de reparler, apporte une série de modi- 
fications de détail à diverses lois d'impôt, en matière de 
contributions directes, de douanes et d'accises. 

Le second, par application de l'article 111 de la Constitu- 
tion ^, renferme d'abord une disposition en vertu de laquelle 
« les impôts directs et indirects, en principal et centimes addi- 
tionnels au profit de l'État, existant au 31 décembre 1901, 
seront recouvrés, pendant l'année 1902, d'après les lois et les 
tarifs qui en règlent l'assiette et la perception (art. 5) » ; puis 
une autre disposition qui contient Vévaluation du produit des 
recettes ordinaires pour 1902 (art. 6); enfin, la formule qui 
déclare la loi obligatoire le l*' janvier 1902 (art. 7). 

Les projets des budgets de dépenses sont présentés sous 
une forme analogue. Cette forme a été déterminée par l'arrêté 

* Article 144 : « Les impôts au profit de TÉtat sont votés annuellement. 
Les lois qui les établissent n*ont de force que pour un an, si elles ne 
sont renouvelées. » 



(97 ) 

royal du 19 février 1848 ^, dont les principales prescriptions 
sont encore appliquées actuellement. 

Chaque budget est précédé d'une note préliminaire « ayant 
pour but d'expliquer sommairement toutes les parties du 
projet présenté » (art. 6). Les explications qui sont conte- 
nues dans ces notes préliminaires portent surtout sur les 
augmentations ou diminutions des crédits demandées par le 
gouvernement. 

Le projet de loi fixant les dépenses de chaque département 
est accompagné de deux tableaux : 

1® L'un résume, par articles, le montant des crédits 
demandés; 

2*» L'autre développe ces articles par litteras et autres sub- 
divisions jugées utiles pour éclairer les Chambres dans 
l'appréciation des crédits demandés (art. !«'). 

Ce dernier tableau de développements fait dans ce but la 
comparaison des crédits demandés pour l'exercice précédent 
avec ceux demandés pour le nouvel exercice 2, et il contient 
une série d'annotations ou d'observations explicatives qui n'ont 
pas trouvé place dans la note préliminaire. 

De plus, le projet de loi est encore suivi fréquemment 
d'annexés explicatives « si la nature des services l'exige » 
(art. 1"). 

Le budget de la dette publique est suivi, par exemple, de 
quatre annexes, dont la première indique les sommes payées 
à titre de minimum d'intérêt de 1894 à 1899 et les autres sont 
relatives au service des pensions. A la suite du budget de 

* Cf. Moniteur du 7 mars 4848, n» 67. 

2 II indique, en outre, depuis le projet de budget pour 4885 (cf. Ch. des 
Représ., sess. de 4883-4884, Doc, parL^iï^ 404), les crédits alloués pour 
le pénultième et les dépenses faites dans l'antépénultième exercice. 
Ainsi, les développements des budgets pour 4902 donnent les renseigne- 
ments suivants : 

4« La comparaison des crédits demandés pour 1902 et des crédits 
alloués pour i90l ; 

2o Les crédits alloués pour 4900 et les dépenses de Vexercice 4899, 

Tome LXVI. ^ î :\Z^ ^^ 



(98) 

l'agriculture et ries beaux-arts on trouve, comme annexe, un 
relevé des œuvres de peinture et de sculpture en voie d'exé- 
cution, indiquant la part de l'État, des provinces, des com- 
munes et des établissements intéressés dans la dépense. 

Tous les tableaux des divers projets de budget et les tableaux 
de développement y annexés présentent d'une manière uni- 
forme les évaluations de dépenses par branche de service 
(art. 2). 

Tous les articles d'un même budget sont numérotés, et il n'y 
a qu'une seule série de numéros pour chaque budget, mais 
les crédits sont totalisés par chapitres (art. 3). 

Dans un même article on ne pourra confondre les dépenses 
du personnel avec les dépenses relatives au matériel (art. 4). il 
faut donc maintenir une distinction très nette entre ces deux 
catégories de dépenses ^. 

De même, l'arrêté de 1848 (art. 8 et 9) prescrivait d'établir 
dans les projets de budget une distinction des crédits et 
dépenses en charges ordinaires et permanentes et en charges 
extraordinaires et temporaires, et en ce qui concerne les 
recettes, une distinction en produits ordinaires et permanents 
et produits extraordinaires et temporaires. 

Cette dernière distinction a disparu purement et simplement. 
La première a été remplacée 2 par celle des dépenses ordi- 
naires et dépenses exceptionnelles qui, depuis 1895, s'est 
introduite dans les divers budgets de dépenses 3. 

* a II est aussi à désirer que les allocations destinées au personnel 
soient distinctes de celles destinées au matériel, de manière à mettre 
obstacle à ce que le gouvernement puisse disposer des crédits destines 
au matériel pour augmenter les traitements, et à permettre une appré- 
ciation plus sûre des actes des ministres, lors de la discussion des 
projets de lois de comptes. » (Rapport de la section centrale sur le 
projet de loi concernant la comptabilité de l'État. — Ch. des Représ., 
sess. de 1844-1845, séance du 7 février 1845, ûoc, parL, n^ 460.) 

* Elle avait été supprimée par le projet de budget pour 1885. (Ch. des 
Représ., sess. de 1883-1884, Doc. parL, n^ 104.) 

3 Cf. infra, § 4. 



1 



(99) 



§ 3. — La tentative de réforme de M. Graux. 
Le budget de 1884 ^. 

Usant du droit qui appartient au ministre des finances de 
déterminer dans quelle forme la loi de budget doit être sou- 
mise au Parlement, M. Graux, rompant avec le mode de 
présentation traditionnel depuis 1849, et qui devait être repris 
dans la suite, réunit les budgets de 1884 en une seule grande 
loi générale. « Nous ne vous proposerons plus, disait-il à la 
Chambre, douze lois différentes, contenant des propositions 
de dépenses, des crédits ouverts à chaque département minis- 
tériel et une loi séparée pour le budget des voies et moyens; 
je vous apporte le projet d'une seule loi, contenant le budget 
général de TÉfat, contenant les prévisions de recettes et décré- 
tant toutes les dépenses réparties entre les différents départe- 
ments ministériels ^. » 

Le projet de loi contenant le budget général du royaume de 
Belgique pour l'exercice 1884 constituait un document impor- 
tant de 644 pages 3. Il comprenait quatre parties : 
L — Exposé des motifs (pages i-xxxn). 
IL — Projet de loi portant fixation du budget (pp. 1-78). 

liL — Développement du budget (pp. 79-578j. 

IV. — Annexes à la situation du trésor (pp. 581-644). 

Le projet de loi proprement dit, établissant le budget 
général des recettes et dépenses, présentait l'aspect suivant *. 

Il était divisé en cinq titres et dix-sept tableaux. 

* Cf. V. Brants, Sur une forme nouvelle donnée au budget du royaume 
de Belgique pour i884, (Notice dans le Bull, de la Soc. de législ. 
comparée, 1883, t. Xll, pp. 437 et suiv.) 

« Ch. des Représ., séance du 28 février 1883, Ann. parUy p. 450. 

* Ibid., sess. de 4882-1883, Doc. pari., m 102. 

* Ibid. — Cf. aussi Rapport de M. Demeur sur le budget général de 
rÉlat, fait au nom de la section centrale. (Ch. des Représ., sess. de 1883- 
4884, Doc. pari., n» 26.) 



( 100 ) 

Le titre I établissait le budget ordinaire de l'État. II con- 
cernait donc les dépenses qui se reproduisent chaque année et 
dont le montant seul est variable, ainsi que les revenus annuels 
de rÉtat qui doivent servir à payer ces dépenses. 

L'article 1^ ouvrait aux divers départements ministériels 
et services publics les crédits jugés nécessaires pour 1884. 
Ces crédits étaient répartis entre eux, conformément aux 
tableaux Il-XII annexés. Le tableau XHl contenait la récapi- 
tulation des dépenses ordinaires. 

L'article 2 indiquait la somme des revenus publics destinée 
à subvenir à ces dépenses ordinaires et contenait la formule 
d'exécution de la disposition constitutionnelle qui prescrit le 
vote annuel des impôts (tableau [). 

L'évaluation de ces recettes, mise en regard des dépenses 
pour lesquelles les crédits sont ouverts, donne l'excédent, en 
receltes ou en dépenses, des services ordinaires. 

Pour 1884, le projet prévoyait un excédent de dépenses de 
plus de 26 millions. Cet excédent devait être soumis au vote de 
la Législature, contrairement à la pratique suivie jusqu'alors 
et depuis. « Le but principal de cette disposition, disait 
l'Exposé des motifs, est de mettre en évidence le résultat du 
budget de chaque exercice, tel qu'il est proposé et tel qu'il est 
voté. » 

Le titre II était relatif aux dépenses sur ressources extra- 
ordinaires (tableau XIV). Il contenait donc le budget extraordi- 
naire et réalisait une importante innovation dans l'organisa- 
tion budgétaire. Nous nous en occuperons spécialement plus 
loin ^. 

Le titre III était intitulé : Dépenses sur ressources spéciales. 
Le tableau XV qui les comprenait était divisé en trois cha- 
pitres : subsides, fonds de remploi, services divers. « Les 
subsides, disait l'Exposé des motifs, sont des fonds de con- 
cours offerts à l'État par les provinces, les villes et les com- 
munes et même par des particuliers, pour aider soit à la 

* Cf.§4B. 



( 401 ) 

construction de routes, soit à l'exécution d'autres travaux 
d'utilité publique. 

» Les fonds de remploi proviennent en très grande partie 
soit de prestations d'un service public à un autre, soit de la 
cession, par adjudication publique, de matières ou de maté- 
riaux hors d'usage. Il ne peut-en être fait emploi que pour 
autant qu'ils demeurent affectés au service même d'où ils pro- 
viennent. 

» Les services divers se composent des cautionnements 
d'entrepreneurs défaillants et des créances recouvrées à charge 
des provinces et des communes du chef de remboursements 
d'avances relatives aux dépenses de l'enseignement primaire 
Les cautionnements d'entrepreneurs défaillants sont attribués 
au Trésor pour servir au règlement du prix des travaux ou 
des fournitures qu'ils ont laissés en souffrance. Les rembour- 
sements d'avance sont destinés à être affectés à de nouveaux 
prêts. 

» Toutes dépenses imputables sur les recettes inscrites au 
tableau XV doivent être soumises au visa préalable de la 
Cour des comptes. » 

La plupart de ces ressources spéciales étaient portées anté- 
rieurement au budget des recettes et dépenses pour ordre. 
C'était à tort, puisqu'elles n'étaient pas des fonds de tiers, 
mais des fonds de l'Etat. D'autre part, on les avait réunies aux 
fonds des tiers et placées dans le même cadre, parce que les 
uns et les autres doivent être affranchis des règles qui fixent la 
durée de l'exercice ^ . 

L'Exposé des motifs indiquait d'ailleurs les raisons qui 
avaient engagé le gouvernement à ne pas ranger ces ressources 
spéciales parmi les services ordinaires ou extraordinaires, 
mais sous une rubrique séparée 2. 

* Cf. Rapport de M. Demeur et Exposé des motifs. 

' Après l'abandon en 4885 du système du budget unique, celte caté - 
gorie des ressources spéciales fut de nouveau rattachée au budget des 
recettes et dépenses pour ordre, dont elle forme trois chapitres du 
titre II, intitulé : Dépenses sur ressources spéciales, soumises au visa 
préalable de la Cour des comples. 



( 402 ) 

Le titre IV renseignait Jes fonds à percevoir et à payer pour 
le compte de tiers : provinces, communes, établissements 
publics et caisses diverses, à Tëgard desquels l'État remplit les 
fonctions de caissier (loi du 15 mai 1846, art. 24). Le titre IV 
(tableau XVI) correspondait donc au budget des recettes et 
dépenses pour ordre. 

Enfin, le titre V renfermait des dispositions diverses « depuis 
longtemps en usage et maintes fois consacrées par la Législa- 
ture ». Elles étaient rattachées antérieurement soit au budget 
des travaux publics, soit au budget de la guerre (art. 9-12 du 
projet de loi). 

Le tableau XVII du projet de loi contenait le compte de 
prévision de l'exploitation des chemins de fer de TÉtat pour 
1884. 

Ce nouveau mode de présentation du budget se caractérisait 
donc essentiellement par la substitution d'un seul et unique 
projet de budget général à la série de projets de loi, correspon- 
dant chacun à un département ministériel ou à un service 
public spécial. 

Il en résultait pratiquement que le Parlement n'avait plus à 
élaborer qu'une seule loi budgétaire. Il devait suffire désor- 
mais de constituer une seule section centrale et de procéder à 
une seule discussion et à un seul vole d'ensemble. 

Aussi^ dans son Exposé des motifs, le ministre des finances 
signalait à la Chambre l'opportunité d'apporter certaines 
modifications à son règlement. 

« Le budget, disait-il, constituant une loi unique, devrait 
être soumis à l'examen d'une seule commission ou d'une 
section centrale... 

« Je pense qu'un examen préalable du projet de budget dans 
son ensemble ne pourrait être fait utilement par toutes les 
sections telles qu'elles sont constituées actuellement; mais 
l'importance de la loi, la variété des objets auxquels elle 
s'applique, la multiplicité des décisions que son étude com- 
porte, exigent, selon moi, qu'elle soit soumise à une section 
centrale plus nombreuse, à une sorte de commission du 
budget qui serait élue par les sections. En la composant 



( 103 ) 

de deux ou trois délégués par section, on constituerait une 
section centrale de douze ou dix-huit membres. 

» Celle-ci pourrait désigner un rapporteur général, qui 
serait chargé d'exprimer les vues de la section centrale sur 
Y'ensemble du budget, sur les éléments qui le constituent, 
sur les conditions financières dans lesquelles il a été établi. 
Elle nommerait aussi des rapporteurs spéciaux plus particu- 
lièrement investis de la mission de traiter les questions poli- 
tiques, administratives ou techniques que ferait naître l'examen 
des chapitres relatifs aux divers services et aux divers mini- 
stères. » 

Le 25 avril 1883, la Chambre, s'inspirant de ces indications 
gouvernementales, introduisit dans son règlement les disposi- 
tions qui figurent encore actuellement à l'article 58 et qui sont 
les suivantes : 

« Pour l'examen du projet de loi contenant le budget géné- 
ral de l'État, le nombre des rapporteurs nommés par chaque 
section sera de trois. 

» La section centrale chargée de cet examen comprendra en 
outre, avec le président de la Chambre, conformément à 
l'article 55, les deux vice-présidents. 

» Elle nommera, à la majorité absolue, ceux de ses 
membres qui seront chargés de faire rapport à la Chambre sur 
l'ensemble et sur les diverses parties du budget. 

» Les demandes de crédits supplémentaires ou extraordi- 
naires seront toujours directement renvoyées à la section cen- 
trale qui aura examiné .le budget de l'exercice auquel ces 
crédits se rattachent. » 

Le mode de discussion et de vote du projet de loi sur le 
budget général fut d'autre part réglé par l'article 46 du règle- 
inent de la Chambre, adopté par celle-ci le 39 janvier 1884. 
Cet article 46 est libellé comme il suit : 

« Par dérogation aux dispositions générales du présent 
règlement, il sera procédé de la manière suivante à la discus- 
sion et au vote du projet de loi réglant le budget général de 
l'État : 



( 404 ) 

» !• Après la discussion sur rensemble du projet de loi, 
chaque tableau du budget sera mis en délibération conformé- 
ment au règlement, depuis la discussion générale du tableau 
jusqu'au second vote exclusivement; 

» 2® La Chambre sera ensuite appelée à voler par assis et levé 
ou par appel nominal, s'il est régulièrement demandé, sur la 
partie du texte du projet de loi qui correspond au tableau; 

» 3° Avant de faire l'appel nominal sur Tensembledu projet 
de loi, il sera procédé, s'il y a lieu, à un vote de revision por- 
tant exclusivement sur les propositions qui auraient pour 
objet de mettre en concordance les votes définitifs partiels t. » 

La forme nouvelle donnée au budget par M. Graux répon- 
dait, d'après lui, à un vœu souvent exprimé à la Chambre. 
Elle était recommandée aussi par l'avis unanime d'une com- 
mission spécialement instituée 2 pour l'étude de celte forme 
nouvelle. 

Mais quels étaient donc les arguments invoqués pour la 
modification proposée et les avantages intrinsèques que le 
nouveau mode de présentation du budget possédait sur le 
mode traditionnel? 

On invoquait d'abord et les partisans du budget unique 
invoquent aujourd'hui encore en sa faveur la nécessité pour 
le Parlement d'examiner simultanément les recettes et les 

* En même temps que la Chambre, le Sénat apportait à son règlement, 
en avril et décembre 1884, les modifications jugées nécessaires pour 
l'examen et la discussion du nouveau projet de budget. 

L'article 49 du règlement du Sénat indique la manière dont se fera, 
ainsi qu'à la Chambre, la discussion et le vote sur les différents tableaux 
du budget et la partie du projet de loi qui y correspond. 

L'article 50 porte : « Une commission spéciale, composée comme il 
est dit à l'article 52, est chargée de l'examen du projet de loi contenant 
le budget général de l'État. » 

Article 52 : « Chaque commission délègue deux de ses membres pour 
faire partie de la commission générale du budget général de l'État. 
Le président du Sénat préside de droit la commission du budget général 
de l'État. » 

« Arrêté ministériel du 11 juillet 1882. Moniteur du 26. 



( 408 ) 

dépenses, afin de mieux se rendre compte de leur équilibre et 
d'apprécier dans son ensemble la situation financière du pays. 

Dans un de ses beaux et lumineux rapports, faits à diverses 
reprises au nom de sections centrales chargées de l'examen des 
budgets — rapports auxquels nous aurons recours plus d'une 
fois, — M. Demeur signalait dès 1878 cette nécessité ^. « Il 
entre, disait-il, dans les attributions de la section centrale, 
chargée de l'examen du budget des voies et moyens, d'examiner 
si les recettes comprises dans ce budget, en les supposant 
établies, seront suffisantes pour couvrir les dépenses de l'exer- 
cice auquel le budget se rapporte. C'est même là, semble-t-il, un 
des objets principaux de sa mission; mais dans les conditions 
ou elle est placée, la Section centrale est impuissante à faire 
cet examen. En effet,. la comparaison du montant des recettes 
avec le montant des dépenses peut seule permettre déjuger 
de leur équilibre. Ce sont là deux éléments inséparables d'un 
seul problème... Or, d'après le mode usité en Belgique pour 
l'examen du budget général de l'État, des sections centrales 
distinctes sont chargées de l'examen du budget des recettes et 
de l'examen de chacun des budgets des dépenses; spéciale- 
ment la section centrale, chargée de faire rapport sur le budget 
des voies et moyens, n'est saisie ni du budget des travaux 
publics, ni du budget des finances, ni des autres budgets. 

» C'est là une anomalie : l'unité de vues qui doit présider à 
la confection du budget de l'État est impossible dans ces 
conditions. Cette anomalie ne se rencontre pas dans les autres 
corps, chargés de l'examen des budgets, spécialement les 
conseils communaux et les conseils provinciaux. Là une com- 
mission est chargée de délibérer et de faire rapport sur 
l'ensemble du budget. 

» Il a paru convenable d'appeler l'attention de la Chambre 
sur ce point : son action ne peut être efl'ective, au point de 
vue du bon ordre dans les finances de l'État, que si, sous une 

* Rapport sur le budget des voies et moyens pour 1879. (Ch. des 
Représ., sess. de 1878-1879, Doc. pari., n? 26.) 



( 106) 

forme quelconque, il est remédié à l'état de choses que nous 
venons de signaler. » 

Dans un rapport ultérieur ^, M. Demeur revenait sur la 
même question et insistait à nouveau sur la nécessité de sou- 
mettre à un examen d'ensemble le budget des voies et moyens 
et les divers budgets de dépenses. Cette nécessité résulte, 
remarquait-il, de la nature même des choses, et il le montrait 
par un exemple destiné à mettre en relief le lien qui unit entre 
eux les divers chapitres du budget de l'État. Il citait aussi à 
l'appui de sa thèse l'enquête du Cobden-Club sur l'organi- 
sation budgétaire des divers pays, de laquelle il résulte que 
partout, sauf en Portugal et en Belgique, l'ensemble du bud- 
get est soumis à l'examen d'une seule commission, qui fait 
rapport à la Chambre. 

En présentant, en 1883, son projet de budget unique 
pour 1884, M. Graux se rallia à ces considérations pour en 
faire l'argument capital de la réforme qu'il proposait. Il con- 
damnait à ce point de vue le système traditionnel, parce que, 
disait-il dans son Exposé des motifs 3, si a les discussions des 
budgets sont restées, comme elles doivent l'être, l'occasion de 
contrôler les actes politiques et administratifs des ministres, 
elles ont perdu leur utilité directe, qui consiste dans l'examen 
parlementaire des dépenses proposées, comparées aux voies et 
moyens que possède le trésor ou qu'il faut lui procurer pour 
les couvrir ». 

Et plus tard, après Tabandon de sa réforme et plusieurs 
années après qu'il eût quitté le ministère, M. Graux, resté 
fidèle à son plan financier, précisait son idée d'une manière 
plus nette encore, lorsqu'il disait à la Chambre 3 : c< Un 
budget .. c'est, en réalité, un tableau sur lequel on inscrit d'une 
part toutes les recettes que le gouvernement demande l'autori- 
sation de percevoir; d'autre part, toutes les dépenses qu'il 

* Rapport sur le budget des voies et moyens pour 4883. (Ch. des 
Représ., sess. de 1882-4883, Doc. parL, n^ 47.) 
« Ch. des Représ., sess. de 4882-4883, Doc. pari., n» 402. 
^ Ibid., séance du 4 février 4891, Ann. pari., p. 318. 



(107) 

demande la permission de faire. Ce tableau forme un tout 
complet, établissant une situation exacte, d'où ressort une 
balance, qui accuse ou un excédent de recettes, un boni, ou 
une insuffisance de ressources, un déficit. 

» L'unité d'un budget général, dont toutes les parties se 
tiennent et sont solidaires, qui, par sa nature, est indivisible, 
permet seule d'apprécier quel est le plan financier du gouver- 
nement pour l'exercice qui va s'ouvrir. » 

bans la même séance de la Chambre, M. Graux appelait au 
secours de sa thèse l'autorité de M. Thiers, qui professait aussi 
que c( dans un pays bien administré, une seule chose est 
sincère, utile, profitable, c'est d'avoir un seul budget; d'avoir 
dans un même tableau toutes les dépenses de l'État, dans un 
seul autre toutes les recettes. Alors on sait quelle est la situa- 
tion; alors le public la comprend facilement et immédiatement, 
sans qu'il soit possible de faire illusion à personne... Le 
budget unique, c'est la lumière, » (Discours du 3 juillet 1868.) 

Hais la réforme, dans l'esprit de ses promoteurs, devait pré- 
senter, en outre, le grand avantage de faciliter et d'accélérer 
l'examen et le vote du budget, de manière à le terminer en 
temps utile, avant l'ouverture de l'exercice. 

(( La substitution à l'examen et au vote de lois financières 
multiples d'une seule loi budgétaire générale, aura non seule- 
ment pour effet de faciliter le contrôle législatif de l'adminis- 
tration des finances, mais elle rendra probablement plus 
simple et plus méthodique la discussion du budget. Sans rece- 
voir aucune restriction dans tout ce qu'ils ont d'utile, les débats 
dont il est l'occasion pourront être plus condensés ; des redites 
seront évitées et la Chambre épargnera ainsi un temps qu'elle 
pourra consacrer à d'autres travaux *. » 

M. Frère-Orban partageait aussi cette manière de voir qu'il 
exposait en ces termes à la Chambre ^ : a La manière dont on 

^ Exposé des motifs. (Gh. des Représ., sess. de 1882-1883, Doc, pari., 
n» 401) 
* Gh. des Représ., séance du 16 décembre 1884, Ann. parL, p. 252. 



(108) 

a coutume de procéder dans cette Chambre à la discussion du 
budget, contribue à ce qu'il en soit ainsi (retard considérable 
dans le vote des budgets) ; mais ces inconvénients sont plus 
considérables encore lorsque, au lieu d'un budget unique, il y 
a des budgets séparés. Je veux parler de ces discussions inter- 
minables qui ont lieu, en réalité, à côté du budget plutôt que 
sur le budget lui-même... Le budget unique aurait pour consé- 
quence de remédier en très grande partie à cet inconvénient-là ; 
on s'accoutumerait à se restreindre dans la réelle discussion 
du budget. » 

La réforme de M. Graux, dont nous venons d'exposer l'éco- 
nomie, ne survécut pas à la chute du dernier cabinet libéral. 

En présentant à la Chambre le budget amendé des recettes et 
dépenses du royaume de Belgique pour 1885 ^, M. Beernaert 
reprit la tradition des projets de loi spéciaux et distincts, telle 
qu'elle avait subsisté de 1847 à 1883. « Nous en sommes 
revenus, disait-il, aux budgets divisés, parce que l'expérience a 
démontré que la méthode suivie l'an dernier était fâcheuse et 
que, parmi les chefs d'administration qui ont eu à la mettre en 
pratique, il n'y en a pas un, pas un, entendez-le bien, qui s'y 
soit déclaré favorable 2. » 

La méthode proposée par M. Graux était fâcheuse, d'après 
M. Beernaert, parce que d'abord, loin de favoriser la rapidité 
de l'examen et du vote du budget, elle rend le travail parlemen- 
taire plus lent. 

Le budget de 1884 est resté quatorze mois sur le métiers. Et 



* Ch. des Représ., sess. de 1884-1885, Doc. pari., n» 3. 

2 Ch. des Représ., séance du 46 décembre 1884, Ann.j^ar^, p. 257. — 
Il est curieux de rapprocher cette déclaration de Tavis de la commission 
spéciale instituée par M. Graux, laquelle opinait unanimement en sens 
contraire. Cf. supra^ p. 104. 

3 a La commission se mit sans doute résolument à l'œuvre et appliqua 
largement le principe fécond de la division du travail; néanmoins, bien 
que la session ordinaire de 1882-1883 ait duré jusqu'au 18 août, la 
Chambre se sépara sans avoir reçu un seul rapport. 

» Le 17 octobre 1883, le gouvernement adressa au président de la 



( 109 ) 

tandis que la loi était en supens à la Chambre, le Sénat n'avait 
rien à faire; il devait attendre que l'ensemble du budget fût 
voté avant de pouvoir commencer son travail. 

L'expérience faite ne confirmait don 3 pas la vertu que l'on 
avait attribuée au budget unique d'accélérer l'élaboration de la 
loi annuelle des finances <. De plus, les retards dans le vote 
sont plus préjudiciables avec le système de la loi unique, 
qu'avec celui des lois divisées. « Du moment qu'il n'y a qu'un - 
seul budget, aucun crédit n'est voté définitivement aussi long- 
temps que tous n'ont pas été discutés. Et l'an dernier ce vote 
n'a eu lieu qu'au mois de mai. Il en est résulté que nous avons 
vécu sous l'empire de crédits provisoires pendant les cinq pre- 
miers mois de Tannée et, chose beaucoup plus grave, qu'au 



Chambre un volume contenant trois séries d'amendements, changeant 
entièrement la physionomie du budget. En février, celui-ci soldait par 
un déficit de fr. 26,113,331 71; en octobre, le déficit était réduit à 
fr. 16,981,531 71. Des rapports partiels furent déposés successivement 
du 27 novembre au 12 décembre, et la discussion, commencée le 
15 janvier, se termina le 28 mars 1884. Enfin, le projet déposé le 
28 février 1883, transformé de nouveau de manière à solder par un 
déficit de 6,422,014 francs, devint la loi du 7 mai 1884, et cela après une 
élaboration de quatorze mois. » (Exposé des motifs du budget de 1885. 
Ch. des Repr., sess. de 1884-1885, Doc. pari., n^ 3.) 

* Les partisans du budget unique ré|)ondaient à cette constatation 
qu'on ne pouvait tirer argument contre le système d'une première 
expérience, faite d'ailleurs dans des circonstances difficiles. Déjà, anté- 
rieurement, dans son rapport sur le budget de 1884, M. Demeur observait : 
« Si ces avantages (vote plus rapide) ne sont pas obtenus, dès cette année, 
dans toute la mesure désirable, cela tient notamment à ce que, par 
suite des modifications nécessaires au règlement de la Chambre pour la 
composition de la section centrale, celle-ci n'a été convoquée qu'au mois 
de mai. Cela tient aussi à ce que le budget présentait une insuffisance 
de ressources qui a nécessité la présentation des lois d'impôts discutées 
au cours de la dernière session, et enfin, à ce que la section centrale, 
chargée de son examen, se livrait pour la première fois à ce travail 
relativement considérable. » (Ch. des Représ., sess. de 1883-1884, Doc. 
parL, n« 26.) 



( 140 ) 

point de vue des travaux publics, l'année a été pour ainsi dire 
perdue ^. » 

MM. Malou et Beernaert se refusaient aussi à reconnaître au 
système du budget unique une plus grande clarté et la qualité 
de mieux faire saisir au Parlement l'ensemble de la situation 
financière du pays. « C'était, d'après H. Malou 2, une innova- 
tion admirable de faire un seul budget de ces budgets divisés; 
.mais je cherche encore, ajoutait-il, quelle utilité réelle il y aà 
cela; je le disais au Sénat, en discutant la même question : il y 
a la différence de quelques cahiers épars ou de quelques cahiers 
reliés, il y a une ficelle de plus. 

» On ne voit pas l'ensemble, dit-on, mais voyait-on l'ensem- 
ble sous le budget général ? On le voyait au début de la discus- 
sion, mais il disparaissait ensuite 3; ce budget général et 
unique de 1884, je défie qui que ce soit d'avoir vu ses méta- 
morphoses, ses transformations. » 

Le système des budgets divisés permet d*ailleurs parfaite- 
ment d'envisager la situation dans son ensemble. 

En effet, les divers projets de loi sont soumis à la Chambre 
ensemble ^, le même jour et non pas à des époques différentes. 

^ Beernaert, discours du 16 décembre 1884 (Gh. des Représ., Ann. 
paru p. 257.) 

* Discours du 17 décembre 1884. (Ch. des Représ., Ann. parL, p. 268.) 
3 D'autant plus vite que par l'article 46 de son règlement, la Chambre 

avait réglé la discussion et le vote du budget unique, comme si chaque 
tableau formait une loi spéciale. 

* M. Demeur, quoique partisan du budget unique, constatait cependant 
que le fait de présenter les projets de loi budgétaires tous ensemble 
à la Chambre, conférait une certaine unité au budget ordinaire et 
permettait de se rendre compte de l'équilibre des recettes et des 
dépenses « Les lois qui autorisent, disait-il, les recettes et les dépenses 
ordinaires sont soumises ensemble à la Chambre, et ce n'est qu'à titre de 
supplément ou pour pourvoir à des besoins qui n'ont pu être prévus 
lors du vote du budget que des crédits ordinaires sont ultérieurement 
demandés. C'est grâce à cette unité du budget ordinaire qu'il est possible 
de se rendre compte de l'équilibre entre les recettes et les dépenses 



( 111 ) 

Ensuite, un exposé général précède toujours les différents 
budgets, lequel synthétise pour ainsi dire l'ensemble de .la 
situation budgétaire, en établissant une comparaison entre les 
recettes et les dépenses totales de l'exercice. 

c( On dit : le budget unique, c'est la lumière! Je me demande, 
Messieurs, si c'est bien sérieusement que Ton vient dire dans 
cette Chambre que, depuis 1830, tous les budgets ont été votés 
sans qu'ils aient pu faire l'objet d'un examen approfondi. 

» L'exposé général qui précède nos budgets séparés, ne 
rapproche-t-il pas les chiffres et ne donne-t-il pas sur la situa- 
tion financière dans son ensemble, tous les renseignements 
désirables?... 

» Voici nos budgets divisés. Pour connaître la situation 
dans son ensemble, n'est-il pas vrai qu'il suffit de les prendre 
un à un, d'en additionner les. totaux, et de rapprocher le 
résultat de cette addition du montant du budget des voies et 
moyens? Or, celte peine si mince, on a voulu l'éviter. L'exposé 
général résume les budgets et les rapproche. Il n'y a plus qu'à 
prendre la peine de lire... 

» Entre le système de M. Graux et celui d'autrefois, auquel 
nous sommes revenus, l'honorable M. SJalou a pu dire un jour 
qu'il n'y a absolument d'autre distance que l'épaisseur d'une 
ficelle. On s'était borné à réunir en un seul fascicule des cahiers 
qui se trouvent aujourd'hui séparés, et à mettre à la fin de ce 
qui n'était plus ainsi que des chapitres, une addition que la 
Chambre trouve aujourd'hui au commencement de l'exposé 
général dont nous faisons précéder le dépôt des divers 
budgets ^.. 

» C'est à ce point la même chose que, lorsque, en 1885, nous 

projetées et de mesurer le degré d'urgence des diverses recettes et des 
diverses dépenses. » (Cf. Rapport sur le budget de la dette publique 
pour 1881. Ch. des Représ., sess. de 1880-1881, Doc, parL, n9 26.) 

* « Seulement, il y a cette différence essentielle, que les budgets de 
1884, discutés isolément, ne pouvaient être votés qu'en bloc, tandis que, 
d'après la pratique d'autrefois et d'aujourd'hui, chaque budget est voté 
au fur et à mesure de la discussion. » 



( 112 ) 

avons voulu substituer des budgets divisés au budget unique, 
le] qu'il avait été préparé par M. Graux, il nous a sufii de... 
couper la ficelle et de substituer plusieurs additions à une 
seule. En réalité, nous n'avons tout comme vous qu'un budget 
uniqm, mais il est voté par fragments ^. » 

Si donc le budget unique a été abandonné en 1885 par 
MM. Malou et Beernaert, c'est parce que sous ce régime les 
retards dans le vote du budget offraient plus d'inconvénients, 
et que d'autre part la situation financière pouvait, disait-on, 
apparaître aussi clairement dans son ensemble sous le régime 
des budgets divisés qu'avec le budget unique. 

Nous n'avons pas pour le moment à apprécier ces arguments. 
Nous nous sommes borné à exposer ici les opinions adverses, 
nous réservant de les discuter en manière de conclusion à ce 
chapitre 2. ^ 

§ 4. — Le budget extraordinaire. 
A. — La situation avant 18S4. 

Avant 1884, on rencontrait dans notre organisation budgé- 
taire, à côté du service financier ordinaire de l'État, un service 
extraordinaire, qui comprenait deux catégories de dépenses 
nettement distinctes. C'étaient, d'une part, les « charges 
extraordinaires et temporaires » et, d'autre part, les ce crédits 
spéciaux et extraordinaires ». 

Les charges extraordinaires et temporaires étaient occa- 
sionnées par les travaux extraordinaires de réparation, d'agran- 
dissement ou d'entretien des bâtiments, des canaux, des 
ports, les intérêts des bons du trésor, les subsides exception- 
nels, etc.... 

Ces dépenses figuraient dans une colonne spéciale des 

* Discours de M. Beernaert. (Ch. des Représ., séance du 5 février 1894, 
Ann. parl.y p. 333.) 
« Cf. infra, § 5. 



(H3) 

budgets de dépenses, à côté des charges ordinaires, en vertu de 
l'article 8 de l'arrêté royal du 49 février 1848. 

Elles n'avaient d'extraordinaire que leur caractère périodique 
et temporaire, car, en réalité, elles étaient, « comme les charges 
ordinaires, destinées à être couvertes par les ressources portées 
au budget des voies et moyens : malgré leur dénomination, 
elles sont comprises dans les services ordinaires et portées 
comme telles dans les comptes ». 

Les crédits spéciaux et extraordinaires, par contre, méri- 
taient mieux le qualificatif de dépenses extraordinaires. On 
les réclamait, par exemple pour l'exécution des installations 
maritimes d'Anvers, pour le Palais de Justice de Bruxelles, 
pour la construction et l'ameublement de maisons d'école, 
de nouvelles casernes, l'établissement de nouvelles lignes de 
chemin de fer, etc. 

Ces dépenses avaient donc pour objet des entreprises nou- 
velles, dans lesquelles s'engageaient les capitaux de l'État, et, 
dès lors, elles n'étaient pas payées sur les ressources ordinaires 
du budget, mais au moyen de recettes extraordinaires, telles 
que surtout le produit des emprunts ou encore l'aliénation de 
fonds domaniaux et les fonds d'amortissement restés sans 
emploi. 

Ces crédits ' spéciaux et extraordinaires se distinguaient 
d'autre part des crédits ordinaires par leur objet et aussi par 
diverses circonstances de forme qui leur ménageaient une 
place à part dans l'organisation budgétaire^. 

Et d'abord, tandis que, au vœu de l'article !•' de la loi 
de 1846 sur la comptabilité de l'État, le budget ordinaire était 
régulièrement présenté à la Chambre dix mois avant l'ouver- 
ture de l'exercice auquel il se rapporte, les crédits spéciaux et 

* Cf. Rapport Demeur, au nom de la Commission permanente des 
finances, sur le règlement définitif du budget de 1875. (Ch. des Représ,, 
sess. de 1879-1880, Ooc. pari., n^ 133.) 

Id., ibid. sur le budget de la dette publique pour 1881. (Ch. des 
Représ., sess. de 1880-1881, Doc. pari., n« 26.) 

Tome LXVI. 8 



( 114) 

extraordinaires étaient Fobjet de lois spéciales présentées, au 
fur et à mesure des besoins, au cours et souvent à la fin de la 
session. 

En 1880, par exemple, du 26 avril au 27 août, une série de 
lois accordent des crédits pour près de 70,000,000 de francs. 

La loi du 26 avril 4880 : fr. 4,000,000 pour le Palais de Justice de I 

de Bruxelles. 

— 27 — — 4.500,000 pour la construction de ca- 

sernes. 

— 23 mai — 26,500,000 pour des travaux publics. 

— 25 — — 900,000 pour le recensement général. 

— 23 août — 946,421 62 pour l'enseignement normal 

primaire. 

— 23 — — 197,000 pour l'hôtel du Ministre de 

l'Intérieur et de rinstruction 
publique. 

— 23 — — 372,800 pour construction et ameuble- 

ment d'écoles. 

— 26 — — 26,398,500 pour travaux publics. 

— 27 — — 4,663,865 pour subsides aux communes 

pour construction et ameu- 
blement d'écoles. 

De plus, par opposition aux recettes et dépenses ordinaires, 
dont les prévisions sont soumises ensemble au vote des 
Chambres, ces recettes et dépenses spéciales qui étaient appe- 
lées à constituer en fait le budget extraordinaire n'étaient Tobjet 
d'aucune vue d'ensemble, permettant de juger de leur équi- 
libre. Selon la remarque de M. Demeur, la facilité avec laquelle 
se placent les titres de la dette publique semble écarter l'obli- 
gation de se préoccuper de l'équilibre de ces recettes et de ces 
dépenses. 

Enfin, et nous touchons à la différence capitale entre les 
deux espèces de crédits que H. Demeur expose en ces termes ^ : 

^ Rapport, au nom de la Commission permanente des finances, sur le 
règlement définitif du budget de 1875. (Ch. des Représ., sess. de 1879- 
1880, Ooc./?aW., nol33.) 



(115) 

c( Pour les services ordinaires, les lois ouvrent chaque année 
les crédits présumés nécessaires aux dépenses de l'exercice, et» 
si ces crédits sont insuffisants, des lois ultérieures allouent au 
gouvernement des crédits supplémentaires; si, au contraire, 
des crédits ne sont pas consommés dans le cours de l'exercice, 
ils sont annulés à Texpiration de celui-ci, à moins qu'ils ne 
soient grevés de droits en faveur de créanciers de l'État pour 
travaux adjugés et en cours d'exécution, auquel cas la partie 
d'allocation nécessaire pour solder la créance est transférée à 
l'exercice suivant. (Art. 30 de la loi sur la comptabilité.) 

» Pour les services spéciaux, au contraire, les crédits ouverts 
par les lois qui autorisent la dépense sont, jusqu'à leur épui- 
sement, reportés à l'exercice suivant, alors même qu'ils ne 
sont grevés d'aucun droit en faveur de créanciers de l'État, et 
ils ne sont annulés que quand ils n'ont plus de raison d'être, 
par suite soit de l'achèvement de l'œuvre pour laquelle ils ont 
été ouverts, soit pour toute autre cause. En d'autres termes, 
l'administration applique à ces crédits la règle tracée à l'arti- 
cle 31 de la loi sur la comptabilité, relatif aux allocations 
affectées à des services étrangers aux dépenses générales de 
l'État, allocations qui ne sont pas votées pour un seul exercice, 
mais qui restent en permanence à la disposition du gouver- 
nement. 

» De même, quant aux recettes. Pour les services ordinaires, 
les Chambres votent chaque année les voies et moyens, qui 
sont fixés en raison des besoins présumés de l'exercice. Pour 
les services spéciaux, au contraire, les voies et moyens sont 
ouverts par des lois spéciales, particulièrement par les lois qui 
décrètent les emprunts dont le produit peut être considérable 
pendant un exercice et nul, en quelque sorte, pendant un 
autre. » 

Ces crédits spéciaux existaient donc à côté et en dehors du 
budget ordinaire et obéissaient à des règles toutes différentes. 
Ils constituaient les éléments d'un budget extraordinaire, mais 
ce budget n'était pas organisé. 

Une fois votés, ces crédits restaient indéfiniment à la dispo- 
sition du gouvernement, qui les employait quand bon lui sem- 



( 116 ) 

blait et se contentait de rendre compte de leur emploi, en 
indiquant chaque année dans la Situation générale du trésor 
le montant de la dépense faite pendant l'année écoulée. 

C'est donc avec raison que M. Graux pouvait dire que ces 
crédits votés hors budget constituaient « une véritable bizar- 
rerie dans notre législation financière »• 

(c La latitude qui est laissée au gouvernement, ajoutait-iM, 
l'absence presque complète de contrôle en cette matière sont, 
en effet, assez étranges. Aujourd'hui, à côté du budget ordi- 
naire, qui vous est présenté chaque année et. pour lequel vous 
votez des crédits qui doivent être employés dans Tannée ou 
bien être annulés h son expiration, viennent se placer des 
crédits spéciaux et extraordinaires que le gouvernement est 
autorisé à dépenser quand bon lui semble. 

» J'ai fait relever le chiffre des crédits de cette nature actuel- 
lement ouverts et non dépensés; ils s'élevaient au 31 décembre 
dernier à 137,679,000 francs. Le plus ancien de ces crédits 
date du 8 septembre 1859. Il a été voté pour des travaux 
d'amélioration à exécuter au régime de la Vesdre et de la 
Mandel. D'autres crédits, non encore dépensés et par consé- 
quent disponibles, ont été votés en 1862 et 1864; il existe sur 
ces crédits des reliquats dont le gouvernement a le droit de 
disposer demain si bon lui semble... Ces 137 millions sont 
dans nos mains et il nous est loisible de les dépenser ou de 
les engager en six mois, aussi bien que nous pouvons laisser 
ces dépenses en suspens pendant vingt-cinq ans... 11 n'existe 
en cette matière ni règle ni contrôle sérieux des Chambres. » 

Un tel régime était manifestement inconstitutionnel, con- 
traire aux prescriptions de la loi sur la comptabilité et préju- 
diciable aux intérêts du pays S. 

En prescrivant que chaque année les Chambres arrêtent la 

* Discours prononcé à la Chambre des Représentants, le 28 février 1883. 
(Ann. pari., p. 5S1.) 

* Cf. Rapport Demeur sur le budget de la dette publique pour 1881. 
(Ch. des Représ., sess. de 1880- 1881,* Doc. pari., n» 26.) 

Id. , ibid. sur le budget des voies et moyens pour 1883. (Ch. des Représ., 
Séss. de 1882-1883, Doc. parL, no 47.) 



( HT ) 

loi des comptes et votent le budget et que toutes les recettes et les 
dépenses de FÊtat doivent être portées au budget et dans les 
comptes, l'article 115 de la Constitution ne distingue pas entre 
les recettes et les dépenses ordinaires et les recettes et les 
dépenses extraordinaires. Quelle que soit leur nature parti- 
culière, ces deux catégories sont toutes les deux également 
des recettes et des dépenses de l'État ; elles auraient dû, à ce 
titre, figurer les unes et les autres au budget voté chaque année 
par les Chambres. 

L'article 1" de la loi sur la comptabilité de l'État n'est pas 
moins explicite à cet égard et d'une application aussi générale, 
lorsqu'il dispose : les recettes et les dépenses publiques à effec- 
tuer pour le service de chaque exercice sont autorisées par les lois 
annuelles de finance et forment le budget général de l'État, 

il en est de même de l'article 15 de la même loi : la loi 
annuelle des finances ouvre les crédits nécessaires aux dépenses 
présumées de chaque exercice. Toute demande de crédit faite en 
dehors de la loi annuelle des dépenses doit indiquer les voies et 
moyens qui seront affectés aux crédits demandés. 

Le but de cette dernière disposition (art. 15, al. 2) n'est pas, 
d'après la remarque de M. Demeur, « de permettre que des 
dépenses présumées d'un exercice, ordinaires ou extraordi- 
naires, ne soient pas comprises dans la loi annuelle des 
finances, mais uniquement d'exiger que, pour les dépenses 
qui n'ont pas pu être prévues lors de la formation du budget 
annuel, les moyens d'y faire face soient indiqués dans la loi 
qui les autorise i ». 

Afin de justifier ce régime tout spécial des crédits hors 
budget et en particulier leur afi'ranchissement de la règle 
générale qui prononce l'annulation des crédits non employés 
et non grevés de droits acquis à la fin de l'exercice (art. 30 de 
la loi sur la comptabilité), l'administration invoquait l'article 31 
de la loi de 1846 sur la comptabilité de l'État. 

D'après cet article : les fonds restés disponibles à la clôture 
dun exercice, sur les allocations spéciales affectées à des services 

* Lac. cit. (Ch. des Représ , sess. de 1880-1881, Doc, pari., n» 26.) 



(118) 

étrangers aux dépenses générales de l'État, sont reportés à l'exer- 
cice suivant, et ils y conservent V affectation qui leur a été donnée 
par le budget. 

Or, cet article ne vise nullement les crédits spéciaux et 
extraordinaires dont il s*agit ici. 

ce Qui s'avisera de prétendre, écrit M. Demeur, que la 
construction de chemins de fer, de casernes, de Palais de 
Justice, d'écoles, les travaux maritimes d'Anvers, ceux du 
canal de Gand à Terneuzen; etc., sont étrangers aux dépenses 
générales de l'État? » 

L'article 31 s'applique uniquement aux fonds restés dispo- 
nibles, à la clôture de l'exercice, sur les consignations, fonds 
de tiers, de non-valeurs sur les contributions directes, sur les 
fonds provenant des subsides alloués par les provinces, les 
communes et les particuliers pour construction de routes et 
d'autres fonds analogues. 

Cela résulte clairement des travaux préparatoires de l'arti- 
cle 31 ^. Ces allocations affectées à des services étrangers aux 

* Le texte primitif du projet de loi sur la comptabilité de l'État, 
amendé par la section centrale, portait article 30 : « Les fonds restés 
disponibles, à la clôture de Texercice, sur les allocations spéciales 
affectées à des services étrangers aux dépenses de l'État, sur les consi- 
gnations, fonds de tiers, de non-valeurs sur les contributions directes, 
sur les fonds provenant de subsides alloués par les provinces, les 
communes et les particuliers pour construction de routes sont reportés 
à l'exercice suivant, et ils conservent l'affectation qui leur a été donnée 
par le budget. » 

Lors de la discussion à la Chambre, le 4 mars 1846, le gouvernement 
proposa la rédaction qui est devenue le texte de l'article 34, et le ministre 
des finances expliquait son amendement en disant : « Je pense qu'il 
vaut mieux ne pas faire d'énumération dans la disposition parce que 
cette énumération peut être exacte aujourd'hui et ne plus l'être demain. 
Je crois qu'il suffit de dire qu'il s'agit uniquement des allocations 
affectées à des services étrangers aux dépenses générales de l'État. » 

Quoi qu'il en soit, l'énumération qui figurait dans le texte primitif 
détermine d'une manière très claire ce qu'il faut entendre par « services 
étrangers aux dépenses générales de l'État », et par conséquent la portée 
de l'article 31. 



( H9 ) 

dépenses générales de FÉtat sont aujourd'hui, et depuis 1853, 
comprises dans un budget spécial : Je budget des recettes et 
dépenses pour ordre. Et l'on comprend très bien que la loi les 
ait soumises à la prescription exceptionnelle de l'article 31. 
Car, selon la remarque de M. Demeur, a elles ne doivent pas 
nécessairement être utilisées dans le cours de l'exercice au 
budget duquel elles ' figurent, et elles ne peuvent pas être 
annulées à défaut d'emploi dans le cours de cet exercice, puis- 
qu'elles proviennent de fonds dont l'État n'est pas le maître 
de disposer à son gré. 

» Tout autres sont les allocations destinées à couvrir les 
dépenses qui forment le budget extraordinaire de l'État. Ici 
rien ne s'oppose à ce que chaque année les Chambres fixent 
lo montant des sommes mises à la disposition du gouverne- 
ment pour les dépenses de cette nature pendant l'exercice 
suivant 4. » 

L'administration justifiait donc par une interprétation 
erronée de la loi la pratique des crédits spéciaux hors budget, 
à laquelle elle tenait beaucoup 2. Or, cette pratique était 
manifestement contraire et à la Constitution et aux principes 
inscrits dans la loi sur la comptabilité publique. 

Elle était de plus préjudiciable aux intérêts financiers du 
pays. 

Le crédit spécial et extraordinaire fut pendant longtemps 
chose rare et exceptionnelle dans notre organisation financière. 
« En effet, lisons-nous dans un rapport de 1881 ^, antérieure- 
ment aux douze ou quinze dernières années, ... les crédits de 
cette nature étaient portés à l'extraordinaire dans la seconde 
colonne des budgets et la Chambre ne votait que des crédits 
nécessaires h chaque exercice. Il était alors vrai de dire : la 

* Rapport Demeur sur le budget de la dette publique pour 4881. 
(Ch. des Repr., sess. de 4880-1881, Doc. parL, n* 26.) 

* Ch. des Représ., séance du 2 juin 1875, Ann, pari., p. 958. — M., 
Ann. parL, 1878-1879, p. 213, et 1879-1880, p. 95. 

5 Rapport sur le budget des voies et moyens pour 1882. (Ch. des 
Représ., sess. de 1881-1882, Doc. pari., n» 45.) 



( 120 ) 

Chambre vote annuellement le budget. Aujourd'hui les crédits 
spéciaux ne sont plus l'exception, ils tendent à devenir la 
règle. » 

Les crédits spéciaux se confondaient donc primitivement 
avec les charges extraordinaires et temporaires, dont nous 
avons parlé. 

Puis, ils se sont séparés du budget ordinaire, pour suivre 
un régime spécial et fantaisiste.^ 

Les recettes et les dépenses extraordinaires sont devenues 
permanentes et fournissent les éléments d'un budget sur lequel 
il importe assurément que l'attention de la Chambre et du 
pays soit appelée chaque année, disait le rapporteur du budget 
des voies et moyens pour 1879 ^. Et il constatait que de 1868 
à 1877, le total des recettes extraordinaires s'était élevé à plus 
de 528 millions et le total des dépenses de même nature à plus 
675 millions, soit une moyenne annuelle respective de 52.8 et 
de 57.5 millions. 

11 est probable que bien des dépenses extraordinaires qui 
ont dépassé, dans des proportions considérables, la volonté de 
la Législature et du gouvernement lui-même seraient restées 
dans les limites en rapport avec les besoins du pays, si le 
gouvernement avait soumis chaque année aux Chambres les 
dispositions qu'il se proposait de prendre pour le prochain 
exercice 2. 

€€ Le vote du budget extraordinaire a d'ailleurs lieu chaque 
année dans toutes les communes et toutes les provinces du 
pays... Ce sont les lois provinciale et communale (art. 66, 
art. 134) qui le prescrivent dans les mêmes termes que la 
Constitution le prescrit pour l'État. Pourquoi l'État est-il seul 
à ne pas suivre cette règle? 3 ». 

* Ch. des Représ., sess. de 1879-1880, Doc. parL, m 26. 

* Rapport Demeur sur le budget de la dette publique pour 1881. 
(Ch. des Représ., sess. de 1880-1881, Doc. parL, n^ 26.) — Cf. aussi 
p. 121, note 4. 

* Rapport Demeur sur le budget des voies et moyens pour 1883. 
(Ch. des Représ., sess. de 1882-1883, Doc. pari., n» 47.) 



( 121 ) 

Malgré cette critique très serrée adressée à diverses reprises 
par le Parlement aux crédits spéciaux hors budget et basée sur 
les arguments concluants que nous venons de résumer, le 
gouvernement s'obstinait à défendre et à maintenir cette pra- 
tique abusive. 

M. Malou prétendait que ce système n'était pas arbitraire. 
a J'aurais délié, disait-iJ, que l'on fît autrement. On fait un 
budget pour des dépenses dont on prévoit la nature et le 
chiffre, mais pour certaines dépenses, cela est matériellement 
impossible ^. » 

Et M. Graux opinait dans le même sens que ses prédéces- 
seurs K 

Cependant, à l'occasion du projet de budget unique, la 
question des crédits spéciaux fut mise sérieusement à l'étude, 
et cette fois, M. Graux n'hésita plus à opérer sur ce point une 
réforme radicale. 

B. — La réforme de M. Graux. 

Dans son discours budgétaire du 28 février 1883 3, M. Graux, 
après avoir montré les vices du régime en vigueur '^, faisait à 
la Chambre la proposition suivante : « En dehors des cas for- 

* Ch. des Repr., séance du 2 juin 1875, Ann. parL, p. 958. 

« Cf. Ann, pari., 1878-1879, p. 213; 1879-1880, p. 95. 

^ Ann, pari., p. 551. 

^ Il les résumait d'une manière très nette dans TËxposé des motifs du 
budget de 1884. (Ch. des Représ., sess. de 1882-1883, Doc. pari., no 102.) 

« On chercherait en vain ce qui détermine le chiffre de la plupart de 
ces crédits spéciaux. Ce n'est pas le terme de leur emploi, car celui-ci 
n'est pas annuel ; à cet égard, vous ne réglez rien, vous ne décidez rien ; 
ils peuvent être et sont transférés indéfiniment d'un exercice à l'autre, 
sans aucune autorisation de la Législature... 

» La mesure de ces crédits n'est pas déterminée davantage par le prix 
total de l'objet auquel ils s'appliquent. 

» La plupart des grands travaux publics ont été commencés sans que 
l'on sût ce qu'ils devaient coûter et ont été poursuivis au moyen de crédits 



( 122 ) 

tuits et des circonstances imprévues, il n'y aura plus de crédits 
hors budget. Au surplus, ceux qui seront votés après le budget 
y devront être rattachés. Le budget annuel contiendra une 
deuxième partie qui aura pour objet les dépenses sur ressources 
extraordinaires, 

• » Ce budget fera suite à l'autre, et le gouvernement fera 
ainsi connaUre, au commencement de chaque année, quelles 
sont les dépenses sur ressources extraordinaires qu'il compte 
faire, article par article, comme il le fait pour le budget ordi- 
naire. Il dira quelles sont les ressources au moyen desquelles 
il entend les couvrir et si, à la fin de l'exercice, il existe des 
reliquats de crédits sur le budget extraordinaire, ils* seront 
annulés et ne pourront être reportés à l'exercice suivant qu'en 
vertu de la loi. 

» Vous aurez ainsi sous les yeux le tableau exact, fidèle, des 
propositions de dépenses extraordinaires, en même temps que 
des dépenses ordinaires, et ces dépenses vous pourrez les 
ralentir ou les accélérer en votant chaque année le budget 
général de l'État. » 

successifs dont le chiffre ne correspond qu'à une fraction minime de la 
dépense totale. C'est par le vote d'un crédit de 6 millions de francs que 
Ton a inauguré les dépenses des installations maritimes d'Anvers, qui en 
coûtent 70. Aucun des crédits votés pour le Palais de Justice de Bruxelles 
n'a dépassé 4 millions ; ensemble ils s'élèvent à 33,900,000 francs . . . 

» Ces dépenses votées ainsi hors budget sans règle et sans méthode sont 
les plus périlleuses, S'appliquant pour la plupart à des travaux publics, 
elles satisfont de grands intérêts industriels et commerciaux, ce qui leur 
assure un accueil généralement favorable. Aussi sont-elles réclamées 
sans trêve ni mesure. 

» Couvertes au moyen de Temprunt, elles s'élèvent rapidement, sans 
que la plupart de ceux qui les décrètent aperçoivent, au moment même 
où ils les votent, l'étendue de l'aggravation de charges qui en résultera 
pour la nation. Pour mettre de l'ordre dans ces dépenses, pour les 
régler avec méthode et leur assigner une limite nécessaire, il faut que la 
Législature, secondant les vues du gouvernement, s'impose à elle-même 
un contrôle attentif et périodique. » 



( 423 ) 

Le budget de 1884 comprit, en conséquence, un titre U, 
consacré aux dépenses sur ressources extraordinaires et qui 
présentait l'aspect suivant : 

TITRE IL 

§ 1. — DÉPENSES SUR RESSOURCES EXTRAORDINAIRES. 

« Art. 3. — Il est ouvert aux départements ministériels poui* les 
dépenses sur ressources extraordinaires de rexercice 1884, des crédits 
s'élevant à la somme de 56,154,154 francs. 

» Ces crédits sont répartis, conformément au tableau XIV ci-annexé, 
de la manière indiquée ci -après : 

I. Ministère de la justice 1,500,000 francs. 

IL — des affaires étrangères ... » 

m. - derintérieur 31,068,434 — 

IV. — de rinstruction publique . . 5,396,270 — 

V . — des travaux publics .... 10,939,450 — 

VI. — de la guerre 7,050,000 - 

VU. — des finances 500,000 - 

§ 2. — Ressources extraordinaires. 

» Art. 4. — U sera pourvu à ces dépenses, au moyen : 

1» Du produit des biens domaniaux fr. 1,800,000 

^ Des quole-parts des états maritimes dans le rachat du 

péage de TEscaut 170,584 

3» Des fonds d'amortissement restés sans emploi .... 4,312,000 
49 De la délivrance des titres de la dette publique dont 
rémission est autorisée pour le règlement du prix de con- 
struction des chemins de fer (lois du 27 mai 1876, du 19 dé- 
cembre 1876, du 26 juin 1877) 11,565,000 

5<» Des sommes povenant de tous remboursements d'a- 
vances faites sur ressources extraordinaires 1,500,000 

fr. 19,437,584 



( 124 ) 

» Néanmoins, les fonds d'amortissement demeurés sans emploi pour- 
ront être aflFectés à couvrir Tinsuffisance des ressources ordinaires dans 
la mesure où cette insuffisance résulterait de la réalisation du compte de 
prévision de l'exploitation du chemin de fer de l'État, pour 1884, établi 
au tableau XVII. 

» Art. 6. — Les dépenses sur ressources extraordinaires seront 
couvertes, pour le surplus, au moyen d'un emprunt. Elles pourront l'être 
provisoirement par des bons du trésor, dont l'échéance ne dépassera pas 
cinq ans. 

§ 3. — Reliquats de crédits. 

» Art. 6. — La partie des crédits alloués par l'article 3, qui ne sera 
point grevée à la date du 31 décembre 1884 de droits au profit de créan- 
ciers de l'État, du chef de services faits et acceptés, ne pourra être 
reportée à l'année suivante que par la loi. » 

Le régime des crédits spéciaux et extraordinaires était ainsi 
bouleversé de fond en comble. Du premier coup et sans transi- 
tion, M. Graux réalisait la réforme la plus complète que l'on 
eût pu souhaiter, en assimilant absolument, au point de vue 
de leur forme budgétaire, les crédits extraordinaires et les 
crédits ordinaires. 

Les crédits extraordinaires seront dorénavant l'objet de pré- 
visions d'ensemble, soumises à la Chambre en même temps 
que celles relatives aux crédits ordinaires. Jusque-là épars, 
isolés, sans aucun lien entre eux, M. Graux les réunit dans un 
même cadre budgétaire, il les organise, il crée le budget 
extraordinaire. 

Cette assimilation des deux espèces de crédits se marque 
encore et surtout par l'identité du régime de la validité de ces 
crédits. Le crédit extraordinaire, comme le crédit ordinaire, 
n'est plus valable, en principe, que pour un an; et s'il existe, 
en fin d'année, des reliquats, ces reliquats ne pourront plus 



( 12S ) 

être reportés à Tannée suivante qu'en vertu d'une loi, à moins 
toutefois qu'ils ne soient grevés, au profit des créanciers de 
rÉtat, du chef de services faits et acceptés (art. 6). 

Et Texposé des motifs du budget de 1884 détermine expres- 
sément le sens de cette exception en disant : « 11 ne sufiira 
donc pas, pour que l'emploi (des reliquats) en puisse être fait 
l'année suivante sans autorisation nouvelle de la Législature, 
qu'il existe un contrat d'entreprise ou un engagement d'une 
autre nature. 11 faudra, pour légitimer ce transfert, des travaux 
ou des services faits et acceptés. Le texte de l'article 6 est formel 
à cet égard. » 

La loi budgétaire de 1884 applique donc strictement aux 
crédits extraordinaires comme aux crédits ordinaires, l'arti- 
cle 30 de la loi sur la comptabilité et- rompt décidément avec 
l'interprétation erronée de l'article 31. 



C. — Le budget extraordinaire organisé par M. Beemaert. 

Lorsque M. Beemaert abandonna en 1885 le système du 
budget unique, il conserva, non sans quelques hésitations 
toutefois, le budget extraordinaire créé par M. Graux, tout en 
introduisant dans le régime du nouveau budget certaines 
modifications assez importantes pour améliorer dans une cer- 
taine mesure l'oeuvre de son prédécesseur. 

M. Beemaert reconnaissait assurément les avantages de 
l'innovation opérée par M. Graux, mais elle présentait, selon 
lui, de sérieux inconvénients. Il en signalait deux principaux, 
auxquels il s'efforça de porter remède : 

l*" II n'est guère possible, disait-il, de fixer le chiffre des 
crédits extraordinaires dix mois d'avance, avec exactitude et 
d'une manière complète. Par conséquent, il ne faut pas pré- 
senter le budget extraordinaire à la même époque et en même 
temps que le budget ordinaire, a Le gouvernement dressera 
donc un budget, mais à une époque où la saison plus avancée 
permettra de mieux apprécier les besoins de l'exercice 1886 et 



( 126 ) 

rimportance des crédits votés qui demeureront disponibles à 
la fin de l'exercice actuel 4... » 

Cette règle a été suivie depuis, et bien que l'article 1 de la 
loi de 1846 ait été modifié en ce sens que le budget n'est plus 
présenté dix mois mais seulement deux mois avant le com- 
mencement de l'exercice (loi du 24 juillet 1900), le gouverne- 
ment a coutume actuellement de ne déposer le budget extraor- 
dinaire que longtemps après le budget ordinaire, en cours de 
session et souvent vers la fin. 

2<» « D'autre part, pour des crédits extraordinaires, le terme 
de un an est absolument trop court. Il n'est guère de travaux 
qui puissent être terminés dans cet intervalle, et il en résulte- 
rait que les Chambres devraient voter à plusieurs reprises les 
mêmes crédits 3. » 

M. Beernaert n'approuvait donc pas l'assimilation, au point 
de vue de la durée de leur validité, des crédits extraordinaires 
et des crédits ordinaires. Il paraissait même regretter, à ce 
point du vue, le système, pratiqué antérieurement à la réforme 



^ Exposé général du budget de 1886. (Gh. des Représ., sess. de 1885- 
iS86, Doc. parL, no 84.) 

« Ibid. — Le rapport de la section centrale sur le budget extraordinaire 
pour 1885 développait en ces termes les idées de M. Beernaert : « Sile 
maintien des crédits pour un terme trop long peut engendrer des abus, 
une nouvelle discussion des travaux déjà décrétés par les Chambres ne 
peut qu'entraver leur exécution. » De plus « il ne sera pas contesté que 
le vote annuel n'entrai ne de grandes difficultés et ne soit de nature à 
paralyser Texécution des travaux les plus utiles. En effet, il arrivera 
souvent que Tintervalle entre le vote des crédits et Tépoque rapprochée 
de leur prescription aura à peine suffi pour préparer les plans, dresser 
les devis définitifs et élaborer le cahier des charges de l'adjudication. 

» Ne faudra-t-il pas attendre, pour donner suite à l'exécution, que les 
Chambres aient confirmé les crédits, à la veille d'être périmés? 

» Comme nos budgets ne sont généralement votés que vers le milieu 
de l'année, n'arrivera-t-il pas souvent que l'on perdra un temps précieux 
pour obtenir les conditions favorables d'adjudication? » (A cause de la 
grande concurrence entre les entrepreneurs au début de la saison des 
travaux.) (Ch. des Représ., sess. de 1884-1885, Doc, parL, n® 96.) 



( 127 ) 

de M. Graux et autorisé, d'après lui, par l'article 31 de la loi 
sur la comptabilité. 

c< La loi de 1846, disait-il en 1884, avait établi pour les cré- 
dits spéciaux ou dépenses extraordinaires, un régime très 
simple et très logique. 

» Les fonds disponibles sur ces crédits, à la clôture d'un 
exercice, étaient reportés à lexercice suivant avec l'interven- 
tion de la Cour des comptes et y conservaient l'affectation qui 
leur avait été donnée par la loi. 

» Ce mode a été pratiqué sans difficultés, abus ni inconvé- 
nients quelconques pendant trente-six ans. Il n'en résultait 
pas, comme on a paru le croire, que les Chambres ignoraient 
les dépenses faites ou à faire en vertu de leurs votes. Chaque 
année, les imputations sur chaque crédit spécial leur étaient 
signalées, ainsi que le solde disponible. Il n'en résultait pas 
non plus que, sans prévenir le ministre des finances, les autres 
ministres pouvaient, en quelques mois, disposer de tous les 
crédits alloués... 

» Le régime de la loi de comptabilité était clair, pratique et 
laissait à l'administration la liberté nécessaire; il n'obligeait 
pas les Chambres, après avoir ouvert un crédit à dépenser en 
dix ans, à voter en outre chaque année une seconde fois une 
partie de ce crédit et un report de la partie disponible d'après 
les votes antérieurs. 

» Nous proposons de remettre en vigueur F article 31 delà loi 
de comptabilité et même de l'appliquer aux crédits spéciaux 
compris dans le budget de l'exercice courant, qui seraient tous 
annulés de plein droit le 31 décembre prochain (1884) s'il 
n'y était pourvu par la loi. 

» L'ordre, la régularité et la facilité des mouvements seront 
ainsi rétablis dans ce service ^. y> 

Cette citation trahit les hésitations dont nous parlions plus 
haut. Cependant, les préférences que M. Beernaert marquait 

* Budget des recettes et dépenses extraordinaires pour 488S (amendé). 
Note préliminaire. (Ch. des Représ., sess. de 1884-1885, Doc. parL, n^S.) 



( 128 ) 

ainsi pour l'ancien régime et l'application de Tarticle 31 ne 
furent que passagères. M. Beernaert ne donna pas suite aux 
idées qu'il exprimait en 1884; il ne consacra pas d'autre 
part la réforme de M. Graux, qui appliquait intégralement 
l'article 30 à tous les crédits sans distinction de nature. Il 
admit un moyen terme en proposant aux Chambres de donner 
effet pour trois années au vote des crédits qui sont portés au 
budget extraordinaire ^ . 

C'est le régime en vigueur depuis 188(). 

Le budget extraordinaire créé par M. Graux et réorganisé 
par M. Beernaert offre donc aujourd'hui les particularités sui- 
vantes : 

1^ 11 n'est pas présenté à la Chambre en même temps que 
le budget ordinaire, mais à une époque variable, généralement 
vers la fin de la session. 

Le budget ordinaire de 1902, par exemple, a été soumis à 
la Chambre, avant le 31 octobre 1901, selon la prescription de 
la loi du 24 juillet 1900. Les différents projets de loi qui le 
composent portent la date du 9 octobre. 

Le budget des recettes et des dépenses extraordinaires pour 1902 
— c'est le titre officiel — porte la date du 12 avril 1902 et a été 
présenté le 15 avril 1902 ^, soit moins de quatre semaines 
avant la fin de la session. 

2<^ Les crédits portés au budget extraordinaire ne s'annulent 
pas en fin d'exercice, mais sont valables pour trois ans. Les 
excédents disponibles à la fin de chaque exercice sont reportés 
à l'année suivante et l'article 32 de la loi de comptabilité est 
applicable à ces reports. 

Le gouvernement est autorisé à rattacher par un arrêté 
royal les crédits extraordinaires reportés des exercices anté- 
rieurs aux crédits alloués par la loi nouvelle et à réunir les 
crédits concernant un même objet. 

Ces dispositions sont reproduites chaque année dans la loi 

4 Ch. des Représ., sess. de 4885-1886. Doc. pari,, m 84. 
« Idem, sess. de 490M902, Doc. pari., no 423. 



( 129 ) 

du budget extraordinaire. Elles figurent, par exemple, à 
Tarticle 7 de la loi de 1902, conçu en ces termes : « Le gouver- 
nement est autorisé à rattacher, par arrêté royal, les crédits 
extraordinaires reportés à l'exercice 1902 par application de 
l'article S de la loi du 10 mai 1900 et de l'article 5 de la loi du 
24 août 1901, aux crédits alloués par les articles 1 et 2 de la 
présente loi, et à réunir les crédits concernant un même 
objet. 

» Il pourra être fait des imputations pendant trois ans, à 
compter du !«' janvier 1902, sur les crédits ouverts par les 
articles 1 et 2 de la présente loi. Les excédents disponibles à 
la fin de chaque exercice seront reportés à l'année suivante; 
l'article 32 de la loi du 15 mai 1846 sur la comptabilité de 
l'État est applicable à ces reports ^. » 

3^ Cependant, les Chambres sont renseignées annuellement 
sur l'emploi de ces crédits alloués pour trois ans par la 
Situation générale du trésor public, qui leur est soumise chaque 
année par le ministre des finances. 

Cet exposé annuel renferme l'indication des opérations en 
recettes et en dépenses efffectuées sur le service extraordinaire, 
ainsi que la situation de la dette publique au 31 décembre. 

Voici, à titre d'exemple, comment se présente le compte 
des dépenses sur ressources extraordinaires rattachées à 
l'exercice 1901 2. 

Il fournit d'abord, article par article, le détail des dépenses 
extraordinaires efi^ectuées par chaque département ministériel, 
puis la récapitulation globale, avec indication des crédits 
alloués, des dépenses liquidées à charge des crédits, des 

* Loi du 15 mai 1846, article 32 : « Les reports mentionnés dans les 
articles qui précèdent (30 et 31) sont l'objet de dispositions spéciales 
dans la loi de règlement des comptes, et l'emploi des fonds par les 
ministres respectifs peut avoir lieu dès Touverture de Texercice, en 
observant les règles établies par la loi. » 

* Cf. Situation générale du trésor public au 4^ janvier i90S, déposée 
par M. le Ministre des finances et des travaux publics. (Ch. des Représ., 
séance du 6 mars 1902, Doc. parLy n» 73.) 

Tome LXVL 9 



( 130) 

sommes disponibles au 1^ janvier 1903 sur les crédits, des 
sommes annulées définitivement en vertu de l'article 5 de la 
loi du 14 septembre 1899. 

Le tableau ainsi dressé donne tous les renseignements dési- 
rables sur remploi des crédits extraordinaires, laissés pendant 
trois années à la disposition du gouvernement. 

I. 

Crédits alloués par les lois du 24 août 1904 fr. 95,668,406 64 

Crédits reportés de rexercice 1900 84,624,338 13 

Crédits reportés de Pexercice 1899 14,532,470 42 

ToTAi fr. 494,825,245 19 

II. 

Dépenses liquidées à charge des crédits : 

alloués par les lois du 24 août 1904 fr. 37,365,243 42 

reportés de l'exercice 4900 58,289,344 66 

reportés de Texercice 4899 9,264,849 90 

Total. . . .fr. 104,919,434 88 

m. 

Sommes disponibles au 4" janvier 1902 sur les crédits : 

alloués par les lois du 24 août 1904 fr. 58,303,463 22 

reportés de l'exercice 1900 26,334,996 57 

Total. . . .fr. 84,638459 79 

IV. 

Sommes annulées définitivement en vertu de l'article 6 de la loi du 
14 septembre 4899 fr. 5,267,620 52 



D. — La distinction des dépenses exceptionnelles et des 
dépenses extraordinaires, inaugurée en 1895. 

L'organisation actuelle du budget extraordinaire réalise 
certainement un progrès considérable sur le régime pratiqué 



( 131 ) 

avant 1884, bien qu'elle prête encore le flanc à certaines cri- 
tiques, que nous examinerons plus loin ^. 

Mais ce n'est pas seulement la forme du budget extraordi- 
naire qu'il convient d'étudier, il faut aussi s'arrêter à Texamen 
de sa constitution et se demander quelles dépenses y peuvent 
figurer et quelles dépenses doivent en être exclues. 

Cette question fut l'objet de controverses remarquables, qui 
préparèrent la réforme réalisée, dans cet ordre d'idées, depuis 
1895, par M. de Smet de Naeyer. 

On dit généralement et avec raison : Il faut porter au budget 
ordinaire toutes les dépenses ordinaires et réserver le budget 
extraordinaire aux seules dépenses extraordinaires. 

Mais à quels signes reconnaîtra-t-on une dépense ordinaire 
d'une dépense extraordinaire? Quand dira-t^on qu'une dépense 
est extraordinaire ou qu'elle ne Test pas? Cette question pré- 
sente une sérieuse importance pratique, car elle aboutit à 
celle-ci : quelles sont les dépenses que l'on peut payer sur 
l'emprunt, quelles sont celles qu'il faut payer au moyen de 
l'impôt, puisqu'il est admis que le budget extraordinaire est 
alimenté principalement par l'emprunt. 

 cette question, on répond en disant : Sont ordinaires 
toutes les dépenses permanentes qui concernent les services 
publics nécessaires, réguliers, normaux. Ces dépenses doivent 
être portées au budget ordinaire et payées par l'impôt. 

Sur ce point, il n'y a guère de contestation. Mais l'accord 
cesse relativement aux autres dépenses, qui n'ont pas ce carac- 
tère de régularité, de fixité, et qui sont exceptionnelles et non 
périodiques. 

Celles-ci, peut-on les considérer toutes comme extraordi* 
naires, les faire figurer toutes indistinctement au budget 
extraordinaire et par conséquent les payer principalement sur 
l'emprunt? 

Tous les ministres des finances avaient, en Belgique, jusqu'en 

* Cf. infra, § 5. 



( 132 ) 

ces derniers temps, répondu affirmativeraent à cette question 
et ils avaient dressé leurs budgets en conséquence. 

Cette pratique fut cependant, à diverses reprises, l'objet de 
sérieuses critiques au cours des discussions et des travaux 
parlementaires. 

La controverse qui s'éleva à ce sujet se résume parfaitement 
dans les discours échangés à la Chambre par MM. Graux et 
Beernaert les 4 et 5 février 1891. 

M. Graux, attaquant la gestion de son successeur, dénonçait 
énergiquement la constitution vicieuse du budget extraordi- 
naire. Il fallait, selon lui, distinguer, parmi les dépenses 
exceptionnelles et non périodiques : 

i^ Les dépenses qui contribuent à perfectionner l'outillage 
économique de la nation ou à augmenter son patrimoine. Ces 
dépenses productives peuvent figurer à l'extraordinaire et être 
payées par l'emprunt : il est juste que les générations futures 
en supportent une partie ; 

2<> Quant aux dépenses exceptionnelles, non productives, 
l'État doit les payer sur ses revenus ordinaires ou sur les bonis 
budgétaires. Elles doivent figurer au budget ordinaire. 

C'était donc un abus, un vice ruineux de gestion financière 
que de porter à l'extraordinaire et de payer par l'emprunt 
toutes les dépenses exceptionnelles sans distinction. 

a A côté du budget ordinaire, disait M. Graux, se trouve le 
budget extraordinaire. Ce n'est rien d'avoir un budget ordinaire 
se clôturant par des excédents de recettes, quand, à côté de ce 
budget, il s'en trouve un autre qu'on appelle extraordinaire et 
qui sert de déversoir à toutes les dépenses que l'on veut y 
mettre... 

» Si le budget extraordinaire n'était, en réalité, qu'un budget 
de capital et de capital productif; si l'État n'empruntait réelle- 
ment que pour acheter des fermes, selon la comparaison de 
l'honorable M. Jacobs, le budget extraordinaire serait utile... 

» Il est certain que lorsque la Belgique a construit ou 
racheté le réseau de ses chemins de fer, qui vaut aujourd'hui 
au moins un milliard, on ne pouvait pas demander au budget 



( 133 ) 

ordinaire le paiement de cette dépense, il fallait recourir à 
l'extraordinaire, à l'emprunt. Dans ce but, l'emprunt est légi- 
time, nécessaire... 

» Mais est-ce à cela que se borne le budget extraordinaire? 
Le budget de 1889 (ordinaire) se solde par 18 millions d'excé^ 
dents de recettes. Mais, à côté de lui, se trouve un budget 
extraordinaire qu'alimente l'emprunt, où Ton voit, tout d'abord, 
que l'on a emprunté 20 millions pour des fortifications! » 

Est-ce un placement productif? Les dépenses de guerre sont 
les plus improductives des dépenses. On emprunte aussi, conti- 
nuait M. Graux, pour armer la garde civique, on emprunte 
pour acheter des livres de bibliothèques publiques, pour 
l'acquisition de tapisseries, de manuscrits, etc.... Faut-il 
construire un plancher en fer à la Bibliothèque royale? on 
emprunte; faut-il payer des architectes? on emprunte. De 
même pour subsidier des industriels belges exposant à Paris. 
De même pour payer les frais de réception du Shah de Perse. 

« Vous ne sortirez pas de ce dilemme, concluait l'orateur : 
si ces dépenses ne doivent pas être payées au moyen de 
l'emprunt, si ce n'est pas là acheter des fermes, comme l'a dit 
l'honorable M. Jacobs, et il ne le fera croire à personne, il faut 
les déduire des bonis budgétaires ^. » 

A ces critiques, M. Beernaert répondait qu'il continuait à 
faire ce que ses prédécesseurs avaient tous fait, ce que M. Graux 
lui-même avait fait, et d'ailleurs, remarquait-il, toutes les 
dépenses exceptionnelles, extraordinaires, ne sont pas payées 
uniquement par l'emprunt, mais aussi sur les excédents budgé- 
taires. « L'erreur de M. Graux consiste à confondre la dépense 
extraordinaire avec l'emprunt 2. » 

ce On ne se borne pas, disait- il à la Chambre, à inscrire à 
l'extraordinaire les dépenses productives; on y porte toutes 

* Ch. des Représ., séance du 4 février 1891, Ann, pari, p. 319. 

* Et, précisant sa pensée, l'orateur ajoutait : « Assurément il ne serait 
pas correct de payer sur l'emprunt les frais d'une cérémonie d'apparat; 
mais quoi de plus rationnel que de les payer à l'extraordinaire sur les 
excédents des budgets? » 



(134) 

celles qui n'ont pas un caractère périodique, toutes celles qui, 
à un d^;ré quelconque, peuvent être considérées comme de 
capital, celles qui sont destinées non seulement à procurer 
des recettes à l'État, mais à augmenter son capital intellectuel 
et moral sous quelque forme que ce soit, ou à améliorer son 
outillage économique. C'est là ce qu'on a toujours fait et c'est 
cependant ce que M. Graux critique en termes amers ^. » 

M. Beernaert rejetait donc la distinction établie par M. Graux 
et restait fidèle à la pratique traditionnelle. 

Il n'est pas douteux cependant que cette distinction ne 
soit fondée et que la théorie de payer par l'emprunt les seules 
dépenses productives soit financièrement très juste et con- 
forme à une saine doctrine. 

Si l'on adopte cette théorie, il faut, pour mettre de l'ordre et 
de la clarté dans les budgets, réserver pour le budget extra- 
ordinaire les seules dépenses extraordinaires à payer par 
l'emprunt. Il faut faire du budget extraordinaire, exclusivement 
un budget sur emprunt et refouler toutes les autres dépenser 
exceptionnelles, qui ne sont pas productives, dans le budget 
ordinaire, de manière à les payer sur les ressources ordinaires 
ou sur les bonis budgétaires. 

C*est ce qu'a compris l'honorable ministre qui se trouve 
aujourd'hui à la tête du département des finances. 

En prenant la succession de M. Beernaert, M. de Smet de 
Naeyer a réalisé la réforme voulue théoriquement par 
M. Graux, et voici comment il en exposait l'économie dans 
l'Exposé général du budget de 1895 2. 

« Dans la pensée du gouvernement, le budget extraordi- 
naire, qui doit s'équilibrer par l'emprunt, ne peut comprendre, 
en principe, que des dépenses ayant pour objet d'accroître le 
capital économique de la nation. La règle doit être de porter 
aux budgets ordinaires toutes les dépenses qui n'ont pas ce 
caractère. 

* Ch. des Représ., séance du 5 février 1891, Ann, pari,, p. 334. 
« Idem, séance du 16 novembre 1894, sess. de 1^4-1895, Doc. pari., 
n«3. 



(138) 

» Cette règle, qui a été maintes fois recommandée dans les 
discussions des Chambres législatives, et au principe de 
laquelle tous les ministres des finances qui se sont succédé ont 
rendu hommage, le gouvernement croit devoir en faire appli- 
*cation dès aujourd'hui aux budgets de la justice, des affaires 
étrangères, de Tintérieur et de l'instruction publique et des 
finances, en attendant qu'il puisse généraliser la mesure. D'une 
manière générale, à partir de 1895, il ne sera plus porté au 
budget extraordinaire aucun crédit pour des dépenses à faire 
pour compte de ces quatre départements. 

» Mais afin d'éviter toute confusion entre des dépenses 
d'ordre différent portées aux budgets ordinaires et en vue de 
faciliter la comparaison avec les exercices antérieurs, chacun 
de ces budgets sera désormais divisé en deux sections : l'une 
réunissant, sous la rubrique « Service ordinaire », toutes les 
dépenses annuelles et permanentes; l'autre, sous la rubrique 
« Dépenses exceptionnelles », toutes les dépenses qui n'ont 
pas ce double caractère d'être annuelles et permanentes. 

» Par une application immédiate du même principe, le 
département des chemins de fer, postes et télégraphes ne 
portera plus au budget extraordinaire que les dépenses ayant 
pour objet une augmentation du capital de premier établisse- 
ment. 

» En ce qui concerne Jes départements de l'agriculture, de 
l'industrie, du travail et des travaux publics et de la guerre, les 
dépenses non productives autres que les dépenses annuelles et 
permanentes continueront — provisoirement — à être portées 
au budget extraordinaire; mais au fur et à mesure que des 
ressourc/es deviendront disponibles, il entre dans les intentions 
du gouvernement d'introduire toutes les dépenses improduc- 
tives dans les budgets ordinaires, de manière à arriver petit à 
petit à ne plus avoir au budget extraordinaire que les dépenses 
qu'exigent le perfectionnement et le développement de 1 outil- 
lage économique du pays. » 

La portée de la réforme introduite par M. de Smet de Naeyer 
est donc celle-ci. 



(136) 

Avant 1895, on incorporait au budget extraordinaire et l'on 
pouvait faire payer par Temprunt toutes les dépenses extra- 
ordinaires sans distinction, et notamment celles dont ne 
devaient nullement profiter les générations à venir. 

Dorénavant, on établit une distinction aussi nette que* 
possible entre trois catégories de dépenses : 

i^ Les dépenses ordinaires, qui présentent le double 
caractère d'être annuelles et permanentes. Elles figurent dans 
les budgets ordinaires sous la rubrique « Service ordinaire » et 
sont payées sur les ressources normales et régulières, provenant 
principalement de Timpôt ; 

^ Les dépenses exceptionnelles, qui ne sont ni annuelles ni 
permanentes : en quoi elles diffèrent des premières. Elles 
sont d'autre part improductives, elles n'ont pas pour objet 
« d'accroître le capital économique de la nation » et sont, pour 
ce motif, portées dans les budgets ordinaires, sous la rubrique 
c< Dépenses exceptionnelles ». De plus, les crédits votés pour 
subvenir à ces dépenses suivent désormais le régime des 
crédits ordinaires, c'est-à-dire qu'il ne pourra y être fait 
d'imputation que pendant un an, au lieu de trois, durée des 
crédits extraordinaires ^ ; 

3^ Les dépenses sur ressources extraordinaires, qui, elles, 
sont productives et nécessitées par le perfectionnement et le 
développement de l'outillage économique du pays. 

Aujourd'hui, cette dernière catégorie de dépenses figure 
seule, en principe, au budget extraordinaire. 

Ce transfert des dépenses dites exceptionnelles du budget 
extraordinaire dans les budgets ordinaires ne s'est pas effectué 
en une fois, mais petit à petit et progressivement à partir 
de 1895. Dans les budgets ordinaires de 1895, on incorpora 
seulement pour 3,250,534 francs de ces dépenses, tandis 
que les derniers budgets de 1902 en renfermaient pour 
fr. 13,475,404.80. 

Le Ministre des finances affirmait récemment ^ que, 



Cf. Exposé général du budget de 1895, loc. cit. 
Ch. des Représ., séance du matin du 7 mai 1902. 



(137 ) 

actuellement, près de 95 Vo de Tensemble de nos dépenses 
extraordinaires sont directement productives et que l'intérêt 
de notre dette est plus que couvert par le revenu du domaine 
de TEtat. 

La réforme n'est donc pas encore complète, et certains 
travaux non productifs continuent à figurer au budget extra- 
ordinaire. 

Tel notamment le projet gigantesque dit « le Mont des Arts », 
et qui consiste d'une part à « dégager les locaux du Musée 
des Beaux-Arts, de la Bibliothèque royale et des Archives 
nationales, afin de les mieux protéger contre l'incendie et de 
leur donner les développeinents nécessaires », et d'autre part 
à a créer sur un point particulièrement privilégié sous le 
rapport du site, un ensemble monumental appelé à réaliser, 
avec le Palais de Justice d'un côté, THôtei de ville et la 
Grand'Place de l'autre, une trilogie architecturale digne des 
plus grandes cités ». 

Ce travail important est évalué à M millions de francs 
environ, il sera payé sur le budget extraordinaire, et 5 millions 
ont été inscrits à cet effet dans le budget de 1903 ^. 

On peut se demander cependant si les dépenses qu'il entraî- 
nera ont pour objet « d'accroître le capital économique de la 
nation », et l'on peut certes douter qu'il s'agisse là de dépenses 
productives, bien que M. le Ministre des finances ait informé 
la Chambre ^ que plus de la moitié (14 millions) de la 
dépense totale sera absorbée par les expropriations, d*où 
résultera un accroissement proportionnel du domaine de 
l'État. 

Mais la question est de savoir si ce domaine accru sera ou 
non un domaine productif! 

De plus, la formule qui sert de base à la distinction entre 
dépenses exceptionnelles et dépenses extraordinaires : amé- 
liorer et développer l'outillage économique du pays, accroître le 

* Ch. des Représ., sess. de 1901-1902, Doc. pari., n» 123. 

* Cf. Ch. des Représ., séance du matin du 7 mai 1902. 



(138) 

capital économique de la nation, manque quelque peu de pré* 
cision ^. Elle se prête à des interprétations assez élastiques pour 
ouvrir éventuellement les portes du budget extraordinaire à des 
dépenses d'une productivité douteuse. 

Or, l'idéal serait de proscrire complètement du budget 
extraordinaire les dépenses dont les produits ne seraient pas 
suffisants pour couvrir les intérêts des emprunts contractés 
pour y faire face. 

Malgré ces réserves, il y aurait mauvaise grâce à contester 
l'importance et la haute portée de la réforme de M. de Smet de 
Naeyer. Elle constitue un effort énergique dans le sens de 
l'idéal que nous venons d'indiquer, elle réalise plus de clarté 
et de netteté dans notre organisation budgétaire, elle tend 
enfin à circonscrire dans ses limites normales l'accroissement 
de la dette publique. 

§ S. — Appréciation critique de cette organisation. 

Ainsi que nous l'indiquions dans l'intitulé de ce chapitre, le 
budget belge se distingue par son absence d*unité. 

Qu'est-ce donc que l'unité budgétaire? 

ce Le budget, disent MM. Boucard et Jèze ^, doit être dressé 
de telle façon qu'il suffise de foire deux additions pour avoir 
le total des dépenses et celui des recettes et une soustraction 
de ces deux totaux pour savoir s'il est en équilibre, en excé- 
dent de recettes ou en déficit. Cest la théorie de l'unité budgé- 
taire. » 

« L'unité, d'après M. Stourm, tend à réunir dans un total 

* M. Stourm en fait la remarque : « L'intention, dit-il, est louable, 
sans doute, mais la formule n'en demeure pas moins encore très 
vague. .. EUe risque, en effet, de mener très loin les préparateurs du 
budget; car les travaux susceptibles d'améliorer l'outillage économique 
suscitent bien des appétits. » (Cf. Le budget, 4« édition, p. iSS et note 1.) 

' Max Boucarjo et Gaston Jèze. Éléments de la science des finances et 
de la léffislation financière française, 2« édition, 1. 1, p. 107. Paris, Giard 
et Brière. 4905. 



( 139 ) 

unique, toutes les recettes d'une part et toutes les dépenses de 
l'autre : il est nécessaire, dit H. Léon Say, d'enfermer le 
budget dans un monument dont on puisse apprécier aisément 
l'ordonnance et saisir d'un coup d'œil les grandes lignes. De 
là, le principe de l'unité ^. » 

Les auteurs s'accordent généralement à considérer l'unité 
comme une qualité essentielle d'une bonne organisation bud- 
gétaire. Le budget est d'abord un état contenant les proposi- 
tions et les évaluations des recettes et des dépenses pour un 
exercice déterminé. Mais c'est aussi un acte portant approba- 
tion de ces recettes et de ces dépenses. Les propositions et les 
évaluations émanent du gouvernement; l'approbation, du Par- 
lement. Or, pour que ce dernier soit complètement éclairé, il 
est préférable de lui présenter le budget en un total unique 
plutôt que de le morceler en des documents séparés et isolés 2. 

Dans la pratique, Tunité budgétaire peut être compromise 
de plusieurs manières. « Les principales causes du morcelle- 
ment sont, soit la constitution de budgets extraordinaires, soit 
l'existence de budgets annexes, soit l'ouverture de services 
spéciaux du trésor, soit la présentation dans des documents 
séparés des divers éléments du budget général 3. » 

Dans le budget belge, elle est compromise : 

1« Par la distinction tranchée qui est faite entre le budget 
ordinaire et le budget extraordinaire. Ces deux budgets sont 

* Stourm, loc, dt., p. 143, note 1. 

* a Nous savions tous, disait M. Thiers en 1868, à propos des budgets 
de l'Empire, nous savions tous, il y a vingt ou trente ans, notre situation : 
il n'y avait qu'à regarder la première page du budget pour connaître 
toutes les dépenses, même extraordinaires, et toutes les recettes. Les 
gens les plus ignorants et les moins attentifs savaient ce qu'était la 
situation. £h bien! depuis qu'on a divisé notre budget en plusieurs 
autres, il devient très difficile de s'y reconnaître . . Une seule chose est 
sincère, utile et profitable, c'est d'avoir dans un seul tableau, toutes les 
dépenses, même extraordinaires, de l'État; dans un seul autre, toutes 
les recettes : alors, on sait la situation ...» (Discours de M. Thiers au 
Corps l^slalif, 3 juillet 4868, cité par M. Stourm, loc, cit., p. 222.) 

5 BoucARD et Jèze, loc. cit., pp. 407-108. 



(140) 

isolés l'un de l'autre, chacun possède son total propre; ils sont 
contenus dans deux projets distincts, présentés à des époques 
différentes, et les crédits qui les composent ont une durée de 
validité qui est d'un an pour les crédits ordinaires et de trois 
pour les crédits extraordinaires; 

S*" Au lieu d'être présenté en un document unique, le budget 
ordinaire est réparti en treize projets de loi distincts, examinés 
par treize sections centrales et votés en treize lois séparées. 

Comment apprécier cette organisation? 

Nous examinerons successivement la question des budgets 
distincts et celle du budget extraordinaire. 

Remarquons d'abord qu'aucun article de la Constitution ou 
des lois et règlements de comptabilité ne détermine le mode 
de présentation du budget. Ce mode est laissé à l'appréciation 
du ministre des finances ^. 

Dans un discours à la Chambre, M. Frère-Orban avait, il 
est vrai, insinué un jour que la forme de la loi unique sem- 
blait avoir les préférences de la Constitution. « En France, en 
Angleterre, en Italie, disait-il, c'est un budget que l'on discute 
et non pas des budgets séparés et divisés; suivant les termes 
mêmes de notre Constitution, il semblerait qu'il en dût être 
de même chez nous 2. » 

L'orateur faisait allusion sans aucun doute à larticle 115 de 
la Constitution : «Chaque année, les Chambres ... votent le 
budget ... toutes les recettes et dépenses ... doivent être portées 
au budget. » Mais si l'on parcourt les textes de la loi de 1846 
et du règlement de 1868, on constate que le législateur emploie 
indifféremment les termes de « le ou les budgets » — « la loi 
annuelle des finances » ou c< les lois annuelles de finances j), et 
il est difficile dès lors d'argumenter de ces textes en faveur de 
l'un ou de l'autre mode de présentation du budget. 

Quoi qu'il en soit, la forme des projets de loi multiples et 

* Cf. Discours de M. Graux. (Ch. des Représ., séance du 28 février 1883.) 

* Ch. des Représ., séance du 16 décembre 1884, Ann. pari., p. 252. 



( 141 ) 

séparés a toujours eu la préférence de tous les gouvernements 
qui se sont succédés au pouvoir en Belgique, sauf pour la seule 
année 1884, lorsque M. Graux concentra tous les budgets en 
une loi unique. 

Ce dernier système présente, selon nous, de très sérieux 
avantages, parce qu'il permet au Parlement d'envisager dans 
son ensemble la situation financière de TÉtat et de procéder à 
un examen général du budget par l'intermédiaire d'une seule 
section centrale, avant de passer au vote définitif. 

Il résulte, indiscutablement à notre avis, de cette organisa- 
tion, une plus grande clarté, et le Parlement mieux informé est 
plus capable de donner son vote en connaissance de cause. 

Le « vote éparpillé » des budgets, qui est la conséquence du 
régime actuel, présente des inconvénients très grands à ce 
point de vue. Dans un récent rapport au Sénat ^, M. le cheva- 
lier Descamps- David les exposait d'une manière saisissante en 
ces termes : ce Le membre de la Législature qui essaie de se 
rendre compte de la manière dont il procède à cet acte capital 
de la vie parlementaire — le vote du budget — ne laisse pas, 
présentement, d'éprouver quelque embarras. D'abord, il ne 
vote pas, à proprement parler, dans sou unité lumineuse, le 
budget des dépenses et des recettes de l'État. Il se borne à voter 
des budgets isolés contenant des ressources et des dépenses 
publiques. 

ce L'ordre dans lequel il accomplit cette tâche — si tant est 
qu'on puisse l'appeler un ordre — est, à coup sûr, peu satis- 
faisant. 

D'abord, il détermine les moyens de faire face aux 
dépenses ordinaires de l'État, avant d'avoir fixé les éléments 
et le quantum de ces dépenses. 

» En ce qui concerne ces dernières, il commence à octroyer 
des crédits provisoires pour tous les budgets. Ce blanc-seing 
accordé, il vote, au hasard des rapports faits les premiers ou 



* Rapport sur le projet de budget des voies et moyens pour 1898, 
(Sénat, sess. de 4897-1898, Doc. pari,, no 12.) 



( 142) 

de contingences parlementaires plus aléatoires encore, douze 
budgets séparés, que leur isolement livre plus facilement en 
proie à des assauts variés. Puis, en cours d'exercice, — et sou- 
vent plus tard, — il pourvoit à des allocations additionnelles 
ordinairement accompagnées de transferts. Enfin, après avoir 
adopté dans ces conditions ce que Ton appelle le budget ordi- 
naire, il vote en fin d'année parlementaire une série de 
dépenses comprises dans un budget nouveau appelé le budget 
des dépenses extraordinaires, également isolées des premières, 
et dont la contre-partie est en quelque sorte demandée exclu- 
sivement à l'emprunt. 

» Il n'est pas facile d'indiquer, dans une telle procédure, le 
moment oU Von pourrait s'occuper en toute lumière de la grave 
question de l'équilibre financier et des problèmes qui s'y rat- 
tachent, 

» // est même presque inévitable que ton ne perde de vue, dans 
une certaine mesure, les nécessités de cet équilibre. Un exemple 
récent nous en fournit la preuve. Les Chambres ont voté le 
budget de 1896 en déficit de plus de 1,200,000 francs. Les 
membres du Parlement se sont-ils aperçus de ce fait au 
moment de leur vote? C'est plus que douteux : car si on l'eût 
remarqué, le devoir strict était de proposer et de voter les voies 
et moyens correspondant à l'excédent des dépenses. Cela seul 
est correct et de bon exemple pour les autres administrations 
du pays. » 

M. Cooreman, en sa qualité de rapporteur au Sénat de la 
Commission spéciale du budget extraordinaire pour 1896, 
résumait, de son côté, en une phrase caractéristique, les cri- 
tiques que soulève le système actuel : « Le rapprochement, la 
comparaison de tous les crédits est indispensable, disait-il, 
pour que le vote de la Législature puisse être émis avec une 
compréhension nette de la synthèse budgétaire et avec une 
consciente appréciation de l'équilibre du budget général. » 

Plus tard, reprenant la même idée, l'honorable sénateur 
faisait au Sénat la déclaration suivante : « En principe, je tiens 
que le gouvernement doit présenter en même temps les prévi- 



(443) 

sions de dépenses et les prévisions de recettes et aussi que la 
Législature devrait voter en même temps le budget des voies 
et moyens et le budget général des dépenses... Je dis, Mes- 
sieurs, que le budget des recettes et le budget des dépenses 
devraient être présentés en même temps et votés en même 
temps. Je parle des budgets ordinaires ^. » 

Ces paroles, ainsi que le constatait M. Dupont, furent sou- 
lignées par l'approbation de l'assemblée entière. 

Une partie notable du Parlement s'associe donc aux critiques 
que soulève le régime actuel et ses préférences semblent aller 
au système qu'avait tenté d'introduire H. Graux. 

Il est équitable cependant de remarquer qu'au point de vue 
où nous nous sommes placé, la pratique belge des projets 
de loi distincts et séparés atténue dans une certaine mesure 
les inconvénients théoriques du système. 

Les treize projets de loi qui composent le budget ordinaire 
ne sont pas présentés aux Chambres séparément, à des époques 
différentes, mais le même jour et réunis dans un seul docu- 
ment parlementaire. Ils sont, de plus, précédés d'un exposé 
général, qui résume la situation d'ensemble. 

C'est là, certes, une circonstance largement atténuante. 
M. Paul Leroy- Beau lieu le constate lorsqu'il apprécie l'orga- 
nisation budgétaire qui existait en France sous le Second 
Empire, alors que cinq budgets distincts étaient présentés à la 
fois et dans le même document. <( Il était donc facile, dit-il, 
de se reporter de l'un aux autres, de les comparer entre eux et 
de se faire avec quelques recherches une idée complète de la 
situation de chaque service ainsi que de l'ensemble des 
dépenses du pays. Cette réunion dans un même volume de 
ces documents divers diminuait beaucoup l'inconvénient de 
ces comptes multiples 2. » 

C'est aussi dans ce sens qu'il faut entendre le mot de 
H. Beernaert que nous citons plus haut : c< Nous avons en 

* Sénat, séance du 23 décembre 1897, Ann. pari., p. 49. 

* P. Leroy-Beauueu, Traité de la science des finances, 6« édit., t. II, 
p. 25. Paris, Guillaumin, 1899. 



( 144 ) 

Belgique le budget unique, mais il est voté par fragments ^ ». 

Hais c'est précisément ce vote fragmentaire que l'on 
condamne parce qu'il fait perdre de vue Tensemble de la 
situation financière et l'équilibre final du budget. 

À aucun moment, les Chambres n'ont le moyen d'étudier et 
d'examiner à fond cet équilibre. Les treize projets de loi sont 
soumis à l'examen de treize sections centrales indépendantes. 
Ce qu'il faudrait tout au moins, c'est une seule section centrale 
ou commission budgétaire, étudiant tous les budgets à la fois, 
les rapprochant les uns des autres, les comparant et les 
combinant entre eux, de manière à extraire de cette étude et à 
présenter le plus clairement possible au Parlement la situation 
réelle des finances du pays. 

D'autre part, — et nous l'avons déjà remarqué : c'était une 
illusion de ses promoteurs, — le budget unique n'a pas pour 
vertu de hâter les discussions et d'assurer le vote du budget en 
temps utile. Il ne peut produire ce résultat, pas plus d'ailleurs 
que le système des projets de loi multiples. Le vote du budget 
avant le commencement de l'exercice dépend, en effet, ainsi 
que nous le dirons, non pas du mode de présentation choisi 
par le gouvernement, mais d'autres circonstances : telles que, 
par exemple, une discipline plus sévère imposée aux discus- 
sions parlementaires, le dépôt des budgets plusieurs mois 
avant le début de l'exercice, etc... 

Or, tant que subsistera cette pratique vicieuse du vote 
retardé des budgets, le système des projets de loi multiples 
aura du moins pour effet d'assurer le vote de quelques budgets 
avant le commencement de l'exercice. 

C'est là un léger avantage du système, mais qui ne compense 
pas suffisamment ses grands inconvénients. 

De ce qui précède, nous concluons : 

l"" 11 faut préférer, pour la présentation du budget, le projet 
de loi unique aux projets de loi distincts correspondant aux 
divers services ou départements ministériels; 

* Cf. supra, p. 112. 



( 148 ) 

2" Même dans le système des projets de loi multiples, il 
conviendrait de soumettre l'ensemble de ces projets à une seule 
commission du budget ou section centrale. La Chambre et le 
Sénat possèdent déjà, d'après leurs règlements respectifs, le 
droit d'instituer cette procédure. En y recourant, le Parlement 
réaliserait, à notre avis, un progrès réel. 

Le projet de loi unique et la commission unique sont, 
d'ailleurs, de pratique constante et générale dans la plupart 
des pays. 

On ne pourrait guère citer à titre d'exception importante à 
cette règle que l'exemple de Tllalie. 

Dans ce pays, on distingue le budget de première prévision 
du budget de prévision définitive (di definitiva previsione) ou 
rectificatif. 

Le budget de première prévision est déposé par le ministre 
des finances dans le courant de novembre pour l'exercice 
suivant (1^^ juillet au 30 juin). 11 se divise en douze projets de 
loi distincts : onze projels de dépenses et un projet de recettes, 
qui comprend aussi un état récapitulatif des dépenses. 

Tous ces projets sont renvoyés à l'examen d'une seule com- 
mission permanente composée de trente membres et nommée 
par la Chambre au scrutin secret. 

• « Tous les budgets de première prévision sont discutés et 
volés par les deux Chambres avant l'ouverture de l'année 
financière. Mais au mois de novembre, alors que l'exercice est 
déjà en cours depuis plusieurs mois, le ministre des finances 
présente à la Chambre un projet de loi poriant rectification 
du budget primitif. // n'y a plus alors douze projets distincts, 
mais un seul projet renfermant Vélat des chapitres à modifier et 
la récapitulation des recettes et des dépenses telles qu'elles 
résultent du budget rectificatif ^ ». 

En France, un seul projet de loi général comprend l'en- 
semble des propositions budgétaires, mais le Parlement se 

* Cf. DuPRiEZ, Les ministres dans les principaux pays d^Europe et 
S Amérique, 1. 1, pp. 316-317. Paris,. Rothschild, 1892. 

Tome LXVI. 10 



(146) 

voit obligé de détacher du projet général et de voter, dès le 
mois de juillet, une loi spéciale : la loi des contributions 
directes. Une notable partie des recettes est ainsi votée avant 
qu'on ait même examiné aucune dépense. « Cette disjonction,' 
remarque M. Stourm, a l'inconvénient de couper en deux le» 
budgets et de rompre l'unité. » Mais c'est la conséquence forcée 
du mode actuel de travail financier des Chambres et de la 
persistance des retards dans le vote des budgets. 

« Un délai de quatre ou cinq mois est, en effet, indispen- 
sable d*abord aux conseils généraux et d'arrondissement pour 
répartir et sous-répartir les contingents, puis aux agents des 
contributions directes pour confectionner les rôles. » 

Les contributions directes sont d'ailleurs rattachées expres- 
sément au budget général par un article de leur loi spéciale, 
mats on s'accorde, en France, à regretter la nécessité où l'on 
est de recourir à cette pratique peu conforme au principe de 
l'unité budgétaire <. 

La question du budget unique a toujours été envisagée, dans 
notre pays, au seul point de vue que nous venons de discuter : 
la présentation du budget en un projet de loi unique ou en 
projets de loi séparés et distincts. 

Mais ce n'est là qu'un aspect du problème de Tunité budgé- 
taire et ce n'est pas le plus important, à notre sens. 

11 existe, en eifet, dans notre organisation budgétaire, une 
autre infraction à la règle de l'unité, plus grave et plus grosse 
de conséquences : c'est le budget extraordinaire. 

c< Le budget extraordinaire, dit M. Stourm, pourvoit, en 
dehors des cadres du budget ordinaire, aux dépenses excep- 
tionnelles de l'État. » Et précisant cette définition, il décrit de 
la manière suivante les deux caractères distinctifs du budget 
extraordinaire. C'est d'abord : « la création de ressources 
exceptionnelles. Mais le fait que les ressources sont exception- 
nelles ne sufiit pas à donner naissance au budget extraordi- 

* Cf. Stourm, loc. cit., pp. 206-207. 



(147) 

naire, tant que ses opérations demeurent confondues ou 
englobées dans le total même du budget général. Le budget 
extraordinaire ne mérile réellement son nom que lorsqu'il est 
isolé du budget général. Cest son isolement, c'est sa totalisa- 
tion séparée qui lui confère réellement son titre ^ ». 

Cette définition s'adapte parfaitement au budget extraordi- 
naire belge, dont nous avons décrit en détail les caractères. 
Ce budget constitue, à la lettre, une individualité, une person- 
nalité comptable, nettement distincte du budget ordinaire. 
11 mérite d'être appelé par M. Stourm « le type le plus complet 
de budget extraordinaire ^ ». 

C'est lui qui rompt surtout l'unité du budget belge. Quelles 
sont donc les critiques que Ton peut faire à cette organisation, 
quels en sont les inconvénients? 

L'existence d'un budget extraordinaire, distinct du budget 
général, est pour un gouvernement une tentation permanente 
d'y incorporer des dépenses qui normalement devraient appar- 
tenir au budget ordinaire. La délimitation entre dépenses ordi- 
naires et dépenses extraordinaires est malaisée à établir, et il 
n'existe pas de définition précise des unes et des autres. Ce 
qui faisait dire à M. Léon Say : « Les dépenses sont ordinaires 
quand la commission du budget déclare qu'elles le sont; elles 
deviennent extraordinaires quand la commission du budget 
les juge telles. C'est une question d'arbitraire 3 ». 

a De cette absence de frontières, remarque M. Stourm, 
résulte forcément l'abus, qui consiste invariablement à 
reporter l'ordinaire sur l'extraordinaire. Celui-ci, en effet, 
alimenté par l'emprunt, a des allures beaucoup plus hospita- 
lières que son collègue alimenté par Timpôt. L'extraordinaire 
accueille tous ceux qui s'adressent à lui : il n'oppose de fin de 
non-recevoir à personne, puisqu'il est extensible à volonté. 

1 iWrf., pp. 224et217. 
. « Ibid,, p. 238. 

3 Chambre des députés, 27 juillet 4882. — Cité par M. Stourm, loc. cit. y 
p. 228. 



.(148) 

pès lors, la foule l'assiège et des introductions abusives se 
produisent incessamment dans son sein... Les budgets extra- 
ordinaires désorganisent donc le budget ordinaire par l'attrac- 
tion qu'ils exercent sur lui ; l'emprunt et l'impôt paient alors 
corrélativement des services que l'impôt devrait seul acquitter, 
et les principes d'économie disparaissent dans cette confu- 
sion *. » 

Celte première 'critique s'applique pleinement au budget 
extraordinaire considéré d'une manière absolue. Elle pouvait 
s'adresser aussi au budget extraordinaire belge tel qu'il était 
constitué avant 1895. Mais il faut reconnaître que la distinc- 
tion entre dépenses exceptionnelles et dépenses extraordi- 
naires, introduite à partir de cette époque par M. de Smet 
de Naeyer, a corrigé dans une large mesure cette attraction 
abusive exercée par le budget extraordinaire sur le budget 
ordinaire et dissipé la confusion qui s'établissait trop facile- 
ment entre les deux. 

Si cette réforme a heureusement amélioré le régime du 
budget extraordinaire, elle laisse subsister cependant la tenta- 
tion d'en abuser et n'écarte qu'incomplètement le danger que 
le budget extraordinaire présente pour les finances publiques, 
livrées aux mains d'un gouvernement peu économe et peu 
soucieux de l'intérêt général. 

De plus, on ne peut guère approuver ni le mode de présen- 
tation, ni le mode de discussion du budget extraordinaire 
belge. 

Il est déposé à la Chambre très tard, au cours de la session 
et le plus souvent en fin de session. Celui de 1902 a été 
déposé le 15 avril, la Chambre s'est séparée le 7 mai et le 
Sénat le 20. 

En moins de trois semaines, ce budget a dû être examiné 
par les sections, rapporté, discuté et voté. Le Parlement ne 
dispose pas du temps matériellement nécessaire pour étudier 
d'une manière sérieuse ce budget, l'un des plus importants 

« Stourm, loc. cit., pp. 228-230. 



( 149 ) 

cependant et qui engage profondément les finances du pays ^. 
Aussi tes discussions sont-elles écourtées et ëlranglées, les 
orateurs se contentent de présenter quelques considérations 

* Une récente discussion (3, 10, 22 mai 1901) sur le projet d'une gare 
centrale à Bruxelles et la jonction Nord-Midi a mis, une fois de plus, en 
relief les vices du système suivi en matière de vote de travaux publics 
importants, prévus par le budget extraordinaire. M. Woeste les caracté* 
risait très exactement en ces termes : « Messieurs, il s'est passé et il 
se passe à l'occasion de la gare centrale ce qui s'est passé déjà dans 
maintes occasions et ce qui a donné lieu à de très graves abus : à la fin 
d'une session, on annonce un grand travail au milieu de la distraction 
générale; les Chambres ne savent pas au juste ce que coûtera ce travail ; 
elles votent d'abord un léger crédit, sans en calculer les conséquences. 
Puis, quand il s'agit de continuer le travail, arrivent les demandes de 
millions; les millions s'accumulent sur les millions, l'anxiété nait et 
Ton s'écrie : il est trop lard. Vous avez voté le principe : il faut voter 
tous les raillions que nous réclamons ! Voilà le système. Ce système est 
mauvais. » (Séance du S mai,) 

Les forts de la Meuse, dont le coût avait été évalué à 34 raillions et qui 
ont coûté finalement 70 raillions, le Palais de justice de Bruxelles, etc., 
sont des exemples classiques de cette manière de procéder. 

Le 10 mai, M. Renkin appuyait les critiques de M. Woeste : « Je recon- 
nais bien volontiers, disait-il, que l'an dernier, les crédits du budget 
extraordinaire, destinés à la construction de lignes nouvelles, compren- 
nent des sommes destinées à l'exécution d'un plan déterminé de jonction 
Nord-Midi avec gare centrale. Cela n'est pas sérieusement contestable, 
mais il n'en est pas moins vrai que la question n'a pas été soumise à 
l'étude approfondie qu'elle mérite et que les Chambres ont vraiment vote 
à la vapeur parce qu'elles y étaient obligées. C'est un peu la carte 
forcée. Il faut bien le reconnaître, dans les critiques formulées par 
M. Woeste contre le système suivi depuis toujours en matière de travaux 
publics, il y a beaucoup de vrai. Le système qui consiste à voter par 
tranches les crédits pour les grands travaux sans jamais procéder à un 
examen et à un vote d'ensemble aboutit tout simplement à supprimer le 
contrôle des Chambres, car après le vote de deux ou trois crédits, les 
Chambres sont souvent obligées, par les faits accomplis, à consacrer des 
prodigalités consécutives, mais devenues inévitables. Cela s'est produit 
en diverses affaires rappelées par M. Woeste, et plus récemment encor 
pour la gare d'Anvers, qui coûtera 23,500,000 francs : si on avait d 
prime abord soumis à la Chambre des projets comportant une telle 
dépense, je doute fort qu'on les eût adoptés. » ^ 



( 150 ) 

générales, ils n'ont visiblement !pas eu le loisir d'examiner à 
fond les propositions gouvernementales, et le Parlement vote 
de confiance un budget qu'il connaît peu ou prou. U est temps 
vraiment que l'on modifie celte procédure fantaisiste et 
funeste, en présentant tout au moins le budget extraordinaire 
en temps utile et en même temps que les budgets ordinaires. 

Enfin, le budget extraordinaire ne fait pas apparaître claire- 
ment la situation financière réelle; il tend facilement à la 
masquer et à la dissimuler. Nous n'irons pas jusqu'à formuler 
sur le budget extraordinaire belge l'appréciation sévère que 
porte M. Stourm sur le budget extraordinaire constitué 
sous l'Empire par une loi du 2 juillet 1862 : « Le gouverne- 
ment désirait surtout alors dissimuler l'augmentation des 
dépenses publiques en divisant leur total. Tel est toujours^ en 
réalité, le but secret de la disjonction des budgets extraordinaires : 
on espère faire illusion au pays L » 

Nous ne croyons pas qu'aucun de nos gouvernements en 
maintenant le budget extraordinaire ait poursuivi consciem- 
ment le but de tromper le pays et de dissimuler l'état réel des 
finances. 

Cet état réel apparaît d'ailleurs toujours dans les comptes 
établis sincèrement et loyalement, avec le concours de la 
Cour des comptes. Mais il faudrait aussi que les prévisions 
exposassent d'une manière plus complète et plus claire 
l'ensemble de la situation, et cela se réaliserait si nos budgets 
étaient présentés en un seul total au lieu de deux, l'un pour 
l'ordinaire, l'autre pour l'extraordinaire. 

Expliquons notre pensée par un exemple. Le budget ordi- 
naire se clôt généralement en Belgique, depuis nombre 
d'années, par un excédent de recettes ou boni. Le budget 
extraordinaire se clôture, lui, d'une manière variable, tantôt 
par un boni, tantôt par un déficit, et il en est de même lors- 
qu'on réunit les totaux des deux budgets. 

Mais cette situation n'apparaît que dans le compte définitif 
du règlement général du budget d'une année. 

* Stourm, lac. cit., pp. 220-221. 



( ISI ) 

Ainsi, le résultat général du budget de l'exercice de 1899 
est le suivant : 

Sertnces ordinaires, — Excédent de recettes 17,601,156 44 

Services extraordinaires, — Excédent de dépenses, .ir. 104,771,735 47 

Services ordinaires et extraordinaires i Recettes . . . 483,271,531 65 

réunis. \ Dépenses. . . 570,442,110 68 

- Par conséquent, les dépenses dépassent les recettes de 
fr. 87,170,579 03, et comme l'exercice 1898 présentait égale- 
ment un mali de fr. 599,732 30, l'exercice 1899 se clôture 
finalement par un excédent de dépenses de fr. 87,770,311 33 1. 

Si on avait présenté en un seul budget l'ensemble des 
recettes et l'ensemble des dépenses tant ordinaires qu'extraor- 
dinaires, le Parlement eût été éclairé beaucoup mieux sur la 
situation réelle, avant de donner son vote. Tandis qu'avec le 
système actuel, il vote le budget ordinaire en boni ; ce boni est 
le plus souvent compromis par le budget extraordinaire et il 
xie connaît le résultat d'ensemble qu'après clôture d'exercice, 
au lieu d'en être informé, au moins approximativement, dès 
le vote du budget de l'exercice. 

C'est ainsi que le Parlement et le pays avec lui vit dans une 
jcertaine illusion, que le total unique du budgel général contri- 
buerait à dissiper sans aucun doute. 

Aussi les auteurs s'accordent-ils généralement à condamner 
le budget extraordinaire distinct et isolé du budget ordi- 
naire 2. Us ne l'admettent guère que dans des circonstances 

* Cf. Ch. des Représ., sess. de 4901-1902, Doc. pari,, n» 27. 

« Cf. Stourm, loc. cit., pp. 224 et suiv.; Boucard et Jèze, loc, cit,, 1. 1, 
p. 109; P. Lkroy-Beaulieu, loc. cit., U II, pp. 24 et suiv. Ce dernier 
auteur résume très clairement son opinion lorsqu'il dit : « Un des 
-points les plus importants et les plus discutés en ce qui concerne la 
préparation du budget, c'est celui de savoir s'il faut rassembler tous les 
comptes de recettes et de dépenses du pays en un seul état, un seul 
budget, ou si, au contraire, on peut sans inconvénient dresser suivant 
le caractère ordinaire ou extraordinaire de ces dépenses ou de ces 



(1»2) 

exceptionnelles et passagères, comme par exemple pour la 
liquidation des dépenses d'une guerre. Tel le compte de liqui- 
dation, constitué en France, en 1872, pour les dépenses de la 
guerre franco-allemande. 

Ces circonstances ne se rencontrant pas dans notre pays, où 
le budget extraordinaire comprend surtout des dépenses 
facultatives de travaux publics, le maintien de cette distinction 
entre les deux espèces de budgets ne se justifie pas. 

Il conviendrait donc de faire rentrer le budget extraordi- 
naire dans le budget général, qui aboutirait ainsi à une seule 
totalisation de l'ensemble des recettes et dépenses de l'État. 

La pratique étrangère se conforme d'ailleurs à cette procé- 
dure. En Angleterre, en Allemagne, en Prusse, en Autriche- 
Hongrie, en Italie, il n'existe pas de budget extraordinaire ^ ; 
en France, il n'en existe plus depuis 1891. Cependant, l'unité 
budgétaire n'y est pas encore complètement réalisée, à cause 
notamment des budgets-annexes et des services spéciaux du 
trésor 2. 

En réunissant, en Belgique, le budget extraordinaire dans 
un budget général unique, il ne serait pas impossible cepen- 
dant de maintenir pour les crédits extraordinaires la durée de 
validité de trois ans. Les raisons que l'on donne en faveur de 
cette règle sont sérieuses 3, bien qu'elle occasionne certaines 
complications de comptabilité et qu'elle ne s'accorde peut-être 

recettes, plusieurs états différents que Ton ne relie pas entre eux et 
qu'on ne résume pas dans un seul total. Il y a des arguments en faveur 
de l'une et de l'autre solution : c'est moins une question de méthode 
qu'une question de bonne foi et d'appréciation des circonstances. Autant 
les budgets multiples sont condamnables dans des temps ordinaires, parce 
qu'alors ils ne sont propres qu'à produire la confusion dans l'esprit du 
législateur, autant ils peuvent être admis, recommandés même, dans des 
circonstances exceptionnelles, quand il se rencontre des besoins' passa- 
gers auxquels on ne peut faire face qu'avec des ressources extraordi- 
naires » (loc. cil, y p. 24). 

* Cf. Stourm, lac. cit., pp. 232 et suiv. 

« Ibid., p. 269. 

3 Cf. supra, p. 426. 



(1»3) 

pas parfaitement avec la prescription constitutionnelle du vote 
annuel du budget. 

11 nous reste enfin à envisager brièvement l'éventualité de la 
création d'un* budget spécial des chemins de fer, dont il a été 
question à diverses reprises et que préconisait encore récem- 
ment H. Kenkin, rapporteur du budget des chemins de fer 
pour 1902 ^. a Dans le régime budgétaire actuel, disait-il, la 
comptabilité vraie du chemin de fer est distribuée entre les 
budgets des voies et moyens, de la dette publique, des 
finances, des recettes et dépenses extraordinaires, des chemins 
de fer, postes et télégraphes. 

» Il suit de là que la situation financière du chemin de fer ne 
peut aujourd'hui s'établir avec exactitude et correction qu'en 
extrayant de ces divers budgets, pour les rassembler ensuite, 
toutes les sommes qui concernent le chemin de fer. 

» C'est un état de choses qui ne doit pas être maintenu. 
Plusieurs fois la section centrale a exprimé cette idée, en 
demandant la création d'un budget spécial des chemins de 
fer, qui contiendrait toutes les recettes et toutes les dépenses 
ordinaires et extraordinaires qui concernent les chemins de 
fer. C'est le budget industriel, recommandé par Thonorable 
M. Hubert dans son rapport sur le budget de 1899. Le pro- 
grès ainsi réalisé serait déjà notable, bien que de pure 
forme. » 

S'agit-il âe constituer un troisième budget, à côté du bud- 
get ordinaire et du budget extraordinaire, c'est consacrer une 
nouvelle infraction au principe de l'unité budgétaire et aux 
règles du bon ordre financier. 

S'agit-ii, au contraire, simplement de grouper, dans les 
cadres du budget ordinaire, en un chapitre spécial toutes les 

^ Budget du ministère des chemins de fer, postes et télégraphes pour 
l'exercice 1902. Rapport fait, au nom de la section centrale, par 
M. Renkin. (Gh. des Représ., séance du 12 mars 1902, sess. de 190M902, 
Doc. parL, no 78, pp. 438, 439.) 



( 184) 

dépenses relatives au chemin de fer et distribuées aujoiird'hui 
entre divers autres budgets, laissant d'ailleurs subsister Les 
recettes du chemin de fer au budget des voies et moyens, cette 
modification de pure forme ne serait nullement incompatible 
avec la règle de Tunité et nous paraît de nature à satis£aire les 
partisans du budget spécial, en réalisant plus de clarté 
dans Texposé des prévisions budgétaires relatives au chemin 
défera. 



CHAPITRE II. 

La procédure belge en matiôre de préparation du 
budget. — Le comité permanent du budget. 

Dans tous les pays, c'est le Pouvoir exécutif qui prépare le 
.budget. 

c( Lui seul^ remarque M. Stourm, peut et doit remplir ce 
rôle. Placé au centre du pays, pénétrant journellement, par 
la hiérarchie de ses fonctionnaires locaux, jusqu'au sein des 
moindres villages, il se trouve mieux que personne apte à 
ressentir d'abord l'impression des besoins et des vœux publics, 
puis à en apprécier le mérite comparatif, par conséquent à 
chiffrer budgétairement la juste satisfaction que chacun de 
ces besoins et de ces vœux comporte... D'ailleurs, devant être 
chargé plus tard de l'exécution du budget, dès maintenant le 

*- Dans sa réunion du 5 avril 1899, la Société d'économie politique de 
Paris a diseuté la question : « de Vunité budgétaire considérée dans ses 
rapports avec les services industriels de VÊtat ». H. Georges Michel a 
rendu compte de cette discussion dans V Économiste français du 
22 avril 1899. On lira avec intérêt ce compte rendu, où Ton trouvera 
notamment un exposé très clair du système des budgets extraordinaires 
pratiqué en Russie et en Prusse, — pays où les services industriels de 
rÉtat sont très développés — par M. A. Raffalovich. On^ trouvera aussi 
ua résumé des opinions diverses qui ont cours sur cette question contro- 
versée de Tunité budgétaire. 



( 188 ) 

souci de sa responsabilité future l'engage à préparer dans les 
meilleures conditions possible le projet dont l'application lui 
sera réservée ^. » 

Chaque ministre prépare donc le budget qui le concerne, 
aidé de ses collaborateurs. Parmi ces derniers interviennent 
d'abord les fonctionnaires locaux. Ceux-ci transmettent chaque 
année à leurs chefs hiérarchiques leurs propositions de 
dépenses pour l'exercice suivant. Remontant d'échelon en 
échelon l'échelle administrative, ces propositions parviennent 
aux administrations centrales : ponts et chaussées, agriculture, 
enseignement, beaux- arts, etc.. Celles-ci récapitulent les pro- 
positions des agents locaux. Puis le tout est envoyé au chef du 
département, qui procède, avec ses fonctionnaires, à un tra- 
vail semblable. 

Le projet de chaque département étant arrêté, chaque 
ministre l'envoie au ministre des finances. C'est ce dernier 
qui centralise donc, en dernière analyse, l'ensemble des pro- 
positions de dépenses. Il les examine et les discute avec ses 
collègues intéressés. Le ministre des finances n'a certes, en 
Belgique, aucune supériorité hiérarchique sur ceux-ci, mais 
il peut leur adresser ses observations au sujet des dépenses 
proposées, et si un ministre refuse de se rendre à ces obser- 
vations, le cas est discuté en Conseil des ministres. 

Le projet des dépenses étant arrêté, d'accord avec chacun 
des intéressés, le ministre des finances s'occupe de la prépa- 
ration du budget des voies et moyens. Il dépose enfin sur 
le bureau de la Chambre l'ensemble des budgets, qu'il fait 
précéder d'un exposé général, qui est son œuvre. 

La présentation du budget à la Chambre devant se faire, 
d'après la loi du 24 juillet 1900, le 31 octobre au plus tard, le 
budget est préparé aujourd'hui dans le courant de l'été. 
' Au mois de juillet, le ministre des finances adresse ordi- 
nairement à tous ses collègues des autres départements minis- 
tériels une circulaire les invitant à lui feire parvenir pour le 

* Stourm, /oc. ci/., pp. 63, 54. - 



( 156 ) 

!•' ou le 15 août au plus tard leurs propositions pour Tannée 
suivante. Il leur recommande en même temps la plus stricte 
économie dans l'élaboration de ces propositions et le plus 
grand soin dans rétablissement des évaluations, de manière 
à éviter dans la suite le recours aux crédits supplémentaires. 

C'est donc dans le courant des mois d'août et de septembre 
que le ministre des finances doit étudier le projet des dépenses 
et préparer les voies et moyens, de manière que l'ensemble du 
budget puisse être imprimé et distribué aux membres du Par* 
lement le 31 octobre au plus tard. 

Le ministère des finances assume la besogne principale dans 
la préparation du budget, et il existe, dans ses cadres, un 
service spécialement chargé de ce travail préparatoire. C'est le 
service spécial du budget, institué par un arrêté royal d\x 
26 mai 1883 ^, au moment où H. Graux étudiait le nouveau 
mode de présentation du budget et qui a été conservé depuis» 
. Ce service est dirigé, sous Fautorité immédiate du ministre, 
par un comité désigné sous le titre de Comité peimanent du 
budget. 

D'après l'arrêté organique, ce comité est composé : du secré- 
taire général du ministère des finances, président, et de quatre 
fonctionnaires supérieurs appartenant aux diverses adminis- 
trations centrales du même ministère, dont l'un remplit les 
fonctions de secrétaire. 

Les membres de ce comité sont nommés par le ministre des 
finances qui désigne également les autres agents chargés de 
coopérer au travail du service du budget. 

Le comité permanent a dans ses attributions la préparation 
des avant- projets de loi de budget et de toutes les lois de 
crédit qui le modifient ou s'y rattachent. Il réunit, à cet effet, 
et coordonne les évaluations, propositions et développements 
justificatifs qui sont fournis par les divers départements minis- 
tériels. 

Les préparateurs du budget doivent, dans l'accomplissement 

* Moniteur dn dO m2l ' 



( 157 ) 

de leur tâche, observer certaines règles et certaines prescrip- 
tions, notamment la règle de l'universalité et les prescriptions 
coutumières relatives à l'évaluation des recettes et des dépenses. 



CHAPITRE m. 
La règle de runiversalité. 

§ 1. — L'article H5, alinéa 2 de la Constitution. 

La règle de l'universalité est comme le corollaire de celle de 
l'unité. Le budget ne doit pas seulement aboutir à un total 
unique, tant en recette qu'en dépense; il doit aussi décrire 
in extenso toutes les opérations de recette et de dépense, sans 
confusion ni atténuation ^. 

£t cela, afin que la représentation nationale, qui a mission 
de donner son approbation aux prévisions établies par le gou- 
vernement, soit éclairée complètement sur l'ensemble de la 
situation budgétaire et qu'aucune recette ou dépense de l'État 
n'échappe à son examen et à son contrôle ^. 

C'est pourquoi la Constitution énonce la règle de l'universa- 
lité dans le même article qui décrète le vote annuel des budgets 
et des comptes : Toutes les recettes et dépenses de VÉtat, dit 
l'article lie, alinéa 2, doivent être portées au budget et dans les 
comptes. 

Cette prescription constitutionnelle est absolue, elle n'admet 
pas d'exception, et l'on peut dire que l'universalité est très 
strictement observée dans le budget belge. 

* Stodrm, lac. ail. y p. 143. 

* « Du moment que toutes les recettes et toutes les dépenses publiques, 
sans exception, doivent recevoir la sanction des représentants du pays, 
il faut que chacune d'elles soit inscrite au budget, afin de prendre nomi- 
nativement sa part de cette nécessaire sanction. » (Stoujim, lac. cit^ 
p. 144.) 



( 186 ) 

!•' ou le 15 août au plus tard leurs propositions pour l'année 
suivante. Il leur recommande en même temps la plus stricte 
économie dans l'élaboration de ces propositions et le plus 
grand soin dans l'établissement des évaluations, de manière 
à éviter dans la suite le recours aux crédits supplémentaires. 

C'est donc dans le courant des mois d'août et de septembre 
que le ministre des finances doit étudier le projet des dépenses 
et préparer les voies et moyens, de manière que l'ensemble du 
budget puisse être imprimé et distribué aux membres du Par- 
lement le 31 octobre au plus tard. 

Le ministère des finances assume la besogne principale dans 
la préparation du budget, et il existe, dans ses cadres, un 
service spécialement chargé de ce travail préparatoire. C'est le 
service spécial du budget, institué par un arrêté royal du 
26 mai 1883 ^, au moment oii H. Graux étudiait le nouveau 
mode de présentation du budget et qui a été conservé depuis. 
. Ce service est dirigé, sous l'autorité immédiate du ministre, 
par un comité désigné sous le titre de Comité pet^manent du 
budget. 

D'après l'arrêté organique, ce comité est composé : du secré- 
taire général du ministère des finances, président, et de quatre 
fonctionnaires supérieurs appartenant aux diverses adminis- 
trations centrales du même ministère, dont l'un remplit les 
fonctions de secrétaire. 

Les membres de ce comité sont nommés par le ministre des 
finances qui désigne également les autres agents chargés de 
coopérer au travail du service du budget. 

Le comité permanent a dans ses attributions la préparation 
des avant- projets de loi de budget et de toutes les lois de 
crédit qui le modifient ou s'y rattachent. Il réunit, à cet effet, 
et coordonne les évaluations, propositions et développements 
justificatifs qui sont fournis par les divers départements minis- 
tériels. 

Les préparateurs du budget doivent, dans l'accomplissement 

* Moniteur du 30 mai. ' 



( 187 ) 

de leur tâche, observer certaines règles et certaines prescrip- 
tions, notamment la règle de Tuniversalité et les prescriptions 
coutumières relatives à l'évaluation des recettes et des dépenses. 



CHAPITRE m. 
La règle de runiversalité. 

§ 1. — L'article H5, alinéa 2 de la Constitution. 

La règle de l'universalité est comme le corollaire de celle de 
l'unité. Le budget ne doit pas seulement aboutir à un total 
unique, tant en recelte qu'en dépense; il doit aussi décrire 
in extenso toutes les opérations do recette et de dépense, sans 
confusion ni atténuation ^. 

£t cela, afin que la représentation nationale, qui a mission 
de donner son approbation aux prévisions établies par le gou- 
vernement, soit éclairée complètement sur l'ensemble de la 
situation budgétaire et qu'aucune recette ou dépense de l'État 
n'échappe à son examen et à son contrôle 2. 

C'est pourquoi la Constitution énonce la règle de l'universa- 
lité dans le même article qui décrète le vote annuel des budgets 
et des comptes : Toutes les recettes et dépenses de l'État, dit 
l'article 115, alinéa 2, doivent être portées au budget et dans les 
comptes. 

Cette prescription constitutionnelle est absolue, elle n'admet 
pas d'exception, et l'on peut dire que l'universalité est très 
strictement observée dans le budget belge. 

* Stourm, toc. cit., p. 143. 

* « Du moment que toutes les recettes et toutes les dépenses publiques, 
sans exception, doivent recevoir la sanction des représentants du pays, 
il faut que chacune d'elles soit inscrite au budget, afin de prendre nomi- 
nativement sa part de cette nécessaire sanction. » (Stou|lm, lac. cit^f 
p. 144.) 



(188) 

Cependant, afin de mieux se rendre compte de la portée de 
la règle, il ne sera pas inutile de considérer certains cas d'ap- 
plication. 

§ 2. — Étendue d'application. 
A. — Le budget belge est un budget brut. 

On peut concevoir, en effet, deux manières de dresser un 
budget. 

Ou bien, on se contente d'inscrire au budget les recettes, 
déduction faite des frais de perception qu'elles occasionnent 
et des différentes charges qui les grèvent et les services des 
dépenses, diminués des produits plus ou moins importants 
qu'ils fournissent à l'État. 

On dresse alors un budget net. Le budget net eut histori- 
quement les préférences des préparateurs du budget. On le 
rencontre partout à l'origine des institutions budgétaires et 
aujourd'hui encore dans certains États allemands, comme la 
Saxe, le Wurtemberg, le Grand-Duché de Hesse. il a été usité 
en Franco jusqu'en 1818, en Angleterre jusqu'en 1858, en 
Bavière jusqu'en 1868 ^. 

Le budget de l'Empire d'Allemagne est actuellement, en 
grande partie, dressé sous cette forme. Le produit des postes 
et télégraphes, qui s'élevait à 4o0 millions, n'était inscrit que 
pour 60 millions au budget de 1899-1900. Les droits de douane 
et de timbre, les impôts sur le sel, le sucre, le tabac, l'alcool, 
la bière ne sont versés au trésor impérial par chacun des États 
fédérés que pour leur produit net "^. 

Ou bien, on inscrit au budget, parmi les recettes, tous les 
revenus bruts de l'État, tandis que les dépenses renseignent 

* QL D' Max von Heckel, Dos Budget, Leipzig, Verlag von C. L. Hirsch- 
feld, 1898. (Collection K. Frankenstein), pp. 36 et suiv.; Stourm, loc, dt,, 
chapitre VI, et spécialement pp. 160 et suiv. ; Boucârd et Jèze, loc. cit.^ 
pip. 90 et suiv. 

* Stourm, loc. cit., p. 161. 



( 189 ) 

les charges et les frais qui grèvent ces revenus. De même, on 
inscrit parmi les dépenses les dépenses brutes, alors que Ton 
rencontre parmi les recettes les produits qui diminuent éven- 
tuellement d'autant ces dépenses. 

Le budget brut est aujourd'hui d'un usage général dans la 
plupart des pays, et notamment en France, en Prusse, en 
Autriche-Hongrie, en Italie. Toutes les recettes et dépenses 
sont inscrites dans ces budgets pour leur produit brut, sauf 
certaines exceptions de minime importance. 

Il en est de même en Belgique, bien qu'aucune près- 
cription légale n'impose cette procédure, mais elle découle 
implicitement de la règle constitutionnelle de l'article 115, 
alinéa 2. 

Car à supposer que l'on n'inscrive au budget des voies et 
moyens les recettes de l'État que déduction faite préalable- 
ment de leurs frais de perception, ces frais de perception qui 
sont, en réalité, des dépenses de l'Etat, ne figureraient pas au 
budget, échapperaient dès lors au contrôle du Parlement, et 
la règle de l'universalité serait violée. 

Aussi, tous les impôts directs et indirects figurent au budget 
des voies et moyens pour leur produit brut, les frais de per- 
ception étant renseignés au budget des finances. 

Les recettes des chemins de fer sont évaluées à S04 millions 
370,000 francs dans le budget des voies et moyens de 190:2, 
celles des télégraphes et téléphones à 10,000,000 de francs et 
les dépenses correspondantes à ces services sont inscrites dans 
le budget des chemins de fer, postes et télégraphes. 

Les recettes des postes et des douanes ne figurent pas en 
entier, il est vrai, dans le budget des voies et moyens, telles 
qu'elles entrent dans les caisses de l'État. Une partie seulement 
y est renseignée, non pas, parce qu'on en a déduit les frais de 
perception ou des dépenses corrélatives, mais parce qu'en vertu 
de la loi du 18 juillet 1860, une notable partie de ces recettes 
sont attribuées au fonds communal, qui est un fonds de tiers 
renseigné au budget des recettes et dépenses pour ordre. 

Quant aux services des dépenses, ils figurent aussi pour 



( 160 ) 

leur import total dans les budgets de dépenses, sans dëduo 
lion des menus produits qu'ils pourraient donner. Ceux-ci 
figurent au budget des voies et moyens. Pour ne citer qu'un 
exemple, les dépenses nécessitées par les établissements de bien- 
faisance de rÊtat sont inscrites, dans leur intégralité, au 
budget de la justice, tandis que les produits des établissements 
de bienfaisance de TÉtat figurent parmi les capitaux et revenus 
au budget des voies et moyens de 19012, pour 125,000 francs 
(art. 39). 

B. — Loi du 45 mai 4846 sur la comptabilité : article 46. 

L'article 16 de la loi sur la comptabilité de l'Etat contient 
dans son alinéa 2 une nouvelle application de la règle de 
l'universalité : 

« Les ministres, y est-il dit, ne peuvent accroître par aucune 
ressource particulière le montant des crédits affectés aux dépenses 
de leurs services respectifs ^. » 

Le crédit ouvert à chaque ministre constitue en efi'et pour 
lui une limite infranchissable, tracée par la Législature, aux 
dépenses de son administration. C'est le [H*incipe que pro- 
clame l'alinéa 1 du même article : a Les ministres ne peuvent 
faire aucune dépense au delà des crédits ouverts à chacun 
d'eux. » 

Et la règle de l'alinéa 2 ne fait qu'assurer l'application de ce 
principe. Car s'il était permis aux ministres de se créer des 
ressources particulières en dehors des crédits législatifs, il leur 
serait facile de faire des dépenses illégales et de rendre illu- 
soire le contrôle de leur administration. 

* Ce texte est littéralement emprunté à l'article 3 de Tordonnance de 
M. de Villèle du 14 septembre 1822, devenu depuis Tarticle 43 du décret 
du 31 mai 1862. Après avoir, par la loi du 15 mai 1818, fait prévaloir le 
principe d'universalité à l'égard des recettes, en prescrivant de dresser 
en France le budget brut, M. de Villèle avait organisé ce même principe 
à l'égard des dépenses. (Stourm, loc. cit., p. 149.) 



( 161 ) 

Il fallait donc, afin d'assurer ce contrôle, ainsi que le bon 
ordre et la régularité dans les finances, faire figurer au budget 
toutes ces ressources accessoires et particulières, qui naissent 
constamment au cours des opérations administratives ^. 

C'est la raison d'être de l'article 16. 

Les alinéas 3 et 4 de cet article indiquent deux applications 
spéciales de la règle générale formulée à l'alinéa 2. 

La première concerne les objets mobiliers ou immobiliers 
à la disposition des ministres, qui peuvent être remployés et 
sont susceptibles d'être vendus (alinéa 3.) 

La loi détermine l'autorité qui fera ces ventes — l'admi- 
nistration des domaines — et les formes à observer. Ces formes 
sont les formes générales prescrites en matière d'aliénation par 
l'État : publicité et concurrence. Elle prescrit aussi que le 
produit de ces ventes soit porté en recette au budget de 
l'exercice courant 2, 

^ « Les ministres, dit M. Stourm, à l'occasion des services de leurs 
départements, se trouvent, en effet, presque tous, soit accidentellement, 
soit d'une manière permanente, titulaires de certaines recettes, lesquelles, 
bien qu'étant nées dans le sein de leur administration, ne leur appar- 
tiennent pas. Us ne peuvent se les approprier; ils n'ont pas le droit de 
s'en faire une ressource; ils doivent verser intégralement leur montant 
brut au budget des recettes. De même que la loi de 1818 interdit de 
cacher une dépense derrière une recette, de même l'ordonnance de 1822 
défend d'abriter une recette derrière une dépense. De part et d'autre, la 
description doit être complète : toutes les dépenses sont portées sur 
la page qui leur est réservée, toutes les recettes figurent sur une autre 
page. » (Stourm, loc, cit., p. 149.) 

* Article 16, alinéa 3 : « Lorsque quelques-uns des objets mobiliers 
ou immobiliers à leur disposition peuvent être réemployés, et sont 
susceptibles d'être vendus, la vente doit en être faite avec le concours 
des préposés des domaines et dans les formes prescrites. Le produit de 
ces ventes est porté en recette au budget de l'exercice courant. » 

L'article 226 du règlement général sur la comptabilité de l'État du 
10 décembre 1868 reproduit ce même texte dans ses deux premiers 
alinéas, puis il ajoute : « La remise aux agents du domaine des objets 
mobiliers destinés à être vendus est constatée par procès-verbal. Une 
expédition en est annexée au compte à rendre par le fonctionnaire 

Tome LXVI. H 



{ 162 ) 

« L'État, lisons-nous dans un cahier d'observations de la 
Cour des comptes, possédant des objets mobiliers et immobi- 
liers pour des sommes considérables, la Législature n'a pas 
voulu que les ministres puissent trouver dans l'aliénation de 
ces biens des ressources occultes qui seraient venues augmen- 
ter en fait les crédits alloués à chacun d'eux. 

» Tel est le motif du § 2 de l'article 16 de la loi de 1846. 

» Cette disposition est d'autant plus sage qu'elle désinté- 
resse les administrations dépositaires dans le produit de la 
vente, ce qui enlève toute crainte de voir devancer l'heure de 
l'aliénation; elle renferme ensuite un principe économique 
auquel il est peut-être prudent de ne toucher qu'avec la plus 
grande réserve, c'est celui qui concerne l'intervention des 
préposés des domaines avec l'obligation de vendre dans les 
formes prescrites, c'est-à-dire avec publicité et concur- 
rence ^. » 

L'alinéa 4 de l'article 16 envisage un autre cas d'application 
de la règle de l'alinéa 2, c'est celui de la restitution au trésor 
des sommes qui auraient été payées indûment ou par erreur, 
sur les ordonnances ministérielles. H sera également fait 
recette de ces sommes sur l'exercice courant et il en sera ainsi, 
ajoute la même disposition, d'une manière générale, de tous 
les fonds qui proviendraient d'une source étrangère aux 
crédits législatifs. 

Ces différents produits doivent donc être portés en recette 
au budget, lis figurent au budget des voies et moyens, dans le 



chargé de la conservation ou de remploi de ces objets. Les agents du 
domaine joignent également aux comptes qu'ils sont appelés à rendre 
une expédition du procès- verbal de la vente des objets dont la remise 
leur a été faite. 

L'article 227 du même règlement général prévoit le cas de remploi 
des matériaux, effets et meubles hors d'usage, qui peuvent, sous Tappro- 
bation du ministre, être transformés ou convertis en objets de même 
nature, pourvu qu'ils demeurent affectés au service même d'où ils 
proviennent. 

^ Observations de la Cour des comptes. Session de 1879-1880, p. 3« 



(163) 

chapitre III : Capitaux et revenus, et dans le chapitre IV : 
Remboursements ^. 

Cependant, par exception, certains produits échappent à la 
règle et alimentent directement la caisse de l'administration 
intéressée, sans passer par le budget. 

Une première exception est relative aux ventes du fumier 
dans les corps de troupes à cheval, des objets d'habillement 
et d'équipement hors de service dans les corps des diverses 
armes et des approvisionnements sans destination par suite de 
mouvements inopinés de troupes sur le pied de guerre 2. 

Le produit de ces ventes n'est pas porté en recelte au budget 
des voies et moyens ; il est versé directement dans la caisse des 
régiments intéressés. 



* Cependant, les fonds de remploi, créés dans les conditions prévues 
par Tarticle 227 du règlement de 1868 que nous venons de citer, figurent 
au budget des recettes et dépenses pour ordre, titre II, chapitre II (voir 
plus loin, p. 168). 

* Article 16, alinéa 4 : « Il est également fait recette sur Texercice 
courant de la restitution au trésor des sommes qui auraient été payées 
indûment ou par erreur, sur les ordonnances ministérielles, et généra- 
lement de tous les fonds qui proviendraient d'une source étrangère aux 
crédits législatifs, sauf les exceptions déterminées par les règlements sur 
Tadministration de Tarmée et relatives aux ventes du fumier dans les 
corps de troupes à cheval, des objets d'habillement et d'équipement hors 
de service dans les corps des diverses armes et des approvisionnements 
sans destination par suite de mouvements inopinés de troupes sur le 
pied de guerre. » 

Cette exception a été introduite dans la loi, en seconde lecture, à la 
séance de la Chambre du 11 mars 1846, à la suite d'une observation 
présentée à la séance du 3 mars, par M. Desmet : « Est-ce que, disait 
» l'honorable membre, le fumier des régiments de cavalerie, les effets 
» dégradés de l'infanterie seront considérés comme des objets apparte- 
» nant à l'État et devront être vendus conformément à l'article en 
» discussion (article 16)? Je pense qu'aujourd'hui ces objets ne sont pas 
» vendus dans la forme que prescrit l'article, et que le produit de la 
» vente ne figure pas aux recettes de l'État. Ne serait-il pas nécessaire 
» de faire, pour ces objets, une exception analogue ii celle qui se trouve 
dedans le règlement français? » 



(164) 

La même exception est applicable aux fonds versés dans les 
caisses des régiments de l'armée pour compte des remplaçants, 
ainsi qu'à Tadministration de la masse des recettes et dépenses 
extraordinaires et imprévues des corps. 

Toutefois, la partie des fonds versés pour les remplaçants 
qui, dans les temps ordinaires, n'est pas indispensable à la 
marche régulière des services des corps, sera déposée dans les 
caisses de l'État, jusqu'à concurrence de la moitié, au maxi- 
mum, des versements. 

En outre, les comptes des fonds des remplaçants et de la 
masse des recettes et dépenses extraordinaires et imprévues 
sont soumis annuellement à la Cour des comptes (article 16, 
alinéas 5, 6, 7) i. 

Enfin, une dernière exception résulte de la disposition qui 
est reproduite chaque année dans l'article 2 du budget de la 
guerre et qui est formulée comme il suit : 

« Dans les localités où les services des vivres, des fourrages 
et du couchage sont assurés par la voie de la régie directe, les 
objets mis hors de service, ainsi que les déchets, issues et 
sous-produits, seront vendus par les soins de l'administration 
de la guerre, ^ les sommes perçues de ce chef seront déduites 
du montant des achats de denrées, de bétail, de literies et de 
matériel d'exploitation. » 

A part ces exceptions, qui intéressent le seul département 

* Les alinéas 5, 6 et 7 de Tarticle 46 ont été introduits dans la loi sur 
la comptabilité par une loi spéciale du 8 avril 1857. (Moniteur du 14.) — 
L'Exposé des motifs de cette loi (Ch. des Représ., séance du 28 mars 4857, 
Doc. pari., n° 459) explique cette ajoute en disant : « Les dispositions 
» du règlement du 4" février 4819 sur l'administration militaire concer- 
» nant la masse des recettes et dépenses extraordinaires et imprévues, 
» et celles de Tarticle 5 de la loi du 28 mars 4835 relatives au versement 
» de la somme de 450 francs à efiectuer dans les caisses des régiments 
» de l'armée pour chaque remplaçant incorporé, ont paru en contra- 
» diction avec le quatrième paragraphe de l'article 46 de la loi de 4846. 

» D'autre part, on a généralement reconnu qu'il serait plus régulier de 
» déposer dans les caisses de l'État la partie des versements faits pour 
» les remplaçants qui n'est pas indispensable à la marche des affairées. » 



( 165 ) 

de la guerre, toutes les ressources particulières et accessoires 
provenant d'une source étrangère aux crédits législatifs doivent 
donc figurer au budget. 

C. — Le budget des recettes et dépenses pour ordre. 

Ce budget occupe une place spéciale dans notre organisa- 
tion budgétaire. Il n'est pas à proprement parler un budget 
de l'Etat. Il ne contient ni recettes ni dépenses pour compte de 
l'Etat ^, mais des recettes et des dépenses nombreuses opérées 
par l'État pour compte de tiers : particuliers, établissements 
publics, provinces, communes. L'État agit donc en qualité 
de caissier d'autrui ; les opérations qu'il fait ainsi pour ordre 
sont provisoires et temporaires. Les recettes et les dépenses 
pour ordre ne font que traverser les caisses publiques pour 
une destination ultérieure. 

Cependant la loi exige qu'elles soient renseignées dans les 
budgets et dans les comptes. Elle consacre par là une nouvelle 
et rigoureuse application de la règle de l'universalité, que 
l'article 25 de la loi de 1846 formule de la manière suivante : 

Tous payements ou restitutions à faire en dehors des alloca- 
tions pour les dépenses générales de l'État ont lieu sur les fonds 
spéciaux et particuliers instituées pour les services qu'ils con- 
cernent, jusqu'à concurrence des recouvrements effectués à leur 
profit; les recettes et les dépenses de cette catégorie sont rensei- 
gnées pour ordre dans les budgets et dans les comptes; elles se 
régularisent dans la comptabilité de la trésorerie sous le contrôle 
de la Cour des comptes. 

Les articles 9, 18, 185 et suivants du règlement général 
de 1868 organisent cette disposition légale. 

L'article 18 définit les recettes et dépenses pour ordre en 
disant : 

i( Les recettes opérées par les comptables du trésor pour 
(e compte des provinces, des communes, d'établissements 

* Sauf toutefois le titre II du budfi[et, dont nous parlerons plus loin, 
pp. 172 et suiv. 



(166) 

publics, et généralement pour le compte de services étrangers 
à l'État, constituent des recettes pour ordre. 

» Les payements ou remboursements effectués et imputables 
sur ces recettes sont des dépenses pour ordre. 

» Ces recettes et ces dépenses prennent, dans la compta- 
bilité, la dénomination de fonds de tiers. » 

Les articles 185 à 188 organisent la comptabilité spéciale 
de ces fonds de tiers 4. 

L'article 9 institue un budget spécial destiné à les recevoir : 
c( Les recettes et les dépenses de cette catégorie sont rensei- 
gnées dans le budget pour ordre. » Les évaluations qui le 
concernent doivent être transmises au ministre des finances 
par les ministres compétents, en même temps que les éva- 
luations relatives aux services normaux et réguliers de l'État. 

Ce budget spécial des recettes et dépenses pour ordre 
n'existe cependant que depuis 1853. 

Jusqu'en 1846, les recettes pour ordre formaient une 
annexe au budget des voies et moyens et les dépenses pour 
ordre une annexe au budget des finances. 

De 1847 à 1853 les dépenses pour ordre furent détachées du 
budget des finances pour faire Tobjet d'une loi séparée. 

Depuis 1866, on a rattaché, pour des motifs divers, aux 
fonds de tiers et inséré au budget pour ordre une série de 
fonds spéciaux appartenant à l'État et alimentés à d'autres 
sources que celles que renseigne le budget des voies et 
moyens, ainsi que les dépenses auxquelles ils pourvoient 3. 

Ces fonds spéciaux et les dépenses correspondantes ne sont 
donc pas des fonds de tiers, mais des fonds de TEtat. Ils 
figurent cependant dans le budget pour ordre. Primitivement 
ils en constituaient le chapitre III ; aujourd'hui ils sont grou- 

* Cf. pp. 171-172. 

* Cf. Rapport de M. Demeur sur le budget des recettes et dépenses 
pour ordre de l'exercice 18^. (Gh. des Représ., sess. de 1860-1881, 
Doc, pari., n» 88.) 

Rapport de M. Jottrand sur le même budget pour 1889. (Gh. des 
Représ., sess. de 1882-1883, Doc. parU, no 48.) 



(167) 

pés dans le titre II, intitulé : Dépenses sur ressources spéciales, 
soumises au visa préalable de la Cour des comptes. 

Actuellement le budget des recettes et dépenses pour ordre 
présente la physionomie suivante ^. 

TITRE I. 

Fonds de tiers. 

Chapitre I. — Fonds de tiers déposés au trésor et .dont le rembourse- 
ment a lieu avec rintervention du ministre des finances et des travaux 
publics. 

Un trouve, sous cette rubrique, notamment : les cautionne- 
ments des comptables, entrepreneurs, etc., les fonds provin- 
ciaux, le fonds communal (1860), le fonds spécial des communes 
(1889-1896), les dépôts effectués chez les percepteurs des 
postes pour le compte de la Caisse générale d'épargne et de 
retraite, les fonds des Caisses des veuves et orphelins des diffé- 
rents départements ministériels, Tenc^aissement et le paiement 
des effets de commerce par la poste, le fonds spécial des 
dotations pour la constitution des pensions de vieillesse (loi 
de 1900), etc., soit un total de 1,012,370,824 francs. 

Chapitre IL — Fonds de tiers déposés au trésor et dont le rembour- 
sement a lieu directement par les comptables qui en ont opéré la recette. 

Ces fonds sont classés dans le budget par départements 
ministériels et répartis entre les administrations qui en font le 
service. 

Les impôts et produits recouvrés au profit des communes 
(2S millions) dépendent, par exemple, de Tadministration des 
contributions directes, douanes et accises ; de Fadmînîstratîon 
des chemins de fer : rencaissement et le paiement, pour le 
eompte de tiers, du transport de marchandises (déboursés et 
remboursements) : 75 millions; de l'administration des postes : 
reMaissement et le paiement de quittances pour compte de 

* Budget de 1902. (Ch. des Représ., sess.de 1901-1902, Doc. paf/.,no 4. 



(^68) 

tiers : 290 millions de francs; les fonds confiés à la poste et 
rendus payables sur mandats et bons de poste : 210 millions 
de francs, etc. Soit un total de 624,350,000 francs. 

TITRE lU 

Dépenses sur ressources spéciales, soumises au visa préalable 
de la Cour dès comptes. 

Chapitre I. — Subsides : parts contributives de tiers dans la dépense 
de travaux publics. Total : fr. 4,053,926 61. - 

Exemples : Subsides offerts à l'État pour construction de 
routes : 75,000 francs; pour entretien et amélioration des 
canaux et rivières : 550,000 francs ; intervention de tiers dans 
les travaux de premier établissement, extension ou parachève- 
ment de chemins de fer : 1 million. 

Chapitre II. — Fonds de remploi : vente ou cession de vieux maté- 
riaux et objets hors d'usage; vente d*objets divers; remboursement 
d'avances budgétaires ; taxes, redevances et droits divers. 

Ces fonds sont également classés par départements et 
administrations intéressés. Ils sont très nombreux et de 
nature très différente. Leur total ne dépasse ôependant pas la 
somme de fr. 4,115,470 56. 

Chapitre III. — Services divers. 

Us comprennent : cautionnements des entrepreneurs défoil- 
lants (10,000 francs)'; remboursement de prêts aux provinces 
et aux communes pour construction et ameublement de mai- 
sons d'école (fr. 1,335 84); création d'une école de bienfai- 
sance de l'Etat à Ypres (legs Godtschalk) (400,000 francs); 
création d'un établissement d'études médicales, sous la déno- 
mination d' « Institut Rommelaere » (fondation Arthur Renier) 
(630,000 francs); remboursement des avances faites, pour 
compte des provinces et des communes, dans le paiement des 
traitements de disponibilité, pour cause de suppression 
d'emploi des instituteurs communaux (120,000 francs). Total : 
fr. 1,161,335 84. 



(169) 

Chapitre^IV. — Fonds spéciaux constitués au moyen de crédits 
inscrits au budget ordinaire. 

Fonds spécial et temporaire de 10 millions pour des travaux 
extraordinaires de voirie, institué par la loi du 28 juin 1896 : 
310,000 francs. 

Fonds spécial et temporaire de 20 millions pour la construc- 
tion, l'amélioration et Tameublement des casernes, des hôpi- 
taux militaires et de l'École militaire, institué pat* la loi du 
9 août 1897 : 700,000 francs. 

Au moment de sa fondation en 1853, le budget des recettes 
et dépenses pour ordre s'élevait à 19,693,000 francs seule- 
ment; il atteignait en 1881 : 396,108,500 francs et en 1902 : 
fr. 1,64.7,061,557 01, soit plus du triple du budget ordinaire 
de rÉtat. 

Il nous faut maintenant caractériser chacune des deux 
grandes subdivisions du budget et expliquer notamment le 
rattachement au budget pour ordre du titre IL 

I. — Fotids de tiers. 

Nous les avons définis plus haut. Nous n'avons pas à reve- 
nir sur cette définition, mais à caractériser brièvement le 
régime particulier du budget qui les contient. 

A la différence, en efifet, des autres budgets, dans le budget 
pour ordre, les prévisions de recettes égalent nécessairement 
les prévisions de dépenses, et il en est ainsi non seulement 
pour le budget pris dans son ensemble, mais pour tous les 
articles qui le composent et dont chacun correspond à un 
service distinct. 

c( En cette matière, les prévisions de dépenses ne peuvent 
être inférieures aux prévisions de recettes. En effet, l'Etat qui 
reçoit les fonds, non pour son compte, mais pour compte 
de tiers, doit nécessairement les tenir à la disposition de 
ceux-ci. 

» Par la même raison, les prévisions de dépenses ne peuvent 



(170) 

être supérieures aux prévisions de recettes. L'État, en effet, ne 
doit jamais se trouver à découvert : il ne doit que ce qu'il a 
reçu ; il ne doit donc payer que jusqu'à concurrence des recou- 
vrements qu'il a effectués ^. » 

De plus, dans le budget pour ordre, « les évaluations 
annuelles des dépenses n'ont pas pouc but de limiter les fonds 
dont le gouvernement pourra disposer pendant le cours de 
l'exercice et qu'il ne peut dépasser sans demander des crédits 
supplémentaires. Les évaluations n'ont rien de limitatif; dans 
aucun cas, des crédits supplémentaires ne doivent être 
demandés pour les services dépendant du budget des recettes 
et dépenses pour ordre, et même, s'il arrive que des recettes 
et dépenses pour ordre n'ont pas été, pour une cause quel- 
conque, portées au budget, l'administration se borne à les 
mentionner dans les comptes, dans des articles ou chapitres 
additionnels, ainsi que le prescrit l'article 42 de la loi sur la 
comptabilité ^. 

» Ces règles spéciales découlent de la nature même de ce 
budget : puisque ce ne sont pas les fonds de l'État qui y sont 
portés, il n'y a aucune raison pour limiter annuellement le 
montant des sommes que les agents de l'État sont autorisés à 
payer. La dépense n'a ici d'autre limite que le montant des 
sommes qui ont été reçues, qui sont dues et qui doivent être 
payées dans les conditions où elles sont dues. 

» Cette limite est la seule, mais elle ne peut être dépassée. 
S'il en était autrement, si des payements étaient eflfectués par 
les agents de l'État au delà des sommes reçues pour le compte 
de tiers, ce ne pourrait être qu'au moyen de fonds qui ne sont 
pas affectés à ces services particuliers, ce ne pourrait être 
qu'en contravention à la loi du 15 mai 1846, dont l'article S4 

* Rapport Demeur cité. (Ch. des Représ., sess. de 1880-18ÉH[, Doc, 
pari., n» 88.) 

* Loi de 1846, article 42, alinéa 2 : « Les comptes de chaque exerciee 
» doivent toujours être établis d'une manière uniforme, avec les mêmes 
» distributions que le budget du dit exercice, sauf les dépenses pour 
» ordre qui n'y auraient pas été mentionnées, et pour lesquelles il est 
» fait des articles ou chapitres additionnels et séparés. » 



( ITl ) 

dispose que les payements dont il s'agit ici ont lieu jusqu'à 
concurrence des recouvrements effectues ^. » 

Il arrive cependant que les recettes et les dépenses réelles 
dépassent, et parfois notablement, les recettes et les dépenses 
prévues au budget pour ordre. L'État se trouve ainsi à décou- 
vert et créancier vis-à-vis des services dirigés par ses agents 
pour compte de tiers. C'est là une anomalie et une violation 
de l'article 34. 

La section centrale du budget de 1881 le constatait et con- 
cluait : (c II va de soi que l'État ne peut se faire le banquier 
des services dirigés par ses agents et qui sont compris dans ce 
budget. La section centrale ne peut donc qu'approuver l'invi- 
tation donnée par H. le Ministre des finances aux agents des 
services intéressés, de mesurer à l'avenir leurs dépenses aux 
ressources dont ils disposent ^. » 

Enfin, la comptabilité spéciale des fonds de tiers est orga- 
nisée par les articles 185 et suivants du règlement de 1868 ^ : 

Article 185 : « Les fonds de tiers, recouvrés par les comp- 
tables des administrations des recettes, sont constatés par 
nature de service dans la comptabilité centrale du département 
des finances. 

» Les versements effectués directement entre les mains du 
caissier de l'État, comme fonds de tiers, y sont également 
constatés à un titre spécial. 

Article 186, alinéa 1 : « Sauf dam les cas prévus par 
Farticle 22 (centimes additionnels communaux, produits des 
amendes, etc.) et sauf F exception établie dans Palinéa suivant 
(subsides pour travaux publics, fonds de remploi), ces fonds 
sont mis à la disposition des autorités chargées d*en appliquer 

* Rapport Demeur, lac. cit. 

* Ibidem. 

» Ces renseignements trouveraient plus logiquement leur place au 
chapitre de rexécution et du contrôle du budget, où nous exposerons la 
théorie de la comptabilité publique, mais nous avons préféré grouper 
en ce chapitre tout ce qui concerne le budget spécial des recettes et 
dépenses pour ordre. 



( 172) 

le produit conformément aux lois et règlements, soit au moyen de 
crédits ouverts, soit au moyen de mandats directs sur le trésor. » 

Article 187 : « Après avoir établi la balance du grand-livre, 
le département des finances reporte à l'année suivante les 
sommes restées disponibles, sur les fonds de tiers, au 31 dé- 
cembre de l'année précédente. » 

Article 188 : « // est justifié des fonds de tiers, tant en 
recette qu'en dépense, dans le compte général de l'État ^ . » 

II. — Dépenses sur ressources spéciales, soumises au visa 
préalable de la Cour des comptes. 

Pourquoi fait-on figurer ces fonds particuliers dans le bud- 
get des recettes et dépenses pour ordre? 

Ils ne constituent pas, en effet, des fonds de tiers. Ce sont 
des fonds appartenant à l'Etat et destinés à subvenir à des ser- 
vices de l'Etat. II semblerait, dès lors, que l'on dût les 
inscrire en recette au budget des voies et moyens, et, en 
dépense, au budget du département qu'ils concernent. 

Cependant, à les examiner de près, on constate que ces 
fonds, bien qu'appartenant à l'Etat, ne sont pas alimentés par 
des crédits inscrits au budget ordinaire. Us sont, de plus, 
affectés d'une manière directe et spéciale à un service déter- 
miné, qu'ils défrayent exclusivement et qui souvent leur 
donne naissance (fonds de remploi). Ici aussi, la recette et la 
dépense sont corrélatives et exactement dépendantes l'une de 
l'autre. Les dépenses ne s'effectuent que jusqu'à concurrence 
des recettes. 

Ces fonds se rapprochent donc, par ces caractères, des 
fonds de tiers, et c'est pourquoi ils sont rattachés à ceux-ci 
dans le titre II du budget pour ordre. 

D'autre part, puisqu'ils appartiennent à l'Etat, ces fonds 
sont soumis au visa préalable de la Cour des comptes, en 

^ Cf. aussi : article 31 de la loi sur la comptabilité du 15 mai 1846. 
(Cf. supra, pp. 117 et suiv.) 



à. 



( 173 ) 

vertu de l'article 186, alinéa 2 du règlement général de 1868 : 
c< Quant aux sommes versées pour l'exécution de travaux 
» publics ou pour être appliquées, à titre de remploi, à des 
» services particuliers, il ne peut en être disposé que par des 
» ordonnances visées préalablement par la Cour des comptes. » 

Parmi ces dépenses sur ressources spéciales, sont inscrits 
les fonds de remploi. 

Ces fonds, ou bien sont produits par certains services de 
l'Étal et remployés à des dépenses de ces services [exemples : 
produits du tir national, des ventes de moulages provenant du 
Musée d'histoire naturelle ou du Musée des échanges, produits 
des taxes d'expertises des viandes, des droits de contrôle du 
service sanitaire des animaux domestiques importés, etc...) ou 
bien ils représentent ]es aliénations d'objets hors d'usage ou 
de vieux matériaux, à charge pour l'acquéreur de les rem- 
placer par une valeur correspondante de matériel neuf, 
comme, par exemple, le remploi des billes, rails et acces- 
soires, matériel fixe de l'administration des chemins de fer. 

Ce dernier mode de remploi est autorisé par l'article 227 du 
règlement de 1868 i. 

A certaines époques, en 1881 et 1883 notamment, les fonds 
de remploi provenant de cette dernière source ont été assez 
élevés pour provoquer les observations du Parlement, qui 
redoutait un abus et une violation de l'article 16, alinéa 2 de 
la loi de 1846. 

Le rapporteur du budget pour ordre de 1883, M. Jottrand, 
disait dans son rapport : « Ce chapitre spécial, qui au budget 
de 1866 (année de sa création) ne comportait que 290,000 francs, 
atteignait en 1873 : 2,350,000 francs et en 1883 : 7 millions 
693,000 francs. 

ce L'accroissement de ces chiffres provient surtout du déve- 
loppement que prend dans l'administration des chemins de 
fer, postes et télégraphes, la pratique de l'aliénation du maté- 
riel hors d'usage, à la charge pour l'acquéreur de le remplacer 
par une valeur correspondante de matériel neuf. 

* Cf. swjpra, p. 162, note. 



( 174 ) 

: » Si cet état de choses se perpétue, il y aura lieu d'examiner 
s'il n'est pas plus conforme à l'esprit de notre loi de compta- 
bilité de porter au budget des voies et moyens le produit du 
matériel hors d'usage et au budget annuel de nos chemins de 
fer toutes les dépenses sans exception faites pour achat de 
matériel neuf ^. » 

Aujourd'hui, ces fonds de remploi ont subi une diminution 
notable dans le budget pour ordre. Us s'élèvent pour 1902 
— fonds de remploi de toute nature — à fr. 4,115,470 56 seu- 
lement. 

Enfin, dans cette même catégorie (titre II) figurent encore, 
au chapitre IV, des fonds spéciaux constitués au moyen de 
crédits inscrits au budget ordinaire, dont la présence au 
budget pour ordre demande quelques explications. 

Les fonds dont il s'agit sont : le fonds spécial et temporaire 
de 10 millions pour des travaux extraordinaires de voirie, 
institué par la loi du 28 juin 1896 et le fonds spécial et tempo- 
raire de 20 millions pour la construction, l'amélioration et 
Tameublement des casernes, des hôpitaux militaires et de 
l'École militaire, institué par la loi du 9 août 1897 3. 

Ce qui les distingue des autres fonds inscrits au titre II 
du budget, c'est qu'il ne sont pas alimentés par des ressources 
spéciales, mais constitués au moyen xle crédits, couverts par les 

* Ch. des Représ., sess. de 1882-1883, Doc, parL, no 48. 

* La loi du 28 juillet 1902 modifiant la législation relative à la fabri- 
cation et à l'importation des alcools {Moniteur des 28 et 29) a institué, 
dans ses articles 4 et 5, un nouveau fonds spécial et temporaire rattaché 
au budget pour ordre. 

« Art. 4. — Il est institué un fonds spécial et temporaire sur lequel 
seront prélevées les indemnités allouées aux distillateurs agricoles par 
application des dispositions de l'article 2 de la présente loi. 

» Le fonds sera constitué au moyen d'avances sur les ressources 
extraordinaires du trésor à rembourser en cinq ans, à partir de l'exer- 
cice 1903, par prélèvements annuels sur le produit des droits d'accise 
afférents aux eaux-de-vie. Les avances seront versées au budget des 
recettes et des dépenses pour ordre et mises ainsi à la disposition du 
ministre des finances. 

» Art. 5. — Il est ouvert au ministère des finances et des travaux 



(178) 

ressources ordinaires de l'État et inscrits au budget des 
travaux publics et à celui de la guerre. 

Si, néanmoins, ces fonds se trouvent rattachés aux dépenses 
sur ressources spéciales dans le budget pour ordre, c'est pour 
en faciliter la comptabilité. 

Les ministres intéressés sont autorisés, en effet, h faire des 
imputations sur ces fonds pendant plusieurs années ^y tandis 
que les crédits inscrits aux budgets ordinaires sont annuels. 

Rattacher ces fonds à ces budgets, c'était donc en compli- 
quer la comptabilité ; c'est pourquoi on les a inscrits parmi 
les recettes et dépenses pour ordre ^. 

§ 3. — La spécialisation. 

L'universalité budgétaire est aujourd'hui très généralement 
pratiquée, de la manière définie par M. Léon Say : c< Il n'y a 
unité de budget que si on a réussi à faire entrer toutes les 
recettes dans une seule caisse et à faire sortir l'argent de toutes 
les dépenses du même et unique grand fonds commun. Il n'y 
a d'unité budgétaire que si on a pu traiter tous les crédits 
ouverts par les Chambres dans les mêmes conditions de justifi- 
cation, d'annulation et de report 3 ». 

D'après ce système, toutes les recettes figurent donc d'un 
côté du budget, toutes les dépenses, d'un autre côté, sans 
confusion ni atténuation. 11 y a unité, il y a un seul fonds 
commun alimentant toutes les dépenses de l'État. 

publics un crédit de 8 millions de francs à rattacher au budget des 
recettes et dépenses extraordinaires pour 1902, sous un libellé ainsi 
conçu : « Avances destinées à indemniser les distillateurs agricoles par 
» application des dispositions de l'article 2 de la loi modifiant la légîs- 
» lation relative à la fabrication et à Timportation des alcools. » (Crédit 
non limitatif.) 

* Le délai est de huit ans pour le fonds de voirie; il était de trois ans 
pour le fonds de 20 millions et a été prolongé à cinq ans par l'article 1^' 
de la loi budgétaire de 1902. 

2 Cf. loi du 28 juin 1896, art. 2, al. 2. 

5 Journal des débats, 7 octobre 1890, cité par Stourm, Uk. ciL, p. 165. 



(176) 

Au contraire, le système inverse de la spécialisation « con- 
siste à isoler chaque service en distrayant de la masse les 
recettes et les dépenses qui lui sont propres ^ ». 

Chaque service de l'État constitue alors comme une person- 
nalité distincte de la voisine, vivant de sa vie propre et devant 
se suffire à elle-même. « Avec la spécialisation, chaque service 
dégage les résultats de sa propre exploitation et fait ressortir 
individuellement ses bénéfices ou ses déficits ^. » 

Cette méthode de comptabilité aboutit nécessairement au 
budget net. Le bénéfice éventuel de chaque exploitation est 
versé à la caisse centrale, le déficit est couvert par celle-ci. 

La spécialisation, nous l'avons déjà remarqué, était le 
système préféré sous l'ancien régime et destiné à contre- 
balancer l'absence de contrôle en matière d'administration 
financière 3. 

Le prince de Starhemberg, rappelons-le, en vantait les 
mérites en disant : ce C'est un grand principe en matière de 
finances, lorsqu'on veut y établir l'ordre et la clarté, que 
chaque branche de revenu doit supporter ses charges et que 
ces charges ne doivent jamais être assignées sur une autre 
branche ou une autre caisse. Si l'on n'établit pas rigoureuse- 
ment ce principe, on ne pourra jamais trouver le montant des 
dépenses inhérentes à chaque branche de revenu et son revenu 
net eflféctif ^. » 

De nos jours encore, la spécialisation a ses partisans. « Grâce 
à ce procédé, disent-ils, les éléments analogues sont juxtaposés 
rationnellement et industriellement, ce qui développe chez les 
administrations un sentiment de responsabilité, seul capable 
d'encourager leurs efforts; les pouvoirs publics, en outre, 
apprécient par ce moyen les résultats obtenus dans le sein de 
chaque service, toutes choses que le système inverse exclut 
absolument... 

* Stourm, loc. cit,, p. 165. 

* Id. Ibidem* 

' Cf. supra, pp. 39 et 40, 

* Cf. supra, p. 37. 



(177) 

« Il est certainement désirable, répond H. Stourm, que 
tout service puisse rassembler en un seul faisceau ses recettes 
et ses dépenses particulières, de manière à mettre en relief le 
solde qui le concerne... 

» Hais à qui incombe le soin de fournir de tels renseigne- 
ments? Est-ce au budget? Évidemment non... L'idée de budget 
est incompatible avec la spécialisation. C*est donc en dehors 
du budget qu'il faut rechercher ses avantages. Pour cela, il 
suffit de demander à chaque administration de publier annuel- 
lement le compte rendu raisonné de sa gestion, compte rendu 
nécessaire d'ailleurs à tous les points de vue^. » 

C'est ce qui existe, par exemple, d'une manière très déve- 
loppée en Angleterre et en Prusse. Dans ce dernier pays, « le 
volume du budget, après avoir d'abord présenté distinctement 
l'universalité des recettes et Tuniversalité des dépenses dans le 
projet de loi lui-même, reprend, dans une seconde partie, sur 
laquelle aucun vote ne portera plus, uniquement à titre 
d'éclaircissement, la spécialisation de chacune des administra- 
tions industrielles précédemmeqt développées. Là réside la 
spécialisation rationnelle, à bon droit réclamée... Mais sa place, 
nous le répétons, n'est pas dans le budget général de l'État ^ ». 

Nous nous associons à ces conclusions du savant auteur. 
C'est dans la mesure indiquée que la spécialisation est prati- 
quée en Belgique, notamment en ce qui concerne notre prin- 
cipal service industriel, par le compte annuel de l'administra- 
tion des chemins de fer. 

Ce compte annuel a suscité depuis quelque temps de 
sérieuses critiques et semble exiger des réformes radicales, si 
Ton veut faire un exposé sincère de la situation financière 
réelle de nos chemins de fer 3. 



* Stourm, loc, cit., p. 166. 

* ID., loc. cit., p. 167. 

' Cf. Rapports de M. Renkin, au nom de la section centrale, sur les 
budgets des chemins de fer de 1901 et 1902. 

Tome LXIV. 12 



(178) 



CHAPITRE IV. 

L*évaluation des recettes et des dépenses. Les crédits 
supplémentaires et les crédits complémentaires 

Le budget est un amas de chiffres. C'est le chiffre qui tout 
d'abord frappe la vue de celui qui ouvre le volume du budget, 
c'est le chiffre aussi qui, pour beaucoup, en rend l'accès 
malaisé et difficile. 

Le budget étant essentiellement un état de prévision des 
recettes et des dépenses pendant un exercice déterminé, ceux 
qui ont mission de le préparer doivent prévoir non seulement 
la nature et l'objet de la recette ou de la dépense, mais son 
taux et son import. C'est pourquoi tout poste du budget, tant 
en recette qu'en dépense, est suivi d'une évaluation. 

Cette évaluation ne peut être faite au hasard. Le chiffre qui 
suit le libellé de l'article du budget n'est pas un chiffre en 
l'air. Il ne doit pas non plus être combiné et torturé, pour les 
besoins de la cause, de manière à amener sur le papier l'équi- 
libre final de la recette et de la dépense. 

L'évaluation qui incombe aux préparateurs doit donc être 
une juste évaluation ^, appréciant aussi exactement que le 
permettent les circonstances le produit futur des recettes et 
l'importance des dépenses à venir. 

A cet effet, deux grandes qualités sont requises des prépa- 
rateurs : la sagadté, qui les rend perspicaces et les aide à 
prévoir exactement, la sincérité qui leur fait décrire loyalement, 
sans réticence ni exagération, ce qu'ils ont prévu et discerné. 

La sagacité est une qualité personnelle du préparateur. 
Espèce de don prophétique, de « flair » subtil et particulier, 
souvent inné et aiguisé par Texpérience des affaires, elle 
échappe à toute règle précise. On la possède ou On ne la 

* Cf. Stourm, loc. cit,, chap. VIL 



( 179 ) 

possède pas, mais aucun règlement ne peut Tinculquer. La 
sincérité, elle aussi, se montre rebelle à toute réglementation. 

Il n'existe donc pas dans les codes de comptabilité des dispo- 
sitions capables d'assurer la justesse des évaluations. C'est ce 
qui fait dire à M. Stourm : a L'évaluation des recettes, aussi 
bien que celle des dépenses, constitue, en définitive^ une 
affaire de tact, d'expérience, de perspicacité et surtout de 
sincérité ^ ». 

Cependant une certaine procédure traditionnelle est suivie, 
dans tous les pays, en matière d*évaIuations budgétaires. 

En ce qui concerne les recettes, on applique en France ce que 
H. Stourm appelle le système automatique ou de la pénultième 
année, c'est-à-dire, « on se borne purement et simplement à 
inscrire, comme produits probables de l'exercice futur, les 
résultats effectifs du dernier exercice connu ». 

Lorsqu'on prépare le budget de 1902, par exemple, le 
dernier exercice connu est celui de 1900. On inscrira donc 
au budget de 1902, parmi les recettes, le chiffre connu des 
recettes effectuées en 1900. De même, on inscrira pour 1903 
les chiffres de 1901, pour 1904, ceux de 1902, etc. 

C'est la règle suivie généralement : règle de défiance envers 
les préparateurs, qui ne demande pas grands efforts à leur 
sagacité et ne met pas à une trop rude épreuve leur sincérité. 
Elle opère machinalement, automatiquement. 

Dans les autres pays 2, et particulièrement en Belgique, on 
procède différemment. Les faits connus du dernier exercice 
servent certes de point de départ, mais on se garde de les 
porter servilement au budget de l'exercice futur. On tâche, au 
contraire, de s'entourer de tous les indices et renseignements 
possibles, afin de discerner les fluctuations probables des 
chiffres, d'après la nature spéciale de chaque espèce de 
produits, d'après les multiples circonstances qui peuvent 
influencer les rendements. 



* Stourm, loc, ciL, p. 196. 
« Ihid,, p. 181. 



(180) 

C'est la méthode de l'appréciation directe, plus vivante, 
moins rigide et qui met en relief la perspicacité des prépa- 
rateurs. 

M. Halou l'exposait, dès 1847, en présentant à la Chambre 
le budget de 1848 i. 

« En présentant, disait-il, le budget des voies et moyens, 
selon le vœu de la loi de comptabilité, assez longtemps avant 
l'ouverture de l'exercice, il est devenu nécessaire d'établir les 
prévisions sur des bases nouvelles. On consultait d'ordinaire 
les faits constatés pendant les huit premiers mois de l'année 
qui précédait l'exercice, et pendant les quatre derniers mois de 
l'année antérieure à celle-ci. A l'avenir, les recettes devront 
être évaluées d'après des faits moins récents et offrant par 
cela même une moindre probabilité. L'année 1846 servira 
nécessairement de point de dépiu*t pour 1848, 1847 pour 1849 
et ainsi de suite. S'il résulte de là de plus grandes chances de 
mécomptes en plus ou en moins, il sera possible de les 
atténuer en s'attachant, dans le doute, à n'admettre que les 
évaluations les plus modérées. Cette pensée m'a guindé dans la 
formation du budget de 1848... 

» Si, en général, les faits réalisés en 1846 ont servi de base 
pour établir les prévisions de 4848, comme ils ont servi pour 
4847, je m'en suis néanmoins quelquefois écarté, soit en admet- 
tant, au lieu de temps calamiteux, des circonstances normales, 
soit par des considérations spéciales et motivées. » 

C'est par application de cette méthode qu'on utilise, pour 
l'évaluation des produits des contributions directes, les 
moyennes quinquennales. Voici, à titre d'exemple, l'évaluation 
du rendement de la contribution personnelle pour 1902. 

La note préliminaire du budget présente, en un tableau, 
pour chacune des années 1896 à 1900, le produit de la contri- 
bution personnelle et l'augmentation constatée annuellement. 
Ce tableau contient aussi le produit présumé pour 1901. 

a D'après les résultats connus à ce jour, continue la note, la 

1 Ch. des Représ., sess. de 1846-1847, Doc, pari, no 287. 



( 181 ) 

contribution personnelle de 1901 produira vraisemblable- 
ment 21,300,000 francs, somme supérieure de 11,000 francs à 
l'évaluation inscrite au budget de 1901 . 

» L'évaluation de 1902 peut être basée sur l'augmentation 
moyenne constatée pendant les cinq dernières années, soit 
329,000 francs. En ajoutant cette moyenne au rendement pré- 
sumé de 1901, l'évaluation à porter au budget s'élève à 21 mil- 
lions 629,000 francs (fr. 21,300,000 4- 329,000), soit une plus- 
value de 340,000 francs par rapport aux prévisions adoptées 
pour 1901 . » 

D'autres sources de produits donnent des rendements moins 
stables, plus sujets à des fluctuations, et il est difficile, dès 
lors, de se baser sur la moyenne des derniers rendements pour 
établir les prévisions. Pour les chemins de fer, on constate, 
par exemple, dans la note préliminaire du budget de 1902, 
que a les recettes pour les premiers mois de 1901 ne répondent 
pas entièrement aux prévisions ; mais, dès à présent, se mani- 
festent des indices d'une très sérieuse amélioration. Le gou-: 
vernement a jugé prudent de faire abstraction, pour 1902, de 
la progression normale du trafic, et il a adopté comme évalua- 
tion le montant de la recette réalisée en 1900, soit en chifi^re 
rond 204,370,000 francs; ce chiffre est inférieur de 1 mil- 
lion 630,000 francs à l'évaluation de 1901 ». 

De même, pour les produits de la poste : « Les produits de 
la poste pour 1901 seront d'environ 25,700,000 francs, ceux 
de l'année précédente étant de 25,240,000 francs, l'augmen- 
tation pour 1901 s'élèverait, à 460,000 francs. 

» Ce résultat est peu favorable comparativement à l'accrois- 
sement moyen d'environ 1,100,000 francs obtenu pendant la 
dernière période quinquennale; pour éviter tout mécompte, 
il y a lieu de ne prévoir, pour 1902, qu'une augmentation 
de 500,000 francs. Le produit global de 1902 est ainsi évalué 
à 26,200,000 francs. » 

Le Chiffre d'évaluation a cependant moins d'importance en 
matière de recette qu'en matière de dépense. 

En matière de recette, il constitue une simple indication, un 



( 182 ) 

simple renseignement, car si les produits donnent un rende- 
ment supérieur aux chiffres inscrits au budget, rien n'empêche 
l'État d'encaisser le surplus ^. 

Au contraire, en matière de dépense, le chiffre inscrit au 
budget représente une limite infranchissable. D'après l'arti- 
cle 16, alinéa l^ de la loi de 1846, « les ministres ne peuvent 
faire aucune dépense au delà des crédits ouverts à chacun 
d'eux ». 

Les dépenses figurent au budget sous forme de crédits 3, et 
ces crédits, affectés par le Parlement à un service déterminé, 
ne peuvent être dépassés. 

C'est du moins le principe et la règle générale. Car, à côté 
des crédits strictement limitatifs, il existe des crédits non 
limitatifs, prévus par l'article S de l'arrêté royal du 19 fé- 
vrier 1848, et pour lesquels aucune limite n'est fixée au 
budget. 

Pour les crédits, dit cet article, à l'égard desquels aucune 
limite n'est fixée au budget, les dépenses faites en sus de l'allo- 
cation seront admises en liquidation, sauf régularisation par des 
crédits supplémentaires (complémentaires) à proposer dans la loi 
des comptes. 

Il ne sera demandé aux Chambres d'user de cette faculté 
que pour des dépenses urgentes qui ne sont pas créées par nos 
ministres ou par leurs délégués, mais qui résultent uniquement 
de l'exécution nécessaire et inévitable des lois et règlements, par 
simple application des tarifs ou bases de liquidatiofi existants. 
Tels sofit les crédits compris au budget des remboursements et 
non-valeurs, les remises dues aux greffiers en vertu de la loi du 

* Cf. les différences entre les évaluations de recettes et les recouvre- 
ments réels. Les tableaux en sont publiés périodiquement dans le Moniteur 
par le ministre des finances et des travaux publics; ceux relatifs aux 
années 1900 et 1901 ont paru dans le Moniteur du 19 février 1902, 
pp. 699 et suiv. 

* « Le crédit consiste dans l'inscription au budget d*un service de 
dépense et de Tallocation affectée à son exécution. » (Stocrm, toc, cit., 
p. 188^ 



( 183 ) 

21 ventôse an VI 1^ les remises proportionnelles sur les recettes 
effectuées par les receveurs , les frais de justice en matière 
criminelle, correctionnelle et de simple police, dus en vertu du 
décret du 48 juin 4841 (remplacé par V arrêté royal du 18 juin 
1855), etc. ^ 

Or, il y a une tendance naturelle chez les préparateurs de 
budgets, hantés par la recherche de l'équilibre final, à évaluer 
très haut les crédits limitatifs, puisqu'ils ne pourront les 
dépasser, et très bas les crédits non limitatifs, qui peuvent être 
dépassés régulièrement. 

C'est cette tendance qu'il faut combattre. En France, la 
commission du budget efiectue l'opération contraire dans la 
revision des évaluations ministérielles 2. En Belgique, les 
sections de la Chambre se bornent généralement à les 
enregistrer. 

Il n'est d'ailleurs pas possible de tracer des règles aux 
évaluations de dépenses. Tout dépend ici de l'honnêteté des 
ministres, de leur esprit d'économie et aussi de leur fermeté, 
qualité particulièrement appréciée chez un ministre des 
finances. La préparation du budget doit être essentiellement 
une œuvre loyale et sincère. 

A cette question de l'évaluation, nous rattachons l'étude de 
deux espèces particulières de crédits : les crédits supplémen- 
taires et les crédits complémentaires. 

Nous connaissons déjà les crédits ordinaires et les crédits 
extraordinaires, nous apprendrons à connaître les crédits 
provisoires 3. L'étude des crédits supplémentaires et des 
crédits complémentaires devrait figurer plus logiquement 
peut-être dans le chapitre de l'exécution du budget, puisque 
ces crédits sont demandés au cours de l'exécution du budget ou 

^ La distinction entre crédits limitatifs et crédits non limitatifs a été 
très clairement indiquée par M. de Smet de Naeyer, ministre des 
finances, à la séance de la Chambre des Représentants du 5 juin 1901. 
(Ann. part,, p. 1329.) 

* Stourm, lac. cit., pp. 191 et suiv. 

' Cf. infra, 2« partie, chapitre IX. 



(184) 

après sa clôture/ Mais, comme la raison d'être de ces crédits 
se trouve en définitive dans des erreurs d'évaluation, nous 
les examinerons dès maintenant. 

Ils constituent deux variétés d'une même espèce de crédits : 
les crédits additionnels, destinés à combler, en cours d'exer- 
cice, les insuflSsances constatées des crédits primitivement 
accordés. 

Les crédits supplémentaires se distinguent des crédits com- 
plémentaires d'après la nature des crédits primitifs auxquels ils 
s'appliquent et d'après le régime particulier qu'ils suivent. 

Nous les étudierons donc successivement. 



§ 1. — Crédits supplémentaires. 

D'après l'article 15 de la loi de comptabilité, la loi annuelle 
des finances ouvre les crédits nécessaires aux dépenses présumées 
de chaque exercice et, d'autre part, Tarlicle IIS de la Consti- 
tution prescrit que toutes les dépenses et recettes figurent au 
budget. 

11 semblerait donc que strictement il n'y eût pas place dans 
notre organisation budgétaire pour des crédits accordés hors 
budget. 

Néanmoins, la nécessité des crédits additionnels ou supplé- 
mentaires est indiscutable. Il existe, en efibt, des dépenses que 
le gouvernement n'a pu prévoir ni porter au budget et qui 
s'imposent cependant; il y en a aussi dont les évaluations 
sont restées au-dessous de la réalité et pour lesquelles, par 
conséquent, les crédits budgétaires sont insufiisants. 

L'inexistence ou l'insufiisance des crédits dans le budget 
explique donc et justifie la demande de crédits supplémen- 
taires. 

Mais, ces crédits sont et doivent rester exceptionnels, et c'est 
ce caractère exceptionnel qui détermine essentiellement le 
régime qui leur est applicable. 

Il faut tout d'abord porter aii budget les crédits réellement 



(185) 

nécessaires aux dépenses présumées de chaque exercice d'après 
la prescription de Tarticle 15, et Ton ne peut laisser inten- 
tionnellement hors budget des dépenses à couvrir ensuite par 
des crédits supplémentaires. 

Dès 1883, la section centrale protestait contre cette pratique 
et concluait : « Il est donc permis d'espérer que désormais 
les crédits supplémentaires seront strictement limités aux 
dépenses qui n'ont pu être prévues lors du vote du budget, et 
qu'ils n'excéderont pas les annulations de crédit ^ ». 

C'est pourquoi aussi, au moment de la préparation du 
budget, le ministre des finances a coutume de rappeler à ses 
collaborateurs la nécessité d'effectuer avec soin les évalua- 
tions, de manière à éviter le mieux possible les crédits supplé- 
mentaires, qui se concilient mal avec une bonne gestion 
financière. 

Le crédit supplémentaire, s'il est nécessaire dans certains 
cas, doit donc rester strictement exceptionnel. 

De plus, lorsque les crédits inscrits au budget sont reconnus 
insuffisants, les crédits supplémentaires doivent être demandés 
avant que la dépense à couvrir soit faite. 

Cette règle n'est qu'une application de l'article 16, alinéa 1«' 
de la loi de comptabilité, qui défend aux ministres de faire 
aucune dépense au delà des crédits qui leur sont ouverts. 

Or, dans la pratique, cette règle est facilement violée, et il 
arrive fréquemment que les crédits supplémentaires ne sont 
demandés qu'après exécution de la dépense que ces crédits 
sont appelés à couvrir 2. 

* Cf. Rapport Demeur, au nom de la section centrale, sur le budget 
général pour 1884. (Ch. des Repr., sess. de 1883-1884, Doc, pari,, n» 26, 
1) 40.) 

* Le total des crédits supplémentaires demandés à la séance de la 
Chambre du 9 avril 1902 (session de 1901-1902, Doc, pari., no 110) 
s'élevait à fr. 10,758,10247. Sur ce total, fr. 9,092,052 73 se rapportaient 
à des dépenses de l'exercice 1901 ; fr. 1,666,049 74 se rapportaient à des 
dépenses des exercices 1900 et antérieurs. 

En règle générale, ces crédits supplémentaires sont nécessités par 



(186) 

Cet abus doit être évité dans la mesure du possible ^. Car, 
nous en . convenons, des circonstances pressantes ne per- 
mettent pas toujours au gouvernement de se conformer abso- 
lument à la règle, et il peut être parfois nécessaire de faire 
certaines dépenses avant le vote régulier des crédits supplé- 
mentaires. La ratification ultérieure remplace, dans ce cas, 
l'autorisation préalable. Mais on conçoit que cette procédure 
ne peut être normale et régulière. 

Ce régime, applicable aux crédits supplémentaires, si on le 
suit strictement, présente, selon la remarque de M. Demeur, 
non seulement un intérêt constitutionnel et théorique, mais 
un intérêt pratique très sensible ^. 

« Il ne viendra, dit-il, à la pensée de personne de prendre 
au sérieux le vote d'un budget après qu'il est dépensé. En 
est-il autrement pour cette portion du budget qui comprend 
les crédits destinés à couvrir les insuffisances du budget pri- 
mitif? 

» A quoi sert l'intervention de la Législature lorsqu'elle se 
produit après que la dépense est faite? L'ouverture d'un crédit 
n'est alors qu'un entérinement. 

» Au contraire, la nécessité de demander le crédit pour une 
dépense à faire provoque chez ceux qui doivent le demander 
un examen plus attentif des intérêts de l'État. Obligés de justi- 
fier leur demande non par des faits accomplis, mais par des 
faits qu'ils sont tenus de prévoir, ils doivent se livrer à Tétude 
de ces faits et par cela même rechercher si la dépense est 



rexploitation des chemins de fer. Sur le total que nous venons de citer : 
fr. 5,643,333 20 — soit plus de la moitié — sont demandés par le budget 
des chemins de fer, postes et télégraphes, dont 4,197,179 francs se 
rapportent à des dépenses de Texercice 1901 et fr. 1,446,254 20 à des 
dépenses des exercices 1900 et antérieurs. 

* On a notamment signalé cet abus dans la construction de la nouvelle 
gare d'Anvers, dont une notable partie des travaux ont été exécutés à 
découvert, c'est-à-dire sans crédits préalablement votés par le Parlement. 

* Cf. Rapport, au nom de la section centrale, sur un projet de crédits 
supplémentaires. (Ch. des Repr., sess. de 1882-1883, Doc. pari., n» 198.) 



(487) 

nécessaire, si des économies ne sont pas possibles. En même 
temps, ceux qui sont appelés à autoriser le crédit sont mis à 
même d'apprécier son utilité et en les tenant au courant non 
pas des actes accomplis par l'administration, mais de ses 
projets, la demande de crédit leur permet d'exercer un con- 
trôle salutaire. » 

§ 2. — Crédits complémentaires K 

Ils se distinguent des crédits supplémentaires : 
i<» Par la nature particulière des crédits auxquels ils 
s'appliquent exclusivement : les crédits non limitatifs. Ceux-ci, 
d'après la définition que nous en donnions plus haut (ar^. 5 
de l'arrêté du 49 février 4848) 2, ne peuvent faire l'objet d'une 
évaluation précise. Leur taux dépend, en effet, de certaines 
éventualités qui défient les prévisions exactes. Les greffiers, 
par exemple, ont droit, en vertu de la loi du 21 ventôse 
an VII, à certaines remises qu'il faut prévoir, en dépenses, au 
budget. Mais comme le total de ces remises dépendra du 
nombre d'actes auxquels elles s'appliquent — nombre impos- 
sible à déterminer d'avance, — on ne peut porter au budget 
qu'un chiffre approximatif, un crédit non limitatif. Il en est 
de même pour les non-valeurs, les remboursements, les frais 
de justice en matière criminelle, correctionnelle et de simple 
police, les remises proportionnelles aux receveurs, etc.. 

2<* Il suit de là, aussi, que le gouvernement ne peut, comme 
pour les crédits supplémentaires, demander ces crédits com- 
plémentaires au Parlement avant d'avoir opéré les dépenses 
auxquelles ils sont destinés. Ce n'est qu'après la clôture de 
l'exercice qu'il est possible de se rendre compte de l'excédent 
de la dépense sur le crédit primitivement fixé au budget. 
Aussi le gouvernement sollicite-t-il l'allocation des crédits 

* Cf. Rapport Demeur. (Ch. des Représ., sess. de 1879-1880, Doc. 
pari., no 133.) 
« Cf. p. 182. 



(188) 

complémentaires dans le même projet de loi qui contient le 
règlement définitif d'un budget 4. 

On peut, par conséquent, définir les crédits complémen- 
taires : « des crédits additionnels, ouverts par la loi de règle- 
ment, pour régulariser, après coup, des excédents de dépenses 
se rapportant à des crédits non limitatifs ^ ». 

* Le projet de loi contenant le règlement définitif du budget de l'exer- 
cice 1898 a été déposé le 10 décembre 1901. (Ch. des Représ., sess. de 
1901-1902, Doc. pari., n* 28.) 

Son article 2 porte : « 11 est alloué un crédit complémentaire de 
fr. 4,377,013 01 pour couvrir les dépenses des services ordinaires de 
Texercice 1898, effectuées au delà des crédits ouverts par les lois des 
29 décembre 1897, 4, 14 et 31 mars, 22 et 24 avril, 9, 18, 19 et 20 mai 
et 30 décembre 1898, et 7 octobre 1899. 

» Ces dépenses se subdivisent comme il suit : 

Dette publique, — Chapitre II, article 24 : Rémunération 
en matière de milice .fr. 153,50349 

Ministère de la justice. — Chapitre IV, article 19 : Frais 
de justice 889,26661 

Ministère de Vintérieur et de ^instruction pvJblique. — 
Chapitre V : Affaires électorales, article 27 : Confection et 
distribution du papier électoral..., jetons de présence et 
indemnités 3,21563 

Ministère des chemins de fer, postes et télégraphes. — 
Chapitre V : Marine, article 49 : Remises 509,789 04 

Ministère des finances. — Chapitre III, article 16 : 
Remises proportionnelles et indemnités 14,986 38 

Chapitre IV, article 29 (Enregistrement). Remises des 
receveurs. Frais de perception 70,04089 

Non-Valeurs et remboursements. — Chapitre I, article 3 : 
Non-valeurs sur le droit de patente 2,452,954 07 

Chapitre II, article 6 : Restitution de droits perçus abu- 
sivement et remboursements de fonds reconnus appar- 
tenir à des tiers 235,96893 

Article 7 : Id., en matière d'enregistrement et domaines 47,287 94 

Le tableau D, annexé au projet de loi, établît la comparaison des 
dépenses sur crédits non limitatifs effectuées en 1898 avec celles de 
l'exercice 1897, et donne Texplication des différences constatées en 1898. 

* Stourm, loc. cit., p. 365. 



(189) 

L'existence de ces crédits constitue donc une exception for- 
melle à la règle de l'article 16, alinéa 1*'. Cette exception doit 
rester rigoureusement circonscrite aux crédits non limitatifs 
et ne serait pas tolérée pour des crédits d'une autre espèce. 

Il dépend, d'ailleurs, des préparateurs du budget de dimi- 
nuer d'une manière sensible l'importance de ces allocations 
complémentaires, en s'appliquant à rendre leurs évaluations 
aussi exactes que le permet la nature particulière des crédits 
non limitatifs. 

Pour ne citer qu'un exemple : depuis 1893, les frais de 
justice en matière criminelle, correctionnelle et de police ont 
régulièrement dépassé- 2 millions de francs, et cependant les 
crédits primitifs inscrits au budget restaient invariablement 
fixés à 1,800,000 francs. En 1899, ils atteignaient 2 millions 
300,000 francs. Aussi le ministre de la justice, afin de mettre 
le montant de ce crédit en rapport avec les dépenses réelles 
des dernières années, n'hésita-t-il pas à adopter ce dernier 
chiffre pour le budget de 1900. « L'augmentation est propo- 
sée, dit-il, en vue d'éviter la demande d'un crédit complé- 
mentaire important ^ . » 

C'est là un excellent exemple. 11 est désirable que les pré- 
parateurs portent chaque année au budget une somme en 
rapport réel avec les besoins du service 3. Ils éviteront ainsi 
autant qu'il est possible le recours aux crédits additionnels, 
supplémentaires ou complémentaires, qui ne doivent appa- 
raître qu'à titre exceptionnel dans une organisation budgé- 
taire régulière et bien ordonnée. 

* Budget de la justice pour 1900. Note préliminaire, art. 18. (Ch. des 
Représ., sess. de 1899-1900, Doc, pari., n<» 6, p. 140.) 

* M. le Ministre des finances le reconnaissait récemment à la Chambre, 
lorsqu'il disait : « Nonobstant réiasticilé des crédits de ce genre (non 
limitatifs), le devoir du gouvernement est d'inscrire au budget, aussi bien 
que pour les crédits ordinaires (limitatifs), les chifires qui, d'après les 
prévisions basées sur les éléments connus, se rapprochent autant que 
possible des nécessités. » (o juin 1901, Ann, parL, p. 1329.) 



( 190) 



CHAPITRE V. 

Époque de la présentation du budget à la Ctianilnre. 

(Loi du 15 mai 1846, art. 1. — Loi du 24 juillet 1900.) 

Le budget étant préparé, le gouvernement le dépose sur le 
bureau de la Chambre. 

A quelle époque ce dépôt doit-il être effectué? 

La loi de 1846 sur la comptabilité de l'État (article i"^ 
alinéa 2) disposait : « Le budget est présenté au moins dix mois 
avant l'ouverture de l'exercice ». 

Le but de cette règle était d'éviter le vote des crédits provi- 
soires, en assurant le vote du budget en temps utile. 

Après avoir déploré la pratique, déjà ancienne alors, des 
crédits provisoires, H. Roger, au cours de la discussion de la 
loi de 1846 i, s'exprimait en ces termes : « Cet état de choses 
présente de graves inconvénients. On a cherché les moyens d'y 
porter remède, mais les propositions qui ont été faites ont été 
ajournées jusqu'au moment où l'on discuterait la loi sur la 
comptabilité. 

» Le moment me semble venu de prendre une mesure qui 
fasse sortir la Chambre de ces inconvénients qui -se repré- 
sentent annuellement. Je demanderai à H. le Ministre des 
finances s'il aurait des objections à faire à l'adoption d'une 
proposition, d'après laquelle les budgets des recettes et des 
dépenses devraient être présentés six mois au moins avant 
l'ouverture de l'exercice auquel ils se rapportent. 

» En France, le budget est voté près d'un an avant l'ouver- 
ture de l'exercice. En ce moment, ce n'est pas le budget de 
1846 que l'on discute, il est voté depuis près d'une année 
déjà ; aujourd'hui on s'occupe en France du budget de 1847. 

* Ch. des Représ., séance du 26 février 1846. 



(191 ) 

» Il y aurait avantage à ce que le budget de 1847 fût pré- 
senté avant le mois de juillet, et il faudrait que la Chambre fût 
animée de bien peu de zèle pour ne pas le voter avant le 
31 décembre 1846... Au moyen de la disposition que j'indique, 
si la loi passe cette année, nous aurions Tassurance que le 
budget de 1847 serait présenté avant la fin de la session. Nous 
aurions fait cesser ainsi une grande irrégularité, nous aurions 
mis un terme à ces crédits provisoires que nous sommes 
obligés de voter d'année en année, comme si nous étions à 
Tétat permanent de révolution. Cet état de choses donne au 
pays, aux Chambres, au gouvernement une attitude que nous 
devons avoir à cœur de faire cesser. H faut de la stabilité 
dans l'administration, de la régularité dans les travaux de 
la Chambre. A moins donc que M. le Ministre des finances 
ne présente des objections qui me fassent changer d'avis, 
je déposerai une disposition additionnelle qui serait ainsi 
conçue : Le budget des recettes et des dépenses sera présenté 
aux Chambres six mois au moins avant l'ouverture de l'exer- 
cice auquel il se rapporte. » 

Plusieurs membres, dont M. Devaux, appuyèrent cet amen- 
dement. Ce dernier proposa même de substituer le délai de 
dix mois à celui de six mois, fixé par M. Roger. « Je pense, 
disait-il, que pour arriver à un état de choses normal, il ne 
sufSt pas que le budget soit présenté au mois de juin. Ce n'est 
pas pour le voir pendant les vacances que nous le demandons; 
sans doute, nous aurions le loisir de l'examiner, mais cela ne 
dispenserait pas de devoir voler des crédits provisoires, car cela 
ne ferait pas non plus que le Sénat aurait plus de temps de 
discuter les budgets avant la fin de l'année, quand par hasard 
nous pouvons le faire. C'est au mois de mars qu'il faudrait que 
les budgets fussent présentés, pour pouvoir être discutés et 
votés avant la fin de la session... Je pense donc qu'il faut écrire 
dans la loi que le budget des dépenses doit, à l'avenir, être pré- 
senté dix mois avant l'ouverture de l'exercice, sauf disposition 
transitoire. » 



( 192) 

Ce système fut appuyé par le gouvernement et voté défini- 
tivement par la Chambre le 11 mars 1846, dans les termes de 
Falinéa 2 de l'article i^ de la loi du 15 mai 1846. 

Toutefois, le but que poursuivait le législateur de 1846, en 
établissant la règle des dix mois, ne fut pas atteint, et les 
budgets continuèrent après comme avant à n'être votés 
qu'après l'ouverture de l'exercice. 

C'est que si la règle des dix mois était théoriquement de 
nature à assurer le vote régulier du budget, elle amenait 
d'autre part dans la pratique des inconvénients sérieux au 
point de vue de la bonne préparation du budget. 

Ces inconvénients avaient été signalés déjà, lors de la dis- 
cussion de la loi sur la comptabilité, par MM. de Mérode et 
Desmet. M. de Mérode, notamment, disait à la séance du 26 fé- 
vrier 1846 : « Je ne suis pas favorable aux crédits provisoires, 
tels que vous êtes obligés de les voter tous les ans. Mais, d'un 
autre côté, si Ton vote un budget aussi longtemps à l'avance, 
on ne saura pas quelles dépenses il faudra faire; on votera 
sans connaissance de cause suffisante. Ainsi, cette année nous 
avons été obligés de voter un crédit particulier, par suite de 
la maladie des pommes de terre. Mais cette calamité n'est 
arrivée qu'à une époque très rapprochée de la présentation du 
budget de l'année 1846; on n'a pas pu le prévoir; c'est une 
circonstance tout à fait spéciale; or, souvent, lorsqu'une 
année entière s'écoulera entre le vote d'un budget et l'applica- 
tion de ce budget, il surviendra bien d'autres événements qui 
dérouteront toutes les prévisions. » Et M. Desmet ajoutait, le 
jour suivant : « il voudrait (M. Roger) qu'on présentât les bud- 
gets dix mois avant l'ouverture de l'exercice; mais alors, 
comme on ne connaît pas exactement quels pourront être les 
besoins, on est obligé d'avoir recours ensuite aux crédits sup- 
plémentaires et complémentaires, c'est-à-dire d'avoir deux 
budgets». 

Les prévisions budgétaires doivent être, en effet, rappro- 
chées autant que possible de la réalité ou de l'exécution du 
budget, si l'on veut qu'elles soient sérieuses et justes. 



{ 193 ) 

Certes, il y a des recettes et des dépenses dont l'évaluation 
peut être aisément établie longtemps d'avance : ce sont celles 
qui se renouvellent uniformément chaque année ou dont les 
modifications sont peu sensibles ou demeurent constantes. 

Mais il en est aussi qui varient chaque année et qui ne 
peuvent être évaluées d'une manière suffisamment exacte 
dix mois avant l'ouverture de l'exercice. 

De là, la nécessité de rectifier et d'amender les évaluations 
du budget primitif. 

La règle des dix mois aboutissait ainsi presque fatalement à 
la situation suivante. 

Le ministre des finances, en quelque sorte par acquit de 
conscience et par respect pour la légalité, déposait le budget 
sur le bureau de la Chambre au plus tard à la dernière 
séance de février. 

Mais il ne se hâtait pas de faire imprimer et distribuer ses 
propositions budgétaires. Il modifiait ses premières évalua- 
tions au fur et à mesure des nouveaux renseignements qui lui 
parvenaient. Généralement, le budget n'était imprimé qu'en 
juin ou juillet et distribué aux députés quand ils entraient en 
vacances. 

L'examen du budget, déposé pour la forme en février, se 
trouvait ainsi ajourné à la session nouvelle, qui commence de 
plein droit le second mardi de novembre. 

Les ministres présentaient alors une série d'amendements 
aux propositions de février. C'est ce qu'on appelait le budget 
amendé. 

Ces amendements constituaient souvent des changements 
notables et des innovations apportées aux budgets votés pour 
les exercices antérieurs et au projet primitif; ils étaient basés 
sur l'expérience et sur les renseignements recueillis de février 
à octobre. 

Dans la pratique, on arrivait donc à corriger les inconvé- 
nients de la règle des dix mois au point de vue de la prépara- 
tion du budget, et à rapprocher autant que possible la prévi- 
ToME LXVL 13 



(194) 

sion de la réalité, la préparation du budget de son exécution. 

Mais, par contre, le but poursuivi par la règle des dix mois 
était manqué et la discussion du budget, commencée dans la 
seconde quinzaine de novembre seulement, n'était jamais ter- 
minée pour le 31 décembre. Les crédits provisoires restaient 
donc indispensables ^. 

Aussi vit-on à diverses reprises se manifester l'idée de 
modifier l'article 1*' de la loi de 1846, dont l'utilité paraissait 
de plus en plus contestable. 

La section centrale du budget des voies et moyens pour 
1879 posa formellement au gouvernement la question de 
savoir « s'il ne conviendrait pas de modifier l'article 1^ de la 
loi sur la comptabilité, en tant qu'il ordonne la présentation 
du budget au moins dix mois avant l'ouverture de Texercice, ^ 
et de manière à permettre au gouvernement de présenter en 
une fois le projet définitif ^ ». 

Mais, contre toute attente, le ministre des finances de 

* M. de Smet de Naeyer, ministre des finances, exposait très clairement 
cette situation dans une circulaire adressée à ses collaborateurs, en 
décembre 1897, lorsqu'il disait : « Au mois de février, le gouvernement 
ne connaît pas encore les résultats de l'exercice qui vient de finir — 
puisque aux termes de l'article 2 de la dite loi, les opérations de cet 
exercice se prolongent jusqu'au 31 octobre suivant — et il n'est pas en 
mesure d'escompter les résultats de l'exercice commencé. Le gouver- 
nement ne peut donc s'inspirer de faits constants pour former, avec une 
suffisante exactitude, les prévisions des recettes et des dépenses. Il en 
résulte que les projets de budget déposés au mois de février ne serrent 
pas d'assez près la réalité des faits, qu'ils revêtent un caractère tout 
provisoire et doivent invariablement subir dans la suite des remanie- 
ments importants. 

» Cet état de choses est la cause principale du retard que subit le vote 
des divers budgets : la Chambre ne peut, en efifet, en aborder utilement 
l'examen qu'au moment où le gouvernement se trouve en mesure de la 
saisir de projets définitifs, basés sur les résultats assurés ou probables 
des deux derniers exercices financiers. De sorte que c'est dans la loi de 
1846 elle-même que git l'obstacle à la réalisation du vœu de ses auteurs. » 
(Discours du ministre au Sénat, le 24 décembre 1897.) 

« Ch. des Représ., sess. de 1878-1879, Doc. pari., n« 26. 



( 198 ) 

Tëpoque, M. Graux, répondit que le gouvernement ne se 
trouvait pas embarrassé de satisfaire à l'obligation qui lui était 
imposée, a II est généralement en mesure, disait le ministre, 
d'évaluer avec assez de précision ses voies et moyens et ses 
besoins dès le mois de février qui précède Texercice. 

» S'il lui arrive parfois d'avoir à proposer certaines modifi- 
cations, d'ailleurs peu importantes, à un petit nombre d'articles, 
ces modifications ne touchent pas à l'économie générale du 
budget et n'obligent pas au renouvellement d'études déjà 
faites. La nécessité de modifier, sous ce rapport, la loi sur la 
comptabilité est donc très discutable ^. » 

Cependant, quelques années plus tard, après avoir quitté le 
ministère, M. Graux se chargeait lui-même de réfuter cette 
affirmation, lorsqu'il déclarait à la Chambre : « Je considère 
comme véritablement surannée, comme n'ayant plus aucune 
espèce d'utilité, la prescription légale qui ordonne le dépôt des 
budgets dix mois avant l'ouverture de l'exercice, à une 
époque où il est impossible de prévoir avec quelque précision 
quels seront les faits et les nécessités de Vexerdce prochain 2 ». 
. Partageant cette manière de voir, le ministre des finances 
actuel, M. de Smet de Naeyer, esquissait devant le Sénat le 
projet de réforme suivant ^^ : « Il y a, selon moi, deux mesures 
à prendre pour remédier à la situation : c'est d'abord de 
réduire à dix-huit mois au lieu de vingt-deux la durée des 
opérations de l'exercice financier, de substituer la date du 
30 juin à celle du 31 octobre 4, de façon que, à l'expiration 
du premier semestre de la seconde année, on soit fixé sur 
les résultats de l'exercice ; c'est, en second lieu, de n'obliger 
le gouvernement à déposer le projet de budget que quatre 
ou cinq mois avant le commencement de l'exercice... Ma 
conclusion est que la Chambre devrait se séparer à la fin 



* Ibidem, 

* Séance du 4 février 1891, Ann. parL, p. 318. 

5 Sénat, séance du 24 décembre 1897, Ann, pari., pp. 71-72. 

* Modification à l'article 2 de la loi de 1846. 



(196) 

d'avril au plus tard. Le budget, préparé avec toute l'attention 
nécessaire et sur des bases plus certaines, serait déposé en 
juillet et les sections de la Chambre l'examineraient dans le 
cours du mois d'août ou de septembre. Les rapports seraient 
déposés et distribués avant le 1^ novembre et le budget géné- 
ral pourrait être discuté et voté dans son ensemble avant la 
fin de décembre, c'est-à-dire avant le commencement de 
l'exercice. » 

Dans cet ordre d'idées, vers la même époque, l'honorable 
ministre des finances adressa à ses collègues des autres dépar- 
tements ministériels une lettre-circulaire les priant « de faire 
examiner d'urgence, chacun pour son département respectif, 
s'il n'y aurait pas d'inconvénient sérieux à clôturer les opéra- 
tions d'un exercice dès le 30 juin qui suit l'année donnant son 
nom à cet exercice, et de bien vouloir lui faire connaître les 
raisons qui, éventuellement, s'opposeraient à ce que certaines 
catégories de recettes ou de dépenses fussent encaissées ou 
liquidées avant le 30 juin ». 

. Il faut supposer que cette consultation n'a pas abouti à des 
conclusions favorables au projet du ministre des finances. 
Car, dans le projet de loi déposé par celui-ci au Sénat, 
en séance du 6 juillet 1900 4, il n'est plus question de modi- 
fier l'article 2 de la loi de 1846 et de reporter la clôture de 
l'exercice du 31 octobre au 30 juin. 

Le projet demande simplement de modifier comme il suit 
l'article 1, alinéa â de la loi du 15 mai 1846 : 

Le projet de budget est imprimé et diMribué aux membres 
des Chambres législatives y par les soins du département des 
finances et des travaux: publics, au plus tard le 31 octobre de 
Vannée qui précède Couverture de P exercice. 

C'est dans ces termes qu'il fut voté à l'unanimité par les deux 
Chambres et devint la loi du 24 juillet 1900, qui règle actuel- 
lement l'époque de la présentation du budget à la Chambre. 

L'Exposé des motifs de cette loi attribuait un double avan- 

* Sénat, sess. extraord. de 1900, Doc. part,, n» 3. 



(197 ) 

tage à la réforme : « Premièrement, la revision des projets 
étant supprimée, le travail incombant aux divers départements 
ministériels et particulièrement au département des finances 
et des travaux publies, serait notablement simplifié. Cette 
simplification s'étendrait aux écritures et aux travaux d'impres- 
sion et se traduirait par une économie notable de temps et 
d'argent. En second Heu, lors de la réunion de la Chambre en 
session ordinaire, le second mardi de novembre, les projets 
de budget pourraient être soumis sans aucun retard à l'examen 
des sections; on gagnerait ainsi tout le temps consacré 
aujourd'hui à l'impression et à la distribution des projets de 
budget amendés. » 

Assurément, le régime inauguré en 1900 améliore la situa- 
tion du gouvernement dans l'œuvre de la préparation du bud- 
get et lui épargne la peine de recourir à des subterfuges pour 
rapprocher ses prévisions de la réalité. 

D'autre part, malgré le dépôt du budget avant la date 
extrême du 31 octobre et malgré le temps gagné sur l'impres- 
sion et la distribution des projets de budget amendés, la 
Chambre et le Sénat ne disposent, après comme avant, que de 
six semaines au plus pour étudier, discuter et voter tous les 
budgets. 

En fait, on ne voit pas que la loi du â4 juillet 1900 ait hâté 
en quoi que ce soit le vote des budgets avant l'ouverture de 
l'exercice. Les budgets continuent à être votés avec de grands 
retards, les crédits provisoires fleurissent plus que jamais. La 
question reste donc entière. Nous aurons l'occasion d'y reve- 
nir dans la suite de cette étude ^. 

* Cf. iw/ra, 2« partie, chap. IX. 



deuxiMe partie 



LE BUDGET DEVANT LE PARLEMENT 



SOMMAIRE : 

Chapitre I. — Le vote annuel du budget. 

Chapitre II. — Êtvde préalable du budget par les Chambres. 

Chapitre III. — La discussion des budgets. 

Chapitre IV. — Le vote article par article, — La spécialité budgétaire» 
— Les transferts. 

Chapitre V. — L'initiative parlementaire en matière budgétaire. 

Chapitre VI. — Delà modification d'une loi organique par voie budgé- 
taire. 

Chapitre VU. — L'initiative du Sénat en matière de lois de finances. 
(Article 27, alinéa 2 de la Constitution.) 

Chapitre VIII. — Du droit pour le gouvernement de retirer devant le 
Sénat un projet de budget voté par la Chambre. 

Chapitre IX. — Du retard dans le vote des budgets. — Les crédits 
provisoires. — Le changement de la date d'ouverture 
de Vannée financière. 

Chapitre X. — Dm refus du budget. 



( 199 ) 

CHAPITRE I. 
Le vote annuel du budget. 

« Chaque année, dit l'article 115 de la Constitution, les 
Chambres arrêtent la loi des comptes et votent le budget. » 

L'annualité du budget se trouve ainsi solennellement pro- 
clamée par notre pacte fondamental. On comprend sans peine 
que les Constituants, bien que les discussions du Congrès 
national ne portent pas trace de ces préoccupations, aient tenu 
à inscrire soigneusement ce principe dans leur œuvre législa- 
tive, au sortir d'un régime politique qui pratiquait le budget 
décennal. 

Nous avons suffisamment caractérisé cette institution ^, pour 
nous dispenser d'y revenir. Elle aboutissait, en somme, à 
exiger du Parlement l'aliénation de ses prérogatives et de son 
droit de contrôle sur les affaires financières, pour une période 
de dix années. 

Pendant dix ans, le gouvernement avait les coudées 
franches et la faculté de gérer les finances à sa guise et sans 
contrôle. 

L'article 115 de la Constitution, en imposant au gouverne- 
ment le devoir de soumettre chaque année son plan financier 
à l'autorisation des Chambres, consacre donc une garantie 
sérieuse des droits de la souveraineté nationale 2. 

* Cf. supra, pp. 51 et suiv. 

* Ce sentiment est resté très ancré dans le Parlement. Au moment de 
l'élaboration de la dernière revision de la Constitution, on avait émis 
ridée, afin d'éviter le retard actuel dans le vote des budgets, de re viser 
l'article 115 et d'établir le budget biennaL M. Begerem, rapporteur du 
budget des voies et moyens pour 1892, avait signalé cette solution, sans 
d'ailleurs la faire sienne. Aussitôt s'élevèrent à la Chambre des protes- 
tations unanimes. Voir notamment les discours de MM. Woeste, Tack, 
Houzeau de Lehaie, etc.. (Ch. des Repr., séance du 23 décembre 1891, 
Ann, parL, pp. 320 et suiv.) 



( 200 ) 

L'annualité du budget se rencontre d'ailleurs dans la plupart 
des pays, soit qu'elle soit expressément inscrite dans la loi 
constitutionnelle, soit qu'elle résulte implicitement des règles 
posées par les codes de comptabilité (France). 

Par exception cependant, dans quelques petits États alle- 
mands, le budget est voté pour une période plus longue que 
Tannée. En Hesse, Jl est triennal, de même que dans les 
duchés de Saxe-Weimar, Saxe-Jfeiningen et Saxe-Altenbourg. 
Il est biennal en Bavière, après avoir été quinquennal autre- 
fois. Â diverses reprises, en 1880, 1882 et 1883, M. de Bis- 
marck tenta d'imposer le budget biennal au Reichstag alle- 
mand, dans le but inavoué de s'assurer « un blanc-seing pro- 
longé, une période de liberté plus étendue ». 11 ne réussit pas 
et le Reichstag conserve le droit de voter annuellement le bud- 
get de l'Empire ^. 

11 arrive aussi que certaines portions de budgets échappent 
au vote annuel du Parlement. 

Tel est le cas, pour la Belgique et d'autres pays, de la liste 
civile. La liste civile est fixée par la loi pour chaque règne 2. 
Elle est donc établie par une loi spéciale, pour un nombre 
d'années indéterminé, en dehors de la loi de budget. Chaque 
année cependant, la dépense figure au budget des dotations, 
mais le vote du Parlement ne porte ni sur le principe de cette 
dépense ni sur son taux : il constitue une pure formalité. 

De même encore peut-on citer, comme une exception au 
vote annuel, le vote des crédits extraordinaires qui valent pour 
trois ans. Cette exception est confirmée chaque année par la 
loi qui fixe le budget extraordinaire. 

Dans l'organisation budgétaire de l'Empire allemand, le 
septennat militaire et le sexennat naval peuvent être consi- 
dérés aussi comme des portions de budgets soustraites à la 



* Stourm, loc, cit. y p. 304. 

' Pour la durée du règne de Léopold II, la loi du 25 décembre 1866 a 
fixé la liste civile à 3,300,000 francs, en vertu de rarticle 77 de la Con- 
stitution. 



( 201 ) 

discussion annuelle r— sinon au vote annuel — du Reichstag, 
bien qu'au fond cependant il ne s'agisse là que d*un pro- 
gramme de dépenses militaires ou navales à effectuer en plu- 
sieurs années ^, d'une nature analogue à celle de nos fonds 
spéciaux. 

L'exemple classique le plus complet d'une exception impor- 
tante à la règle de l'annualité, est le fonds consolidé anglais 2. 

On distingue, en Angleterre, deux catégories de dépenses : 
1** les Consolidated fund services : dépenses permanentes, qui 
échappent à la règle de l'autorisation annuelle; S"» les supply 
services ou dépenses votées chaque année. 

De même, on distingue les taxes annuelles et les taxes per- 
manentes, qui sont « celles dont la perception a été autorisée 
une fois pour toutes par un Act du Parlement et qui subsistent 
tant qu'un nouveau statute n'intervient pas pour en modifier 
l'assiette, le taux ou les conditions de perception 3 ». 

Les dépenses permanentes et les taxes permanentes consti- 
tuent le fonds consolidé. D'après la remarque de M. Stourm, 
a elles ne sont pas juxtaposées en vue de former un budget 
spécial. Le mot consolidé exprime un caractère attribué à cer- 
taines dépenses et à certaines recettes, et nullement Fidée d^un 
budget constitué en recettes et en dépenses corrélatives j en dehors 
du budget ordinaire * ». 

L'origine de cette institution remonte très haut dans le 
moyen âge. Elle se développa concurremment avec les institu- 
tions parlementaires, au gré des circonstances et des épisodes 
de la lutte entre la Couronne et le Parlement ^. 

Dans sa physionomie moderne, le fonds consolidé date du 

1 Cf. Stourm, lac. dt., pp. 308-309. 

* Id., lac. cil,, pp. 365 et suiv.; Boucard et Jèze, I, pp. 193 et suiv.; 
VON Heckel, bas Budget, pp. 53-54. 

3 Boucârd et Jèze, I, p. 194. 

* Stourm, toc, cit., p. 306. 

« Cf. Sur Vhistoire du fonds consolidé : Boucard et Jèze, I, pp. 194- 
195; VON Heckel, loc. cit,, p. 53. 



( 202 ) 

Consolidated Fund Act de 1787 (27 Geo. III, c. 13). Un acte 
de 1816 (S6 Geo. III, c. 98) réunit le fonds consolidé pour 
l'Irlande au fonds anglais. La législation actuellement en 
vigueur date des Acts de 1854 (17 et 18 Vict., c. 94) et de 
1856 (19 et 20 Vict., c. 59) i. 

Le fonds consolidé comprend aujourd'hui : 

l*" D'une part, en dépenses : la liste civile, fixée pour la 
durée du règne, les intérêts de la dette publique, diverses 
grandes pensions civiles et militaires, la dotation du speaker 
des communes, les traitements de la haute magistrature, les 
services diplomatiques, etc. ; 

2® D'autre part, en recettes : les impôts dont la nécessité et 
l'assiette ne sont pas contestées et qui subsistent tant qu'une 
loi spéciale n'en modifie pas ou n'en suspend pas la percep- 
tion. Tels sont notamment : les douanes (customs), V excise^ 
les droits de timbre (stamps) et, d'une manière générale, tous 
les impôts à l'exception de Vincome tax et des droits sur le thé. 

En résumé, le tiers environ des dépenses et les quatre 
cinquièmes des recettes sont consolidés et dispensés du vote 
annuel du Parlement. 

Les dépenses consolidées ne figurent même pas dans les 
estimâtes ou dans le budget annuel : elles sont autorisées une 
fois pour toutes, sans qu'il soit nécessaire de demander 
chaque année l'autorisation spéciale de la Législature. 

Et quant aux recettes consolidées, comme leur produit 
dépasse notablement le service des dépenses consolidées, le 
Parlement affecte ce surplus au paiement des dépenses qui 
doivent être votées annuellement. Il s'ensuit que, déduction 
faite des dépenses consolidées, près de la moitié des dépenses 
annuelles sont couvertes au moyen des recettes du fonds 
consolidé, et il ne reste, en définitive, qu'un septième environ 
du budget des dépenses à payer par des recettes soumises au 
vote annuel du Parlement 2. 

* VON Heckel, ibid. 

* Cf. VON Heckel, loc. cit,, p. 54. , 



( 203 ) 

L'institution du fonds consolidé fonctionne normalement en 
Angleterre, sans heurt ni inconvénients, et il ne s'élève pas 
dans ce pays, dont les communes sont si jalouses de leurs 
prérogatives financières, les récriminations et les protestations 
que susciteraient ailleurs des restrictions semblables apportées 
au droit de voter annuellement toutes les recettes et toutes les 
dépenses de l'État ^. 

Quand on analyse, en effet, la composition du fonds conso- 
lidé, on y trouve d'abord une série de dépenses d'un caractère 
permanent et obligatoire, qui s'imposent en quelque sorte 
nécessairement et dont le refus ne se concevrait guère. 

Les intérêts de la dette publique ne doivent-ils pas être 
payés, à moins de déclarer la banqueroute de l'État? Et l'accord 
intervenu, au début de chaque règne, entre la Couronne et le 
Parlement, pour la fixation de la liste civile, ne doit-il pas 
être respecté? Comment refuser ces dépenses qui ne sont que 
l'exécution de contrats et d'arrangements auxquels on ne peut 
manquer? 

Le vote du Parlement, en ce qui les concerne, serait donc 
de pure forme. Pourquoi, dès lors, les mettre en discussion 
chaque année? 

Et de même pour les recettes : aussi longtemps que la 
nécessité, l'assiette et le taux d'un impôt sont incontestés, il 
paraît inutile de le soumettre au vote annuel. Si Vincome tax 
n'est pas consolidé, c'est que cet impôt conserve, dès son 
origine, un caractère essentiellement provisoire, au moins en 
théorie. 

Les autres impôts sont permanents, dans les conditions 
prévues par leur loi organique, et d'ailleurs ils doivent pour- 
voir à des dépenses nécessaires et obligatoires. 

* Ibid, — Aux États-Unis, on distingue également les crédits perma- 
nents {the permanent appropriation) et les crédits annuels. « Les premiers 
ne sont pas soumis au vote du Congrès, mais leur montant est placé 
sous les yeux des Chambres dans la « lettre du secrétaire du Trésor. » 
(Cf. BoucARD et Jèze, I, pp. 196-197.) 



( 204 ) 

L'introduction du fonds consolidé dans la pratique budgé- 
taire a été recommandée parfois dans les pays du continent. 
En France, M. LaflStte avait fait en 1827 une proposition for- 
melle en ce sens^ mais sans succès ^. 

En Belgique aussi on a vanté le fonds consolidé comme un 
moyen de hâter la discussion et le vote du budget, en évitant 
au Parlement le soin fastidieux de s'occuper chaque année 
d'une série de dépenses qu'il lui serait moralement impossible 
de ne pas autoriser. 

c( Il ne faudrait pas, répondrons-nous avec M. Stourm, 
exagérer la portée de la réforme, dont l'unique avantage, en 
somme, consiste à épargner un peu de travail aux députés : le 
président de la Chambre aurait moins de textes à lire; les 
représentants auraient moins de votes par assis et levé à 
émettre. Mais comme il s'agit d'opérations inévitables par leur 
essence même, sur l'adoption desquelles aucune discussion 
sérieuse ne s'élève en général, leur élimination du budget ne 
constituera jamais qu'un allégement matériel sans grande 
importance 2. » 

A part le peu d'intérêt que présenterait cette réforme, il ne 
faut pas perdre de vue que la Constitution belge a pris soin de 
maintenir intacte la règle de l'annualité du budget et d'empê- 
cher la formation d'un fonds consolidé. Le budget décennal 
n'était-il pas une espèce de fonds consolidé? Et nos Constituants 
n'ont-ils pas insisté particulièrement sur le vote annuel du 
budget, en haine de la pratique imposée par la loi fondamen- 
tale? 

L'article IH de la Constitution 3, en conférant aux impôts 
un caractère essentiellement temporaire et provisoire, s'oppose 
formellement à leur incorporation dans un fonds consolidé. 



* Stourm, loc cit., p. 307. 
' Itridem. 

' Article 111 : « Les impôts au profit de TËtat sont votés annuellement 
i> Les lois qui les établissent n'ont de force que pour un an, si elles 
ne sont renouvelées. » 



( 205 ) 

Et^ en ce qui concerne les autres recettes et les dépenses, 
l'article liS ne nous paraît pas pouvoir être interprété diffé- 
remment, puisque, d'après cet article, « toutes les recettes et 
dépenses de l'État doivent être portées au budget » et que, 
d'autre part (alinéa 1), le budget doit être voté, chaque année, 
par les Chambres. 

L'introduction du fonds consolidé dans notre organisation 
budgétaire se heurterait donc à un obstacle constitutionnel. 
La régie de l'annualité du budget est absolue et n'admet pas 
d'exception. 

CHAPITRE IL 
Étude préalable du budget par les Gbambres. 

Le budget est soumis dans tous les Parlements à une 
période d'élaboration et d'étude qui précède sa discussion et 
son vote en séance publique. 

Ce travail préparatoire n'est pas organisé, en Belgique, 
différemment pour l'étude du budget que pour l'étude des 
autres projets de loi ^. 

Chacun des quinze projets de budgets est examiné, à la 
Chambre, par les six sections, qui sont composées et renou- 
velées chaque mois par la voie du tirage au sort. 

Chaque section nomme* un président, un vice-président et 
un secrétaire. Après avoir examiné le budget qui lui est sou- 
mis, elle nomme un rapporteur à la majorité absolue. 

Les six rapporteurs se réunissent ensuite, sous la présidence 
du président de la Chambre ou de l'un des vice-présidents, en 
une section centrale, qui nomme, également à la majorité 
absolue, un de ses membres pour faire rapport à l'assemblée 
plénière de la Chambre. 

Au Sénat, l'organisation est quelque peu différente. 

* Cf. Règlement de la Chambre, chapitre V : Des sections et des com- 
missions, articles 51 et suiv... Règlement du Sénat, chapitre V : Des 
commissions, articles 50 et suiv. 



( 206 ) 

Lorsque les budgets sont présentés sous la forme de projets 
de loi distincts — et c'est la règle, — ils sont renvoyés chacun 
séparément à l'examen des commissions compétentes formées 
comme il est dit à l'article 50, alinéas 1, 2, 4 et 5 du règlement 
de la Haute Assemblée. 

(c A l'ouverture de chaque session et après la formation du 
bureau, le Sénat se divise en autant de commissions qu'il y a 
de départements ministériels. 

» Chaque commission se compose d'un nombre égal de 
membres; s'il y a un excédent, il est attribué dans l'ordre 
suivant... 

» Les membres des commissions sont désignés au scrutin 
secret par bulletin de liste et à la pluralité relative des suf- 
frages. 

» En cas de parité, le plus âgé est nommé. » 

Chaque commission nomme, pour toute la durée de la 
session, un président et un vice-président. Elle choisit son 
rapporteur pour chaque affaire (art. 52). 

En cas de présentation des budgets sous la forme d'un 
projet de loi unique contenant le budget général de l'État, une 
commission spéciale est chargée de l'examen de ce projet de 
loi (art. 50, al. 2). 

Cette commission est composée alors de deux membres 
délégués par chacune des commissions ordinaires, nommées, 
comme nous venons de le dire, pour toute la durée de la 
session (art. 52, al. 2). Le président du Sénat est président de 
droit de la commission spéciale du budget (art. 52, al. 3). 

La commission du budget général de l'État nomme, à la 
majorité absolue, un ou plusieurs de ses membres pour faire 
rapport sur Tensemble et sur les diverses parties de ce budget 
(art. 52, al. 4). 

Le règlement de la Chambre (art. 58) prévoit, lui aussi, la 
composition d'une section centrale unique de vingt et un 
membres, dans le cas de la présentation des budgets sous 
forme d'un projet de loi unique *. 

1 Cf. supra, p. 103. 



( 207 ) 

Cette fqrme de présentation n'a été adoptée qu'une seule 
fois, pour le budget de 1884. Nous avons longuement discuté 
la réforme tentée par M. Graux et nous avons fait ressortir les 
avantages qu'elle paraissait présenter. 

Nous avons ajouté aussi que, même dans l'hypothèse de 
projets de budgets distincts, il semblait utile de soumettre 
Tensemble de ces projets à Texamen d'une seule section cen- 
trale ou commission, dont la composition est d'ailleurs prévue 
par les règlements de la Chambre et du Sénat, mais seulement 
en cas de budget unique ^. Pourquoi ne pas appliquer la même 
procédure au cas des. projets distincts? Outre les avantages 
que présenterait une étude d'ensemble du budget, il y aurait 
quelque chance de confier de la sorte l'examen préalable du 
projet gouvernemental aux membres du Parlement les plus 
autorisés et les mieux qualifiés en matière financière. 

La représentation des minorités serait aussi mieux assurée 
dans une section plus nombreuse que ne le sont les sections 
centrales actuelles. 

Les réunions des sections de la Chambre ou des commis- 
sions du Sénat ne sont pas publiques. Non seulement le public 
proprement dit en est naturellement exclu, mais les députés 
ou sénateurs non-membres ne peuvent y assister, fût-ce en 
qualité de simples auditeurs. Les ministres seuls sont admis 
à donner les renseignements qui leur sont demandés. 

Cette espèce de clandestinité des comités d'étude du budget 
se rencontre dans tous les pays, sauf en Autriche, « où tous 
• les membres assistent, s'ils le désirent, aux séances du comité 
des finances ^ » et en Angleterre, dont les communes s'orga- 
nisent, pour la discussion des budgets, d'une manière toute 
spéciale, sous la forme de Committees of the whole home ou 
Comités de la Chambre entière. 

c( Tous les membres qui possèdent une aptitude, un goût 
spécial, une compétence particulière pour les questions finan- 

* Cf. supra, p. 145. 

« Stourm, loc. ciY., p. 278. 



( 208 ) 

cières font spontanément partie de ce Comité ^... Pour le 
constituer un simple jeu de procédure parlementaire, une 
simple motion suffit, motion ainsi conçue : a que le Président 
quitte maintenant le fauteuil ^ ». Après avis conforme de la 
Chambre, le speaker quitte, en effet, le fauteuil, la masse est 
placée sous la table, et un autre président, désigné par ses 
collègues, dirige les débats sûus le nom de chairman. La 
séance continue sans autre interruption; seulement, les 
membres présents sont devenus moins nombreux, la discus- 
sion revêt un ton moins solennel, plus pratique; chacun 
s'exprime sans phrases, en homme d'affaires, prenant et repre- 
nant la parole à plusieurs reprises, ce qui est interdit dans les 
séances générales. Une fois les conclusions adoptées, le chair- 
man les résume en un rapport verbal, devant l'assemblée 
réunie de nouveau sous la présidence du speaker 3. » 

M. Pirmez avait proposé un jour d'introduire la publicité 
des travaux des sections centrales d'après le système anglais 
des comités de la Chambre entière, et une commission avait été 
nommée pour modifier le règlement de la Chambre en ce sens, 
 part un beau rapport de Fauteur de la proposition ^, rien 
n'est resté de cette tentative de réforme, qui échoua devant 
l'hostilité de la grande majorité de la Chambre. 

Cependant, en même temps qu'elle assurait à la minorité 
une représentation très équitable, la proposition Pirmez per- 
mettait à tous les députés travailleurs et de bonne volonté de 
procéder à un examen sérieux du plan financier. 



* Ou plutôt de ces Comités, car on distingue le Committee ofsupply 
pour les dépenses et le Committee ofways and means pour l'application 
des recettes aux dépenses. 

' « M. Speaker do now leave the Chair. » 

* STOimM, loc. dt., p. 278. — Cf. aussi : Bougard et Jèze, I, pp. 275 et 
suiv. ; VON Heckel, Das Budget, pp. 96 et suiv. ; comte de Franqueville, 
Le Gouvernement et le Parlement britanniques^ t. III ; ërskine May, 
Parliamenlary Practice ; Anson, Law and Custom of the Constitution, 
part I : Parliament. 

* Ch. des Représ., sess. de 1887-1888, Doe. pari., n« 148. 



( 209 ) 

En attendant, l'organisation actuelle laisse à désirer sous 
plus d'un rapport. Comme on l'a très justement remarqué^, 
a les travaux des sections centrales se ressentent des habitudes 
itinérantes des représentants. Ces voyages quotidiens abrègent 
forcément leurs délibérations et prennent aux membres un« 
partie du temps qu'il pourraient consacrer à l'étude person- 
nelle des propositions. Il arrive trop souvent que chacun se 
repose sur le rapporteur d'en faire un examen approfondi ». 

Ce n'est pas, en tout cas, aux sections centrales belges que 
l'on pourrait adresser les reproches mérités, par exemple, par 
la commission du budget en France. 

Celte commission présente les caractères suivants ^ : 

1<> elle est temporaire, c'est-à-dire annuelle et renouvelée 
pour chaque budget ; 

2*" elle est composée par la Chambre elle-même : chacun 
des onze bureaux désigne trois de ses membres ; elle se com- 
pose donc de trente-trois membres; 

* L. DupRiEZ, Le gouvernement parlementaire en Belgique. Rapport au 
Congrus iniernational de droit comparé, Paris, 1900. (Bulletin de la 
Société de législation comparée, t. XXIX, p. 611.) 

* Cf. BoucARD et Jèze, I. p. 2«5; Stourm, loc. cit., pp. 275 et suiv.; 
Henri Labbé, De la préparation des lois dans les commissions parlemen- 
taires (inèsa), Paris, Larose, 1901, pp. 77 et suiv. 

Aux États-Unis, les comités du budget sont au nombre de deux 
principaux : le Committee of appropriation, pour les dépenses, et le 
Commiltce of Ways and Means, pour les recettes. 

Ces comités : 1® sont permanents, nommés pour toute la durée du 
Congrès (deux ans) ; 2° les comités de la Chambre sont composés par le 
speaker et non par l'assemblée elle-même, ceux du Sénat sont nommés 
par le Sénat; 3° enfin, ces comités n'ont pas pour mission de contrôler 
le travail de l'Exécutif et d'en faire rapport à leur assemblée ; ils ont à 
préparer le tableau des dépenses et le tableau des recettes. Ils ont Tini- 
tiative budgétaire. (Boucard et Jèze, I, pp. 281 et suiv...) 

Le travail proprement dit de l'étude préalable du budget par la 
Chambre est fait, comme en Angleterre, par le comité de la Chambre 
entière. 

Les comités financiers ariiéricains sont donc moins des organes d'étude 
que des organes de préparation du budget. 

Tome LXVI. 14 



( 210 ) 

3<» elle a une compétence générale en matière financière et 
n'est pas seulement et exclusivement chargée de l'examen de 
la loi des recettes et des dépenses (art. 22 du règlement de la 
Chambre) ; 

4"^ elle n'a qu'une mission d'étude préparatoire des propo- 
sitions du gouvernement, elle n'a pas de pouvoir de décision. 

c( D'une part, elle n'a pas à se substituer au gouvernement; 
d'autre part, elle n'a point à se substituer à l'assemblée qui Fa 
nommée. En fait, cette ligne de conduite est difiScilement 
observée. » 

Et le principal reproche que mérite la commission du bud- 
get française, c'est sa tendance très accentuée à se mettre en 
lieu et place du gouvernement et de refaire la préparation du 
budget, au lieu de se borner à étudier, examiner et critiquer 
les propositions gouvernementales. 

M. Léon Say a qualifié très sévèrement cette tendance, 
lorsqu'il écrivait : « La commission du budget se croit chargée 
de préparer le budget, comme si elle était le ministre, et 
cpmme si les rapporteurs qui composent son Cabinet devaient 
s'asseoir, chacun pour faire un intérim, pendant le temps de 
la session, sur les- fauteuils appartenant aux ministres réels. 
Le ministère occulte, quoique fort visible, formé au sein de la 
commission, prépare donc à nouveau le budget, en se servant 
ou en ne se servant pas de la préparation administrative, faite 
sous la direction des ministres nominaux. La commission se 
croit un gouvernement et les rapporteurs sont ses ministres. 
Il n'est que trop vrai de dire que, s'il y a en France une pré- 
paration du budget, cette préparation est sortie des attribu- 
tions des ministres, et qu'elle est devenue l'attribution essen- 
tielle des commissions du budget du Parlement. C'est un mal 
qui sera sans remède, tant que l'esprit des représentants de la 
nation ne sera pas guéri de cette maladie qui leur fait con- 
fondre, toujours, dans toutes les affaires publiques, le contrôle 
et l'action ^. » 

* LÉON Say, Les Finances. Paris, 1896, pp. 24 et suiv. (Bibliothèque 
de la Politique et de la Science sociale, sous la direction de MM. Charles 
Benoist et André Liesse.) 



(211 ) 

Les sections centrales belges ne tombent certes pas dans ce 
travers. Elles ne dépassent pas les limites de leur mission 
d'étude préalable pour empiéter sur le terrain de la prépara- 
tion du budget. Au contraire, on peut leur reprocher, d'une 
manière générale et surtout pour certains budgets importants, 
de ne pas scruter d'une manière assez approfondie les propo- 
sitions ministérielles et de se contenter trop facilement de les 
entériner purement et simplement. Leurs travaux sont généra- 
lement trop sommaires et trop superficiels. 

Quoi qu'il en soit, ils aboutissent toujours à la rédaction 
d'un rapport qui est l'œuvre du rapporteur nommé spéciale- 
ment à cet effet. 

Ce rapport contient, outre l'analyse des délibérations des 
sections et de la section centrale, des conclusions motivées. Il 
est imprimé et distribué au moins deux jours avant la discus- 
sion en assemblée générale, sauf les cas où la Chambre en 
décide autrement {art, 57 du règlement de la Chambre) ^. 

La valeur de ces rapports est évidemment très relative et 
dépend de la valeur des rapporteurs eux-mêmes. Ceux-ci se 
bornent le plus souvent, selon le vœu du règlement, à analy- 
ser les délibérations, à résumer les opinions échangées et à 
motiver très sobrement les conclusions. Certains budgets four- 
nissent, en règle générale, matière à plus de développements. 
 l'occasion du budget des voies et moyens, par exemple, le 
rapporteur a l'habitude d'apprécier dans son ensemble la 
situation financière du pays. 

Parfois ces limites étroites sont largement dépassées : les 
rapports s'étendent, se développent, au point de devenir, selon 
l'expression de M. Woeste 2 « de véritables traités, de véritables 

^ Article 51 du règlement du Sénat : « Les rapports des commissions 
contiennent, outre Tanalyse des délibérations, des conclusions motivées. 
Us sont déposés sur le bureau, imprimés et distribués la veille de la 
discussion générale, à moins que le Sénat n*en décide autrement. Le 
Sénat peut en ordonner la lecture en séance publique. 

, Ch. de^ Représ., séance du 5 mai 1902. 



( 212 ) 

livres avec lable des matières. La Chambre, ajoutait-il, devrait 
rentrer dans la tradition parlementaire et n'admettre que des 
rapports courts et substantiels, reflétant les observations pré- 
sentées par la section centrale ». 

D'autre part, M. Renkin disait très justement aussi : « Le 
devoir des sections centrales et des rapporteurs est d'examiner 
sérieusement et consciencieusement, suivant leur importance, 
les budgets qui leur sont soumis... 11 est impossible de borner 
les rapports au résumé des débats en sections. Â raison de 
notre méthode de travail en sections» aucune idée générale ne 
s'y fait jour, et si on ne poussait pas plus à fond l'étude du 
budget, le contrôle parlementaire deviendrait illusoire ^. » 

Il n'est pas possible assurément de tracer des règles à la 
rédaction des rapports. Le plus ou moins de développements 
à leur donner dépendra surtout de l'importance des intérêts 
en cause et des problèmes à l'ordre du jour. 

Un rapport peut être « court et substantiel » sans se ravaler 
pour cela au rang de procès-verbal incolore et impersonnel. 
Il peut, d'autre part, s élever à des idées générales, à des vues 
d'ensemble, sans devenir pour cela prolixe, diffus et volumi- 
neux. 

C'est une question de mesure et de juste milieu que la 
compétence, le talent et le tact du rapporteur tranchera dans 
chaque cas particulier. 



CHAPITRE III. 
La disoussion des budgets. 

Le règlement de la Chambre organise cette discussion, pour 
les budgets comme pour tous les autres projets ou propositions 
de loi, de la manière suivante 2 : 

Article 39 : a La discussion qui suivra le rapport de la 

* Cf. Ch. des Représ., séance du matin du 7 mai 1902. 

* Cf. les articles correspondants du règlement du Sénat : art. 39 et 40. 



(213) 

section centrale ou de la commission est divisée en deux débats : 
la discussion générale et celle des articles. 

Article 40 : « La discussion générale portera sur le principe et 
Èur r ensemble de la proposition. Outre la discussion générale et 
la discussion des articles, la Chambre pourra ordonner une 
discussion sur fensemble de chacune des divisions d'une propo- 
sition. » 

Article 41 : « La discussion des articles s'ouvrira successive- 
ment sur chaque article, suivant son ordre, et sur les amen- 
déments qui s'y rapportent. » 

La discussion des articles, sauf le cas d'amendement, cas 
relativement rare en Belgique, s'efface généralement devant la 
discussion générale. 

Celle-ci se renouvelle pour chaque projet de loi distinct, 
dont la réunion constitue le budget. Elle porte fréquemment 

— en ce qui concerne les principaux budgets — sur la poli- 
tique générale suivie par le gouvernement ou sur les mesures 
particulières prises par le ministre en cause, et Ton comprend 
qu'il en soit ainsi, puisque le budget ne fait en somme que 
traduire en chiffres l'orientation donnée au gouvernement du 
pays. 

La politique financière proprement dite est plus négligée; 
elle est plus spécialement discutée à propos du budget des 
voies et moyens, du budget de la dette publique ou du budget 
extraordinaire, mais il est rare que cette discussion revête en 
Belgique l'ampleur qu'elle a souvent en d'autres pays. 

Le fractionnement du budget en une série de projets de loi 
séparés explique sans doute cette situation et aussi peut-être 

— à part quelques exceptions — le manque d'hommes spécia- 
lement versés dans la connaissance développée des questions 
financières. 

Parlant du Parlement français, M. Stourm décrit en termes 
pittoresques la physionomie d'une discussion de budget ^ : 
« Trois classes d'orateurs, dit-il, se distinguent toujours dans 

* Stourm, lac. cit., pp. 288-289. , 



( 214 ) 

ces grands débats budgétaires. D'abord l'orateur de l'opposi-. 
tion, attaquant sans merci Tensemble de la politique financière, 
déclarant que l'on court à la ruine, que Ton dilapide les deniers 
publics, ou bien inversement, que Ton se complaît dans une. 
inertie fatale, que le char s'embourbe, le tout suivant qu'il 
siège à l'extrême droite ou à Textréme gauche ; puis l'orateur 
modéré, partisan, sans doute, du système gouvernemental et 
défenseur des lois intangibles, mais croyant de son devoir de 
ne pas ménager les avertissements; sous ce couvert, il reprend, 
avec plus d'autorité et quelques correctifs, les critiques de ses 
prédécesseurs et provoque les applaudissements unanimes des 
centres; enfin, l'orateur officiel, ministre, commissaire du 
gouvernement, ou rapporteur général, qui monte au Capitole. 

» En tous cas, les esprits généralisateurs abordent seuls 
alors la tribune ; les défenseurs des intérêts de clocher, les 
députés en quête de subventions pour leur arrondissement se 
réservent pour la discussion des articles. » 

Cette fine description s'applique sans doute, mutatis mutan- 
dis, à la plupart des Parlements; elle s'adapte en tout cas au 
Parlement belge, où l'on voit dans les discussions budgétaires 
apparaître les mêmes personnages, mais où l'on retrouve sur- 
tout ce que M. Frère-Orban appelait un jour : le défilé des men- 
diants. 

« La manière, disait-il le 16 décembre 1884 ^, dont on a 
coutume de procéder, dans cette Chambre, à la discussion du 
budget contribue à ce qu'il en soit ainsi (retard considérable 
dans le vote)... Je veux parler de ces discussions interminables 
qui ont lieu, en réalité, à côté du budget plutôt que sur le 
budget lui-même; il en est ainsi surtout à propos du budget 
du chemin de fer, des budgets de l'intérieur et des travaux 
publics. Nous assistons alors à ce que l'on a appelé dans un 
langage qui n'est peut-être pas tout à fait parlementaire, le 
défilé des mendiants» 
, » Nous entendons des discours qui sont, en réalité, des; 

« Gh. des Représ,, sess. de 1884-1885, Ann^parL, p. ^2. 



( 218' y 

adresses aux électeurs, pour ne point dire des réclames élec- 
torales; leur but est d'indiquer que les membres de la 
Chambre s'occupent spécialement des intérêts locaux des 
arrondissements qu'ils représentent. » 

La situation ne s'est pas améliorée depuis que ces paroles 
ont été prononcées. Bien au contraire, et il est facile de s'en 
assurer en ouvrant les Annales parlementaires de ces dernières 
années. 

Dans l'étude que nous avons déjà citée, M. Dupriez ^ expose 
d'une manière très exacte le mode vicieux des discussions 
budgétaires actuelles en une page qui peut se passer de com-r 
inentaire. 

ce En- Belgique, les discussions sur les budgets sont intermi- 
nables, c'est là une vieille pratique que les Chambres censi- 
taires avaient inaugurée et que les Chambres élues par le 
suffrage universel ont encore développée. Â côté de quelques 
orateurs. qui entreprennent la critique de l'administration ou 
attaquent la politique du gouvernement, on voit se succéder 
l'innombrable série des députés qui viennent solliciter des 
travaux ou des faveurs quelconques pour leurs arrondisse- 
ments. L'accumulation de ces réclames électorales n'a nulle- 
ment diminué avec le nouveau régime. Les députés ont mêmt 
pris l'habitude, à propos de chaque budget, de critiquer les 
lois, de réclamer des projets nouveaux relativement à ce qui 
de près ou de loin se rattache à la mission du département en 
cause. 

» S'agit-il d'un projet qui intéresse une classe nombreuse 
d'électeurs, comme les agriculteurs, dix ou quinze orateurs se 
succéderont à la tribune pour réclamer la mém.e réforme. 

» Le S4 janvier 1895, M. Begerem, ministre de la justice, 
constatait que cinquante et un orateurs venaient de prononcer 
cinquante-huit discours dans la discussion générale du bud- 

* Le gouvernement parlementaire en Belgique. (Bulletin de la Société 

DE LÉGISLATION COMPARÉE, t. XXIX, 1899-1900, pp. 619^20.) 



(216) 

get, qui n^était pas close 4, et que, s'il voulait accéder aux 
demandes qui lui étaient adressées il devrait déposer vingt-six 
projets de loi et augmenter les dépenses annuelles de près de 
3 millions et demi. Si le ministre de l'agriculture ou celui des 
chemins de fer s'étaient livrés au même travail de statistique, 
ils seraient arrivés à des résultats encore plus étonnants. 

* Un autre exemple, pris au hasard. En séance du 24 mai 1901, au 
début de la discussion du budget de Tagriculture et des beaux-arts, le 
président croit devoir faire connaître à l'assemblée que 6S orateurs sont 
déjà inscrits pour cette discussion. Et il y avait alors iô3 députés ! 
. n arrive aussi que certains députés distraits, pressés d*écouler leur 
stock de réclamations et de doléances, les distribuent à tort et à travers, 
sans s'assurer qu'elles s'adressent vraiment au ministre en cause. 

.Témoin ce dialogue que nous trouvons dans cette même discussion du 
budget de l'agriculture. (Chambre, 29 mai 4901, Ann. pari., p. 4255.) 

M. le Président. — M. Giroul, je vous prie d'abréger, voire temps de 
parole étant expiré. 

M. Giroul. — Je vais déférer à votre désir, M. le Président... Dans le 
pays wallon, il y a beaucoup de routes macadamisées. Quand on les 
recharge, la circulation devient impossible. Je demanderai au gouver- 
nement de faire l'acquisition de rouleaux compresseurs à vapeur... 
Des réclamations doivent être parvenues à M. le Ministre de l'agricul- 
ture et je lui recommande chaleureusement la pétition qu'il a dû recevoir 
dli Molo-Club. 

M, le Ministre de V agriculture, — Cela ne me regarde pas ; vous vous 
trompez d'adresse. 

M. GirouL — C'est possible. Monsieur le Ministre, mais avec votre 
amabilité habituelle, j'ai la persuasion que vous transmettrez la récla- 
mation dont il s'agit à votre collègue que la chose concerne. . . J'appelle 
maintenant l'attention de l'honorable ministre sur le retard apporté à la 
construction de divers chemins de fer vicinaux déjà décrétés dans mon 
arrondissement... 

M, le Ministre. — Cela concerne les chemins de fer! (Hilarité.) 

M. GirouL — Enfin, Messieurs, je termine par une demande relative 
à l'exportation en France de nos eaux minérales et à l'importation des 
eaux minérales françaises. 

M. De Bruyn. — Cette question-là est de la compétence du ministre 
des finances. 

M. GirouL — Je signale donc au gouvernement, puisqu'il parait que ce 
n'est pas le ministre de l'agriculture qui est compétent, cette situation... 



(217) 

» Le mal est devenu si grave que la Chambre a dû prendre 
des mesures pour y parer; en 1899, elle a ajouté une disposi- 
tion nouvelle à son règlement, aux termes de laquelle, pendant 
la discussion des budgets, les séances s'ouvrent à 1 heure et se 
prolongent jusque 6 heures; mais, comme il convient de ne 
point troubler les députés dans leurs habitudes de voyage, 
aucun vote ne peut avoir lieu avant 2 heures, ni après 5 heures. 
Aussi, l'orateur qui parle durant la première ou la dernière 
heure n*a généralement pour auditeurs que le président, le 
secrétaire, le ministre intéressé et deux ou trois collègues qui 
attendent leur tour de parole. Qu'importe d'ailleurs? Les dis- 
cours sont faits pour l'électeur, ils sont imprimes aux Annales 
et les journaux en donnent le compte rendu : ils ont atteint 
leur but. Pour gagner du temps et éviter la multiplication des 
discours inutiles*, la Chambre a même pris un singulier expé- 
dient : elle décidait de joindre à la discussion de tel ou tel 
budget, la délibération sur un projet de loi réclamé avec 
insistance par un groupe parlementaire. » 

Non seulement les discussions du budget sont intermi* 
nables et remplies de hors-d'œuvre , quand elles ont lieu, mais 
il arrive par contre, en ces derniers temps surtout — la 
Chambre ayant mis la même prolixité dans Fexpédition des 
autres affaires qui l'occupent, — que ces discussions sont 
étranglées, en fin de session, ou même supprimées complète- 
ment. 

a 11 est d'ailleurs arrivé à plusieurs reprises, dans ces der- 
nières années, continue Af. Dupriez ^, que la Chambre s'est 
trouvée dans la nécessité absolue d'abréger ses délibérations 
sur une partie des budgets. Elle était arrivée aux dernières 
limites de la session et plusieurs budgets restaient à discuter. 
L'assemblée commençait par limiter à trente, à quinze, à 
dix minutes même, le temps laissé à chaque orateur. Cela ne 
suffisait pas encore; les orateurs se multipliaient au furet à 
mesure qu'on écourtait les discours. Finalement, il fallait 
voter sans aucune discussion l'un ou l'autre budget : c'est ce 

* Loc.cit., p. 620. • • ^ - • 



( 218 ) 

qui est arrivé notamment pour les deux premiers budgets du 
nouveau ministère de l'industrie et du travail. En 1895, le 
gouvernement s'était mis d'accord avec les chefs de l'opposi- 
tion pour faire mettre à l'ordre du jour chaque budget pour 
Texercice 1896, immédiatement après le projet correspondant 
pour 189S; le second projet était naturellement voté sans 
aucun débat, ^expédient ne fut toutefois appliqué alors 
qu'aux budgets de trois départements, et, depuis cetle époque, 
il ne fut plus question de le renouveler. » 

En 1902, la Chambre a voté sans discussion les trois der- 
niers jours de la session (5, 6, 7 mai), outre divers projets de 
loi rattachés, sept budgets importants, parmi lesquels celui des 
chemins de fer, dont la gestion financière venait de subir de 
très sérieuses critiques en section centrale, et le budget extra- 
ordinaire, dont les crédits s'élevaient à plus de 140 millions. 

La session devant se clôturer le mercredi 7 mai, à cause des 
élections du 23, M. le Ministre des finances et des travaux 
publics fit à la Chambre, le 5 mai, la motion suivante : ce II 
est évident que la Chambre ne peut prétendre discuter les 
budgets comme il convient, d'ici à mercredi soir. Je propose 
donc de les voter sans discussion, étant entendu que les 
observations consignées dans les divers rapports feraient de 
plein droit l'objet de la discussion des budgets de 1903, en 
novembre prochain. » 

Cette proposition fut acceptée par la Chambre, après que 
les leaders des divers partis eussent naturellement décliné 
toute responsabilité dans cet état de choses anormal. 

La discussion du budget au Parlement belge peut actuelle- 
ment, en définitive, être caractérisée de la manière suivante : 

Ou bien la Chambre ne discute que superficiellement ou 
pas du tout : elle s'est attardée à d'autres discussions souvent 
oiseuses et se trouve empêchée, en fin de session, de donner 
tous ses soins à Télaboration du budget ^, qui constitue 

* Le dépôt tardif du budget par le gouvernement en est parfois cause 
aussi. C'est le cas en particulier pour le budget extraordinaire. (Cf. 
supra, p. 148.) 



( 219 ) 

cependant l'oeuvre capitale du Parlement en tous pays. Cette 
situation se présente surtout les années de renouvellement 
partiel des Chambres, soit tous les deux ans. 

Ou bien la Chambre discute à perte de vue, sans mesure et 
plutôt, comme le disait Frère-Orban, à côté du budget quç sur 
le budget. Cela se passe généralement les années où il n'y a 
pas d'élection. La Chambre peut alors étendre démesurément 
la session et les députés en profilent pour donner libre cours 
à ce que Ton est convenu d'appeler « l'éloquence parlemen- 
taire ». Ces années-là , les derniers budgets ne sont votés 
qu'en juillet, en août ou môme en septembre. 

Quant au Sénat, il est très empêché dans les deux hypo- 
thèses de remplir sa mission et les discussions du budget y 
sont fatalement très écourtées. 

11 serait hardi de prétendre que ces mœurs contribuent 
à relever le prestige, trop ébranlé déjà, du régime parlemen- 
taire. 

Nous n'avons pas à rechercher ici les causes profondes ou 
prochaines de cette situation. Une chose est certaine, c'est que 
personne ne peut s'en déclarer satisfait. 

IL faut donc moditier ces pratiques vicieuses et il n'y a de 
remède que dans le Parlement lui-même. Il est le maître de 
ses destinées, c'est à lui de régler l'ordre de ses travaux, c'est à 
lui aussi de s'imposer la discipline indispensable à sa dignité 
et à son bon renom. 

On a indiqué diverses réformes possibles. On a proposé 
notamment, afin de diminuer l'aiflux des orateurs, qui trop 
souvent se répètent les uns les autres, d'introduire une cou- 
tume déjà usitée dans certains Parlements, et en particulier au 
Reichstag allemand, et de confier à des porte-paroles désignés 
par chaque parti le soin de mener la discussion au point de 
vue des idées, des aspirations et du programme du parti qu'ils 
représentent. 

De même, si l'on ne veut pas traiter exclusivement dans les 
cabinets des ministres l'innombrable série des petites réclama* 
tions d'intérêt local, pourquoi ne pas en confier l'exposé au 
Parlement à un seul délégué de groupe ou d'arrondissement 



( 220 ) 

qui centraliserait toutes les demandes et doléances de ses 
collègues? 

II faudrait pour cela que chaque parti représenté au Parle- 
ment s'imposât une discipline salutaire et l'entente des partis 
ftur ce point amènerait facilement les modifications nécessaires 
dans le règlement de la Chambre. 

Mais n'est-ce pas augurer trop favorablement de l'abnéga- 
tion des mandataires de la nation et leur demander un sacri- 
fice peut-être au-dessus de leurs forces? 

Si cependant semblable procédure pervenait à triompher, 
non seulement dans l'élaboration du budget, mais dans toutes 
les discussions législatives, ne produirait-elle pas un soulage- 
ment favorable au fonctionnement plus régulier et plus nor- 
mal du travail parlementaire, sans diminuer en rien le 
contrôle nécessaire et légitime du Pouvoir législatif? 

CHAPITRE IV. 

Le vote article par article. ^ La spécialité budgé- 
taire. — Les transferts. 

Chaque budget, nous l'avons dit, est divisé en un certain 
nombre de chapitres et subdivisé en un nombre variable 
d'articles, dont chacun comprend des dépenses d'une même 
nature et relatives à un même service. 11 «est interdit de con- 
fondre dans un même article les dépenses du personnel et les 
dépenses du matériel {arr. royal du 49 février 4848, art. 4). 

Lorsque la discussion générale du budget est close, chacun 
des articles est successivement mis en discussion par le prési- 
dent et fait l'objet d'un vote spécial de la Chambre. 

L'article H de la Constitution ^ prescrit formellement cette 

* Article 41 : « Un projet de loi ne peut être adopté par Tune des 
Chambres qu'après avoir été voté article par article. » 

Le mot « article » n*a pas rigoureusement la même signification 
dans un budget que dans un projet de loi ordinaire. Mais, pratiquement, 
les articles successifs d*un budget sont discutés et votés comme les 
articles successifs d'un projet de loi quelconque. 



( 221 ) 

procédure pour toutes les lois sans distinction, donc aussi 
pour les lois budgétaires. 

La Chambre peut ainsi exercer le droit d'amendement qui 
lui est expressément reconnu par l'article 42 i. 

Par cette procédure aussi, la spécialité budgétaire est assurée, 
puisque chaque article du budget ne concerne qu'un groupe de 
recettes ou de dépenses d'une nature déterminée, et qu'il est 
interdit aux exécuteurs du budget d'opérer des transferts, c'est- 
à-dire de faire servir à une dépense les sommes votées pour 
une autre dépense. « Chaque chapitre s, dit H. Stourm, sanc- 

* « Les. Chambres ont le droit d'amender et de diviser les articles et 
les amendements proposés. » 

« En France, les lois de comptabilité ont organisé la spécialité par 
chapitre, tandis que la Belgique possède la spécialité par article. 

Mais il n*y a là qu'une dififérence de terminologie et on n*en peut 
conclure que la spécialité soit plus étendue chez nous que chez nos 
voisins. 

Le budget français de 1900 contenait 1087 chapitres, soumis chacun à 
un vote spécial des Chambres. (Stourm, loc. cit., p. 298.) 

Le budget belge de 1902 comprenait 763 articles, répartis comme il 
suit: 

Budget de la dette publique 40 articles. 

— des dotations 10 — 

— de la justice 63 — 

— des afiFaires étrangères . . 23 — 

— de rintérieur et de Tinstruction publique. 121 — 

— de Tagriculture 73 — 

— de rindustrie et du travail 42 — 

— des chemins de fer 58 — 

— de la guerre 44 — 

— de la gendarmerie 3 — 

— des finances 61 — 

— des non-valeurs .* 11 — 

— des recettes et dépenses pour ordre ... 120 — 

669 articles. 
Budget extraordinaire 33 — 

— des voies et moyens 61 — 

763 articles. 



( 222 ) 

tionné individuellement par un vote particulier, devient une 
personnalité pourvue d'une dotatioo distincte, dont le Pou- 
voir exécutif devra strictement respecter les limites » (loc. cit.. 
p. 49). 

La Cour des comptes est spécialement chargée par Tar- 
ticle 116, alinéa 2 de la Constitution, de veiller à ce que la 
spécialité budgétaire soit respectée par le Pouvoir exécutif, 
elle en contrôle la stricte application. 

Sous le régime hollandais, la spécialité budgétaire, nous 
l'avons dit i, n'existait que pour la forme, malgré l'article 127 
de la loi fondamentale qui prescrivait la spécialité par minis- 
tères et interdisait d'opérer des transferts de l'un à l'autre, 
sans le concours des États-Généraux. Hais le règlement de la 
seconde Chambre des États-Généraux obligeait les députés à 
voter ou à rejeter le budget en bloc et n'admettait ni vote par 
articles ni amendement. 

Le système de la spécialité par articles, consacré par notre 
Constitution, met au contraire les Chambres belges en pleine 
possession du contrôle parlementaire. Car il ne suffit pas à un 
Parlement d'avoir le droit de voter l'impôt, il ne lui suffit pas 
d'avoir le droit de voter la dépense, il doit aussi pouvoir 
s'assurer que les crédits qu'il a votés ne sont pas détournés de 
l'objet auquel ce vote les avait spécialement destinés. 

En votant les budgets article par article, nos Chambres 
déterminent cet objet pour chaque cas particulier, et lorsque 
le budget sera eh voie d'exécution, elles pourront, grâce au 
contrôle journalier de la Cour des comptes, suivre chaque 
dépense et veiller à ce que son imputation soit régulière et 
conforme au vote émis. 

Le transfert des crédits d'un article du budget à un autre 
article est donc interdit aux ministres. 

En pratique, il peut cependant se présenter des cas où les 
crédits affectés à telle dépense par tel article du budget soient 

* Cf. supra, pp. 49, 50, 63, 64, 84. 



( 223 ) 

supérieurs aux besoins, tandis que les crédits affectés à une 
autre dépense par un autre article ne suffisent pas au service 
en question. 

Le ministre intéressé ne pourra-t-il donc pas imputer ce qui 
manque à ce dernier sur le surplus du premier article? 

De sa propre autorité, non. 

Avec l'assentiment du Parlement, oui. 

Cest pourquoi, chaque année, en même temps qu'il solli- 
cite les crédits supplémentaires nécessaires, le gouvernement 
demande aux Chambres l'autorisation d'opérer certains trans- 
ferts. 

Les crédits supplémentaires, les transferts et les régularisa* 
tions font généralement l'objet d'un seul et même projet de loi. 

Dans le dernier projet de loi déposé sur cet objet *, l'article !•* 
concerne les crédits supplémentaires et l'article 2 les trans- 
ferts. 

Article 2 : « Sont autorisés, à concurrence cFune somme de 
fr. 696,^55 90, les transferts à des budgets de V exercice 1901 
détaillés au tableau B annexé à la présente loi et répartis par 
budget ainsi qu'il suit : 

Pour le budget de la justice fr. 476,100 » 

— de rintérieur et de rinstruction publique. . 24,29160 

— de rindustrie et du travail 3,000 » 

— des chemins de fer, postes et télégraphes. . 87,560 » 

— de la guerre • 105,283 30 

fr. 696,234 90 



Le tableau B indique pour chacun des budgets intéressés et 

* Projet de loi allouant des crédits supplémentaires et autorisant des 
transferts et des régularisations à des budgets de Texercice 1901. (Ch. des 
Représ., séance du. 9 avril 1902, Doc. parL, n9 110.) 



( 224 ) 

par article « le montant des transferts dont les crédits budgé- 
taires doivent être diminués ou augmentés ^ ». 

On voit, par Texemple que nous donnons en note, que le 
total des augmentations autorisées sur certains articles d'un 
budget est compensé exactement par le total des diminutions 
opérées sur d'autres articles, et il doit toujours en être ainsi. 

Les transferts consistent simplement en des mutations de 
crédits entre articles d'un même budget, dans les limites des 
crédits accordés pour ce budget. Ils n'aboutissent jamais à des 

* Par exemple pour le budget de la justice : 



MONTANT DES TRANSFERTS bONT LES 


CRÉDITS BUDGÉTAIRES DOIVENT ÊTRE 


DIMINUÉS. 


AUGMENTÉS. 


Articles 
du budget 


Sommes. 


Articles 
du budget 


Sommes. 


2 


4.200 


3 


4.000 


6 


3,000 


4 


3,800 


8 


30,500 


5 


1,300 


10 


43,000 


9 


3,300 


21 


'61,000 ■ 


12 


1,200 


23 


60,000 


14 


500 


32 


87,000 


22 


7,500 


38 


10,000 


41 


175,000 


46 


6,100 


43 


500 


56 


21,100 


45 


80,500 


60 


50,300 


49 


13,750 


63 


400,000 


50 


3,250 


. 




51 


4,700 






52 


21,900 






54 


2,200 






58 


1,700 






69 


700 






61 


I50,:^oo 


Total. 


. . 476,100 


Total. 


. . 476,100 



( 225 ) 

augmentations de crédits. Celles-ci sont Tobjet des crédits 
additionnels, supplémentaires ou complémentaires. 

Les augmentations demandées pour certains articles des 
budgets aux dépens d'autres articles sont d'ailleurs justifiées 
pour chaque article par la note annexée au projet de loi. 

Quant aux régularisations qui font l'objet des articles 3 à 6 
du projet, elles sont relatives à des créances dûment établies, 
afférentes aux exercices 1900 et antérieurs, qui n'ont pu être 
liquidées entemps opportun par suite de circonstances excep- 
tionnelles, et que la situation des crédits permet de liquider 
sur les budgets de 1901. 

Ces créances dûment établies, mais non liquidées et affé- 
rentes à des exercices clos, sont rattachées à des articles déter- 
minés des budgets de 1901 des ministères intéressés, articles 
dont les crédits ne sont pas épuisés. 

Par exemple, le ministre de l'intérieur et de l'instruction 
publique est autorisé (art. 4) à imputer sur le budget de son 
département pour 1901 : à charge de l'article 3 (fournitures 
de bureau, etc.), deux créances se rapportant à l'exercice 
1900, l'une d'une somme de 4o francs due à un fournisseur, 
l'autre d'une somme de fr. 6 70 restant due à l'administration 
des chemins de fer pour transports effectués pour compte du 
département. 



CHAPITRE V. 
L'initiative parlementaire en matière budgétaire. 

On entend par initiative, en matière législative, le droit 
pour chacun des organes du Pouvoir législatif de faire une 
proposition de loi ou de déposer un amendement à une pro- 
position déjà faite. Le droit d'amendement est un corollaire 
du droit d'exercer l'initiative en ordre principal, en faisant 

Tome LXVI. 15 



( 226 J 

une proposition de loi. Il constitue, selon l'expression d'un 
auteur, ce une initiative incidente ^ ». 

D'après l'article 26 de la Constitution, le Pouvoir législatif 
s'exerce collectivement par le Roi, la Chambre des repré- 
sentants et le Sénat, et l'initiative, aux termes de l'article 27, 
alinéa 1^, appartient à chacune de ces trois branches du Pou- 
voir législatif. 

L'initiative est gouvernementale ou parlementaire, selon 
qu'elle s'exerce par le Roi ou par les membres de l'une des 
deux Chambres. Ces deux espèces d'initiative sont consacrées 
au même titre par la Constitution. Le gouvernement et les 
Chambres peuvent l'exercer en toute matière législative, sans 
distinction : donc aussi en matière financière et budgétaire, 
sauf l'exception inscrite à l'article 27, alinéa 2, et relative au 
Sénat, dont nous nous occuperons plus loin. 

Le droit d'initiative des membres de la Chambre des repré- 
sentants en matière budgétaire comme en toute autre est 
donc formellement proclamé par la Constitution belge et ne 
subit aucune restriction. La plupart des constitutions étran- 
gères adoptent le même principe. 

Cependant les abus de Texercice de ce droit par les 
membres du Parlement ont fait naître, spécialement en 
France, des doutes sur l'utilité et même sur la légitimité de 
l'intervention des députés dans là fixation des recettes et des 
dépenses de l'État â. 



* Le droit d'amendement est expressément garanti par Tarticle 42 de 
la Constitution : « Les Chambres ont le droit d'amender et de diviser les 
articles et les amendements proposés ». 

Il est organisé par les articles 42 à 45 du Règlement de la Chambre et 
par les articles 42 à 44 du Règlement du Sénat. 

* Cf. à ce sujet : Louis Michon, L'initiative parlementaire et la réferme 
du travail législatif. Paris, Chevalier-Marescq, 1898 ; Idem, L'initiative 
parlementaire en matière financière, (Revue du droit public et de la 
SCIENCE POLITIQUE, septcmbre-octobre 1898); Emile Larcher, ^initiative 
parlementaire en France. (Étude de droit constitutionnel, Prix Rossi, 
1896). Paris, A. Rousseau, 1896. 



( 227 ) 

Cette intervention ne s*exerce pas par voie d'initiative prin- 
cipale. Il n'appartient pas au Parlement ni à aucun de ses 
membres de proposer la loi budgétaire. Il est naturel et néces- 
saire que la préparation du budget et par conséquent sa pré- 
sentation aux Chambres, émane exclusivement du Pouvoir 
exécutif. 

C'est donc par voie d'amendement aux propositions du gou- 
vernement que peut seule s'exercer l'initiative parlementaire 
en matière budgétaire. 

Or, l'expérience montre que les amendements le plus 
fréquemment introduits par les députés tendent surtout à 
l'augmentation des dépenses et à la réduction des impôts. 

En exerçant de la sorte leur droit d'initiative, les députés 
sacrifient trop facilement l'intérêt général à certains intérêts 
particuliers, qui sont le plus souvent des intérêts électo- 
raux. 

Demander sans discernement d'une part des augmentations 
de dépenses et de l'autre des réductions de recettes, c'est vou- 
loir imposer au gouvernement la solution de la quadrature du 
cercle. On comprend que celui-ci regimbe. Beaucoup de ces 
amendements ne trouvent d'ailleurs pas un appui suffisant au 
sein du Parlement, mais un trop grand nombre parvient encore 
à s'infiltrer dans les lois budgétaires, surtout à l'approche des 
échéances électorales. 

Là est l'abus de l'initiative parlementaire, qui aboutit, en 
certains pays, à un accroissement inquiétant des charges 
publiques et à une perturbation chronique de l'équilibre 
budgétaire. 

En multipliant ces amendements tendant à l'augmentation 
des dépenses, le Parlement sort de son rôle traditionnel et 
historique, qui est d'être essentiellement, en matière budgé- 
taire, un organe de contrôle de l'administration des deniers 
publics, et de mettre un frein aux dépenses et par conséquent 
aux charges qui grèvent les contribuables. 

M. de Smet de Naeyer, avec beaucoup d'à-propos, rappelait 



( 228 ) 

récemment à la Chambre ^ ces vrais principes du régime 
parlementaire : « Messieurs, disait-il, puisque j'ai la parole, 
permettez-moi d'exprimer l'opinion que la Chambre semble 
faire bon marché des véritables traditions du régime parle- 
mentaire. 

» A l'origine, dans tous les pays constitutionnels, on consi- 
dérait Fintervention du Parlement en matière de dépenses 
publiques comme ayant pour but principal de contrôler la 
gestion financière du gouvernement, notamment d'empêcher 
celui-ci de faire des dépenses excédant les facultés des contri- 
buables. 

» De nos jours, au contraire, il semble qu'au droit de con- 
trôle, on veuille substituer le droit d'imposer des dépenses 
exagérées. 

» Je ne crains pas de le proclamer, nous avons tout fait, et 
non sans succès, pour consolider de plus en plus les finances 
du pays. Que si maintenant le Parlement lui-même entre dans 
une voie qui conduit au résultat contraire, c'est lui qui portera 
la responsabilité devant le pays. 

» M, Cavrot. — La caisse est vide! 

» M. le Ministre des finances. — Ce qui est vrai, c'est que 
vous vous ingéniez de toute façon à la vider! » 

Un publiciste distingué, M. Ed. Van der Smissen, profes- 
seur à l'Université de Liège, écrivait dans le même sens 2 : 
c( Nous disons que proposer des dépenses nouvelles est un 
usage contraire non seulement à la fonction historique des 
parlements, mais aux principes rationnels du droit public 
moderne. 

» Cette thèse pourra paraître singulière à première vue, car 
nous voyons le vote des budgets — qu'il s'agisse du budget 
des voies et moyens ou des budgets des dépenses — affecter la 
forme de la loi, être l'une des opérations normales du Pouvoir 

* 5 juin 1901. Ann. parL, p. 1329. 

* La Réparation des pouvoirs et les budgets. (Moniteur des intérêts 
MATÉRIELS, 20 août 1899.) 



( 229 ) 

législatif. Dès lors, le droit d'initiative et d'amendement qui 
appartient, d'une manière générale, en matière de lois, à 
chacun des membres du Parlement, semble pouvoir s'exercer 
en matière de finances. 

» Mais qu'est-ce que la fonction législative? 

» Elle consiste à donner à la nation ces directions générales 
qui doivent garantir la liberté des citoyens et la bonne admi- 
nistration de l'État. Elle ne s'étend pas rationnellement au 
delà. 

» Au delà, c'est l'exécutif qui entre en scène. C'est lui qui 
exécute les lois, c'est-à-dire qui pourvoit à leur mise en 
œuvre, notamment par l'organisation des pouvoirs publics. 
Cette organisation comporte normalement la fixation des 
dépenses d'administration et le recours aux voies et moyens 
d'y pourvoir, par la levée d'impôts ou autrement. 

» Sans doute, cette séparation exacte des deux fonctions 
n'est pas réalisée en tous points dans notre droit positif, 
comme on vient de le voir. En effet, la préoccupation constante 
du Congrès, à qui nous devons la Constitution belge, a été 
— par réaction contre les abus du régime de réunion aux 
Pays-Bas — de maintenir le Pouvoir exécutif dans une sphère 
d'action étroitement limitée. On retrouve des traces de ce souci 
dans le titre des finances : la Constitution veut que le Parle- 
ment approuve les recettes et aussi les dépenses, parce que ce 
sont choses corrélatives. Elle veut méine que le vote relatif à 
cet objet soit annuel, pour assurer le contrôle permanent qui 
doit garantir une gestion économe. 

» Le rôle du Parlement, l'approbation des recettes et des 
dépenses, apparaît nettement, d'après ce qui précède, comme 
une mesure de contrôle. Le Parlement sort de ce rôle quand 
ses membres invitent l'exécutif à faire certaines dépenses, 
quand il va jusqu'à les lui imposer... Le Parlement accomplit 
sa fonction essentielle lorsqu'il donne des lois au peuple. 
Lorsqu'il approuve les initiatives financières de l'exécutif, il est 
l'organe de l'assentiment du peuple à l'impôt, en même temps 
qu'un frein aux dépenses. 




( 230 ) 

» Ce rôle est méconnu par la pratique qui s'introduit. 

» Notre critique est tout à fait indépendante de la nature 
des dépenses dont le Parlement prendrait l'initiative. Si utile 
que telle ou telle de ces dépenses puisse être, le vrai moyen 
de déterminer le gouvernement à la faire est différent. Il faut 
ou bien recourir à la voie de l'interpellation, ou bien proposer 
une loi organique. Il ne faut pas ajouter un centime de 
dépenses aux budgets. 

» Qu'on y songe bien. Il s'agit d'une question de principe. 
Le maintien de l'équilibre budgétaire et, par contre coup, le 
crédit même du pays sont ici en jeu. » 

Cest en s'inspirant de ces idées et pour mettre fin aux abus 
constatés que certaines constitutions européennes ont expres- 
sément restreint, par des textes formels, l'initiative parlemen- 
taire en matière financière. 

En Grèce, bien que Tinitiative appartienne au Roi et à la 
Chambre, l'article 24 de la Constitution du 16-28 novembre 
1864 déclare cependant : a Aucune disposition relative à 
l'augmentation des dépenses publiques, pour l'établissement 
de traitements ou de pensions, ou en général pour un intérêt 
personnel, ne peut émaner de l'initiative de la Chambre * ». 

L'initiative de la Chambre grecque subsiste donc en matière 
de recettes, elle subsiste aussi en matière de dépenses relatives 
au matériel, elle n'est restreinte que pour les dépenses concer- 
nant le personnel. 

La Constitution du royaume de Wurtemberg va beaucoup 
plus loin : elle interdit aux Chambres toute initiative en ma- 
tière financière, aussi bien pour les recettes que pour les 
dépenses. 

L'article 172, § 1«' de la Charte du 25 septembre 1819, 
modifié en ce sens par la loi constitutionnelle du 23 juin 1874, 
porte en effet : « Les projets de loi relatifs à la création d'un 
impôt, à l'adoption d'un emprunt, à la fixation du budget ou 

* Dareste, Les constitutions modernes, 2* édit., 1891, i. II, p. 283. — 
Cf. MiCHON, loc, cit., p. 286.i 



( 231 ) 

à des dépenses non prévues au budget ne peuvent émaner 
que de l'initiative du Roi seul. Aucun article de dépenses ne 
peut être élevé au delà de l'évaluation faite par le gouverne- 
ment i. » 

Dans d'autres pays, bien que la Constitution ne renseigne 
en aucune façon l'initiative financière du Parlement, celui-ci 
s'est imposé à lui-même une discipline plus ou moins sévère. 

L'exemple le plus connu est celui de la Chambre des Com- 
munes du Royaume-Uni. 

Voici, d'après un passage de Sir Erskine May (Parliamentary 
practice^)^ la pratique suivie par le Parlement anglais. 

La Couronne, agissant selon l'avis de ses ministres respon- 
sables, est le Pouvoir exécutif; elle est chargée du maniement 
de tous les revenus de l'État, et de tous les payements pour le . 
service public. Par conséquent la Couronne, avant tout, fait 
connaître à la Chambre des Communes ses besoins pécuniaires 
et la Chambre vote les aides et subsides propres à satisfaire à 
ces demandes. Ainsi la Couronne demande de Vargent, la 
Chambre des Communes l'accorde^ et les Lords y donnent leur 
consentement. 

Mais la Chambre des Communes ne vote pas de crédits s'ils 
ne sont pas demandés par la Couronne ; elle n'impose et n'aug- 
mente de contributions qu'à moins qu'elles ne soient néces- 
saires pour faire face aux dépenses qu'elle a autorisées ou 
qu'elle est sur le point d'accorder, ou pour combler un déficit 
dans les recettes. 

Le principe consistant à attendre la demande de la Couronne 
pour voter les dépenses publiques n'est pas limité aux besoins 
annuels. Selon un Standing order du 20 mars 1866 : « La 
Chambre des Communes ne recevra aucune demande d'argent 



* Dareste, toc. cil,, t, I, p. 277. — Cf. Michon, lac. cit., p. 287. 

* Nous citons la traduction qu'en a faite M. F.-C. Dreyfus dans son 
livre sur les Budgets de VEurope et des États-Unis (correspondance du 
Cabden-Club). Paris, Marpon et Flammarion, 4882, pp. 124 et suiv. 



( 232 ) 

ayant rapport au service public et n'acceptera aucune proposUion 
concernant un subside ou une charge sur le revenu public, payable 
soit sur le fonds consolidé ou sur des sommes fournies par Je 
Parlement^ si elles ne sont pas faites par la Couronne. » 

L'usage conforme de la Chambre des Communes a étendu cette 
règle à toute proposition qui, n'aboutissant même pas directe- 
ment à un subside ou à une charge sur le revenu public, implique 
néanmoins une dépense du Trésor. 

Ce principe a été si strictement observé, que la Chambre a 
même refusé de recevoir un rapport d'une commission spéciale 
qui proposa une avance d'argent, parce que la Couronne ne 
l'avait pas recommandée. 

A propos de cette règle, qui consiste à imposer des restric- 
tions aux demandes d'argent et à modérer la libéralité du 
Parlement, il existe un règlement du 25 mars 1715, dont voici 
la teneur : 

c( La Chambre des Communes ne recevra aucune demande 
pour entrer en composition, pour aucune somme due à la 
Couronne, dans une branche quelconque du revenu, sans un 
certificat du fonctionnaire ou des fonctionnaires à ce destinés, 
annexé à la dite demande; ce certificat constatant le montant 
de la dette, les poursuites qui ont été faites pour son recou- 
vrement, et en exposant combien le pétitionnaire et ses garants 
sont en mesure de payer ». 

Outre la nécessité d'une recommandation de la Couronne, 
préliminaire à toute votation d'argent, la Chambre a mis un 
autre obstacle aux votes hâtifs et inconsidérés qui impliquent 
des dépenses du trésor public. 

Un Standing order du 20 mars 1866 dit : 

<c Si une proposition quelconque est faite dans la Chambre 
des Communes pour obtenir des aides ou subsides, ou pour 
établir des charges sur le revenu public, payables soit sur les 
fonds consolidés, soit sur les sommes à voter par le Parle- 
ment, toute motion ayant pour effet d'imposer le peuple ne 
sera pas prise en considération ni discutée immédiatement; 



( 233 ) 

mais elle sera ajournée jusqu'au jour que la Chambre jugera 
convenable de fixer, et alors elle sera renvoyée à un comité de 
toute la Chambre avant d'en délibérer ou de la voter. » 

Une règle semblable fut érigée en standing order le 29 mars 
1707: 

c( La Chambre des Communes ne prendra en délibération 
aucune pétition, proposition ou bill pour accorder de Targent 
ou pour faire remise d'une somme d'argent due à la Couronne, 
ou pour entrer en composition avec lui, excepté dans le comité 
de toute la Chambre ». 

Cet ordre fut renouvelé le 17 avril 4707, le 7 février 1708 et 
le 20 novembre 1710, et il a été constamment observé par la 
Chambre. 

Il résulte de tout ceci que les Communes anglaises, le proto- 
type de toutes les assemblées parlementaires et la plus puis- 
sante de toutes, n'ont pas cru déroger à leurs prérogatives en 
laissant à la Couronne seule le droit de prendre l'initiative 
en matière de dépenses publiques. 

« Ainsi, remarque M. Stourm, la Chambre des Communes 
qui peut tout, ne peut cependant pas, parce qu'elle ne le veut 
pas, proposer d'augmentation de dépenses ni de réduction de 
recettes. L'initiative du cabinet ministériel anglais, en tant que 
préparateur du budget, demeure dès lors entière. Le rôle du 
gouvernement consiste à proposer, celui du parlement à 
accorder, selon la formule d'un premier lord de la tréso- 
rerie. Sans l'assentiment du Parlement, le pouvoir exécutif ne 
lève aucun impôt, n'effectue aucune dépense. Mais, inverse-, 
ment, sans une proposition du cabinet, te Parlement anglais 
ne vote aucune augmentation de dépenses, aucune diminution 
de recettes "1. » 

Cependant, de nombreux indices attestent que l'autorité de 
cette règle faiblit; son principe reçoit de sérieuses atteintes 
par des moyens détournés; elle ne constitue, depuis plusieurs 

* Stourm, loc. cit., p. 55. 



( 334 ) 

années, qu'une digue affaiblie contre le flot montant des 
dépenses publiques ^. 

Aussi M. Stourm peut-il conclure ^ : « La contrainte que 
s'imposait la Chambre des Communes a donc été efficace, tant 
que l'opinion publique a condamné le gouvernement à l'éco- 
nomie et qu'elle a tenu en respect « ces larrons cachés dans 
les broussailles parlementaires », dont parlait Gladstone. 
Aujourd'hui qu'une fièvre d'armement et d'impérialisme 
s'empare du pays, les freins deviennent impuissants. Mais on 
doit espérer que la crise passera ». 

En France aussi, vu les termes généraux de la loi constitu- 
tionnelle du 25 février 1875 3, l'initiative appartient de la 
manière la plus large aux membres des deux Chambres, en 
toutes matières législatives sans distinction; elle peut s'appli- 
quer notamment à toutes les lois de finances, sauf, en ce qui 
concerne le Sénat, la restriction de l'article 8, analogue à celle 
de l'article 27, alinéa 2, de la Constitution belge ^. 

La Chambre des députés a largement fait usage de son droit 
constitutionnel. Son exercice a dégénéré en un véritable abus, 
auquel on attribue, non sans raison, une part importante dans 
la progression démesurée des dépenses et dans l'équilibre très 
instable des budgets français. 

Le mal n'a pu être enrayé par les efforts méritoires de 
certaines commissions du budget, et il ne se passe pas de 
session que des voix autorisées n'élèvent leurs protestations au 
Parlement et dans la presse. 

Les auteurs spéciaux dénoncent sévèrement l'abus, ils 

* Cf. les intéressants témoignages recueillis en ce sens par M. Stouam, 
loc. cit., pp. 56-58. 

« Ibid,, p. 58. 

3 Article 3 : « Le Président de la République a l'initiative des lois 
concurremment avec les membres des deux Chambres ». 

* Article 8 : « Les lois de finances doivent être en premier lieu pré- 
sentées à la Chambre et votées par elle. » Cf. Michon, loc. cit., pp. 173 
et suiv., et 180-181. 



( 235 ) 

dressent un réquisitoire concluant contre cette initiative finan- 
cière excessive et mal comprise, telle que la pratique le Parle- 
ment français^. 

M. Paul Leroy-Beaulieu, qui voudrait que le droit de pro- 
poser des augmentations de crédits fût absolument enlevé à 
l'initiative parlementaire ^, dépeint la situation de la manière 
suivante : 

(( Notre organisation sociale, notre centralisation admi- 
nistrative et le suffrage universel font que les députés se consi- 
dèrent comme intéressés à obtenir pour une foule d'agents, 
surtout pour les petits, des augmentations de traitement. Les 
juges de paix, les facteurs des postes, les maîtres d'écoles sont 
d'excellents instruments électoraux; chaque député veut se 
concilier leurs bonnes grâces en devançant, pour Taméliora- 
tion de leur sort, les propositions du gouvernement. Aussi 
les amendements pleuvent de tous côtés pour provoquer des 
dépenses nouvelles ^. » Et ailleurs, le même auteur affirme 
que Cl le développement de nos dépenses publique a en grande 
partie pour cause, non pas des nécessités politiques ou sociales, 
mais de simples prodigalités. La Chambre a la main ouverte. 
Le public ne s'en aperçoit guère en temps ordinaire, parce 
que les augmentations de crédits se font à la sourdine ; elles 
ne se précipitent pas toutes à la fois et avec cynisme, comme 
à cette fin de législature 4; il n'en est pas moins vrai que le 
mal est chronique, que notre situation financière, économique, 

* Cf. notamment : Stourm, loc, cit., p. 58; P. Leroy-^aulieu, Traité 
de la science des finances, 6« édit.^ t. II, pp. iiO et suiv.; Boucard et Jèze, 
t. I, pp. 46 et suiv.; Mighon, loc. cit.^ pp. 221 et suiv.; E. L archer, loc, 
cit. y pp. 215 et suiv. Cf. aussi : Gabriel Ferry, Notes historiques sur 
Vabus de Vinitiative parlementaire chez les députés. (Revue politique et 

PARLEMENTAIRE, 10 avhl 1902.) 

* Loc. cit., p. 116. 
» Loc. cit., p. 110. 

* En quelques semaines, la Chambre venait d'élever les dépenses de 
plus de 35 millions. 



( 236 ) 

politique même en est affaiblie et que le pays en souffre pro- 
fondément ^ ». 

L'Académie française elle-même, peu coutumière de ces 
sortes de préoccupations, a entendu un jour cette éloquente 
protestation : 

(( Les courtisans ne sont plus à Versailles... Ils pullulent 
dans nos villes, dans nos campagnes, dans nos plus humbles 
chefs-lieux d'arrondissement et de canton, partout où le 
suffrage universel dispose d'un mandat et peut conférer une 
parcelle de puissance. Avec eux ils apportent l'annonce de 
libéralités ruineuses, la création d'emplois superflus, le déve- 
loppement inconsidéré des travaux et des services publics, 
moyens de popularité facile et de surenchère électorale. Au 
Parlement, ils se font les dispensateurs des largesses promises, 
s'occupent à doter leur circonscription aux dépens de l'équi- 
libre budgétaire; c'est le triomphe de l'étroite compétition 
locale sur l'intérêt d'État, la victoire de l'arrondissement sur 
la France... Avec le pouvoir s'est déplacée la source des 
dépenses, l'excitation au gaspillage : elle réside maintenant 
dans les Chambres; et le Parlement, appelé naguère à con- 
trôler l'exécutif, doit avant tout, aujourd'hui, se contrôler 
lui-même, sous peine de compromettre le crédit et la parole 
de la France 2 ». 

Enfin, l'opinion publique s'est émue à son tour. Diverses 
associations, telles que VUnion libérale républicaine, la Ligue 
des contribuables, présidée par M. Jules Roche, menèrent 
campagne pour la restriction du droit d'initiative en matière 
budgétaire, et c'est en partie grâce à leurs efforts qu'en 
mars 1900 la question se posa devant la Chambre. 

Sur la proposition de MM. Rouvier et André Berthelot, à la 
suite d'une vive discussion, la Chambre apporta, le 16 mars 

* Économiste français du 5 mars 1898. 

2 Discours de M. Albert Vandal à rAcadémie française, le 24 décem- 
bre 1897. Cité par Michon, toc. cit., p. 227. 



( 237 ) 

1900, une double modification à son règlement d'ordre inté- 
rieur. 

L'article 51 fut complété par la disposition suivante ; 

ce En ce qui touche la loi du budget, aucun amendement 
ou article additionnel tendant à augmenter les dépenses ne 
peut être déposé après les trois séances qui suivent la distri- 
bution du rapport dans lequel figure le chapitre visé. » 

Article 51"*'' : « Aucune proposition tendant soit à des aug- 
mentations de traitements, d'indemnités et de pensions, soit à 
des créations de services, d'emplois, de pensions, ou à leur 
extension en dehors des limites prévues par les lois en vigueur, 
ne peut être faite sous forme d'amendement ou d'article addi- 
tionnel au budget. » 

De la combinaison de ces deux articles il résulte : 

1*» Les députés conservent, en principe, le droit de présenter 
des amendements à la loi du budget, en vue d'augmenter les 
dépenses, à la condition d'exercer leur droit dans les trois 
séances qui suivent la distribution du rapport dans lequel 
figure le chapitre visé ; 

^^ Exceptionnellement, en ce qui concerne les augmentations 
de traitements, d'indemnités, etc., les députés perdent, d'une 
manière absolue, le droit de les proposer, sous forme d'amen- 
dement au budget; même s'ils sont déposés dans les trois 
jours, ces amendements ne peuvent être mis en discussion ; 

3^ Les députés conservent intact leur droit d'initiative, sans 
condition ni restriction, si, pour les augmentations de dépenses, 
ils procèdent par voie de proposition de lois spéciales et non 
par voie d'amendement à la loi du budget t. 

Ces restrictions concernent donc uniquement les augmen- 
tations de dépenses et non les réductions de recettes, et encore, 
quant aux dépenses, elles s'appliquent surtout aux dépenses 
relatives au personnel 2. 

La Chambre des députés a fait un premier pas, mais elle n'a 

* Cf. BoucARD et JÉZE, 1. 1, p. 58. 
« Cf. Stourm, p. 60. 



( 238 ) 

pu se décider encore à aller aussi loin que la Chambre des 
Communes dans la voie du sacrifice. 

Au cours de la dernière campagne électorale qui a précédé 
les élections des 27 avril et 11 mai 1902, de nombreux candi- 
dats ont vivement recommandé, comme le meilleur moyen 
de combattre l'accroissement des charges publiques, des 
restrictions ultérieures à Tinitiative budgétaire des députés. 

La Ligue des contribuables a publié un manifeste conseillant 
aux électeurs d'exiger de tout candidat un engagement en ce 
sens. 

Le 19 juin 1902, M. Jules Roche, au nom d'un grand 
nombre de ses collègues, appartenant presque exclusivement 
au parti républicain progressiste, a déposé une proposition de 
résolution tendant à modifier l'article 51"', adopté en 1900. 

L'exposé des motifs rappelle le texte de la pétition que, au 
cours de l'année précédente, plusieurs centaines de milliers 
d'électeurs avaient adressée à la Chambre pour obtenir la dimi- 
nution des dépensés du budget. Il constate que depuis cette 
pétition, la situation financière n'a fait que s'aggraver, et il 
examine les éléments principaux qui la caractérisent, à savoir : 
l'augmentation des dépenses (depuis 1894 : 524 millions), les 
déficits (de 1898 à 1902 : 936 millions), l'augmentation de la 
dette (depuis 1882 : 8 milliards 494 millions), les dépenses 
nouvelles proposées par la Chambre précédente (1 milliard). 

La proposition est libellée comme il suit : « Remplacer 
l'article 51''" du règlement par le suivant : aucune proposition 
ou motion tendant à l'ouverture d'un crédit ou impliquant 
une dépense à imputer sur les budgets de l'État, des départe- 
ments ou des communes ne peut être admise en dehors des 
demandes formulées par le gouvernement ^ ». 

Cette proposition tend, on le voit, sauf quelques différences 
de détail, à doter la Chambre française de la procédure appli- 
quée aux Communes anglaises. 

Ainsi que le remarque le Journal des Débats (21 juin 1902), 

* Cf. Journal des Débals du 20 juin 1902. 



( 239 ) 

les innovations introduites en 1900 étaient excellentes : « Elles 
ont déjà rendu quelques services, mais elles ne suffisent pas. 
Elles ne s'appliquent qu*à la discussion de la loi de finances. 
La digue qu'elles ont établie ne fonctionne que pendant 
quelques semaines par an. Durant tout le reste de l'année, 
rien n'arrête le flot des propositions de loi, des motions, des 
amendements ayant pour objet direct ou pour conséquence 
détournée une augmentation des dépenses de l'État, des 
départements et des communes. La mesure réclamée par 
M. Jules Roche, M. Aynard et leurs collègues serait bien 
autrement efficace que celles qui ont été prises en 1900 ». 

La nouvelle Chambre n'a pas encore eu le temps de la 
prendre en considération, mais on peut prévoir qu'elle don- 
nera lieu à une vive et ardente discussion. 

Si le Parlement belge a pendant longtemps résisté avec plus 
de vigueur aux entraînements des amendements budgétaires 
inconsidérés, c'est qu'une discipline plus sévère, une cohésion 
plus étroite régnaient au sein des deux grands partis qui se 
partageaient les préférences du pays et dont les chefs compo- 
saient alternativement les ministères, au gré des majorités élec- 
torales. 

En 1892 encore, dans son bel ouvrage sur les ministres dans 
les principaux pays d'Europe et d'Amérique, M. Dupriez pou- 
vait écrire avec raison, à propos des discussions budgétaires à 
la Chambre belge ^ : ce Toutes ces demandes et toutes ces 
critiques ne se traduisent presque jamais en amendements et 
les budgets proposés par le gouvernement sont votés sans 
modifications sérieuses. Le ministre est généralement celui 
qui rectifie le plus son propre budget. Il est peut-être inutile 
de remarquer que les amendements introduits dans les projets 
ministériels comportent le plus souvent des augmentations 
de crédits. Le gouvernement reste donc le véritable maître de 
la politique financière. Cela dépend évidemment avant tout de 

* Tome I, pp. 254-252. 



t 240 ) 

la discipline et de la cohésion des partis ; la majorité reçoit 
sans défiance les budgets déposés par les hommes qu'elle 
reconnaît pour ses véritables chefs. Le ministère trouve dans 
les rapporteurs des divers budgets des aides dévoués, des par- 
tisans fidèles et non point des adversaires plus ou moins 
cachés, escomptant sa chute. » 

Mais, en 1900, le même auteur était amené à constater une 
situation déjà bien différente ^ : a Les Chambres élues par le 
suffrage restreint n'abusaient pas de leur droit d'amendement 
en matière budgétaire; les mœurs ont changé sur ce point 
depuis l'introduction du suffrage universel. Les députés se 
constituent aujourd'hui les défenseurs de tous les petits fonc 
tionnaires des administrations publiques et réclament à l'envi 
des augmentations de traitement en leur faveur. Les socialistes 
se distinguent dans ces assauts dirigés contre le trésor public; 
le gouvernement n'a généralement pas de peine à faire rejeter 
leur propositions exagérées. Mais des amendements plus mo- 
dérés sont présentés et défendus avec acharnement par des 
dé]|!»utés de la majorité et les ministres doivent céder et les 
accepter, au moins en partie, quoi qu'ils en pensent. Parfois 
même, lorsqu'ils se décident à résister, la Chambre écoute 
avec impatience leurs conseils; lorsque l'échéance électorale 
approche, ils risquent de voir leurs efforts impuissants à 
empêcher les augmentations de crédits proposées ». 

Certes, le mal que l'on signale ne s'est pas encore développé 
au point de soulever l'opinion publique dans le pays. Cepen- 
dant les indices de ses progrès sont nombreux. On peut les 
suivre à la lecture attentive des délibérations des Chambres, le 
gouvernement prend soin de les signaler à toute occasion, et 
au Parlement même, les esprits clairvoyants ne se font pas 
faute de dénoncer le danger â. 

Si l'abus n'est pas invétéré, n'est-ce donc pas une raison de 

* Bulletin de la Société <U légûlation comparée, t. XXIX (1899-4900), 
loc. cit., p, (i!iîl. 

* o Je ne saurais U'op insister sur les conséquences que pourrait 
entraîner, au point de vue de réquilibre budgétaire, toute proposition 



(241 ) 

plus de le combattre et de l'enrayer, avant qu'il ait causé des 
ravages irréparables? 

Assurément, il ne s'agit pas de contester aux membres du 
Parlement le droit qu'ils tiennent de la Constitution. Mais 
doit-on, parce que Ton possède un droit, en user sans mesure 
jusqu'à l'abus, et n'est-ce pas le cas de répéter le vieil adage : 
« Summum jus, summa injuria »? 

Ainsi que le remarque très justement M. Van der Smissen t : 
a Le droit d'amendement des membres du Parlement, droit 
qui s'étend aux matières de finances, ne doit pas être exercé 
habituellement. C'est avant tout un avertissement perpétuel 

ayant pour objet des dégrèvements d'impôts ou des augmentations de 
dépenses. » (Exposé général du budget de 4896,) 

Chambre, 7 mai i903, séance du malin (discussion du budget extra- 
ordinaire) : 

M, Renkin. — On s'imagine volontiers que TÉtai dispose de ressources 
inépuisables. Le programme financier de l'électeur se réduit à deux 
points : exiger toujours de nouvelles dépenses et protester dès qu'on lui 
demande des ressources. 

M, le Ministre des finances. — C'est vrai ! 

M. Renkin. — Développer toujours les dépenses sans avoir de nou- 
velles sources de revenus, telle est l'énigme qui se pose pour tous les 
ministres des finances. S'ils ne la résolvent pas, ils sont condamnés 
sans pitié ! La discussion du budget extraordinaire se passe à démontrer 
au gouvernement qu'il ne dépense pas assez pour satisfaire les popula- 
tions, à lui reprocher de ne pas dépenser assez. Après quoi, il arrive 
parfois que les mêmes orateurs protestent contre l'accroissement de la 
dette publique et reprochent au gouvernement de dépenser trop : contra- 
diction étonnante, mais courante... 

M. le Ministre des finances, — C'est avec raison que M. Renkin fait 
observer que chacun réclame des dépenses et critique en même temps 
l'ensemble de celles qu'on effectue. C'est un cercle vicieux au plus haut 
point. L'une des fonctions essentielles du régime parlementaire est de 
mettre un frein à ce qu'on appelait autrefois les dépenses du prince, aux 
dépenses publiques. Or, aujourd'hui cette notion est absolument faussée ! 
Au lieu de restreindre les dépenses, les parlements actuellement y 
poussent. Et si l'on dépense trop, c'est bien plus la faute des députés 
que des ministres. 

* Moniteur des intérêts matériels, 20 août 4899, loc. cit., in fine. 

Tome LXVI. 16 



( 243 ) 

adressé à Texécutif. Hais l'usage fréquent en est par lui-même 
abusif, si justifié que chaque amendement puisse paraître si 
on le considère isolément. Son exercice doit rester très excep- 
tionnel, comme celui de tant d'autres droits de la Couronne 
et du Parlement que consacrent des textes formels. » 

Il importe, pensons-nous, que, s'inspirant de ces sages 
conseils, les membres du Parlement reviennent à la saine 
notion de leurs droits et de leurs devoirs. C'est, qu'on nous 
permette l'expression, une éducation à refaire. 

Nous concédons volontiers qu'en pratique il ne leur soit pas 
toujours possible de se soustraire complètement aux mille 
sollicitations qui les guettent. Sous un régime développé de 
suffrage universel, l'électeur, très simpliste en ses conceptions 
financières qui ne s'élèvent guère au-dessus de la sphère 
étroite des intérêts particuliers, exerce plus facilement une 
pression, souvent malsaine, sur le député; celui-ci pèse, à son 
tour, sur le ministre et l'action de ces influences combinées 
tourne en définitive au détriment de l'intérêt général du pays 
et d'une bonne gestion financière. 

Il faut donc aussi travailler à la réforme de l'esprit public 
par l'action personnelle des députés, par la presse, par l'asso- 
ciation, par tous les moyens, en un mot, qui sont au service 
de la propagande moderne. Il faut organiser le suffrage uni- 
versel sous ce rapport comme sous beaucoup d'autres et lui 
apprendre à « considérer comme ses ennemis tous ceux qui 
contribuent à augmenter d'une manière inutile ou prématurée 
les charges du budget < ». 

Une opinion publique sévèrement orientée de la sorte serait 
sans nul doute la meilleure garantie d'une politique d'écono- 
mies stable et durable. 

En attendant cette réforme lointaine, le Parlement pourrait 
très utilement, à l'exemple de TAngleterre et de la France, 
limiter lui-même, dans son règlement, son droit d'initiative 
budgétaire. 

* Le Temps, cité par le Journal des Débats, 25 juin 1902. 



(243) 

S'il ne faut pas avoir une foi aveugle dans les règlements et 
leur attribuer des vertus souveraines qui leur manquent néces- 
sairement lorsqu'ils ne trouvent pas un appui solide dans les 
mœurs, on ne peut toutefois leur dénier certains effets salu- 
taires, dont témoigne, en l'espèce, l'expérience de nos voisins. 

Aussi souscrivons -nous pleinement à l'opinion exprimée 
par M. Stourm, qui s'applique aussi exactement à la Belgique 
qu'à la France ^ : 

« Cette suppression (de l'initiative) n'agira jamais comme 
» un remède souverain ; elle ne contient pas de panacée contre 
» l'augmentation des dépenses. Du moment qu'elle n'a pas 
» cette vertu en Angleterre, ce serait trop s'illusionner que dé 
» la lui attribuer en France. La .pression parlementaire conti- 
» nuera à s'exercer librement en dehors des séances, dans les 
» couloirs, dans les cabinets ministériels : c'est là qu'elle 
30 commet déjà ses principaux méfaits. 

» Cependant, ce règlement possédera quand même d'incon- 
» testables avantages. Il affirmera la volonté du Parlement de 
» maintenir l'équilibre budgétaire; il inspirera un certain 
» sentiment de retenue aux solliciteurs; il fournira aux 
» ministres de précieuses armes de résistance; enfin, quand 
» arrivera le moment si désirable où le vent de l'économie 
» commencera à souffler, tout installé, prêt à produire immé- 
» diatement son effet, il hâtera le rétablissement du bon Drdre 
» financier. » 

CHAPITRE VI. 

De la modifieation d'une loi organique par vole 
budgétaire. 

Il est un point spécial qui relève aussi de la question de 
l'initiative parlementaire et que nous avons à traiter séparé- 
ment. ^ 

• Stourm, loc.cit., p. 61. 



(244) 

Il s*agit de savoir si, et dans quelle mesure, il est permis 
d'introduire des modifications à une loi organique à roccasion 
d'un budget. Le gouvernement ou bien un membre du Parle- 
ment, usant de l'initiative que lui reconnaît l'article 27 de la 
Constitution, peut- il proposer au cours de la discussion d'un 
budget, des amendements ou des modifications à une loi 
organique? 

A celte question, M. Auguste Couvreur, répondant au ques- 
tionnaire adressé en 1875 par le « Cobden-Club » à des 
membres autorisés de la plupart des parlements, indiquait la 
solution suivante, qui reproduisait, selon lui, la pratique 
admise au Parlement belge : « Le droit de proposer des amen- 
dements est illimité, méme^dans les cas réglés par une loi 
organique, comme lorsqu'il s'agit de l'état de l'armée. Il est 
cependant très rare que la Chambre modifie ces lois par un 
changement dans le budget. On pourrait, toutefois, opposer 
avec raison la question préalable à un amendement de cette 
nature si le cas se présentait^ ». 

Nous pensons que la réponse de M. Couvreur est conçue en 
termes beaucoup trop généraux. La solution que comporte ce 
problème de droit parlementaire n*est pas aussi simple qu'il 
semblerait d'après cette réponse. Elle variera, au contraire, 
d'après les différentes hypothèses qu'il convient de distin- 
guer. 

Rappelons d'abord que le droit d'amendement appartient 
intégralement et sans restriction aucune, constitutionnelle ou 
légale, en toute matière législative, à tout membre du Parle- 
ment comme au gouvernement. Il peut* donc s'exercer sur 
toute proposition ou tout projet de loi soumis au Parlement. 
Il peut s'exercer aussi sur tout projet de budget, bien que nous 

* Cf. F.-C. Dreyfus, Les budgets de VEurope et des États-Unis (corres- 
pondance du Cobderi'Club), Paris, Marpon et Flammarion, 1882, pp. 17- 
18. — Cette correspondance a été publiée par Probyn, J. W., Correspon- 
dence relative to thé budgets of various œuntries. Londres, 1875. 



( 248 ) 

ayons reconnu qu'il serait désirable de modérer, par des 
mesures réglementaires, certains amendements budgétaires. 

Hais est-il permis, à propos de la discussion d'un budget, 
de changer une loi organique soit par un amendement au 
libellé d'un article du budget, soit par une modification de 
chiffre proposée à un article du budget, soit par une proposi- 
tion spéciale introduite dans le dispositif de la loi budgétaire, 
soit de toute autre manière? 

Voilà la question. Aucun texte constitutionnel ou autre ne 
s'oppose à cette pratique. Mais si le droit d'amendement est 
illimité, en fait, il est organisé soit par les règlements, soit par 
les usages parlementaires. 

C'est donc d'une question de procédure parlementaire qu'il 
s'agit ici et les questions de cet ordre ont une importance que 
l'on ne peut pas méconnaître ^. 

Afin de résoudre celle-ci, il convient de distinguer soigneu- 
sement deux hypothèses : 

1*» celle d'une modification à une loi de dépenses, à l'occa- 
sion de la discussion d'un budget de dépenses ; 

2» celle d'une modification à une loi d'impôt, à l'occasion 
de la discussion du budget des voies et moyens. 

I. — D'après une règle de droit parlementaire, proclamée 
bien souvent et rigoureusement observée jusqu'en ces dernières 
années, il était admis que l'on ne pouvait apporter des modi- 
fications à une loi organique, ayant une force permanente, par 
une loi budgétaire, essentiellement annuelle de sa nature. Et 



* « Les questions de procédure, ici, ne sont ni plus ni moins que les 

principes suivants lesquels la Chambre exerce sa puissance législative. 

Importante par elle-même, protégeant les droits de chacun de nous, cette 
, question de procédure a une importance particulière pour la minorité. 

C'est pour elle qu'il est indispensable qu'une loi, dont l'autorité s'impose 
1 à tous, la prêtée contre l'arbitraire ou les violences de la majorité. 

Jamais on n'a pu se départir de ces règles tutélaires que par des coups 
I de parti. » (De Lantsheere, Ch. des Représ., séance du 19 juin 1896. 

Ann. pari., p. 1906.) 



( 246 ) 

Tusage voulait, lorsqu'une proposition de l'espèce se faisait 
jour, que l'on pût lui opposer avec succès la question préa- 
lable. 

Cette tradition subsiste, bien qu'affaiblie, atténuée et oubliée 
parfois. Il ne sera pas inutile, dès lors, d*en expliquer les 
motifs et d'en montrer le bien fondé. 

La loi budgétaire a pour but de mettre à la disposition du 
gouvernement les ressources nécessaires aux services de l'État; 
elle énumère les services, elle met en regard les sommes 
que le Parlement entend y affecter. Tel est son rôle et son 
objet. 

Au contraire, « créer des services, les organiser, indiquer 
au gouvernement comment il exercera ses attributions et pour- 
voira à l'exécution des lois, ce n'est pas œuvre de budget », c'est 
le but et l'objet des lois spéciales ^. 

Par conséquent, lorsque par une loi budgétaire on prétend 
modifier une loi spéciale ou organique, on méconnaît la nature 
de la loi du budget, on la fait sortir de son rôle, tel qu'il est 
défini par les articles 1 et IS de la loi sur la comptabilité 
du 15 mai 1846, et H. De Lantsheere disait même un jour que 
l'on commettait ainsi une violation de celte loi 2. 

Dans la discussion d'un amendement budgétaire qui avait 
pour but de faire inscrire la clause du minimum de salaire 
dans le cahier des charges des adjudications publiques, le 
distingué parlementaire exposait clairement ce point de vue en 
ces termes 3 : 

« Vous reconnaissez donc que vous avez prétendu, par un 
amendement à une loi de budget, faire consacrer un principe 
nouveau et non mettre à la disposition du gouvernement le 
crédit nécessaire à la marche régulière d'un service public. 

' y> Or, c'est en cela précisément que consiste la violation de 
la loi sur la comptabilité de l'État que je signale. 

* De Lantsheere, discours cité. 

* Ibidem, . , 
' Ibidem, 



{ 247 ■) 

» Je ne dis pas qu'il ne soit jamai$ arrivé, depuis que la 
Belgique existe, que des majorités aient entrepris de déroger 
aux lois organiques à l'aide de dispositions budgétaires, on y a 
quelquefois réussi. Mais jamais cela ne s'est fait sans les plus 
vives protestations; et semblables votes seront toujours et 
justement considérés comme des coups de parti. 

» Croyez-vous qu'il serait légitime de décréter par une loi 
de budget, que tel tribunal se composera d'une chambre de 
moins, tel autre d'une chambre de plus? Personne ne le sou- 
tiendra! Prétendriez-vous qu'il serait légitime de décréter par 
le vote du budget que les traitements des juges d'instruction 
seront réduits ou augmentés; que des dispositions nouvelles 
régleront les pensions; que les lois organiques des cultes 
seront modifiées? Passez en revue toutes les sphères de l'admi- 
nistration, tous les services publics, toutes les lois organiques 
et vous reconnaîtrez toujours qu'il est impossible de légiférer 
à leur sujet par voie de simples amendements aux budgets. 

» C'est cette vérité de bon sens politique que consacre pré- 
cisément la loi sur la comptabilité. Cette disposition a été 
perdue de vue dans les premiers moments, lors de la discus- 
sion de l'amendement. C'est ainsi que je m'explique qu'un 
certain nombre de nos collègues se soient laissés aller à 
repousser la question préalable qui a été proposée. » 

A cette raison de principe, qui s'oppose à ce qu'on établisse 
dans les discussions parlementaires une confusion entre des 
lois de nature différente, s'en ajoute une autre, tirée du bon 
ordre nécessaire dans les travaux du Parlement. 

Ce n'est pas d'aujourd'hui que l'on se plaint « de la confec- 
tion vicieuse des lois ». Nul ne prétendra que l'on ait atteint 
dans notre pays la perfection en matière de travail législatif. 

Si donc on voulait mêler sans discernement à la discussion 
d'une loi budgétaire, la discussion et le vote d'une autre loi ou 
d'une modification à une autre loi, qui n'a avec le budget que 
des rapports indirects, on s'exposerait à faire un plus mauvais 
travail encore, à adopter des décisions mal étudiées, inconsi- 




( 248 ) 

dérées ou trop hâtives, dans un cas ou dans l'aulre ou même 
dans les deux à la fois. 

Enfin, ces discussions qui se greffent sur celle des lois bud- 
gétaires et s'enchevêtrent les unes dans les autres ont aussi 
pour effet de retarder le vote des budgets et d'aggraver ainsi un 
mal auquel on s'efforce vainement jusqu'ici de porter remède*. 

Pour ces divers motifs, la tradition parlementaire que nous 
signalons se justifie donc pleinement. Il nous paraît légitime 
dès lors d'opposer la question préalable à une loi de dépenses 
proposée à l'occasion d'un budget de dépenses. 

La liberté du député ou du sénateur et leur droit d'initiative 
ou d'amendement n'est d'ailleurs nullement compromise par 
cette simple question de forme, puisqu'ils conservent pleine et 
entière faculté de présenter les modifications qu'ils désirent 
par voie de proposition spéciale et distincte. 

Ce que Ton évite, en se montrant rigoureux sur ce point de 
procédure, ce sont les votes de surprise, les solutions mal 
venues et peu refléchies, et aussi dans certains cas les coups 
départi. 

A l'appui de ce que nous venons de dire, nous voudrions, à 
titre d'exemple, citer certains cas d'application. 

Depuis que le parti socialiste est représenté au Parlement, 
le budget des dotations est, chaque année, l'objet d'une discus- 
sion que l'extrême-gauche dirige surtout contre la dotation 
de S. A. R. le comte de Flandre, portée à ce budget pour 
200,000 francs. 

Cette manifestation traditionnelle a peut-être quelque valeur, 
en tant qu'expression des sentiments anti-dynastiques du 

* « Une des causes qui font que les discussions des budgets se prolon- 
gent outre mesure, c'est que, sous prétexte de discuter ceux-ci, on discute 
des modifications aux lois organiques les plus diverses, dont les budgets 
ne sont que l'application. 

M. le comte de Kerkhove de Denterghem, — C'est très exact! — Au lieu 
de discuter un budget seulement, on discute bien souvent en même temps 
une ou deux lois. » (M. De Lantsheere, Sénat, séance du 28 décem- 
bre 19Q1J 



( 249 ) 

parti socialiste, mais elle n'en possède aucune, quand elle 
poursuit, par voie d'amendement budgétaire, la suppression 
ou seulement la réduction des 200,000 francs affectés à cette 
dotation. 

C'est, en effet, une loi du 14 mars 1856, modifiée par une 
loi du 10 mars 1867, qui en a fixé le principe et le taux, et si 
le chiffre de 200,000 francs figure annuellement au budget des 
dotations, c'est en vertu de l'article 115 de la Constitution. 

Il y a donc un engagement pris par la nation et qui subsiste 
tant qu'une loi nouvelle n'y a pas mis fin, et cette loi nouvelle 
ne peut être votée sous forme d'amendement ou de disposition 
additionnelle au budget, parce qu'une loi annuelle ne peut 
modifier une loi permanente. 

C'est donc à bon droit que M. Schollaert, ministre de Tinté- 
rieur, pouvait dire à l'extrême-gauche : « Il ne peut s'agir 
d'en discuter le principe ni le montant... Vous ne pouvez pas 
modifier, par une loi de budget, l'obligation ainsi contractée, 
pas plus que vous ne pouvez, par un amendement au budget, 
diminuer les traitements des magistrats ou de toute autre 
catégorie de fonctionnaires... Si donc vous vouliez discuter 
sérieusement la question, il ne s'agirait pas de venir soutenir 
annuellement la même chose, il faudrait recourir à un 
moyen pratique et déposer un projet de loi qui pourrait être 
discuté 1. » 

Au budget de l'agriculture et des travaux publics pour 
l'exercice 1896, une disposition additionnelle avait été intro- 
duite en ces termes : 

Article 50 : « Réimpression du cahier général des charges 
de l'État y avec insertion de clames destinées à garantir aux 
ouvriers des entreprises de travaux publics un salaire mini- 
mum : bOO francs, » 

Le gouvernement posa la question préalable. Elle fut 
repoussée par la Chambre et l'amendement fut adopté. Mais le 
Sénat refusa de se rallier au vote de la Chambre, qui, en 

* Ch. des Représ., séance du 23 décembre 1897, Ann. pari., p. 331. 



( 250 ) 

dernière analyse, renonça, elle aussi, à amender le budget en 
ce sens^. 

La question préalable eût dû être votée sans aucun doute. 
Car, quelque sympathie que l'on pût avoir pour l'inscription 
de là clause du minimum de salaire dans le cahier général 
des charges de l'État, clause qui figure déjà dans les cahiers 
des charges de plusieurs provinces et communes, ce n'est pas 
par voie d'amendement ou de disposition budgétaire que l'on 
pouvait procéder. Il ne s'agissait pas seulement, dans l'espèce, 
d'une modification à une loi organique existante, mais de 
l'introduction d'un principe absolument nouveau dans la 
pratique administrative, et cette innovation méritait à tous 
égards les honneurs d*une proposition de loi spéciale. 

il. — La seconde hypothèse, dont nous abordons Texamen, 
réclame, pensons-nous, une solution difi'érente de celle que 
nous avons formulée pour la première. 

Car amender ou modifier une loi d'impôt par la loi du 
budget des voies et moyens, ce n'est pas amender ou modi- 
fier une loi permanente par une loi annuelle, ce n'est pas faire 
sortir la loi du budget du rôle qui lui est assigné. 

En eflet, l'article 111 de la Constitution dispose : « Les 
impôts au profit de l'Etat sont votés annuellement. Les lois 
qui les établissent n'ont de force que pour un an, si elles ne 
sont renouvelées. » 

Les lois d^impôt sont donc soumises par la Constitution à 
une revision annuelle, et cette revision se fait par le budget des 
voies et moyens. 

Avec sa lucidité et sa précision habituelle, H. Graux a donné 
à la Chambre ^ la définition suivante du budget des voies et 
moyens : 

« Le budget des voies et moyens, disait-il, n'est pas autre 

* Cf. les discussions parlementaires : Gb. des Représ., séance da 
9 juin 1896, Ann, parL, pp. 1655...; id., 18 et 19 juin, id., p. 1889. — 
Sénat, séance du 18 juin 1896, Ann. pari., pp. 5^... 

« Séance du 16 décembre 1891, Ann, parL, p. 259. 



( 281 ) 

chose qu'une loi annuelle ayant pour but de faire voler chaque 
fois à nouveau toutes les lois d'impôts, de taxes et de péages... 
Il n'y a pas une seule disposition de ce budget qui ne soit la 
reproduction d'une loi de taxe, d'impôt ou de péage, et le 
vote de la Chambre est indispensable pour que le ministère 
soit autorisé à en continuer la perception pendant un an 
encore. » 

Il ajoutait : « Comme je le disais à l'honorable M. Woeste, 
vingt fois on a introduit, à l'occasion du budget des voies et 
moyens, des amendements aux lois de finances. C'est le but de 
la discussion de ce budget. On vote pour un an les ressources 
dont l'État a besoin pour subvenir à ses dépenses. Rien de 
plus, rien de moins! » Et il concluait : « On a répété à plu- 
sieurs reprises que les lois organiques ayant une force perma- 
nente, elles conservent leur puissance exécutoire jusqu'à ce 
qu'elles aient été formellement modifiées. La loi du budget, 
dit-on. est annuelle; on ne peut pas incidemment, dans une 
loi de budget, apporter des modifications à des lois ayant un 
caractère permanent et définitif! 

» Rigoureusement, cela est exact pour tous les budgets, 
sauf le budget des voies et moyens. Rigoureusement, c'est 
exact aussi pour toutes les lois, à l'exception d'une seule 
catégorie de lois : les lois de finances ou les lois d'impôts. 

» // y a, pour qu'il en soit aitisi, une raison absolument déci- 
sive^ c'est qu^ les loi^ d'impôts ne sont pas des lois permanentes, 
ayant un caractère définitif et produisant leurs effets jusqu'à 
révocation; elles sont annuelles, elles meurent d'elles-mêmes à 
Fexpiration de chaque année. » 

Au cours de cette même séance, M. Frère-Orban donnait à 
plusieurs reprises son assentiment à cette théorie défendue par 
M. Graux, et M. Woeste, bien qu'en désaccord avec MM. Graux 
et Frère-Orban sur le cas d'application qui était alors soumis 
à la Chambre, l'approuvait aussi, implicitement du moins, 
lorsqu'il disait : « Je reconnais que le vote des impôts est 
annuel, qu'il appartient aux Chambres de rejeter tous les ans 



( 252 ) 

les impôts, même ceux qui sont établis par une loi orga^- 
nique ^ ». 

Le cas d'application auquel nous venons de faire allusion 
mérite de retenir quelque peu notre attention, parce que son 
examen nous permettra de préciser notre pensée. 

Le 16 décembre 1891, la Chambre discutait un amendement 
proposé par MM. Casse et consorts à l'article 21 du budget des 
voies et moyens pour 1892 et qui disposait : « Les encaisse- 
ments pour abonnements aux journaux remis à la poste par 
paquets et sans bande ni adresse cesseront, à partir du 
!•' janvier 1892, d'être soumis à la taxe de S Vo sur le prix de 
Tabonnement encaissé par l'État. La quittance d'abonnement 
sera soumise à la taxe ordinaire établie par les règlements 
postaux. » 

Cet amendement tendait à modifier la loi du 30 mai 1879 
dont l'article 38 établissait le principe suivant : a Le gouverne^ 
ment est autorisé à régler les taxes ou droits à percevoir au 
profit du trésor et les autres conditions à observer en ce qui 
concerne : 1«...; 2"...; 3* l'abonnement par la poste des jour^ 
naux et ouvrages périodiques ». 

Les articles 92 et suivants de l'arrêté royal du 12 octo- 
bre 1879, pris en vertu de la loi du 30 mai, avaient fixé les 
taxes en question. 

Or, la question à résoudre par la Chambre était celle-ci : La 
loi du 30 mai 1879 est-elle une loi d'impôt ou non? Et par 
conséquent Tamendement Casse est-il recevable ou non? 

M. Graux défendait l'affirmative, et il disait à la Chambre : 
(c Au 31 décembre de la présente annnée, la loi de 1879 qui 
autorise la perception de certaines taxes aura cessé d'exister, 
de même que toutes les lois d'impôts, si, par une loi, appelée 
le buget des voies et moyens, vous ne lui rendiez une vie nou- 
velle ». Fidèle h sa théorie, il concluait donc à la recevabilité 
de l'amendement. 

* Ch. des Représ., séance du 16 décembre 1891, Ann, parL, p. 260. 



( 283 ) 

M. Woeste, au contraire, engageait les signataires de l'amen- 
dement à ne pas insister pour le moment, à déposer \xne 
proposition de loi distincte du budget, parce qu'il ne pouvait 
admettre que, par une disposition additionnelle au budget, on 
vienne modifier une loi organique. Il n'admettait pas, en effet, 
que la loi de 1879 fût, à proprement parier, une loi d'impôt : 
(( Par l'amendement, on veut, disait-il, enlever au gouverne- 
ment un droit, un pouvoir que lui a donné la loi de 1879. Si 
cette loi avait dit, dans son article 38, que la taxe des abonne- 
ments de journaux serait perçue, comme le fait aujourd'hui 
l'honorable ministre des chemins de fer, nous aurions le droit 
par la loi du budget de ne pas renouveler cette taxe... Hais ce 
que fait l'article 38, ce n'est pas établir directement une taxe, 
c'est donner au gouvernement un droit, un pouvoir... Ce n'est 
donc pas un impôt que détermine cet article, ce n'est pas une 
taxe qu'il fixe, c'est une attribution de principe qu'il accorde 
au gouvernement... Pour que le gouvernement n'ait plus cette 
attribution, il faut que nous commencions par modifier la loi 
organique dont il s'agit. » 

Cette argumentation de H. Woeste nous semble concluante. 
Il nous paraît que, dans l'espèce, M. Graux faisait une appli- 
cation malheureuse de la théorie qu'il défendait en termes si 
précis et à laquelle nous nous rallions complètement. 

Cette théorie a d'ailleurs été appliquée de nombreuses fois, 
sans susciter de protestations. L'histoire parlementaire rapporte 
de fréquents exemples de lois d'impôts modifiées par la loi du 
budget des voies et moyens ^. 

Nous admettons donc que, par application du même prin- 
cipe, qui nous a fait rejeter la recevabilité d'une modification 
à une loi organique, par une loi fixant un budget de dépenses, 
rien ne s'oppose à une modification d'une loi d'impôt par le 
budget des voies et moyens. 



* Cf. les précédents consignés par M. De Sadeleer dans son rapport 
sur le budget des voies et moyens pour 1897. (Ch. des Représ., sess. de 
1896-1897, Doc. pari,, no 45.) 



( 254 ) 

Il nous semble toutefois que l'usage de cette faculté soit 
pa^ le gouvernement, soit par les membres du Parlement, doit 
sniûr certaines restrictions» certains tempéraments. Le prin- 
cipe que nous admettons ne peut, penaons-nous, être appliqué 
intégralement et d'une manière absoiue. 

Il convient, en effet, pour les raisons de bonne ordonnuitt 
du travail législatif que nous avons signalées plus haut, de ne 
pas surcharger les discussions budgétaires et d'éviter d'y mêler 
des propositions ou des amendements dont le but est d'intro- 
duire des modifications radicales et essentielles au régime 
organique d*un impôt. 

Ces propositions, qu'elles émanent du gouvernement ou de 
l'initiative d'un membre du Parlement, doivent donc se borner 
à des modifications de détail et en quelque sorte à de simples 
corrections. 

L'honorable ministre des finances, M. de Smet deNaeyer, 
qui, plus peut-être qu'aucun de ses prédécesseurs, use large- 
ment de la faculté d'accompagner ses propositions de recettes 
de modifications à des lois d'impôt et qui revendique 
hautement cette faculté, reconnaît cependant la nécessité des 
restrictions que nous signalons. 

c( Je n'ai jamais songé à insérer dans une loi budgétaire le 
régime fiscal des alcools, par exemple, et je ne songerai jamais 
à y introduire la refonte complète de la contribution foncière 
ou de la contribution personnelle. Hais il est un droit que je 
revendique dans l'intérêt du pays, c'est celui d'introduire dans 
la loi de finances des dispositions isolées, d'ordre secondaire 
si Ton veut, destinées à corriger les imperfections que j'ai 
l'occasion de relever pendant le cours de l'année, dans telle 
ou telle de nos lois fiscales et plus spécialement dans les lois 
de douane et d'accise^. » 

Et, développant sa pensée au Sénat, à l'occasion de la même 
discussion, l'honorable ministre continuait : ce Si nous ne 
pouvions apporter de modifications aux lois de douane et 

* Ch. des Représ., séance du 16 décembre 1897, Ann. pari., p. 281« 



( 255) 

d'accise, par exemple, qu'à l'occasion d'une réforme organique, 
pendant combien d'années toutes ces améliorations que suggère 
périodiquement la pratique ne resteraient- elles pas à l'état de 
desiderata ? 

» Je prends pour exemple les articles 2 et 4 du projet. Nous 
avons, par la loi du 12 juillet 1895, maintenu la libre entrée 
des bois d'une longueur déterminée, destinés à la fabrication 
des pâtes à papier et des fibres de bois. Quelque temps après 
la mise en application de cette loi, j'ai dû reconnaître que la 
longueur maxima imposée était insuflSsante et qu'il en résultait 
pour les fabricants une véritable vexation sans profit pour 
personne. 

» J'avais aussi des réclamations des fabricants de tabacs 
contre certaines dispositions de la loi du 17 avril 1896, qui 
restreignaient aux seuls tabacs indigènes la décharge accordée 
du chef de la perte de poids par la dessiccation en entrepôt 
particulier. On sollicitait l'application du principe aux tabacs 
étrangers et le bien fondé de cette demande n*était point dou- 
teux. Fallait-il, pour des motifs de pure théorie, condamner 
les fabricants de pâtes à papier et les fabricants de tabacs à 
attendre pendant des années des réformes aussi simples, aussi 
peu importantes au point de vue législatif^? » 

Cette pratique, qui consiste à modifier les lois d'impôts par 
le budget des voies et moyens, mais en se limitant à des 
réformes de détail, est pleinement approuvée par des auteurs 
de valeur et notamment par MM. Léon Say et Stourm. 

a On ne peut dire, ainsi s'exprime M. Léon Say, qu'il ne 
faut décider en principe ni qu'on ne devra faire de réformes 
que par voie budgétaire, ni qu'on ne pourra en réaliser que 
par lois spéciales. C'est une question de mesure et de sagacité 
politique. 

» Les modifications qtii ressemblent à des corrections de . 
certaines lois, dites organiques, en matière de finances, 
peuvent très aisément être introduites dans la législation par 

* Sénat, séance du 24 décembre 1897, Ann. pari., p. 71. 



(256 ) 

voie budgétaire. Il en est de môme de certaines réformes secon- 
daires qui sont la suite nécessaire de réformes déjà réalisées, 
surtout quand il s'agit de choses pour ainsi dire convenues, 
c'est-à-dire lorsque la réforme à compléter est, en quelque 
sorte, passée à l'état de fait accompli et souverainement jugé 4. » 

Et H. Stourm, après avoir analysé le projet de budget des 
recettes français et son contenu habituel, ajoute : « En plus 
des dispositions précédentes, qui constituent le cadre essentiel 
et permanent du budget des recettes, de nombreux articles s'y 
trouvent souvent encore intercalés pour proposer soit des 
modifications d'impôts, soit même des créations d'impôts. 

» Nous n'avons pas à analyser ici ces sortes de propositions 
variant chaque année et possédant un caractère exceptionnel. 
Demandons-nous seulement si elles sont bien à leur place au 
sein des budgets. Évidemment, l'insertion dans la loi de 
finances de certaines rectifications fiscales d'ordre administra^ 
tif ne saurait soulever d'objections. Hais les réformes fonda- 
mentales, les créations de toutes pièces de systèmes nouveaux 
mériteraient de se voir appliquer les stricts principes, d'après 
lesquels la loi du budget a pour mission exclusive d'autoriser 
la perception des revenus de l'exercice futur, et d'évaluer leur 
rendement. Son autorisation de percevoir pendant l'année qui 
va s'ouvrir s'appuie sur les lois organiques préexistantes, dont 
elle rappelle nommément la date dans ses états annexes. Dès 
lors, c'est à ces lois organiques qu'il appartient d'installer dans 
les codes des remaniements ou créations d'impôts, le budget 
n'ayant plus, une fois qu'elles sont rendues, qu'à leur donner 
Vexequatur annuel. En un mot, par son essence, la loi de 
finances est une loi d'année qui ne devrait pas stipuler au delà. 

» Des raisons subsidiaires, d'ailleurs, rendent désirable la 
stricte application de cette règle, raisons tirées de l'ordre même 
de travail du Parlement et de la nécessité de voter le budget 
sans retard 2. » 



* Cité par M. de Smet de Naeyer. (Chambre, séance du 16 décem- 
bre 1897.) 
« Stourm, loc. cit., p. 161. — Cf. aussi Boucard et Jèze, I, pp. 31-34- 



(287) 

Lors donc que le gouvernement propose dans le budget des 
▼oies et moyens des rectifications à certaines lois d'impôts, 
comme par exemple à l'accise sur les vins (budget de 1897), à 
certaines lois de douane ou d'accise (budget de 1898), à l'accise 
sur la bière (budget de 1901), à la loi des patentes (budget 
de 1902), etc., il reste parfaitement dans les limites indiquées. 
Il accomplit ainsi un acte de bonne administration i. 

Mais il n'a pas toujours agi de la sorte, et l'on a pu très légi- 
timement critiquer certaines mesures proposées par lui dans 
cet ordre d'idées. 

Nous faisons allusion, par exemple, aux modifications 
apportées à la loi du 18 juillet 1860, organique du fonds 
communal, par le budget des voies et moyens pour 1897. 

La loi budgétaire du 30 décembre 1896 a substitué, en efl^et, 
au mode de répartition du fonds communal établi par la loi 
organique de 1860, un mode de répartition difi'érent. Elle 
a introduit dans la matière un système nouveau, et ce n'était 
pas, à proprement parler, une simple modification à une loi 
organique d'impôt que cette loi budgétaire consacrait. De là, 
à la Chambre et au Sénat, des discussions assez vives qui 
portèrent à la fois sur le fond et sur la forme de la proposi- 
tion gouvernementale. 

A ce dernier point de vue, M. Dupont exposa très nettement 
au Sénat la véritable tradition parlementaire. « Il est très 



* « Si Ton s'en tenait rigoureusement au principe que Thonorable 
M. Denis défend si énergiquement, on ne procéderait jamais à des 
réformes d'ordre fiscal que par des lois organiques. 

» Ce serait fort commode pour le ministre des finances ; il pourrait se 
croiser les bras, et il se bornerait à répondre aux membres du Parle- 
ment qui lui dénonceraient Timperfection, Fabsurdité même, de telle ou 
telle disposition : vous avez parfaitement raison, mais la Législature ne 
procède pas par mesures isolées, elle ne veut que des mesures d'en- 
semble, et il faut attendre le moment où Ton pourra refondre la loi 
organique... En attendant, que diraient les contribuables, que diraient 
le commerce et l'industrie? » (de Smet de Naeyer, Ch. des Représ., 
séance du 46 décembre 4897.) 

ToMK LXVI. 17 



( 268 ) 

naturel, disait Thonorable sénateur^, qu'à l'occasion de la 
discussion du budget des voies et moyens, le gouvernement 
soumette aux Chambres des projets de modifications relatifs 
aux impôts; et s'il ne s'agit pas d'une question de principe, 
s'il ne s*agit pas de substituer à l'improviste un impôt à un 
autre, d'une nature différente, d'apporter des modifications 
essentielles à l'assietle des impôts, il est très naturel, dis-je, 
qu'à l'occasion du budget dont nous nous occupons le gou- 
vernement puisse proposer les changements qu'il juge utiles 
dans cet ordre d'idées. 

» ... Mais ce n'est pas de cela qu'il s'agit dans l'espèce... Il ne 
s'agit pas, en effet, d'une loi d'impôt, il ne s'agit pas d'autoriser 
de^ modifications aux impôts qui sont l'objet du budget des 
voies et moyens, mais il s'agit de modifier la base de réparti- 
tion du fonds communal, ce qui n'a aucune espèce de rapport 
avec les impôts dont le produit est inscrit au budget. Que Ton 
maintienne la base actuelle ou que l'on adopte la base nou- 
velle proposée par l'honorable ministre des finances, les 
impôts ne seront nullement changés... J'estime que le système 
qu'a inauguré l'honorable ministre des finances constitue un 
précédent des plus fâcheux. » 

En d'autres termes, si la proposition dont il s'agît avait 
émané de l'initiative parlementaire et avait été présentée dans 
les mêmes conditions, le gouvernement n'eût pas manqué, à 
juste titre, de poser la question préalable. Pourquoi donc 
adopter une procédure qu'il aurait éventuellement condamnée 
chez d'autres 2? 



* Sénat, séance du 30 décembre 1896, Ann. parl.y p. 179. 

* On peut critiquer aussi une autre procédure, qui, depuis quelques 
années, semble avoir les préférences du gouvernement. Elle consiste à 
rattacher à la discussion d'un budget celle de l'un ou l'autre projet de 
loi. qui n'a avec le budget que des rapports indirects. 

C'est ainsi, pour ne citer qu'un exemple, que le projet de loi sur les 
sucres (à la suite de la Conférence de Bruxelles) fut rattaché au budget 
des voies et moyens pour 1902. 

Le 27 décembre 1901 {Ann. parL^ p. 81), M. le Ministre des finances 



( 289 ) 

Nous avons montré qu'il était conforme aux principes et à 
la tradition parlementaire de modifier une loi d'impôt par le 
budget des voies et moyens. 

L'usage de cette faculté, tant par le gouvernement que par 
le Parlement, subit toutefois une première restriction en ce 
que les modifications introduites par voie budgétaire ne 
peuvent être des modifications essentielles et radicales à une 
loi d'impôt, mais seulement des corrections de détail. 

Il en subit une seconde que nous pouvons formuler en ces 
termes : les modifications introduites dans une loi d'impôt, à 
l'occasion du budget des voies et moyens, doivent être propo- 
sées dans la forme réglementaire des propositions de loi et 
non par voie d'amendement. 

Cette règle se déduit des dispositions mêmes du règlement 
de la Chambre, ainsi que Ta fait remarquer avec autorité 

fit au Sénat la motion suivante : « J'ai Thonneur de proposer au Sénat 
de joindre, comme Ta fait la Chambre, la discussion du projet de loi sur 
les sucres à celle du budget des voies et moyens : il y a entre ces deux 
objets une connexité qui rend la jonction parfaitement rationnelle et 
opportune... » 

If. le chevalier Descamps combattit cetle motion : « Je crois que le 
procédé employé à la Chambre est absolument vicieux. En efiet, il con- 
siste à discuter des projets complets de lois permanentes eh connexion 
avee la.Ioi annuelle du budget. Je considère cette manière d'agir comme 
antiparlementaire au plus haut degré. Je propose de décider qu'une 
discussion générale aura lieu sur le projet de loi sur les sucres et une 
autre sur le budget des voies et moyens. Il est plus que temps que nous 
rentrions dans le système parlementaire régulier. En ce qui me concerne, 
il m'est impossible de me rallier à la (Nroposition faite par Thonorablc 
ministre des finances h. 

Le Sénat décida que le projet sur les sucres ferait l'objet d'une discus- 
sion spéciale. M. de Lantsheere, appuyant la protestation du chevalier 
Descamps, caractérisait très justement cette procédure en disant : « C'est 
ainsi que les discussions, qui ne sont plus de simples discussions budgé* 
taires, traînent indéfiniment, et c'est aussi pour cette raison que les 
budgets arrivent toujours trop tard au Sénat. » (Sénat, séance du 28 dé- 
cembre 1901, p. 106.) 



{ 260 ) ' 

H. de Lantsheere, ancien président de cette assemblée ^ : 
ce Votre règlement renferme deux séries de dispositions. Les 
unes sont relatives au mode suivant lequel on est tenu de pro- 
céder lorsque Ton entend introduire une proposition nouvelle. 
Les autres tracent le mode suivant lequel on est tenu de pro- 
céder lorsque Ton entend introduire un simple amendement. 

» Or, lorsque dans un budget vous changez un chiffre ou 
que vous modifiez le libellé d'un article, sans d'ailleurs intro- 
duire aucune innovation de principe, vous faites ce qui 
constitue, au vrai sens du mot, un amendement au budget; 
mais lorsque vous proposez d'y inscrire un principe nouveau 
qui déroge à quelque loi organique, ce n'est plus seulement le 
budget que vous amendez : votre proposition a une bien autre 
portée, elle amende du même coup et virtuellement la loi 
organique dont le budget, chiffre et libellé, n'est que l'appli- 
cation et la conséquence. 11 arrive ainsi, par une complète 
interversion de l'ordre normal des choses, que la loi orga- 
nique, au lieu de trouver son expression, par voie de réper- 
cussion, dans le budget, est transformée elle-même en une 
simple expression de la loi budgétaire, dont elle n'est plus 
qu'un écho. Mais toujours est-il que, par ce mode de procéder, 
la loi organique, qui n'est pas en discussion, se trouve parfois 
expressément, toujours au moins virtuellement modifiée. 

» Or, semblables modifications sont d'après notre règlement 
soumises aux règles propres aux propositions. Elles doivent 
donc passer en sections, être prises en considération, retour- 
ner aux sections, faire l'objet d'un rapport et être spécialement 
discutées. Ce n'est que si, après avoir passé par ces diverses 
épreuves, elles obtiennent les votes de la Législature qu'elles 
acquièrent enfin la puissance de modifier la loi organique, et 
ce n'est qu'alors que, par cette répercussion dont je parlais, 
elles réagissent elles-mêmes sur le budget et en changent soit 
le chiffre, soit le libellé, soit l'un et l'autre. 

* Ch. des Repr., séance du 49 juin 1896. 



( 261 ) 

» Tel est bien notre règlement; il suffit de se mettre en 
présence des faits pour voir combien le mode de procéder que 
Ton a eu tort de suivre s'en éloigne et l'enfreint. » (Question du 
minimum de salaire.) 

M. de Smet de Naeyer, ministre des finances, a par diverses 
déclarations confirmé celte interprétation du règlement. « Il 
est clair, disait-il à la Chambre i, qu'un membre de la 
(Chambre, pas plus d'ailleurs que le gouvernement lui-même, 
ne serait recevable à faire insérer dans la loi du budget, par 
voie d'amendement, des dispositions modifiant une loi orga- 
nique, modifications qui seraient ainsi soustraites à la filière 
ordinaire de la procédure parlementaire. » Et au Sénat ^ : 
ce J'ai reconnu que le gouvernement lui-même n'a pas le droit 
de proposer une modification à une loi organique par un 
amendement au projet de loi contenant le budget. J'ai rappelé 
cette notion à l'occasion d'une proposition d'un membre de la 
Chambre tendant à appliquer la décharge de l'accise aux sucres 
employés dans la fabrication du lait condensé; tout en me 
déclarant disposé à me rallier à cette proposition, j'ai fait 
remarquer que je ne pouvais moi-même la traduire en amen- 
dement que du consentement unanime de la Chambre. Sans 
cette condition, une proposition de ce genre ne serait pas 
recevable, faute d'avoir été soumise à la procédure parlemen- 
taire, qui constitue la sauvegarde des droits de tous ». 

Cette règle nous paraît donc bien établie 3. Elle se justifie 



* Ch. des Représ , séance du 46 décembre 1897, Awn. pari., p. 284. 

« Sénat, séance du 24 décembre 4897, Ann. pari., p. 74. 

^ Elle est d'ailleurs conforme à la notion théorique du droit d'amen- 
dement. « Le droit d'amendement, on Ta dit avec raison, est un dimi- 
nutif du droit d'initiative. 11 s'en distingue essentiellement en ce qu'il 
n'a pas, comme ce dernier, Je pouvoir de faire naître une question nou- 
velle, d'appeler l'attention de la Chambre et l'étude des commissions sur 
certaine matière ; un amendement apparaît comme une modification à 
apporter à une proposition ou à un projet de loi dont la Chambre se 
trouve déjà saisie ; c'est ce qu'indique son nom même. » (E. Larcher^ 
loc. cit., p. 86.) 



( 26S ) 

parfaitement, parce qu'elle permet à la Chambre d'examiner et 
d'étudier sérieusement, avant de les voter, les modifications 
proposées à des lois organiques par voie budgétaire. Elle évite 
ainsi des votes de surprise. 

Le gouvernement observe toujours cette règle dans les modi- 
fications qu'il introduit; il n'en est généralement pas de même 
des députés et des sénateurs, qui se contentent le plus souvent 
de recourir à la procédure d'amendement. 

Lorsque, par exemple, H. Denis proposait au budget des 
voies et moyens pour 1901 des amendements tendant : 1** à 
l'abolition des droits de douane sur les cafés ; S"" à des modiû- 
cations diverses aux articles 8, 17, 32 de la loi du 2S décembre 
1851 sur les droits de succession , on eût pu repousser sa 
proposition par la question préalable i. 

Elle était doublement critiquable : d'abord parce qu'elle 
dépassait les limites d'une simple correction ou modification 
accessoire à une loi d'impôt, et ensuite parce qu'en la déposant, 
son auteur ne suivait pas la filière établie par le règlement 
pour les propositions de loi. 

Le gouvernement renonça à opposer la question préalable, 
et la Chambre, se prononçant sur le fond, repoussa l'amende- 
ment Denis 2. 

Nous formulerons donc les conclusions qui se dégagent de 
l'étude de la question exposée dans le présent chapitre, en 
disant : 

1° Bien que le droit constitutionnel n'établisse aucune 
restriction formelle à l'exercice du dr<)it d'initiative, — sauf en 
ce qui concerne le Sénat, article 27, alinéa 2, — les traditions 



* Ch. des Représ., séance du 49 décembre 1900, Ann, pari,, p. 264. 

* En motivant son abstention, M. Devigne caractérisait très exactement 
le cas soumis à la Chambre : « Je me suis abstenu parce que je ne puis 
admettre qu'on invite la Chambre à se prononcer par un vote sur une 
réforme financière aussi importante, qui n'a pas été examinée préala- 
blement et qui eût dû être écartée par la question préalable. » (Ch. des 
Représ., séance du 19 décembre 4900, Ann, pari,, p. 267.) 



( 263 ) 

parlementaires s'opposent cependant à des modifications aux 
lois organiques par voie budgétaire ; 

•i^ Elles n'autorisent pas, en effet, une loi budgétaire, qui est 
annuelle, à introduire des changements dans une loi orga- 
nique, qui est de nature permanente; 

S"" Par application de ce principe, les règles parlementaires 
repoussent absolument les modifications apportées à des lois 
de dépenses, à l'occasion d'un budget de dépenses, mais elles 
admettent que l'initiative gouvernementale ou parlementaire 
propose des modifications à des lois d'impôts dans le budget 
des voies et moyens; 

4® Ces modifications ne peuvent toutefois dépasser certaines 
limites restreintes et aboutir à des changements essentiels des 
lois d'impôts. La démarcation entre la simple correction de 
détail et la réforme organique de la loi ne peut être tracée 
d'une manière absolue. C'est, selon l'expression de Léon Say, 
une question de mesure et de sagacité politique ; 

5** En tout cas, les modifications de l'espèce ne sont pas 
recevables sous la forme d'amendements. Elles doivent faire 
l'objet de propositions de loi, dont elles suivront la procé- 
dure spéciale indiquée par les règlements d'ordre intérieur. 



CHAPITRE VIL 

L'initiative du Sénat en matière de lois de finances. 

(Art. 27, alinéa 2 de la Constitution.) 

Nous envisagerons, dans ce chapitre, la question de l'initia- 
tive parlementaire sous un nouvel aspect : celui de l'interpré- 
tation à donner à l'article 27, alinéa 2, de la Constitution, 
relatif au rôle du Sénat en matière financière. 

Après avoir, dans son alinéa 1, proclamé que l'initiative 
appartient à chacune des trois branches du Pouvoir législatif, 
l'article 27 ajoute : Néafimoins, toute loi relative aux recettes 



(264) 

et aux dépenses de F État, ou au contingent de V armée, dmt 
d'abord être votée par la Chambre des Représentants, 

Cette disposition est inscrite, d'ailleurs, en termes ana- 
logues dans les lois constitutionnelles de la plupart des pays 
à institutions parlementaires, où le Pouvoir législatif est confié 
à deux assemblées représentatives ^ . 

Elle tire son origine de la Constitution anglaise, d'où elle a 
passé dans les constitutions des autres pays. 

Les Communes anglaises possèdent, en effet, des préroga- 
tives étendues en cette matière, et un droit de priorité établi 
de longue date au détriment de la Chambre des Lords 2. 

Dès le règne de Richard II, elles avaient aflSrmé et reven- 
diqué ce droit de priorité; elles le défendirent avec énergie 
sous les Stuarts, et en tirèrent à cette époque les conséquences 
les plus rigoureuses. 

ce C'était, selon la remarque de MM. Boucard et Jèze, le 
moment où l'aristocratie s'unissait à la royauté contre le 
peuple et où l'existence même des Communes était compro- 
mise. On pouvait craindre que le roi, qui ne pouvait tenir ses 
subsides que du Parlement, se contentât d'un vote de la 
Chambre des Lords et ne convoquât plus les Communes. Ce 
danger n'était plus à redouter si le roi était tenu de saisir en 
premier lieu la Chambre des Communes de ses demandes de 



* En Autriche, Hongrie, Finlande, dans l'Empire allemand, en Suisse, 
en Suède et dans la plupart des États qui composent l'Union américaine, 
il n'est fait aucune différence entre les deux Chambres au point de vue 
de leurs droits d'initiative financière. (Boucard et Jèze, t. I, p. 220, 
note 4) 
*"* Cf. sur l'historique du droit de priorité des communes : 

Boucard et Jèze, Op. cit., t. T, pp. 223-224; Morizot-Thibault, Des 
droits des Chambres Hautes ou Sénats en matière de lois de finances. — 
Étude de législation comparée. Paris, Rousseau, 4891, chapitre II : 
Naissance du droit de priorité en Angleterre, pp. 49-59. 

A consulter aussi : Favre, Les droits respectifs des deux Chambres en 
matière de lois de finances, étudiés dans les constitutions de V Angleterre, 
des États-Unis et de la France, Nancy, 4880. 






( 26S ) 

subsides. Le droit de priorité assurait donc la convocation 
périodique des Comniunes. Il rétablissait ainsi l'équilibre 
entre les deux Chambres du Parlement. Jusqu'ici, seule la 
Chambre Haute permanente, à raison de sa composition héré- 
ditaire, avait été sûre du lendemain. Désormais, grâce au 
droit de priorité, la Chambre populaire aurait une garantie 
sérieuse de sa convocation. Ceci explique l'insistance que 
mirent les Communes, sous les Stuart, à affirmer leur droit 
de priorité ^. » 

En une résolution célèbre du 3 juillet 1678, elles résumèrent 
en termes catégoriques leurs prétentions rigoureuses : « Tous 
aides et subsides accordés à Sa Majesté en Parlement sont le 
don exclusif (the sole gift) des Communes. Tous bills ayant 
pour objet d'accorder des aides ou subsides doivent commen- 
cer dans la Chambre des Communes {ought to begin with the 
Gommons), et c'est le privilège incontestable et exclusif des 
Communes de diriger, limiter et ordonner, dans ces bills, 
les fins, objets, considérations, conditions, limitations et 
qualifications de ces subsides, lesquels ne doivent être ni 
changés ni modifiés par la Chambre des Lords [which ought 
not to be changea or cUtered by the Home of Lords) 2 ». 

Bien que les circonstances aient changé depuis et que la 
Révolution de 1688 ait consacré la suprématie du Parlement, 
en garantissant aussi les Communes contre les empiétements de 
la Couronne, a les Communes ont maintenu leurs préten- 
tions. C'est une arme inutile pour le moment, mais qu'elles 
conservent avec soin pour les jours de danger 3 ». 

Le droit de priorité des Communes n'est donc pas issu d'une 
conception purement théorique; il est, comme beaucoup 
d'autres institutions anglaises, un produit historique, un 
résultat des luttes pour la prééminence dans l'Etat entre la 
Chambre populaire et la Couronne, appuyée sur la Chambre 

« BoucARD et Jèze, 1. 1, p. 225. 
« Ibid, p. 227. 
3 Ilnd. 



( 266 ) 

Haute héréditaire. II garantit aux Communes leur convocation 
régulière et dresse un obstacle infranchissable aux velléités 
qu'aurait pu avoir la Couronne de se passer du concours de la 
Chambre populaire. Par son droit de priorité en matière 
financière, celle-ci détient de la manière la plus effective les 
cordons de la bourse. La Couronne doit compter avec elle, il 
lui est impossible de gouverner sans elle. 

Telle est ki signification historique de la prérogative des 
Communes en ce qui concerne les lois de finances. 

Cette prérogative implique rigoureusement trois choses : 

1® le droit pour les Communes d'être saisies d'une loi de 
finances avant la Chambre des Lords ; 

i^ interdiction pour celle-ci d'amender ou de modifier une 
loi de finances ; 

3<* interdiction pour les Lords de rejeter une loi de finances. 
Ce dernier point est toutefois contesté. 

Cependant, la prérogative des Communes ne s'exerce pas 
également dans toute sa rigueur pour toutes lois de finances. 

11 faut, en efi'et, à ce point de vue, distinguer trois aortes de 
lois de finances ^ : 

a) les lois des finances annuelles (tax bills, bills of subsidy, 
aet of appropriation); 

b) celles qui ont pour objet de modifier la composition du 
fonds consolidé ; 

c) celles qui n'ont qu'accessoirement un but financier, qui 
ne touchent qu^incidemment aux finances. 

En ce qui concerne la première catégorie, les lois annuelles, 
le droit de priorité s'applique de la manière la plus complète. 
La prééminence des Communes est absolue. Les Lords n'ont 
aucun droit d^amendement et <( il est même très contestable 
que les Communes permettraient à la Chambre Haute l'exer- 
cice du droit de rejet 2 ». 

Quant aux modifications au fonds consolidé, la situation 

1 BouCARD et Jèze, 1. 1, p. 228. 
-^ Ibid., p. 228. 



( 267 ) 

est la même, sauf que les Communes reconnaissent aux Lords 
le droit de rejet. 

Enfin, pour les lois qui ne touchent qu'incidemment aux 
finances, les Communes n'ont pu maintenir leur prérogative 
dans toute sa rigueur. Elle n'existe guère que pour la forme, et 
cela par la force même des choses, car ces bills sont très 
nombreux, « la Chambre des Communes s'est trouvée sur- 
chargée de besogne; devant cette situation, et pressée par la 
nécessité, elle a dû atténuer ses prétentions ^ ». 

En réalité, pour cette catégorie de bills, l'initiative est par- 
tagée entre les deux Chambres; les Lords ont incontestable- 
ment le droit de rejet, et quant au droit d'amendement, ils 
l'ont aussi, « à la condition toutefois de ne pas modifier 
les dispositions financières, de ne pas augmenter ni diminuer 
les charges votées par les Communes, de ne pas modifier leur 
durée, leur assiette, leur mode de perceplipn, d'administration 
ou de contrôle, ni les limites de perception ^ ». 

11 faut remarquer enfin, pour achever de caractériser le 
droit de priorité financière des Communes, que ce droit n'est 
pas aussi absolu qu'il le paraît. Il reçoit, en etfet, dans la pra- 
tique budgétaire anglaise, de sérieux tempéraments. D'abord, 
parce que l'initiative financière appartient exclusivement à la 
Couronne ; ensuite, parce que, d'après un usage bien établi, les 
Communes ne modifient que très peu et rarement les proposi- 
tions budgétaires, et enfin l'existence du fonds consolidé limite, 
lui aussi, le droit exclusif des Communes en matière finan- 
cière 'K 

Si les restrictions au droit d'initiative de la Chambre Haute 
au profit de la Chambre populaire s*expiiquent, ainsi que nous 
l'avonsdit, dans la Constitution anglaise, elles s'expliquent aussi 
pour des raisons analogues dans tous les pays où les Chambres 



* Cf. pour les détails : Ibid., p. 232... 

* Erskine May, Pari. Practice, 8« édil., pp. 597 et suiv. 
3 BouCARD et Jèze, t. 1, p. 2-29. 



( 268) 

Hautes sont héréditaires ou noniniées directement en tout ou 
en partie par le roi. 

a Dans les pays, au contraire, où la Chambre Haute est 
entièrement élective, le droit de priorité des députés ne se 
justifie plus rationnellement. On ne peut plus dire, en effet, 
qu'il assure aux députés leur convocation périodique et pré- 
vient une coalition de TExécutif et de la Chambre Haute; on 
ne peut pas dire non plus que la Haute Assemblée ne repré- 
sente pas les contribuables. Qu'importe qu'elle soit élue direc- 
tement ou à deux ou plusieurs degrés, qu'il y ait pour elle un 
cens d'électorat ou d'éligibilité? Elle n'en est pas moins l'élue 
de la nation; on peut même soutenir, en s'appuyant sur les 
faits, que la Haute Assemblée, recrutée par voie de sélections 
successives, est mieux composée que la Chambre Basse. 

» Non seulement il n'y a, dans ces pays, aucune raison 
pour ne pas reconnaître aux deux Chambres égalité de pou- 
voirs, mais encore il y en a d'excellentes pour ne pas affaiblir 
le contrôle financier de la Chambre Haute. C'est une vérité 
d'expérience que les Chambres populaires sont d'autant plus 
gaspilleuses que leur base est plus démocratique. Il faut des 
obstacles solides qui s*opposent à ces pratiques désastreuses 
pour les finances de l'État. Le premier de ces obstacles doit 
consister à refuser au Parlement l'initiative en matière finan- 
cière. Le deuxième frein à l'esprit de prodigalité de la Chambre 
populaire, c'est l'existence d'une Chambre Haute. Le rôle 
modérateur de la Haute Assemblée, si désirable en matière 
législative ordinaire, l'est encore plus en matière financière. 
Il est absolument indispensable dans les pays où les membres 
de la Chambre populaire ont l'initiative financière ^ ». 

Si l'on souscrit à ces observations, qui nous paraissent très 
fondées, particulièrement pour notre pays, on se demandera 
comment on peut expliquer dans la Constitution belge, qui 
consacre l'institution d'un Sénat électif, l'existence de l'arti- 
cle 27, alinéa 2. 

^ BoucARD et Jèze, 1. 1, p. 245. 



(269 ) 

Les travaux préparatoires sont très sobres sur ce point. Ils 
constatent simplement les faits suivants. 

Le projet de Constitution, élaboré par la commission 
nommée par le gouvernement provisoire, proposait un 
article 39 ainsi conçu : 

« L'initiative appartient aux trois branches du Pouvoir 
législatif. Néanmoins, toute loi relative aux recettes ou 
dépenses de l'État ou au contingent de l'armée doit d'abord 
être votée par la Chambre élective ^. » 

11 était, en effet, incertain à ce moment s'il y aurait deux 
Chambres électives et même si l'on ne se contenterait pas 
d'une seule Chambre s. Certains penchaient pour une Chambre 
élective et une Chambre nommée par le Roi. On comprend dès 
lors, dans cette hypothèse, le deuxième alinéa de l'article 39. 

Mais puisque la question a été tranchée par le vote du 
17 décembre 1830, qui consacre, le principe de l'élection des 
deux Chambres (article 53 de la Constitution), on ne s'explique 
plus que les Constituants aient maintenu ce texte. Ils le firrnt 
cependant, par le vote du 3 janvier 1831, en se contentant 
simplement de remplacer dans le texte du projet de l'article 39 
les termes Chambre élective par ceux de Chambre des Repré- 
sentants. 

Cette décision fut prise sans discussion, et l'on reste indécis 
sur les motifs qui ont pu inspirer les auteurs de la Constitu- 
tion. Aussi peut-on souscrire à l'opinion défendue par 
M. Arntz en tant qu'elle concerne la Belgique. « 11 nous 
paraît, dit-il 3, que les auteurs des diverses constitutions conti- 
nentales ont accepté cette disposition (de la Constitution 
anglaise) sans contrôle, sans examen, sur la foi de son impor- 

* Cf. HuYTTENS, Discussions du Congrès national,,., t. IV, p. 43. — 
Pièces justificatives, n» 45. 

2 Cf. projet Forgeur, etc., du 23 novembre 1830, ibid,, p. 50. — Pièces 
justificatives, n® 47. 

' Arntz, De Vorigine, des motifs et de la portée de l'article 27, alinéa 2, 
de la Constitution belge. Lecture faite à l'Académie royale. Bulletins, 
50e année, 3« série, t. II, 1881 (pp. 576-601), p. 581. 



(270) 

tance et par respect pour l'autorité du droit constitutionnel 
anglais, plutôt que sous l'empire d'une conviction raisonnée 
de sa nécessité ou de son utilité politique. » Et il ajoute encore, 
précisant la même idée : « Les auteurs de la Constitution, plus 
préoccupés du souci de créer une œuvre pratique et viable que 
dominés par le désir de se livrer à des discussions théoriques, 
ont puisé dans les législations étrangères des dispositions 
consacrées par le temps {time honoured), comme disent les 
Anglais, qui leur offraient par cela même une garantie d'uti- 
lité et de sagesse. Mais des raisons théoriques, pratiques ou 
politiques et inhérentes au mécanisme de nos institutions 
constitutionnelles font entièrement défaut, et, nous n'en dou- 
tons pas, si le Congrès s'était livré à une discussion appro- 
fondie de cet article, il l'aurait rejeté comme inutile ^. » 

L'article 27, alinéa 2, constitue donc en quelque sorte un 
hors-d'œuvre et comme une anomalie dans notre système 
constitutionnnel. 

Les raisons qu'en ont données, pour le justifier, certains 
commentateurs et notamment HM. Thimus, Van Hoorebeke, 
Thonissen, ne paraissent guère décisives ^. 

Aussi peut-on regretter que l'on n'ait pas saisi l'occasion 
fournie en 1892, par la revision de la Constitution, pour 
rayer cette disposition de notre pacte fondamental. La propo- 
sition en avait été faite par le Sénat, elle fut rejetée par la 
Chambre. 

Le texte restrictif de l'article 27 subsiste donc, et puisqu'il 
existe, il faut l'observer et l'appliquer. Mais l'exposé que nous 
venons de faire indique clairement, nous paraît-il, quelle est 
la portée de cet article et de quelle manière il convient de 
l'interpréter. 

* Arntz, Ibid, p. 269. 

« Thimus, Traité de droit public, t. II, p. 129. Liège, Dessain, 1844 ; 
Van Hoorebeke, Manuel du droit public interne de la Belgique, pp. 41-42, 
Gand, Hoste, 1848; Thonissen, Constitution belge annotée, n» 137; 
Cf. Arntz, lac. dt., pp. 591-594. . 



( 271 ) 

L'interprétation doit en être aussi restrictive que possible et 
cela pour deux motifs : 

i*» la disposition est exceptionnelle; 

2« cette exception elle-mêrae n'a pas de raison d'être dans 
l'ensemble de nos institutions parlementaires. 

Dès lors, le texte : toute loi relative aux recettes ou dépenses 
de l'Élal, doit être entendu dans son sens le plus étroit. Il ne 
peut s'agir de toute loi quelconque, ayant incidemment un 
caractère financier, mais seulement, ainsi que l'observe Tho- 
nissen, des lois « dont le but principal, sinon exclusif, est le 
vote des recettes ou des dépenses, tels que les emprunts, les 
budgets, la création ou la modification d'un impôt ^ ». 

De plus, le Sénat belge n'en est pas réduit au simple droit 
d'adopter ou de rejeter en bloc une loi de finances. Il possède 
dans sa plénitude le droit d'amendement. 

La preuve en est d'abord, nous semble-t-il, dans le texte 
même de l'article 27, alinéa 2, qui exige que toute loi de finances 
soit d'abord votée par la Chambre. Lorsque celle-ci a voté la loi 
en question, avant le Sénat, le vœu constitutionnel est rempli. 
Et quand le Sénat, à son tour, est saisi du projet après le 
vote de la Chambre, la discussion et le vote auxquels il se 
livre ne sont plus soumis à aucune restriction. Le Sénat peut 
donc amender le projet qui lui est soumis, par application 
d*ailleurs des articles 41 et 42 de la Constitution, qui recon- 
naissent aux deux Chambres le droit d'amendement. 

On peut aussi invoquer en faveur de cette interprétation 
l'avis formel de la section centrale du Congrès national, qui 
s'est prononcée par neuf voix contre cinq pour le droit d'amen- 
dement du Sénat en matière de lois de finances 2. 

Si le Sénat conserve son droit d'amendement, il peut donc, 
par exemple, rétablir un crédit supprimé dans le budget par 

* Constitution belge annotée, 3® édit., n» 163. —M. Thonissen ajoute : 
« Admettre un système contraire, ce serait réduire à des cas extrêmement 
rares le droit d'initiative que Tarticle 27 accorde, en termes généraux, 
aux trois branches du Pouvoir législatif ». 

« Cf. IJUYTTENS, t. IV, p. 70. 



( 272 ) 

la Chambre et supprimer un crédit voté par celle-ci. Hais a-t-il 
le droit d'introduire dans le projet voté par la Chambre, une 
disposition nouvelle? 

La question est délicate. M. Thonissen penche pour la néga- 
tive lorsqu'il dit : « Tout ce qu'on peut exiger en droit et en 
équité, c'est que le Sénat, sous prétexte d'amender, ne s'écarte 
pas du principe, de la base même du projet; car, dans ce 
dernier cas, il voterait en réalité une loi nouvelle et commet- 
trait, au moins virtuellement, une violation de l'article 27 de 
la Constitution ^ ». 

Nous nous rallierons cependant de préférence à l'opinion 
de M. Arntz, qui pense que, dans le doute, il faut toujours se 
décider en faveur du droit du Sénat de prendre l'initiative et 
de faire des amendements. 

Cette opinion, M. Arntz la formule en ces termes, qui 
résument sa savante étude et qui peuvent également servir de 
conclusion à ce chapitre : « La disposition de l'article 27, 
alinéa 2, est exceptionnelle et dérogatoire au principe que 
l'initiative appartient à chacune des trois branches du Pouvoir 
législatif. Nous croyons avoir démontré qu'elle n'a pas de 
raison d'être en Belgique. Toutefois, puisqu'elle existe, il faut 
la respecter, mais il faut l'interpréter et l'appliquer, comme 
toutes les lois d'exception, de la manière la plus restrictive 
possible, c'est-à-dire, dans le doute, toujours en faveur du droit 
du Sénat de prendre l'initiative et de faire des amendements 2». 

Cette interprétation restrictive est généralement admise par 
la pratique parlementaire. Mais, en l'absence d'une solution 
législative, des difficultés s'élèvent encore assez fréquemment 
sur l'attitude à prendre par le Sénat dans certains cas parti- 
culiers 3. 

* Loc. cit., 

* Loc. cit., p. 600. 

5 Pour les précédents : consulter le rapport de M. Surmont de 
Volsberghe, au nom de la Commission spéciale chargée d'examiner la 
question de savoir si le Sénat peut, dans les limites de sa compétence, 
établir un droit de licence sur les cercles de jeux, avant que la Chambre 
ait voté ce droit. (Sénat, sess. de 1896-1897,- Doc. parL, n» 24.) 



( 27S ) 

L'histoire paHementaire belge relate d'ailleurs très peu de 
conflits entre le Sénat et la Chambre au sujet de la prérogative 
financière de celle-ci. 

La Chambre se contente de la part très large que lui a 
ménagée la Constitution, même interprétée restrictivement^, 
sans chercher à l'augmenter encore par une interprétation 
extensive parfois tracassière, comme le fait la Chambre des 
députés en France ^. 

En matière budgétaire, le droit de priorité de la Chambre est 
d'ailleurs plus effectif encore et plus étendu, à cause de la pra- 
tique vicieuse qui sévit en Belgique pour le vote des budgets. 
Les discussions traînant en longueur à la Chambre, les bud- 
gets n'arrivent que très tard au Sénat; celui-ci doit les discuter 
à la hâte et souvent lorsque la Chambre est déjà licenciée. Il 
en résulte que ses droits d'amendement et de contrôle n'ont 
plus guère de valeur pratique. 

Aussi ne se passe-t-il pas de session sans que le Sénat pro- 
teste contre cette situation amoindrie et contraire à son véri- 
table rôle constitutionnel. Il revendique hautement et très 
légitimement ses droits et les défend énergiquement contre 
toute restriction abusive. 

CHAPITRE VIII. 

Du droit, pour le gouvernement, de retirer devant le 
Sénat un projet de budget voté par la Chambre. 

Dans les trois derniers chapitres, nous avons examiné à 
divers points de vue l'initiative parlementaire, dans ses 

* « Investie exclusivement du droit de priorité, la Chambre des députés 
obtient un avantage considérable sur le Sénat, car c'est elle qui fait et 
vote la première le budget au nom du peuple. Or, la pratique démontre 
que, lorsque le.budget a été établi par Tune des Assemblées, l'autre n'a 
plus sur lui qu'un pouvoir de contrôle, amendant l'œuvre opérée sans la 
composer; ce qui &it de la Chambre basse la maîtresse de la loi finan- 
cière. » (Mokizot-Thibault, op, dt.y p. 332.) 

* Cf. Morizot-Thibault, op. dt,, ■— Boucard et Jè»e, t. I, pp. 254. i- 

Tome LXVI. 18 



( 274 ) 

rapports avec le vote des lois de budget. Cette fois, nous 
étudierons l'initiative gouvernementale, à propos d une ques- 
tion qui a occupé le Parlement au cours de l'une des dernières 
sessions, et qui soulève un intéressant problème d'interpréta- 
tion de l'article 27 de la Constitution. 

Le 20 décembre 1901 ^, la Chambre des représentants avait 
discuté et voté le budget des dotations pour 1902, déposé par 
le gouvernement le 9 octobre, en même temps que les autres 
projets de budgets. 

A l'article 4 de ce budget figure la dotation de la Chambre 
des représentants. 

Il est d'usage que chacune des deux Chambres discute en 
comité secret son propre budget. Ce comité secret, constitué 
au cours de la séance du 20 décembre, adopta, par 54 voix 
contre 52, le principe du libre parcours gratuit et général des 
députés sur les chemins de fer du royaume. En conséquence, 
le littéra I de l'article 4 avait été majoré de 143,640 francs et 
porté à 151,640 francs. Le budget de la Chambre s'élevait 
ainsi à fr. 1,200,453 60. 11 fut voté et fixé à ce chiffre, en 
séance publique, par 54 voix contre 5 et 40 abstentions. 

Les abstentionnistes motivèrent leur vote, pour la plupart, 
par l'inconstitutionnalité de l'inscription au budget d'un crédit 
destiné à couvrir la dépense résultant du libre parcours 
général. 

En effet, l'article 52 de la Constitution dispose : ce Chaque 
membre de la Chambre des représentants jouit d'une indemnité 
annuelle de 4,000 francs. Il a droit, en outre, au libre parcours 
sur les lignes des chemins de fer de FÉtat et au parcours gratuU 
sur les lignes des chemins de fer concédés du lieu de sa résidence 
à la ville où se tient la session. » 

Dans sa rédaction actuelle, cet article est issu de la dernière 
revision constitutionnelle; il a été promulgué par la loi du 
7 septembre 1893. L'ancien article 52 se bornait à allouer aux 
députés une indemnité mensuelle de 200 florins, pendant 
toute la durée de la session. 

* Ann. parl.f pp, 365 et suiv. 



(278 ) 

La disposition nouvelle, outre l'indemnité annuelle de 
4,000 francs, donne donc au député le droit au libre parcours 
sur les chemins de fer de l'État et au parcours gratuit sur les 
chemins de fer concédés, du lieu de sa résidence à la ville où 
se tient la session. 

Comment faut-il interpréter cette dernière partie du texte? 

Les auteurs de la proposition du libre parcours général 
faite au comité secret de la Chambre ont pensé que l'article 52 
n'était pas limitatif et qu'il permettait d'étendre le privilège 
accordé aux députés. Ce fut l'avis aussi de la majorité de la 
Chambre et en particulier du président et des deux vice- 
présidents. 

Il nous paraît toutefois que l'opinion de la minorité était 
plus fondée. On ne peut, pensons-nous, hésiter sur le sens de 
l'article 52. Le texte lui-môme semble consacrer formellement 
la limitation du libre parcours. 

Et si l'on consulte les travaux préparatoires de la revision 
de l'article 52, on constate qu'une proposition tendant à doter 
les députés du libre parcours général et gratuit sur l'ensemble 
du réseau avait été rejelée et que le texte actuel avait été voté 
à titre transactionnel, puisque, avant 1893, les députés ne 
jouissaient d'aucune espèce de transport gratuit t. 

* En séance du 18 juillet 1893 (Ann, pari., p. 1930), la Cliambre avait 
décidé de se réunir en comité secret pour délibérer sur la question de 
l'indemnité parlementaire. 

Le lendemain, 19 juillet 1893, M. Schollaert donna lecture du rapport 
sur la résolution prise par la Chambre en comité secret : « La majorité, 
disait-il, a pensé avec votre commission qu'il fallait inscrire dans le texte 
de Tarticie 52 les conditions de libre parcours sur les lignes de chemins 
de fer que Ton croirait devoir accorder aux députés, et qu'il ne fallait 
pas laisser à la loi le soin de régler ce point. Elle a cru qu'il serait bon 
d'accorder à tous les députés le libre parcours sur toutes les lignes de 
chemin de fer de l'État, afin de faciliter leur mission de contrôle. Il s'en- 
suivrait, que cette franchise devrait être accordée, non seulement durant 
la session, mais pendant toute l'année. La liberté de parcours étant ainsi 
généralisée sur les lignes de chemin de fer de l'État, il a paru équitable 



( 2T6 ) 

Par conséquent, la disposition de l'article 52 établit une 
limite maximum, et la décision de la Chambre en franchissant 
cette limite était inconstitutionnelle. 

Ce fut Tavis du gouvernement. Mis en présence de cette 
situation créée par le vote du budget des dotations par la 
Chambre, que pouvait-il faire? 



d'assurer au moins le parcours gratuit depuis le lieu de leur résidence 
jusqu'à la ville où se tient la session, aux députés habitant des localités 
desservies par des lignes de chemins de fer concédés ». En conséquence, 
l'article 52 recevait la rédaction suivante : « Chaque membre de la 
Chambre des Représentants jouit d'une indemnité de 4,000 francs. 11 a 
droit, en outre, au libre -parcours sur toutes les lignes de chemins de fer 
de l'État, et au parcours gratuit sur les lignes de chemins de fer concédés 
du lieu de sa résidence à la ville où se tient la session ». 

Après discussion de différents amendements, l'alinéa 1'^ fut adopté à 
l'unanimité des voix, et l'alinéa 2, par 80 voix contre 36. L'ensemble de 
l'article fut voté dans le texte proposé par 112 voix contre 1 (19 juil- 
let 1893, Ann. pari., pp. 1938-1941). 

L'article 52 fut discuté au Sénat le 3 août 1893 {Ann, parL, pp. 501- 
506.) L'alinéa 1^ reçut l'adhésion unanime des sénateurs, mais l'alinéa 2 
fut rejeté par 59 voix contre 8 et 3 abstentions. 

Le 17 août 1893, l'article 52 reparut à l'ordre du jour de la Chambre. 
Deux propositions reladves au libre parcours furent soumises au vote. 

La première, soutenue par MM. Berge et De Malander, reprend le texte 
voté la première fois par la Chambre et accorde le libre parcours sur 
toutes les lignes de chemin de fer de l'État, sans restriction. 

Elle est rejetée par 70 voix contre 56 et 1 abstention. 

La seconde est faite par M Snoy et ainsi conçue : « Il a droit, en 
outre, au libre parcours sur les lignes des chemins de fer de l'État et au 
parcours gratuit sur les lignes des chemins de fer concédés, du lieu de 
sa résidence à la ville où se tient la session ». 

Cette proposition est adoptée par 87 voix contre 32 et 4 abstentions. 
(Ann. pari., p. 2170.) Dans sa séance du 28 août 1893, le Sénat ratifia 
cette rédaction à l'unanimité des votants. (Ann. parL, p. 614.) (Cf. 
Beltjens, Constitution belge revisée. Exposé historique, n®» 162 à 190.) 

Il ne parait pas douteux, d'après ces discussions, que le dernier 
membre de l'article : «du lieu de sa résidence... la session », ne se 
rapporte aussi bien au libre parcours sur les chemins de fer de l'État 
qu'au parcours gratuit sur les chemins de fer concédés. 



( »T7 ) 

Il pouvait^ a-t-on dit, laisser suivre la filière habituelle au 
projet voté par la Chambre, le combattre au Sénat, et si celui-ci 
se ralliait, malgré son opposition, à l'opinion de la Chambre, 
obtenir du Roi un refus de sanction. 

Cette procédure eût certes été très régulière, mais elle se 
heurtait, dans l'espèce, à diverses difficultés. 

Le désaccord entre la majorité de la Chambre et le gouver- 
nement portait, en effet, sur le vote de l'article 4, c'est-à-dire 
sur le budget même de la Chambre. 

Or, l'usage parlementaire veut que chaque Chambre soit 
maîtresse de son propre budget ; l'autre Chambre se contente 
d'entériner invariablement le vote de sa voisine, sans y rien 
changer. C'est une question de courtoisie. Il eût été peu 
correct, dès lors, de la part du gouvernement, de rompre cette 
tradition en demandant au Sénat de refuser d'approuver les 
dispositions prises par la Chambre pour son propre budget, 
d'autant plus que, en ce qui concerne la question du parcours 
gratuit sur les chemins de fer, le privilège que s'est octroyé le 
Sénat n'est peut-être pas tout à fait à l'abri du reproche 
d'inconstitutionnalité ! 

Mais du moins, dit-on, si le Sénat se rangeait à l'avis de la 
Chambre, il restait au gouvernement le moyen d'obtenir du 
Roi le refus de sanction du budget des dotations et, en toute 
hypothèse, la dissolution des Chambres et l'appel au pays. 

On comprendrait difficilement que le Roi refusât de sanc- 
tionner un budget et surtout le budget des dotations, et l'on 
comprend aussi que le gouvernement ait hésité à recourir 
éventuellement aux moyens extrêmes de la dissolution et de 
l'appel au pays, lorsqu'il lui était loisible de retirer le projet 
de loi en litige. 

Le 24 décembre 1901, le Roi, sur la proposition du ministre 
des finances et de l'avis du conseil dôs ministres, prit donc 
un arrêté royal ainsi' libellé : « Nous avons arrêté et arrêtons : 

» Notre Ministre des finances et des travaux publics est 
» chargé de retirer en Notre nom le projet de loi contenant le 
» budget des dotations pour T exercice 4902 qui a été présenté 



( 278 ) 

» atu: Chambres législatives en vertu de Notre arrêté du 9 octo- 
» bre 1901. » 

Cet arrêté fut communiqué au Sénat le 26 décembre et à la 
Chambre le 14 janvier 1902, en même temps que le ministre 
des finances présentait à cette dernière assemblée un nouveau 
projet de budget des dotations. 

Aussitôt des protestations s'élevèrent au sein du Parlement, 
suivies d'une longue discussion, — très vive et souvent pas- 
sionnée à la Chambre, — sur la constitutionnalité de la mesure 
prise par le gouvernement ^. 

Nous ferons ici abstraction de toute considération étrangère 
pour n'envisager que la question de droit constitutionnel que 
l'on peut formuler en ces termes : Le gouvernement a-t-il le 
droit de retirer devant le Sénat un projet de budget voté par la 
Chambre? 

La thèse affirmative du gouvernement était basée sur une 
interprétation de l'article 27. 

Le Roi, comme chacune des deux autres branches du Pou- 
voir législatif, possède le droit d'initiative. Or, ce droit d'initia- 

* Cf. Sénat, séance du 26 décembre 1901, Ann.paW., pp. 73 et suiv. — 
Chambre, interpellaiion de M. Neujean au sujet de rinconstitutionnalité 
du retrait, par le gouvernement, du budget des dotations pour 1902 : 
Chambre, 14 janvier 1902, Ann, pari., pp. 368 et suiv. 
Id. 15 — - 377 — 

Id. 16 — — 395 — 

Id. 17 - - 411 — 

Sénat, 15 mai — — 389 — 

A consulter surtout, pour la thèse du gouvernement : les discours de 
MM. de Smet de Naeyer et Van den Heuvel, et du côté de l'opposition 
les discours de MM. Neujean, Huysmans et Janson, à la Chambre, de 
MM. Dupont et Gobiet d'Alvielia, au Sénat. 

A consulter encore, contre la thèse du Gouvernement : deux articles 
de M* Léon Hennebicq, Journal des Tribunaux du 26 janvier 1902 
(pp. 98-101); 13 mars 1902 (pp. 306-310). 

Pour la thèse du gouvernement : un article de M« A. Nerincx, Journal 
des Tribunaux du 23 février 1902 (pp. 226-230). 



( 279 ) 

tive en comprend logiquement plusieurs, qui s'enchaînent les 
uns aux autres. 

Il suppose d'abord le droit de déposer des projets de loi 
devant les Chambres, devant Tune ou devant l'autre, sauf la 
restriction de l'alinéa 2; il entraîne ensuite le droit de modi- 
fier, soit devant la Chambre, soit devant le Sénat les projets 
déposés; il comprend, enfin, le droit de retirer les projets 
déposés pendant tout le cours du travail législatif i. 

Déposer, modifier, retirer les projets de loi, tels sont les 
différents pouvoirs que renferme le droit d'initiative. 

On ne nie pas que le droit de retrait découle du droit 
d'initiative. Personne non plus n'a songé ù contester sérieuse- 
ment au gouvernement le droit de retirer un projet de loi 
avant qu'il soit voté par l'une des deux Chambres. De même, 
on sera facilement d'accord pour dire qu'une fois le projet 
voté par les deux Chambres, il ne peut plus être question 
d'exercer le droit de retrait : le projet voté n'attend plus alors 
pour devenir loi que la sanction royale, il ne peut plus être 
ni amendé ni retiré, le droit d'initiative est complètement 
épuisé et le seul droit que conserve le Roi est celui de ne pas 
sanctionner le vote des deux Chambres. 

Mais, et c'est là le point en discussion, si l'on se place dans 
la phase intermédiaire du travail législatif, au moment où 
le projet déposé par le gouvernement a été voté par l'une des 
deux Chambres, le gouvernement peut-il encore, à ce moment- 
là, exercer son droit de retrait? 

Non, dit-on, car à la suite du vote de l'une des deux 
Chambres, le projet n'est plus le projet du gouvernement, et, 
par conséquent, celui-ci ne peut plus le retirer^. 

* Cf. Discours Van den Heuvel. (Gh. des Représ., séance du 15 jan- 
vier 1902, Ann. pari., p. 383.) 

* « Vous pouviez, avant le vote, faire deux choses pour résister à la 
Chambre : vous pouviez refuser de porter le crédit nécessaire au budget 
et maintenir votre projet primitif de budget ; vous pouviez aussi retirer 
le projet. Mais, du moment où vous l'aviez laissé soumettre au vote de la 
Chambre, tel que vous l'aviez modifié avec la majoration de crédit, et 



( 280 ) 

En effet, l'article 27 place, au point de vue de Tiniliative, les 
trois branches du Pouvoir législatif sur la même ligne. Le 
gouvernement n'a pas plus de droits que chacune des Cham- 
bres. 

Or, supposons, disait M. Huysmans, une proposition émanée 
de l'initiative parlementaire : « Ce projet est voté par la 
Chambre et, après ce vote, le président a déclaré, conformé- 
ment à la Constitution, que le projet est transmis au Sénat. Les 
membres qui ont présenté ce projet peuvent-ils encore le 
retirer? La Chambre elle-même peut-elle encore le retirer? 
Non ! Ce projet appartient au Sénat, le Sénat en est saisi, et 
c'est le Sénat seul qui peut statuer. 

» C'est ici qu'apparaît votre erreur.».. Vous voulez, vous, 
que le pouvoir gouvernemental prime le droit des deux autres 
branches du pouvoir. Vous soutenez qu'alors que la Chambre, 
ne pourrait plus retirer un projet dû à son initiative, qu'elle 
a renvoyé au Sénat, le gouvernement, lui, aurait le droit de le 
faire quand il s'agit d'un projet de loi dû à son initiative... 
Vous faites trop bon marché de l'initiative de la Chambre, 
pour ne voir que celle du gouvernement; car, lorsqu'un projet 
a été soumis par le Roi à la Chambre et que la Chambre Ta 
amendé et voté, c'est l'initiative de la Chambre qui apparaît et 
qui se substitue à celle du gouvernement qui a pris fin. Votre 
initiative à vous, mais elle est épuisée. 

» Votre projet devient en réalité le projet de la Chambre 
qui, en vertu de son autorité propre, le renvoie au Sénat. Par 
conséquent, lorsque vous avez retiré devant le Sénat le projet 
soumis à ses délibérations par la Chambre qui le lui avait 
transmis, vous avez supprimé par arrêté royal l'initiative de 
la Chambre. 

)> M. le Ministre des finances a donc violé la Constitution 



que, la Chambre l'ayant voté, M. le président a dit que le budget serait 
transmis au Sénat, vous n'aviez pas le droit de le retirer, il ne vous 
appartenait plus. » (Huysmans, Gh. des Repr., séance du 15 janvier 1903, 
Ann. parL, p. 380.) 



( 281 ) 

dans plusieurs de ses dispositions; il a même violé l'article 37 
qu'il invoque à l'appui de sa thèse, car cet article consacre 
IMnitiative des deux Chambres^. )> 

En réponse à la première partie de cette argumentation, op 
peut admettre que certes le texte constitutionnel n'établit pas 
de différence entre les trois branches du Pouvoir législatif, en 
ce qui concerne leur initiative. Elles la possèdent, chacune au 
même titre. 

xHais, par la force même des choses, des différences se 
marquent dans la manière dont elles exercent cette initiative 
et en particulier le droit de retrait. 

Si la Chambre ou un membre de la Chambre ne peut -^ce 
qui n'est pas contesté •— retirer un projet dû à son initiative 
quand il a été consacré par un vote, c'est pour la raison très 
simple que ce vote dessaisit la Chambre et que les pouvoirs et 
privilèges de celle-ci et de chacun de ses membres expirent au 
seuil même de la Chambre. 

Concevrait-on un député qui s'adresserait au Sénat pour 
retirer un projet qui a été transmis par la Chambre à la Haute 
Assemblée? Il est probable que celle ci, avec d'ailleurs toute 
la politesse dont elle a conservé la tradition, ne manquerait pas 
de faire remarquer à ce député qu'il se trompe d'adresse et ce 
serait justice. De même, un vote de la Chambre retirant dans 
les mêmes conditions un projet transmis au Sénat n'aurait pas 
plus de valeur pour celui-ci. 

Les Chambres sont indépendantes l'une de l'autre dans 
Texercice de leurs attributions et leurs membres ne peuvent 
évidemment exercer celles-ci que dans l'enceinte de leur 
assemblée respective. 

Il n'en va pas de même lorsque le projet émane de l'initia- 
tive gouvernementale. Celle-ci n*est nullement épuisée quand 
le projet a été voté par l'une des Chambres, parce que, à la 
idifférence du député et du sénateur, le gouvernement est 
présent et représenté dans les deux Chambres, où il suit 

* Cl), des Représ., séance du 15 janvier 1902, Ann. pari., p. 381. 



( 282 ) 

attentivement les différentes phases de Télaboration de la loi 
jusqu'à son vote complet et définitif. 

a II importe d* observer, disait H. le Ministre dp la justice, 
que le gouvernement intervient dans la discussion d'un projet 
aussi bien devant la Chambre qui en est saisie en second lieu 
que devant celle qui a eu à s'en occuper la première. Son droit 
d'amendement et, partant, de retrait, peut s'exercer successi- 
vement devant chacune des deux Chambres. Il est constam- 
ment présent, pendant le cours entier des deux actes de la 
discussion, celui qui se déroule devant la Chambre et celui 
qui se déroule devant le Sénat. 

» Au contraire, chacune des assemblées a épuisé son droit 
quand elle a voté sur un projet soit pour Tadopter, soit 
pour le repousser. Dès cet instant, elle est dessaisie et ne 
peut plus prendre aucune part à la discussion devant l'autre 
Chambre^. » 

On dit encore : la formule sacramentelle que prononce le 
président de la Chambre, lorsque celle-ci a voté un projet de 
loi : la Chambre adopte, le projet sera transmis au Sénat, a pour 
effet de saisir directement le Sénat de ce projet. Elle indique 
que la Chambre, par son vote, a substitué son initiative à celle 
du gouvernement, et c'est de sa propre autorité qu'elle saisit le 
Sénat d'un projet issu d'ailleurs de Tinitiative gouvernemen- 
tale. La Chambre fait usage ainsi de son droit légitime d'initia- 
tive, et le gouvernement, en retirant le projet transmis au 
Sénat, supprime en réalité l'initiative de la Chambre, ce qui 
est inconstitutionnel et contraire à l'article 27. 

Cette objection nous paraît, d'une part, exagérer la signifi- 
cation de la transmission au Sénat d'un projet de loi voté par 
la Chambre et, d'autre part, en déduire des conséquences 
erronées. 

La formule usuelle des arrêtés royaux pris en vue de la 
présentation d'un projet de loi au Parlement est la suivante : 
« Nous avons arrêté et arrêtons : Le projet de loi dont la 

* Sénat, séance du 13 mai 1902, Ann, part,, p. 390. 



( 288 ) 

teneur suit sera présenté en Notre nom aux Chambres législa- 
tives par Notre Ministre... 

C'est donc le Roi qui saisit par un même arrêté les deux 
Chambres à la fois. II peut appeler à discuter et à voter le 
projet, en premier lieu, l'une ou l'autre Chambre à son choix, 
sauf en cas de lois de finances, où la priorité appartient de 
droit à la Chambre des représentants. 

La « transmission » d'un budget ou d'un projet voté d'abord 
par la Chambre au Sénat ne constitue donc pas un acte 
d'initiative. C'est un simple fait matériel, une simple opéra- 
tion de grefie ^. 

De plus, le vote par la Chambre d'un projet dû à l'initiative 
gouvernementale n'a nullement pour effet de substituer l'initia- 
tive de la Chambre à celle du gouvernement. Le projet, même 
amendé par la Chambre, reste projet du gouvernement, et en 
le retirant celui-ci n'entame en rien un droit de la Chambre. 

C'est ce que montrait très clairement M. le Ministre de la 
justice dans son discours à la Chambre ^ : 

« Lorsque le gouvernement présente devant les Chambres 
un projet de loi, il demande à Tune et à l'autre assemblée de 
bien vouloir se rallier à ses propositions et d'unir leur décision 
à la sienne pour donner force légale à ce qu'il leur propose, 
quitte à admettre tel ou tel amendement particulier. Est-ce 
que la circonstance que ce projet de loi est volé par l'une des 
Chambres et même amendé par elle, en change la nature et 
en fait un projet émanant de la Chambre? Nullement. Projet 
de loi du gouvernement lors de son dépôt, il reste tel après 
avoir été voté. 

» Et c'est le gouvernement qui le transmet ensuite à l'autre 
Chambre. Certes, pour la facilité le greffe de la Chambre fait 
cette transmission, mais ce n'est là qu'une facilité de procé- 
dure et le projet n'en reste pas moins le projet de son auteur. » 

* Cf. Discours de M. de Smet de Naeyer. (Ch. des Représ., séance du 
14 janvier 1902, Ann. pari., p. 371.) 

« Ch. des Représ., séance du 15 janvier 1902, Ann. pari., pp. 385-386. 



(284 ) 

» jjf. Neujean. — Pourquoi n'est-il pas devenu le projet de la 
Chambre? 

» M. Van den Hmvel. — Parce qu'il ne change pas de nature, 
comme je viens de le dire, par le simple fait qu'il a été voté et 
amendé par la Chambre. Il n'en demeure pas moins le projet 
du gouvernement. 

» Le vote de la Chambre montre que celle-ci se range à 
l'avis de l'auteur du projet, c'est-à-dire du gouvernement. 
Voilà ce qui est consacre par le vote, rien de plus. Pour avoir 
rencontré l'assentiment de la Chambre, un projet déposé par le 
gouvernement n'en reste pas moins un projet du gouverne- 
ment. 

» M, Buysmam. — Mais lorsqu'il s'agit d'un projet du gou- 
vernement amendé par la Chambre, cet amendement n'émane- 
t-il pas de la Chambre ? 

» M, Van den HeuveL — L'insertion d'un amendement dans 
un projet déposé par le gouvernement ne transforme pas plus 
celui-ci en un projet de la Chambre que l'insertion d'un 
amendement du gouvernement dans un projet émané de la 
Chambre ne fait de celui-ci un projet du gouvernement. 

» M. Neujean. - Et quand un amendement a été adopté 
contrairement à l'avis du gouvernement, le projet reste-t-il 
encore projet du gouvernement? 

» M. Van den HeuveL — C'est encore le projet du gouverne- 
ment, mais le gouvernement peut, comme le disait M. Janson 
en 1893, soit retirer le projet, soit le combattre au Sénat, soit 
proposer au Roi de ne pas le sanctionner. » 

Et au Sénat, répondant à la même objection *, le ministre 
précisait d'une manière très nette la différence qu'il cx>nvient 
d'établir entre la décision de l'une des Chambres relative à une 
proposition émanant de l'initiative parlementaire et sa décision 
lorsqu'elle se prononce sur un projet dû à l'initiative du gou- 
vernement. 

* Sénat, séance du i.^ mai i902, Ann. parL, p. 390. 



( 288 ) 

€( La portée de la décision et ses effets diffèrent notablement 
dans les deux cas. 

» Dans le premier cas, lorsque l'une des Chambres se pro- 
nonce sur une proposition émanant de l'initiative individuelle 
d'un de ses membres, son vote favorable équivaut à un renvoi 
à l'autre Chambre. C'est l'expression d'une volonté, d'un désir 
et de la volonté de saisir l'autre assemblée, et du désir de voir 
celle-ci examiner et discuter la proposition adoptée. 

» Il n'en est pas de même dans le second cas, lorsque c'est 
le gouvernement qui a présenté le projet. L*adhésion que 
lune des deux Chambres lui donne atteste uniquement sa 
communauté de vue avec le gouvernement. Le projet ne 
change pas de caractère, quels que soient les amendements y 
apportés. Projet du gouvernement il était à son origine, projet 
du gouvernement il reste et demeure jusqu'à la fin. L'assenti- 
ment de la Chambre ne le transforme pas plus en une propo- 
sition de la Chambre, que l'acquiescement du gouvernement à 
une proposition de la Chambre ne transforme celle-ci en un , 
projet gouvernemental. De telle sorte que le gouvernement 
reste absolument libre à l'égard du projet qu'il a déposé et qui 
a été adopté; il peut chercher devant l'autre Chambre à l'amen- 
der, à le modifier essentiellement, il peut même le retirer 
quand de sérieuses circonstances le lui commandent. » 

Cette interprétation de notre droit public et parlementaire, 
favorable à la constitutionnalité du droit de retrait par le gou- 
vernement d'un projet voté par l'une des Chambres, repose 
d'ailleurs sur une série d'arguments solides. 

M. le Ministre de la justice les a fait valoir dans son court 
et substantiel discours au Sénat ^. 

On peut d'abord invoquer en sa faveur l'esprit même de la 
Constitution que l'on peut retrouver dans un opuscule célèbre, 
imprimé à Liège en 1830 et intitulé : Observations sur le pou- 
voir royal. 

* Sénat, séance du 45 mai 1902, Ann. parL, pp. 390-391, 



( 286 ) 

Son auteur, M. Joseph Lebeau, y formule l'opinion sui- 
vante : 

c< Il serait très désirable que le Roi ne soit pas toujours lié 
par la présentation d'un projet soumis par lui aux Chambres. 

)) En provoquant une délibération parlementaire, le prince 
fait un appel aux lumières de la Chambre et de la nation. 

y> Les réflexions personnelles, les observations de ceux qui 
approchent, du trône et des ministres, les arguments de la 
presse donnent-ils au pouvoir royal la conviction que le projet 
est vicieux, il doit pouvoir le retirer. 

» Cette conviction résulte-t-elle seulement de la discussion 
parlementaire, le Roi doit, malgré l'adoption même du projet, 
pouvoir encore l'empêcher de devenir loi. Il est de l'intérêt du 
trône que la loi, et surtout la loi proposée en son nom, ait 
obtenu une majorité assez forte pour représenter le vœu de la 
nation. 

» Les avantages du principe que la couronne n'est pas liée 
par la présentation l'emportent tellement sur les inconvé- 
nients fort rares qui peuvent s'y rattacher, le bons sens est si 
complètement d'accord avec ce système, qu'il ne faudrait rien 
moins qu'un texte formel pour l'interdire. » 

Certes, le passage que nous venons de citer, d'après le dis- 
cours de M. Van den Heuvel, ne vise pas formellement le point 
même qui est en discussion. Mais l'auteur approuve le droit de 
retrait en général, sans aucune restriction, et les avantages 
qu'il présente lui paraissent tellement supérieurs aux inconvé- 
nients éventuels qui pourraient en découler, « qu'il ne faudrait 
rien moins qu'un texte formel pour l'interdire ». 

Et cette opinion exprimée par M. Lebeau a une valeur par- 
ticulière, si l'on se rappelle l'esprit de grande défiance qui 
animait nos constituants vis-à-vis du pouvoir royal, si l'on se 
rappelle surtout que M. Lebeau fut l'un des plus ardents 
adversaires de l'extension de ce dernier et qu'il inspira notam- 
ment l'article 78 de la Constitution, qui précise nettement les 
limites des pouvoirs du Roi. 



( 287 ) 

Divers précédents la confirment d'ailleurs. Nous n'y insiste- 
rons pas, mais nous attirons cependant l'attention sur un 
arrêté royal du 27 avril 1836, qui a retiré un projet de loi 
déposé par le gouvernement et voté par la Chambre. Il s'ensui- 
vit une discussion à la Chambre, qui se termina à l'avantage du 
gouvernement. M. Van den Heuvel Ta rappelée dans tous ses 
détails, qui offrent un grand intérêt puisqu'ils précisent l'opi- 
nion du Parlement au lendemain du vote de la Constitution. 

Il est intéressant de noter encore qu'en d'autres pays la 
constitutionnalité du droit de retrait d'un projet voté n'est pas 
contestée. 

En France, au témoignage autorisé de M. Pierre : « Les 
projets dus à l'initiative gouvernementale peuvent être retirés, 
comme les propositions sorties de l'initiative parlementaire, à 
toutes les phases de la procédure. Un projet de loi peut être 
retiré par le gouvernement, lors même qu'il a déjà été voté 
par Tune des deux Chambres et présenté à l'autre ^ ». 

En Angleterre, la pratique parlementaire accorde le droit 
(le retrait aux membres du Parlement comme au gouverne- 
ment. Il n'est nullement exact de dire que lorsqu'un projet a 
été voté par une Chambre et qu'il a passé à l'autre, celle-ci 
doit statuer. « Tout le monde admet que lorsqu'un bill voté 
par la Chambre des Communes demeure pendant douze séances 
abandonné sur la table de la Chambre des Lords par le membre 
qui est chargé d'en proposer la seconde lecture, le bill meurt 
et est perdu, à moins qu'une suspension du règlement ne le 
rappelle à la vie. Cette règle, - au dire des autorités les plus 
compétentes que nous avons eu la curiosité de consulter per- 
sonnellement et dans les deux Chambres du Parlement 
anglais, — cette règle est universelle et s'appliquerait, le cas 
échéant, au budget comme à tout autre projet de loi. On 
n'admet pas en Angleterre que le dépôt d'un projet de toi au 
Parlement oblige, ipso facto, le ministère à en poursuivre la dis- 

* Poudra et Pierre, Traité pratique de droit parlementaire, n» 345, 
p. 200. 



(288) 

cussion en toutes circonstances, et en dépit des modifications qui 
y seraient apportées par voie d'amendement ^. 

Le cas de la Hollande est plus caractéristique encore. Lors- 
qu'on revisa la Constitution en 1887, la commission proposa 
d'inscrire dans le texte un article qui proclamât formellement 
le droit de retirer des projets déjà votés par une des Chambres. 
Lé gouvernement déclara qu'à sou avis la question n'était pas 
douteuse, mais qu'il ne sV)ppo8erait pas à l'insertion de 
l'article. Il n'y eut pas de discussion. Et l'on peut lire aujour- 
d'hui à l'article 118 de la Constitution : <c Tant que le Sénat 
n'a pas décidé, le Roi conserve le pouvoir de retirer le projet 
qu'il a présenté % ». 

Ces exemples tirés des constitutions étrangères n'apportent 
évidemment aucun argument direct pour l'interprétation de la 
nôtre. Mais ils démontrent tout au moins que le droit reven- 
diqué aujourd'hui en Belgique n'a rien d'exorbitant en lui- 
même et que d'autres nations le considèrent comme dérivant, 
par une conséquence naturelle, de l'économie générale de 
l'organisation législative 3. 

EnGn, il existe certaines circonstances délicates dans la vie 
politique, en vue desquelles il est nécessaire que le gouverne- 
ment soit doté du droit absolu de retirer les projets qu'il a 
présentés* 

ce Supposez, disait le ministre 4, une discussion soulevée 
devant la Chambre au dernier moment, menée rapidement et 
conduisant à l'adoption d'amendements qui bouleversent de 
fond en comble le projet présenté : vous désarmez le gouver- 
nement si vous vous bornez à dire qu'il a le droit de retirer 
son projet avant le vote, mais qu'il ne Fa plus après ce vote, 
car à quel instant voulez-vous que ce gouvernement, surpris 
par une opposition inattendue, puisse agir utilement?... 

* A. Nerincx, loc. dt,, p. 229. 

' Discours de M. Van den Heuvel. (Sénat, séance du 15 mai 1902, Ann. 
parL,p.39i.) 
' Ibiddm, 

* Ibidem. 



( 289 ) 

€( Supposez qu'après le vote de Ta Chambre et par suite de 
la campagne ardente menée par un parti, il se produise dans 
le pays une certaine agitation et que le gouvernement ail 
intérêt, en vue de la paix publique, à empêcher tout renou- 
vellement de la discussion : allez-vous lui refuser le droit de 
retirer le projet quMl a déposé et qui est cause du malaise et ' 
peut-être de l'irritation? 

» Supposez qu'un budget se référant à des questions poli- 
tiques passionnantes soit adopté par la Chambre et qu'au 
lendemain, le ministère qui l'a préparé et soumis vienne à 
tomber : refuseriez-vous aux successeurs le droit de faire 
œuvre nouvelle, de retirer le budget primitif et de présenter 
immédiatement devant la Chambre un projet budgétaire qui 
correspondje au programme du cabinet ? 

» Autant de considérations qui démontrent que le gouver- 
nement peut vous demander de ne pas méconnaître son droit 
de retrait. » 

il nous reste à rencontrer encore deux objections. 

Le Roi, dit-on, n'a d'autres pouvoirs que ceux que lui 
attribuent formellement la Constitution et les lois particulières 
portées en vertu de la Constitution même (art. 78). 

Or, la Constitution ne lui reconnaît pas formellement le 
droit de retrait, pas plus d'ailleurs qu'aucune loi particulière. 

Il est vrai, mais elle attribue formellement au Roi le droit 
d'initiative (art. 27), et le droit de retrait, on le reconnaît, est 
un corollaire du droit d'initiative. 

On admet généralement et sans contestation que ce droit de 
retrait le Roi peut l'exercer avant le vote par l'une des 
Chambres : mais quel est donc le texte qui consacre formelle- 
ment ce droit? 

De même, la Constitution ne lui attribue pas formellement 
le droit d'amendement, comme elle le fait pour les Chambres 
(art. 41, 42). Personne, cependant, ne s*avise de le lui con- 
tester. 

11 en est ainsi de beaucoup de droits a qui appartiennent au 
. gouvernement dans notre organisation politique et parlemen- 

ToME LXVI. 19 



( 290 ) 

taire, dont l'exercice est même indispensable à son fonctionne- 
ment régulier et qui ne sont cependant pas consacrés par des 
textes formels ^ ». 

M. Janson a élevé une autre objection que Ton pieut résumer 
en ces termes 2. En admettant même, en manière do discussion, 
la constitutionnalité du droit de retrait pour les projets de loi 
ordinaires, il faudrait cependant la nier en ce qui concerne 
les budgets. 

Pour les premiers, l'initiative gouvernementale est faculta- 
tive; le gouvernement peut les présenter ou ne pas les 
présenter, à sa guise; quant aux projets budgétaires, l'initia- 
tive gouvernementale n'est pas seulement un droit, elle est un 
devoir imposé par la Constitution (art. 118) et réglementé par 
les lois de comptabilité. C'est une <( initiative obligatoire », et, 
par conséquent, le droit de retrait n'existe pas pour les 
budgets. 

Il est incontestable que le dépôt des budgets est obligatoire 
et doit s'effectuer chaque année par les soins du gouvernement. 
S'ensuit-il qu'une fois déposés, les budgets ne peuvent plus 
être retirés? 

Nous n'apercevons pas le bien fondé de cette conclusion, si, 
bien entendu, après avoir retiré un projet de budget, le gou- 
vernement en présente un autre. 

On n'apporte d'ailleurs aucune preuve à l'appui de cette 
affirmation, qui est en contradiction avec Tensemble de notre 
organisation constitutionnelle et parlementaire. Ni la Consti- 
tution, ni les lois de comptabilité, ni le règlement de la 
Chambre n'établissent une différence entre le régime des lois 
budgétaires et celui des lois ordinaires. Pourquoi donc y 
aurait-il, entre elles, une différence dans ce cas spécial? 

On dit, il est vrai 3, que la loi du 24 juillet 1900, en fixant 

< Discours de M. Van den Heuvel. (Sénat, séance du 15 mai 1902, Ann. 
parL, p. 390.) 

* Discours de M. Janson. (Ch. des Représ., séance du 14 janvier 190^ 
Ann. parL, p. 372.) — Id., 15 Janvier 1902, id., p. 402. 

* Cf. Discours de M. Huysraans. (Ch. des Représ., séance du 15 jan- 
vier 1902, Ann, parL, p. 382.) 



( 291 ) 

au 31 octobre la limite extrême de la présentation des budgets, 
supprime ipso facto le droit de retrait, puisque le nouveau 
projet déposé ne pourrait plus l'être dans le délai légal. 

Cette loi du S4 juillet 1900 n'a pas la portée absolue qu'on 
lui prête. Elle se propose simplement d'assurer une meilleure 
préparation du budget, tout en ménageant au Parlement un 
temps suffisant pour son examen et son vote^. S'ensuit-il 
qu'elle interdise absolument tout dépôt d'un projet de budget 
après le 31 octobre ? 

Cela n'est pas admissible et rien dans les travaux prépara- 
toires de la loi n'autorise cette interprétation, qui pourrait 
d'ailleurs amener dans la pratique des difficultés insurmon- 
tables. 

c( Supposez, disait M. le Ministre de la justice s, que le gou- 
vernement remplisse ses obligations et dépose des projets à 
l'époque fixée par la loi, n'y a-t-il pas de multiples circon- 
stances qui peuvent faire tomber ces projets et nécessiter le 
dépôt d'autres projets à une époque très postérieure? N'arrive- 
rait-on pas à cette situation particulière toutes les fois que 
Tune des deux Chambres rejeterait le budget et que le Roi 
refuserait sa sanction? » 

Personne cependant ne prétendra que la loi de 1900 enlève 
aux Chambres le droit de rejeter le budget ou au Roi le droit 
de ne pas le sanctionner. De même, ne peut-on pas en inférer 
que le gouvernement ne possède pas le droit de retirer un 
projet de budget voté par la Chambre. 

De l'étude qui précède et après avoir examiné à tête reposée, 
à l'abri des suggestions irritantes des débats parlementaires, 
les principaux arguments échangés de part et d'autre, nous 
croyons pouvoir conclure à la constitutionnalité du droit pour 
le gouvernement de retirer devant le Sénat un projet de budget 
voté par la Chambre. 

Ce droit n'est inscrit formellement dans aucun texte consti- 

4 Cf. supra, pp. 196, 197. 

* Gn. des Représ., séance du 15 janvier 1902, Ann. parL, p. 385. 



( 292 ) 

tutionnel ou légal. Il se déduit logiquement du droit d'initiative 
gouvernementale et des principes de notre organisation parle- 
mentaire. Hais son exercice sera modéré, il sera plutôt une 
arme préventive, une ressource extrême dans des circonstances 
exceptionnelles. 

CHAPITRE IX. 

Du retard dans le vote des budgets. — Les crjèdits 
provisoires. — Le changement de la date d'ouver- 
ture de Tannée financière. 

Sans budget voté, pas de gouvernement régulier possible. 
Mais il ne suffit pas que le budget soit voté à un moment quel- 
conque pour une période indéterminée. La Constitution exige 
que le budget soit voté chaque année; il n'est donc valable que 
pour un an et doit par conséquent être préalable à l'exercice 
auquel il se rapporte. 

Ce sont là des caractères essentiels d'une bonne organisation 
budgétaire. Il est manifeste, cependant, qu'en Belgique cette 
prescription constitutionnelle ne trouve plus d'application. Il 
n'arrive plus jamais que les budgets soient approuvés avant le 
commencement de l'année financière, c'est-à-dire avant le 
!•' janvier de chaque année ^. 

Ce qui ne devrait être que l'exception est devenu la règle, et 
les budgets, sauf quelques-uns, sont régulièrement votés après 
cette date. 



^ (( Le mal s'aggrave chaque année, écrivait, en 1883, M. Demeur; c'est 
ce que constate un tableau que nous publions comme annexe et dans 
lequel nous avons relevé les dates auxquelles depuis quinze années les 
lois qui approuvent les divers budgets ont été promulguées. » (Rapport 
sur le budget des voies et moyens pour 1883. Session de 1882-1883, 
Doc, parL, n® 47, annexe I, p. 19.) 

Si Ton voulait continuer ce tableau depuis 1882, on s-'apercevrait qu'on 
n'a remédié en aucune façon à ce mal invétéré. 



( 293 ) 

Cette situation n'est pas récente. En 1846 déjà, M. Rogier 
pouvait dire à la Chambre : « Depuis très longtemps, il ne 
nous est pas arrivé de pouvoir voter les budgets avant l'ouver- 
ture de l'exercice auquel il se rapportent ^ », et M. Desmét 
confirmait cette observation, en disant : ce tous les ans nous 
sommes frappés des inconvénients que présente la discussion 
des budgets; jamais le Sénat n'a le temps nécessaire pour les 
examiner sérieusement. C'est là un fait qui existe depuis 
quinze ans, malgré la prescription formelle de la Constitu- 
tion 2 ». 

Depuis l'origine de son organisation politique actuelle, là 
Belgique pratique donc, sous ce rapport, un régime budgétaire 
irrégulier, et cette irrégularité est devenue chronique au point 
de paraître presque normale. 

Les différents gouvernements qui se sont succédés, afin de 
ne pas entraver le fonctionnement des services publics, se sont 
contentés de masquer en quelque sorte la violation de la 
Constitution, de « sauver la face, » suivant une expression 
connue, en deuiandant au Parlement une autorisation provi- 
soire d'exécuter le budget, comme s'il était voté. 

Lorsque le gouvernement constate, en effet, que les budgets 
ne pourront être adoptés en temps utile, il propose au Parle- 
ment de lui ouvrir des crédits à valoir sur les budgets du 
prochain exercice, à partir du !•' janvier. 

Ce sont les crédits provisoires qui lui permettront d'effectuer 
les dépenses jusqu'au vote du budget régulier. Ils sont calculés, 
par fractions mensuelles, de manière à couvrir les dépenses 
nécessaires pendant les deux, trois, quatre mois ou davantage 
qui s'écouleront jusqu'à ce moment. Ils portent aussi pour 
cette raison le nom de douzièmes provisoires. 

Les crédits ou douzièmes provisoires constituent, il est vrai, 
un expédient bien connu des gouvernements de tous les pays. 
Mais, tandis qu'ailleurs on n y a recours qu'à titre exceptionnel 

« Séance du 26 février 1846. 
* Séance du 27 février 1846. 



(294) 

et en cas de force majeure, ils sont devenus dans notre pays 
nne institution permanente >. 

II convient donc de nous y arrêter quelque peu, à raison du 
rôle important qu'elle joue dans notre organisation budgé- 
taire. 

Nous examinerons : 

1* La nature de -la loi des crédits provisoires; 

2® Les critiques qu'on lui adresse. 

I. — La nature de la loi des crédits provisoires a été précisée 
au Sénat, le 26 décembre 1901, à l'occasion de la discussion 
relative au retrait du projet de budget des dotations pour 19023* 

M. le Ministre des finances définissait en ces termes la raison 
d'étfp de cette loi et ses caractères essentiels : « Le projet de 
loi de crédits provisoires affecte certaines sommes aux divers 
services publics, en telle manière que le gouvernement puisse 
feire face, pendant une période de temps déterminée, aux 
dépenses courantes, telles qu'elles ont été admises par les lois 
budgétaires des années précédentes... Il est de règle que ce 
qui sort du cadre des crédits admis en quelque sorte de plein 
droit en vertu des précédents, que les crédits nouveaux, les 
dépenses exceptionnelle^ restent en dehors de l'autorisation 
résultant de la loi des crédits provisoires; cette loi, en effet, 
n'a d'autre portée que d'assurer pendant un certain temps la 
marche des services, sans engager Topinion des Chambres sur 
des dépenses qui, n'ayant pas été votées précédemment, doivent 
être soumises à une discussion spéciale. » 

* En Angleterre, les votes on accounts fonctionnent normalement et 
régulièrement, comme une suite nécessaire du mode spécial de prépara- 
tion du budget usité dans ce pays. Personne ne songe à contester la 
nécessité et le principe du système. Il n*en est pas de même en Belgique, 
où les crédits provisoires ne sont qu'un expédient destiné à assurer la 
marche des services publies à défaut d'une application rigoureuse des 
prescriptions constitutionnelles. — Cf. sur le mécanisme des votes on 
accounts : Stourm, loc, cit., p. 314. 

« Cf. Ann. pari., pp 78-79. 



( 298) 

Le caractère provisoire de ces crédits exige donc, et cela est 
très naturel, que la loi qui les contient ne préjuge pas les 
décisions des Chambres, réserve leur liberté et par conséquent 
n'innove pas. 

M. Hanrez avait cependant, au cours de cette même discus- 
sion, soulevé à un autre point de vue une difficulté très réelle, 
à notre avis, et qui n'a pas reçu de solution satisfaisante. 

La Chambre avait voté, le 20 décembre 1901, le budget des 
dotations. Après ce vote, elle avait adopté le projet de loi sur 
les crédits provisoires à valoir sur les budgets de 1902 et qui 
contenait, entre autres un crédit pour les dotations. 

Par un arrêté royal du 24 décembre, le gouvernement avait 
retiré le budget des dotations. Le 26 décembre, M. Hanrez 
demandait au Sénat, s'il croyait pouvoir voter des crédits pro- 
visoires à valoir sur un budget retiré? 

M. Lippens appuya l'observation de H. Hanrez. « Le gou- 
vernement, disait-il, demande à pouvoir disposer de dou- 
zièmes provisoires à valoir sur les budgets présentés. Il n'y a 
pas, il n'y a plus de budget des dotations présenté. Le 
gouvernement pourrait-il, par exemple, engager une dépense 
sur un article n'existant pas dans un budget antérieur? Non, 
parce qu'il y a le néant. Or, à ce moment, à défaut de budget 
des dotations déposé, il y a le néant. Si le gouvernement avait ' 
déposé un nouveau budget des dotations, il pourrait nous 
demander des crédits sur ce nouveau projet, mais il n'y en a 
pas et le gouvernement ne peut donc rien payer sur aucun 
poste de ce budget non existant. » 

La réponse du gouvernement, par l'organe de M. le Ministre 
des finances, fut celle-ci : « L'honorable M. Lippens verse 
dans une erreur complète. Les projets de budgets dont les 
Chambres sont saisies sont comme inexistants aussi longtemps 
qu'ils n'ont pas acquis force de loi par le vote des Chambres, 
suivi de la sanction et de la promulgation. Aussi le projet de 
loi de crédits provisoires ne se réfère-t-il nullement aux projets 
de budgets déposés : il a son existence propre, sa portée 
spéciale qui est de mettre à la disposition du gouvernement 



(*296 ) 

certaines sommes déterminées, à valoir sur les budgets à voter 
ultérieurement. 

» Nous n'opérons donc pas sur le néant, comme semble le 
croire l'honorable M. Lippens. Nous convions le Sénat, au 
contraire, à voter un projet de loi parfaitement valable en 
lui-même, ayant pour objet d'assurer la marche des services 
publics en attendant que les divers budgets soient votés, et 
cela est vrai du budget des dotations comme des autres. » 

Cette réponse ne nous semble pas concluante. Certes, le6 
projets de budgets n'acquièrent force de loi que par le vote des 
deux Chambres suivi de la sanction et de la promulgation. 

Tant qu'il n'y a pas de loi budgétaire, le gouvernement ne 
peut régulièrement engager aucune dépense, et c'est pour 
cette raison, qu'aussi longtemps que les budgets n'existent 
qu'à l'état de projet, le gouvernement est obligé de demander 
des crédits provisoires. 

Mais, s'il est vrai de dire que le projet de loi demandant 
des crédits provisoires ne s'en réfère pas expressément aux 
projets de budgets déposés, il nous paraît certain qu'il les 
suppose nécessairement. Ce sont ces projets de budgets, en 
effet, qui déterminent l'étendue et les limites endéans les- 
quelles le Parlement accorde provisoirement certains crédits. 
Ces crédits sont en quelque sorte des parcelles détachées de 
l'ensemble des propositions budgétaires du gouvernement, en 
attendant que le Parlement ait approuvé définitivement 
celles-ci. 

lis ne se conçoivent donc guère sans des projets de budgets 
préalablement déposés et non retirés. Sinon, ainsi que le 
remarquait très justement M. Lippens, on devrait reconnaître 
« qu'un gouvernement pourrait ne déposer aucun budget et 
demander aux Chambres de voter des crédits provisoires à 
valoir sur des budgets qu'il soumettrait ultérieurement ». 

Telle a été d'ailleurs la pratique constamment suivie : jamais 
un gouvernement n'a déposé un projet de loi de crédits provi- 
soires, avant que l'ensemble des projets budgétaires ait été 
régulièrement présenté aux Chambres. 



(297 ) 

Il ne faut pas s'en écarter, d'autant plus que les crédits pro- 
visoires ne constituent, eh somme, qu'une simple tolérance, 
un pis-àller, qui ne peut se réclamer d'aucune disposition 
constitutionnelle ou légale. 

II. — Dès 1846, le Parlement a formulé des critiques fon- 
dées contre les crédits provisoires. Celles-ci se renouvellent, 
depuis, au cours de chaque discussion budgétaire. Le gouver- 
nement, lui aussi, se joint au Parlement pour déplorer la 
situation, mais elle se maintient et tend plutôt à empirer. Pour 
le budget de 1901, le gouvernement a dû demander huit dou- 
zièmes provisoires et onze pour le budget de 1902 ^. 

Ce régime aboutit, en réalité, sinon à supprimer, du moins à 
énerver le contrôle budgétaire du Parlement. Car personne ne 
soutiendra sérieusement que ce dernier, lorsqu'il est appelé à 
statuer définitivement sur les budgets, quand ceux-ci sont déjà 
exécutés pour un quart, pour la moitié ou même pour les trois 
quarts, conserve pleinement la liberté de modifier la situation 
créée provisoirement. 

Il a voté en bloc des budgets d'attente, mais on sait que rien 
n'est aussi définitif que le provisoire, surtout en matière 
d'administration, et qu'il n'est pas aisé de défaire en détail ce 
que Ton a voté en bloc. 

M. Demeur, dajas un de jses rapports si documentés ^, a 
parfaitement résumé les vices essentiels des crédits provisoires, 
lorsqu'il écrivait : « Voter le budget n'est autre chose qu'ouvrir 
les crédits nécessaires aux dépenses présumées de chaque exer- 
cice et donner au gouvernement les voies et moyens destinés 
à y subvenir. Procéder à ce vote après l'ouverture de l'exercice, 
alors que des dépenses sont faites en vertu de crédits provi- 

* En ce qui concerne le budget de 1902, le gouvernement fut amené 
par une situation parlementaire et politique spéciale à demander des 
crédits provisoires aussi nombreux. Il n'en utilisa d'ailleurs que cinq 
douzièmes au plus, les budgets ayant tous été volés vers la mi-mai. 

* Rapport, au nom de la section centrale, sur le budget des voies et 
moyens pour 1883. (Session de 1882-1882, Doc. parL, n9 47.) 



( 298 ) 

soires alloués en bloc, c'est renoncer au droit de vote pour 
toute la période qui s'écoule entre l'ouverture de l'exercice et 
la promulgation de la loi du budget; c'est donner un véritable 
blanc-seing au gouvernement dans la limite des crédits provi- 
soires; c'est, sinon supprimer le vote, au moins considérable- 
ment en réduire la portée. » 

Toutes les critiques que l'on a faites avant et depuis n'ont 
rien ajouté à cette condamnation sévère ^. 

Il existe, il est vrai, un correctif à la situation. Quelques 

* On peut dès lors s'étonner de rindulgence avec laquelle certains 
publicistes étrangers, comme M. Stourm et MM. Boucard et Jèze, aux 
lumières de qui nous avons fréquemment fait appel, apprécient le 
système belge des crédits pro\isoires, que M. Stourm propose même 
comme l'exemple le plus pratique que la France puisse suivre actuel- 
lement. « Chez nous, dit-il, les douzièmes provisoires représentent le 
désordre et Tirrégularité, parce qu'ils interviennent toujours inopiné- 
ment, à titre d'expédient, lorsque le vote du budget est en retard. 

» Au contraire, en Belgique, depuis un assez grand nombre d'années, 
les douzièmes provisoires, acclimatés et réglementés, fonctionnent 
comme une institution normale. Leur rouage a été combiné pour s'en- 
grener sans frottement sur le mécanisme général. Lorsque, au mois de 
décembre, le ministre des finances dépose le projet relatif aux crédits 
provisoires..., mille émotion, aucune récrimination n*accueille ce dépôt; 
on le prévoyait ; la marche des travaux parlementaires et administratifis 
avait été réglée en conséquence (pp. 412-113)... Leur suppression y 
causerait autant de trouble que leur apparition cause de scandale chez 
nous (p. 315). » Et MM. Boucard et Jèze ajoutent : « En Angleterre et en 
Belgique, les crédits provisoires ne soulèvent pas de critiques ; tandis qu'au 
contraire, en France, les douzièmes provisoires jouissent d'une réputa- 
tion exécrable » (1, p. 129). Il est possible que le système belge soit 
préférable au système français, mais il est assurément inexact de dire 
qu'en Belgique les crédits provisoires ne soulèvent pas de critiques. Il 
suffît d'ouvrir un volume quelconque des Annales parlementaires pour 
s'assurer du contraire. Ce qui est certain, c'est que le système ne trouve 
en notre pays aucun défenseur. Car, bien qu'invétéré et entré depuis 
longtemps dans les mœurs et usages administratifs, — ce qui a pu donner 
à MM. Stourm, Bpucard et Jèze le change sur son véritable caractère, -' 
ce régime est profondément irrégulier et contraire à la Constitution, 
comme aussi à une saine oi^anisation du gouvernement parlementaire. 



( 299 ) 

budgets, au moins, obéissant à la règle constitutionnelle, sont 
toujours votés avant le début de l'exercice, et parmi ceux-ci, 
l'un des plus importants, le budget des voies et moyens. 

Le budget des voies et moyens est toujours promulgué avant 
le 31 décembre, et par conséquent, les crédits provisoires ne 
portent jamais que sur des budgets de dépenses. 

Ce fait a une certaine importance, ainsi que le faisait 
remarquer M. Beernaert à la Chambre ^ : « Pour les voies et 
moyens, il importe que les Chambres se prononcent avant le 
commencement de l'exercice sur le chiffre et sur la nature 
des ressources à mettre à la disposition du gouvernement. » 
L'article 111 de la Constitution est en effet formel. Il déclare 
que les lois d'impôts n*ont de force que pour un an, si elles 
ne sont renouvelées. M. Beernaert ajoutait : « L'inconvénient 
du retard est moindre quant aux budgets de dépenses, car la 
plupart des budgets sont de nature permanente Ces budgets 
ne sont guère que la reproduction de ceux des exercices précé- 
dents, et, s'il s'y glisse quelque article nouveau et dont le prin- 
cipe ne soit pas déjà consacré, il n'y a pas un ministre qui 
s'engagera, même à Taide de crédits provisoires, avant que son 
budget n'ait été régulièrement voté. Mais ici encore cependant 
le vote préalable est infiniment plus régulier. » 

Les recettes sont donc votées, en Belgique, avant les 
dépenses. Si l'on peut approuver cette pratique, en tant 
qu'elle satisfait complètement au vœu constitutionnel, on doit 
regretter à un autre point de vue que les dépenses ne soient pas 
votées avant les recettes ou tout au moins que les deux votes ne 
soient pas simultanés. 

Les défenseurs du budget unique ont maintes fois signalé 
l'anomalie qui consiste à faire voter les receltes ayant les 
dépenses. Ils invoquent pour cela un principe bien établi de 
la science financière. 

M. Stourm le développe en ces termes 2 : « La préséance des 

* Séance du 3 février 4901, Ann. parL, p. 333. 
« Loc. ciLy pp. 202, 203. 



( 300 ) 

dépenses constitue un principe essentiel de la comptabilité 
publique, dont il importe de rechercher dès l'abord lès 
motifs. Pourquoi TÉtat commence-t-il par évaluer ses dépenses, 
alors que les particuliers suivent l'ordre inverse. Un père de 
famille, en effet, suppute d'abord ses revenus, et seulement 
ensuite règle leur emploi. Autrement, il risquerait d'aboutir 
au déficit et d'entamer son capital. 

c( L'État pourrait calculer de la sorte, s'il vivait encore exclu- 
sivement des produits de son domaine. Mais, depuis longtemps, 
le domaine, surtout en France, ne fournit plus qu'un petit 
appoint au budget : les impôts l'alimentent en presque totalité. 
Or, les impôts ne rendent pas une somme invariable : ils 
rendent ce qu'on leur demande, dans la limite des possibilités 
des contribuables. On ne saurait donc commencer par déter- 
miner leur montant, puisque ce montant est extensible, à la 
volonté des gouvernants. L'État, en somme, prend dans la 
poche des autres, ce qui n'est pas le cas des particuliers, habi- 
tuellement du moins. Cette prérogative l'oblige à fixer d'abord 
la somme dont il a besoin, afin de préciser, en connaissance de 
cause, la mesure des sacrifices qu'il réclamera ensuite \ 

a Ce sont les dépenses à faire qui servent de mesure et de 



* Aussi ne pouvons-nous pas souscrire à la comparaison inexacte que 
faisait au Sénat M. Gooreman, afin de justifier la préséance du vote des 
recettes, ou du moins le vote simultané des recettes et des dépenses. 

« En principe, disait l'honorable sénateur, je tiens que le gouver- 
nement doit présenter, en même temps, les prévisions de dépenses et 
les prévisions de recettes et aussi que la Législature devrait voter, en 
môme temps, le budget des voies et moyens et le budget général des 
dépenses. Donner le pas au budget des dépenses me semble de mauvaise 
politique financière. On pourrait nous comparer, si nous suivions cette 
voie, à un père de famille qui, au lieu de régler ses dépenses sur ses 
ressources, commencerait par dresser le budget de ses dépenses, de ses 
dépenses de nécessité et de fantaisie, de luxe et d'utilité, au risque de se 
mettre dans le plus grand embarras pour dresser ensuite son budget de 
recettes et d'en arriver à devoir contracter des dettes, des emprunts, etc... 



( 30t î 

justification aux recettes », disait M« Passy, ministre des 
finances, en janvier 1849, à l'Assemblée nationale... 

» ... Du moment donc que les impôts ne portent pas en eux- 
mêmes de mesure maximum, il faut bien chercher cette 
mesure en dehors d'eux, et ce sont les dépenses, c'est-à-dire les 
besoins publics, qui peuvent seuls la fournir. L'État indique et 
détermine d'abord les sommes qui lui sont nécessaires; les 
contribuables payeront en conséquence. Même en Prusse, où 
les recettes sont, présentées les premières, ce sont toujours 
les dépenses qui, dans Tesprit des préparateurs du budget, 
obtiennent la préséance ^. » 

MM. Boucard et Jèze affirment, eux aussi, que « le vote 
préalable du budget des dépenses est une règle fondamentale 
de la science financière; elle est essentielle à la bonne gestion 
des finances publiques ; c'est une garantie pour les contri- 
buables 2 ». 

Si donc, pour en revenir aux crédits provisoires, ceux-ci ne 
trouvent guère de défenseurs, et donnent lieu aux critiques les 
plus fondées, on doit se préoccuper de renoncer à ce système 
irrëgulier, et pour cela d'assurer le vote en temps utile des 
budgets. 

Comment y arriver? 

Pour répondre à cette question, il nous faut d'abord déter- 
miner les causes principales du retard dans le vote des budgets. 

Elles sont multiples et ont été signalées à maintes reprises. 
La première qui en résume beaucoup d'autres, c'est Vindis- 
oipline parlementaire. Nous entendons par là la mauvaise 
organisation du travail législatif des budgets, les retards 
dans la confection des rapports, les discussions interminables, 

* En Belgique, les préparateurs du budget envisagent, eux aussi, 
d'abord les dépenses avant de fixer les recettes. Mais M. Stourm con- 
damne surtout le système belge du vote des recettes avant le vote des 
dépenses, qu'il considère à juste titre comme une conséquence du 
système des douzièmes provisoires. (Cf. Stourm, loc. cit., p. 312, note 3.) 

« Loc. cit., 1. 1, p. 289. 



( 302 ) 

les fréquentes interruptions, qui permettent à d'autres projets 
de loi de scinder Texamen des budgets, etc. 

Cette indiscipline, qui sévit surtout à la Chambre, a pour 
conséquence d'enlever au Sénat le libre exercice de ses droits 
constitutionnels d'amendement et même de contrôle du 
budget. Lorsque celui-ci a traîné de longs mois à la Chambre, 
on presse le Sénat d'en finir au plus vite. Et ce dernier, 
malgré de fréquentes protestations, qui se renouvellent à 
chaque session, finit toujours par s*incliner ^. 

Le gouvernement peut prendre une part de responsabilité 
dans cet état de choses regrettable. Il pourrait souvent insister 
plus énergiquement pour obtenir du Parlement le vote des 
budgets en temps utile. 

Il est vrai qu'il y a moins d'intérêt que le Parlement. C'est 
à celui-ci de contrôler la gestion financière du gouvernement 
et de prendre par conséquent toutes les dispositions nécessaires 
pour assurer un contrôle eflbclif. 

D'autre part, le gouvernement pourrait utilement user de 
son influence sur la majorité parlementaire, dont il émane, 
pour hâter la discussion des budgets. 

Le premier remède consisterait donc dans une réforme 
sérieuse du travail parlementaire en matière de budgets. Nous 
y avons déjà suffisamment insisté ^. 

Mais il est une autre cause qui explique surtout les retards. 



* Cf., à titre d'exemple, les séances du Sénat du 27 mars 1901, Ann. 
pari., p. 138 et du 23 avril 1901, Ann. pari., p. 149. 

M. le chevalier Descamps avait proposé un jour au Sénat de commen- 
cer Texamen des budgets avant que la Chambre les ait votés. Il ne 
s'agissait pas de les voter avant la Chambre, ce qui eût été contraire à 
la Constitution (art 27, al. 2), mais seulement de les examiner et de les 
discuter, afin de permettre au Sénat d'exercer plus sérieusement son 
droit de contrôle. Une commission fut instituée pour étudier cette propo- 
sition à laquelle il n'a pas été donné suite jusqu'à présent. (Cf. Sénat, 
séances des 6 décembre 1901 et 18 mars 1902.) 

* Cf. supra, chapitres n et IIL 



( 303 ) 

Cest la proximité de la date du dépôt des budgets et de celle 
du commencement de l'année financière. 

Afin d'établir des délais assez longs entre ces deux dates et 
d'assurer le vote des budgets en temps utile, la loi de 1846 sur 
la comptabilité avait, dans son article 1*', prescrit de déposer 
les budgets dix mois au moins avant l'ouverture de Texercice. 

Cette règle des dix mois, par contre, ne permettait pas une 
bonne préparation des budgets. Aussi, n'ètait-elle observée 
que pour la forme ^ . 

La loi du 24 juillet 1900 a reporté la date du dépôt à la date 
extrême du 31 octobre; elle assure ainsi une préparation 
sérieuse des budgets, mais il est devenu matériellement 
impossible aux Chambres de voter les budgets avant le 
Iw janvier. 

Celles-ci se réunissant de plein droit et normalement le 
second mardi de novembre, disposent de six semaines au plus 
pour examiner les budgets en sections, faire les rapports, 
discuter et voter les budgets. 

C'est trop peu. La date du 1*"" janvier est trop rapprochée de 
celle du 31 octobre. 

De là est née l'idée de reporter le début de l'année financière 
du !«■ janvier au 1®'' juillet. 

A la séance du 26 février 1846, M. de Mérode la signalait déjà 
à la Chambre : ce Un de nos anciens collègues, M. Cogels, a 
plusieurs fois proposé d'établir l'année financière à dater du 
l^'' juillet. Si cela pouvait se faire, on obvierait à tous les 
inconvénients qui ont été signalés (retards, crédits provi- 
soires, etc.)... Je prie donc M. le Ministre des finances de 
vouloir bien nous dire s'il trouverait un inconvénient grave à 
fixer le commencement de l'année financière au l'^^ du mois de 
juillet, au lieu du l*" janvier. Je reconnais que les habitudes 
sont contraires à ce mode de procéder, que les comptes des 
particuliers ne se règlent pas ainsi. Mais pour l'État, il y a une 
position spéciale, résultant de nécessités parlementaires, qui 

* Cf. supra, pp. 192 et suiv. 



(304) 

entraine plus d^avantage dans Tadoption de ce mode que dans 
le système communément suivi, a 

Le lendemain, 27 février, M. Desmet appuyait cette idée 
et aflSrmait que, d'après lui, « le seul moyen de voter les 
budgets avant l'ouverture de l'exercice, c'est de changer 
l'époque de l'ouverture de l'exercice, de la porter au l*' mars 
au lieu du 1'' janvier ». Il déposait dans ce sens un amende- 
ment qui ne fut pas adopté. 

Le même jour, en effet, le ministre des finances combattit 
ces propositions en déclarant : a II ne me paraît pas nécessaire, 
pour atteindre le résultat que nous avons tous en vue, de 
changer l'époque du commencement de l'année financière. 
Cette question a déjà été discutée plusieurs fois ^. Mais je crois 
que l'on doit respecter les habitudes, les précédents, à moins 
qu'une nécessité évidente ne soit démontrée ». 

Depuis, la même idée a été reprise, notamment par 
MM. Frère-Orban 2, Graux 3, Houzeau de Lehaie * et d'autres, 
qui s'en sont fait les champions au sein du Parlement, où elle 
compte de nombreux partisans sur les bancs des deux 
Chambres. 

« 11 conviendrait, disait M. Graux à la Chambre le 4 fé- 
vrier 1891, de changer le point de départ de l'année financière. 
En la faisant partir du i^ janvier, on l'ouvre à une époque 
trop rapprochée de celle du commencement des travaux des 
Chambres pour que celles-ci puissent examiner et voter le 
budget avant l'ouverture de l'exercice. 

^ Cette affirmation fut contredite par M. Desmet : « Thonorable ministre 
des finances est dans Terreur, lorsqu'il pense que la question du chan- 
gement de l'ouverture de Tannée financière a déjà été discutée. Une 
proposition a été faite par Thonorable M. Verdussen ; cette proposition a 
été développée, mais elle n'a jamais été mise en discussion. » (Gb. des 
Représ., séance du 27 février 1846.) 

2 Ch. des Représ., séance du 16 décembre 1884, Ann, parL, p. 252« 

5 Id., 4 février 1891, Ibid., p. 318. 

^ Id , 23 décembre 1891, Ibid., p. 330. — Sénat, séance du 27 mars 
1901,iWrf., p. ^39. 



( 305 ) 

c( Si le poiDt initial de Tannée financière était placé en 
juillet, les budgets seraient toujours discutés et arrêtés à 
répoque, et Ton ne devrait plus recourir au vote de crédits 
provisoires. Les budgets déposés au mois de novembre pour- 
raient être immédiatement renvoyés à une commission. Ainsi 
rétude des budgets serait préparée à loisir; ils seraient votés et 
mis en vigueur en temps utile. 

» Je le sais, ces réformes rencontreraient quelques objec- 
tions, d'un caractère administratif surtout. La raison en est 
simple : des changements de cette nature impliquent des modi- 
(fications dans les habitudes du personnel administratif. Entre 
les budgets de l'État et ceux des provinces et des communes, 
il y a des relations^ qui peut-être nécessiteraient des change- 
ments dans le régime de ces dernières. Mais ce ne sont pas 
d'insurmontables difficultés. 

» Ce qui se pratique ailleurs pourrait se faire chez nous. 

» Si l'on poursuivait l'idée de placer à un autre moment le 
point de départ de l'année financière, on rendrait au budget 
le caractère d'être préalable^ sans lequel la garantie du con- 
trôle parlementaire est singulièrement réduite. Pour que ce 
-contrôle soit efficace, il faut que les dépenses soient autorisées 
avant d'être effectuées. » 

La principale objection que Ton peut faire à la réforme en 
question est donc tirée de la connexité entre les comptabilités 
ée l'État, des provinces, des communes, des établissements 
publics. La réforme devrait sans doute être étendue à ces 
administrations diverses et entraînerait nécessairement un 
<;ertain bouleversement dans les habitudes administratives. 

« Cette mesure, dont il a été plus d'une fois question dans 
le Parlement, entraînerait de graves difficultés, disait M. Béer- 
naert, et quant à l'assiette et à la perception des impôts, et 
quant à la comptabilité des provinces, des communes et des 
établissements publics qui reçoivent des subsides de l'État^. » 

* Exposé général du budget de 1886. (Sess. de 1884-1885, Doc. parL, 
n«84.) 

Tome LXVL 20 



( 306 ) 

La question est de savoir si ces difficultés sont insurmon- 
tables. Une commission nommée par M. Graux, en 1882, avait 
émis cet avis. « Seulement, cette commission était une com- 
mission administrative et elle n'eut rien de plus pressé que de 
demander Topinion des différents départements ministériels. 
Ceux-ci, dérangés dans leurs habitudes, répondirent avec une 
touchante unanimité, que la réforme était impossible, que ce 
serait la fin du monde! ^ » 

On peut donc contester l'autorité de cet avis et l'on peut 
croire que les difficultés résultant du changement de date, 
quoique réelles, ne seraient que transitoires et provisoires et 
ne dureraient que jusqu'à ce que l'éducation des administra- 
tions fût faite s. 

Ces difficultés se sont présentées aussi dans de nombreux 
pays, où précédemment l'année financière coïncidait avec 
l'année civile et qui n'ont cependant pas hésité à opérer la 
réforme. 

Mais il ne suffirait pas de déplacer la date d'ouverture de 
Tannée financière et d'en fixer le point de départ au !<"' juillet. 
Il faudrait aussi modifier la date de présentation des budgets. 
Car si celle-ci restait fixée au 31 octobre, il s'écoulerait huit 
mois pleins jusqu'au début de l'année financière. De même 
que sous l'empire de la règle des dix mois, les évaluations 
budgétaires nécessaires à la préparation du budget devraient 
se faire trop longtemps d'avance et la bonne préparation du 
budget en pâtirait iiécessairement. 

Le transfert du point de départ de l'année financière du 
1«^ janvier au 1*"^ juillet nous paraît donc devoir entraîner 
comme corollaire un changement dans la date de présentation 
des budgets. 

Nous venons de dire que de nombreux pays, chez qui Tan- 
née financière concordait précédemment avec Tannée civile, 



* Comte Goblet d'Alviella. (Sénat, séance du 23 avril 1901, Ann.parL, 
p. 150.) 
« Graux. (Gh. des Représ., séance du 23 décembre 1891, p. 330.) 



{ 307 ) 

ont adopté aujourd'hui une date d ouverture différente pour 
Tannée financière. Ils la fixent les uns au 1®' avril, les autres 
au !•' juillet^. 

L'année financière s'ouvre le !•' avril :eD Angleterre (1855), 
dans l'empire d'Allemagne, en Prusse (loi du 29 février 1876), 
en Wurttemberg, en Dauemark, en Roumanie, dans les Indes 
anglaises, etc. 

Elle s'ouvre le l*»^ juillet : aux États-Unis (1844), en Italie 
(loi du 17 février 1884, art. 24), en Portugal, en Norvège, en 
Serbie, au Canada, au Mexique, au Japon, etc. 

La France, l'Autriche-Hongrie, la Hollande, le Luxembourg, 
la Suède, la Russie, la Finlande, la Bavière, la Saxe, le Grand- 
Duché de Bade, la Grèce et la Suisse restent fidèles à la date du 
i^ janvier 2. 

En France, la question du changement de date a donné lieu, 
à diverses reprises, à des discussions dont on peut tirer cer- 
tains enseignements 3. 

Sous le gouvernement de Louis XVIII, le baron Louis avait 
présenté à la Chambre des députés, le 11 janvier 1819, un pro- 
jet de loi dont l'article l^*" portait : a L'année financière courra 
de juillet en juillet à partir de 1820 ». 

Ce projet échoua, moins par suite d'objections faites à son 
principe même, car on s'accordait pour reconnaître générale- 
ment que le changement produirait de bons effets, que parce 
qu'on ne s'entendit pas sur les dispositions à prendre pour 
la période de transition entre l'ancien et le nouveau régime 4. 

En 1888, près de soixante-dix ans plus tard, M. Peytral, 
ministre des finances, déposa, lui aussi, un projet analogue 
reportant du ^^ janvier au l®*" juillet le commencement de 
l'année financière. 



« CL Stourm, loc. cit., p. 108. 

» LÉON Say, Dictionnaire des finances, \» Budget. — L'Espagne y est 
revenue depuis la loi du ^ novembre 1899. 
s Cf. Stourm, loc. cit., pp. 100-112; Bougard et Jèze, 1. 1, pp. 76et suiv. 
* Bougard et Jèze, 1. 1, p. 77; Stourm, pp. 100 et suiv. 



( 308 ) 

Ce projet fut adopté par la Chambre le l^'^ juin 1888, par 
287 voix contre 228, mais repoussé par le Sénat, de l'avis con- 
forme de la commission, dont le rapporteur était M. Léon Say 
(12 juin 1888) i. 

Remarquons qu'en 1819, comme en 1888, le but de ces pro- 
jets était moins d'assurer le vote du budget en temps utile que 
de rapprocher l'époque de la préparation du budget de celle de 
son exécution, a A ces deux époques, dit M. Stourm, les 
mêmes causes, c'est-à-dire l'inexactitude et le défaut de sincé- 
rité dans les évaluations primitives, provoquaient les mêmes 
propositions de réforme 3. » 

En outre, en 1888, pas plus qu'en 1819, on ne contestait 
pas les grands avantages et les mérites de la réforme. Mais on 
reprochait au projet Peytral : d'abord, de rompre l'unité de 
date dans les budgets français. 

En effet, ce projet ne concernait que le budget de l'Etat. 
Pour les départements, communes, établissements publics, 
colonies, l'ancien système était maintenu. De même, « les 
contributions directes et taxes y assimilées continueraient 
d'être établies et recouvrées à partir du l®"" janvier de chaque 
année. Elles feraient l'objet d'une loi spéciale et leur produit, 
déduction faite de la part revenant aux départements et aux 
communes, serait attribué, par moitié, aux deux exercices 
budgétaires qui se succèdent pendant l'année civile » (art. 7« 8> 
15 du projet) 3. 

On comprend bien, dès lors, l'opposition que rencontra le 
projet, de la part de MM. Casimir-Périer et Roche à la 
Chambre, et de la part de M. Léon Say au Sénat. 

M. Peytral proposait d'instaurer un régime hybride et com- 
plexe. Il n'osait aborder de front la diflSculté principale de la 

* En 1898 (séance du 20 décembre), MM. Viviani, Millerand. . . ont 
présenté une résolution invitant le gouvernement à proposer un nouveau 
projet sur le même objet. (Sess. extraord., 1898. Annexe n» S63, p. 578.) 

« Loc, cit., pp. 109-110. 

' BoucARD et Jèze, 1. 1, pp. 79-80. 



( 309 ) 

réforme et se contentait de la tourner, d'une manière peu heu- 
reuse, dont le résultat eût été sans doute de compliquer sin- 
gulièrement la comptabilité publique. 

On alléguait encore « que la période de la nouvelle année 
budgétaire serait inconciliable avec la campagne d'exécution de 
la plupart des travaux publics. Quel emploi, par exemple, les 
ingénieurs chargés de construire ou de réparer les routes, les 
canaux, les voies ferrées, les ponts, les ports, etc., pourront- 
ils faire des crédits mis à leur disposition le 1^ juillet seule- 
ment? A cette époque de l'année, les marchés doivent avoir été 
passés depuis longtemps, si Ton veut que les entreprises fonc- 
tionnent avant que la mauvaise saison ait fermé les chantiers. 
Commencer en juillet à traiter avec les entrepreneurs, c'est 
risquer de ne pouvoir donner un seul coup de pioche. Avec 
Tannée solaire, au contraire, les marchés préparés en hiver 
entrent normalement en exécution dès les premiers jours du 
printemps ^ ». 

Cette objection aurait peut-être moins d'importance pour la 
Belgique, puisque le budget extraordinaire, qui contient les 
crédits affectés aux principaux travaux publics, n'est jamais 
déposé et voté, dès maintenant, que vers le milieu de l'année. 
Elle mérite toutefois un examen approfondi. 

M. Stourm pense que c< la pratique se serait, sans aucun 
doute, chargée de lever les difficultés soulevées sur le papier, 
puisque le système fonctionne régulièrement à l'étranger 2 ». 

Il reste partisan de la réforme. M. Paul Leroy-Beaulieu y 
adhère également <^. Par contre, MM. Boucard et Jèze estiment 
a qu'il semble bien que les inconvénients, pour la France, 
dépassent de beaucoup les avantages. La meilleure solution 
consisterait à réformer les habitudes parlementaires * ». 

L'exemple des législations étrangères, et notamment celui 



« Stourm, pp. 111-112. 

* Ibidem, 

s Sciences des finances, 6** édit., t. II, p. 23. 

* Loc. cit., 1. 1, p. 82. 



(810) 

de l'Angleterre et de l'Italie, a peu de valeur à leurs yeux. 
« Les conditions politiques ne sont pas les mêmes, qu'en 
France. En Angleterre, existe le fonds consolidé et en Italie 
les impôts directs sont affermés; de plus, en Angleterre et 
en Italie les taxes locales sont distinctes des taxes de l'Etat. 
Enfin, en Angleterre, le budget est voté au cours de l'exercice, 
et l'Italie pratique le système du budget rectificatif... Enfin, 
l'Espagne, qui avait adopté la date du 1®" juillet pour l'année 
financière, vient de revenir à la date du l^' janvier (loi du 
28 novembre 1899, art. !«••) i. » 

La cause principale du retard dans le vote des budgets 
réside, avons-nous dit, dans le rapprochement trop étroit de la 
date de l'ouverture de l'exercice et de celle du dépôt des 
budgets. 

On peut y remédier en modifiant l'une ou l'autre. 

Nous avons examiné le changement de la date d'ouverture 
de l'exercice. Mais au lieu de retarder celle-ci et de la déplacer 
soit au 1*' juillet, soit au i*"" avril, on pourrait la maintenir et 
avancer la date de la présentation des budgets. 

Si, par exemple, on fixait celle-ci au l®»^ octobre, au lieu du 31 
et si le gouvernement convoquait les Chambres dès les premiers 
jours d'octobre, ce qui lui est permis par l'article 70 de la 
Constitution, les Chambres disposeraient de trois mois environ 
pour l'étude et le vote des budgets. On peut espérer que ce 
délai serait sufiisant, à condition d'accélérer le mode de 
discussion et d'examen des budgets. 

En résumé, un premier moyen de rendre le budget préalable 
et d'éviter les crédits provisoires, serait de modifier les habi- 
tudes parlementaires. M. Jacobs l'indiquait un jour à la 
Chambre, en réponse à M. Graux ^ : « Maintenons, disait-il, 
notre exercice financier tel qu'il existe aujourd'hui : il n'y a 
aucun inconvénient à cela ; mais changeons nos habitudes : 
soyons moins loquaces. Nous aurons alors nos budgets votés 



* BoucARD et JÈZE, 1. 1, pp. 81-82. 

2 Ch. des Représ., séance du 5 février 1891, Ann,parL, p. 344. 



( 311 ) 

préalablement, sans rien changer à la délimitation de Texer- 
cice. » 

Nous ne pouvons partager cet optimisme. Ce premier moyen 
nous paraît insuffisant. 

Il doit, pensons-nous, être accompagné ou bien d'une avance 
dans la date de présentation des budgets avec maintien de 
l'ouverture d'exercice au l»"" janvier, ou bien du report de la 
date d'ouverture au l*"" avril ou au !«■ juillet, avec déplacement 
correspondant de la date du dépôt des budgets. 

Mous ne nous dissimulons pas les difficultés de cette der- 
nière réforme surtout, mais nous ne les croyons pas insur- 
montables. Il conviendrait, nous paraît-il, d'étudier sérieuse- 
ment la question, au point de vue de notre organisation 
administrative d'abord, et aussi au point de vue des résultats 
donnés par la réforme dans les pays voisins qui l'ont adoptée. 

Cette étude n'a pas encore été faite d'une manière complète 
dans notre pays. La question est cependant à Tordre du 
jour depuis 1846. N'y aura-t-il donc personne qui entre- 
prendra, sinon de la faire aboutir, du moins d'en provoquer 
un examen approfondi. On pourrait peut-être charger de ce 
soin une commission, à la fois parlementaire et administrative, 
composée de membres nommés par le Parlement et par le 
gouvernement. 

D'une manière ou d'une autre, il faut changer l'état de choses 
existant et rentrer dans la vérité constitutionnelle, en assurant 
le vote préalable du budget. 



CHAPITRE X. 
Du refUs du budget. 

Le droit que possèdent les représentants légaux du pays, 
réunis en Parlement, de voter toutes les recettes et toutes les 
dépenses de l'État, dont Tensemble constitue le budget, serait 
incomplet et dénué même de toute signification pratique, s'il 



(312 ) 

n*avait pour corollaire le droit de ne pas voter le budget, le 
droit de refuser au gouvernement Tautorisation qui lui est 
nécessaire pour effectuer les recettes et les dépenses pendant 
un exercice déterminé. 

Le refus du budget est donc la conséquence nécessaire du 
droit de le voter. « On ne saurait concevoir, dit très justement 
M. Stourni, le droit d'autoriser, sans sa contre-partie logique, 
le droit de ne pas autoriser. L'un à défaut de l'autre perd toute 
valeur, toute signification même ^. » 

Mais il ajoute : « Aujourd'hui, d'ailleurs, le principe de la 
souveraineté budgétaire étant universellement résolu en faveur 
des représentants du pays, personne n'hésite plus à leur con- 
céder corrélativement l'alternative de la sanction ou du refus 
du budget. » 

Nous ne pouvons souscrire à cette dernière appréciation de 
l'éminent auteur, qui nous paraît exprimée en termes trop 
généraux. 

Le droit de refuser le budget est incontestable, croyons-nous, 
au point de vue du droit constitutionnel belge, — comme 
d'ailleurs au point de vue anglais et français, — parce qu'il 
cadre complètement avec les théories fondamentales de notre 
droit public et qu'il est la sanction dernière de la souveraineté 
budgétaire du Parlement. 11 a été cependant et il est encore 
actuellement vivement contesté et discuté par un groupe 
notable de théoriciens du droit public, de l'école allemande ou 
autrichienne. 

A leur tête se trouve le professeur Laband, de l'Université 
de Strasbourg, qui a répandu dans ses écrits une théorie par- 
ticulière sur la nature de la loi du budget 2,. laquelle aboutit, 
en définitive, à étouffer entre les mains du Parlement le droit 
de voter le budget. M. Laband se place sur le terrain de l'inter- 
prétation des articles de la Constitution impériale allemande 

* Loc. ciL, p. 386. 

« Cf notamment, Laband, Staatsrecht des deutschen Reiches, 3. Au- 
fiage, Bd II, SS. 988... 



( 313 ) 

relatifs au budget. II ne conteste pas que celle-ci exige la colla- 
boration du Reichstag et du Bundesralh à l'édification du 
budget. Hais il se demande a si une loi budgétaire périodique 
constitue, dans l'esprit de la Constitution allemande, pour le 
gouvernement une autorisation de faire les recettes et les 
dépenses tellement indispensable et nécessaire que son absence 
rende inconstitutionnelle et illégale toute continuation de la 
gestion des affaires publiques?^ » 

II suppose donc le cas où Reichstag et Bundesrath ne s'en- 
tendraient pas et que de fait la loi budgétaire ne puisse arriver 
à l'existence. 

La Constitution est muette sur la procédure à suivre en 
pareille hypothèse ; il faut donc la déterminer d'après les prin- 
cipes généraux. 

Or, s'il est vrai de dire que le gouvernement est déchargé de 
toute responsabilité envers le Reichstag et le Bundesrath, 
lorsqu'il exécute purement et simplement les prescriptions de 
la loi budgétaire, il faut en conclure que, à défaut de cette loi, 
le gouvernement a le droit dé continuer à administrer sous sa 
propre responsabilité, quitte à présenter et à faire adopter sa 
gestion après coup. 

En d'autres termes, l'absence d'un budget régulièrement 
voté n'entrave pas la marche normale des services publics. Le 
gouvernement peut se passer de l'autorisation budgétaire du 
Parlement, il peut, sous sa propre responsabilité, faire les 
dépenses et les recettes qui sont nécessaires à l'accomplisse- 
ment normal de la mission de TEmpire, mais le Reichstag 
conserve le droit d'apprécier cette gestion extra-budgétaire, de 
l'approuver ou de la désapprouver et, dans ce dernier cas, de 
provoquer la mise en accusation du chancelier de l'Empire. 

Telle est rapidement esquissée la théorie de M. Laband. 
Pour en bien saisir la portée, il n'est pas sans intérêt de remar- 



* Loc. cit., p. 



(314) 

qaer que son antear Fa développée pour la première fois ^ au 
l^sdemain da bmeiix conflit budgétaire entre le gouvernement 
prussien el la Chambre des députés (1862-1866), et qu'il s'est 
bit en quelque sorte le théoricien de l'absolutisme prussien, 
dans ses démêlés militaires avec les représentants du pays 
légal. 

Les théories de Féminent professeur de Strasbourg ont reçu 
ainsi un grand retentissement. Elle ont trouvé des partisans 
et des défenseurs convaincus S. Si elles ont conquis une réelle 
faveur dans le monde scientifique, comme dans les milieux 
gouvernementaux, leur caractère hardi et paradoxal parfois a 
fait surgir d'autre part une sérieuse contradiction 3. 

Nous renonçons à discuter les ai^uments invoqués de part 
et d'autre. Cette discussion porte principalement sur l'inter- 
prétation des dispositions de la Constitution impériale alle- 
mande. Elle nous conduirait, de plus, à des recherches pure- 
ment spéculatives sur la nature de la loi du budget, question 
des plus importantes sans doute au point de vue de la théorie 
du droit constitutionnel, mais qui nous paraît dépasser les 

* Laband, Das Budgetgesetz nach den Bestimmungen der preussischen 
Verfassung unter Berûcksicktigung der Verfassung des norddeutschen 
Bundes. Berlin, 1871. — Elle a été reprise ensuite en divers écrits et 
notamment dans les éditions successives du Staatsrecht des deutschen 
Reiches, — Sur le conflit budgétaire prussien, consulter entre autres : 
BoucARD et Jèze, 1. 1, pp. 175 et suiv. 

* BoRNHAK, Preussisches Staatsrecht, Bd III, S. 596; von Rônne, 
Staatsrecht der preussischen Monarchie, Bd I, S. 592 ; Seidler, Budget 
und Budgetrecht im Staatshaitshatte der constitution nellen Monarchie,,. 
Wien, 1885, SS. 184... 

= ZoRN, Staatsrecht des deutschen Reiciies, 1883; Haenel, Studien zum 
deutschen Staatsrechte, Bd II, Leipzig, 1888; Freiherr von Huene, Staats- 
lexikon der Gôrresgesellschaft (i, Aufl.), V© Staatshaushalt (Kap. VII). 
Pour l'exposé de la discussion et des différentes opinions : 
Cf. D' Adolf Ott, Das Budgetrecht des deutschen Reichstages, Frank- 
furter zeitgemâsse Broschûren, Bd XXI, Heft 4. Hamm i/W, Breer & 
Thiemann, Januar 1902. — Boucard et Jèze, 1. 1, pp. 170 et suiv. 



( 315 ) 

limites tracées à cette étude, qui se propose avant tout l'exposé 
du régime budgétaire belge, tel qu'il existe et tel qu'il est pra- 
tiqué. 

Or, nous le répétons, la Constitution belge, ainsi que les 
lois et arrêtés sur la comptabilité publique consacrent et orga- 
nisent de la manière la plus formelle la souveraineté budgé- 
taire du Parlement. Il n'est pas admissible qu'au sortir du 
régime hollandais, qui exagérait jusqu'à l'abus l'autorité gou- 
vernementale en matière financière, les Constituants aient 
entendu enlever à l'intervention budgétaire du Parlement belge 
qu'ils organisaient d'une manière si complète, sa seule sanction 
réelle, en lui déniant le droit de refuser le budget. Le droit de 
voter le budget, s'il n'est pas une vaine formalité, implique 
donc nécessairement, non seulement le droit de le refuser, 
mais aussi l'impossibilité pour le gouvernement de continuer 
la gestion des affaires sans autorisation budgétaire régulière. 

Cette théorie est bien celle de notre droit constitutionnel; 
aucun commentateur belge, à notre connaissance, n'a songé à 
la contester. Dans le seul conflit budgétaire que mentionne, 
croyons-nous, l'histoire parlementaire belge, — le refus du 
budget de la justice, au Sénat, par parité de voix, le 24 fé- 
vrier 1869, — personne n'a dénié au Parlement le droit de 
refuser le budget. Les orateurs du gouvernement se sont con- 
tentés de soutenir, à tort selon nous, que les droits du Sénat 
ne pouvaient aller jusqu'à refuser sa confiance à un ministère, 
soutenu d'ailleurs par la Chambre. « Ce n'est pas, disait 
M. Frère- Orban au Sénat ^, parce que vous avez le pouvoir de 
rejeter le budget que vous avez raison de le rejeter... A mon 
avis, vous n'avez pas usé de votre droit dans l'esprit de la 
Constitution... Je dis que le rôle du Sénat doit aller jusqu'à 
admettre qu'un ministère investi de la confiance de la majorité 
de la Chambre des Représentants puisse gouverner sans avoir 
la majorité du Sénat. » 



* Sénat, séance du 10 mars 



( 316) 

Certes, les conséquences qu'entraînerait pour un pays le 
refus du budget sont incalculables, ce Refuser le budget, a-t-on 
dit, c'est la révolution », c'est consacrer l'anarchie, c'est 
arrêter subitement toute la vie politique et économique. 
« Refuser le budget! On a peine, dit H. Stourm, à concevoir 
les conséquences d'une telle éventualité. Si l'année s'ouvre sans 
que le budget ait été voté, les rentiers ne touchent plus leurs 
rentes ni les pensionnaires leurs pensions; les fournisseurs 
frappent en vain aux guichets du Trésor, les fonctionnaires ne 
reçoivent pas leur salaire; les écoles sont fermées; l'armée est 
privée de sa solde, de son entretien même ; en un mot, tous 
les tributaires de l'État, c'est-à-dire à peu près tout le monde 
aujourd'hui, se trouvent atteints ; la vie du pays s'arrête. 

» Les impôts, d'un autre côté, cessent de devenir exigibles, 
et Finterruption subite des perceptions non seulement appau- 
vrit le Trésor pendant sa durée, mais prolonge ses effets bien 
au delà ; car les frontières n'étant plus gardées, les portes des 
villes étant abandonnées, les entrepôts dépourvus de surveil- 
lants, immédiatement les importateurs, marchands en gros, 
voituriers, cabaretiers, etc., détenteurs de produits taxés, en 
profitent pour inonder le pays de tabacs, de cafés, de sucre, 
de boissons, etc., en franchise des droits. L'immense main- 
mise administrative qui s'appesantissait sur la matière impo- 
sable laisse échapper sa proie. La fraude, en un instant, com- 
promet pour longtemps les revenus de l'Etat i. » 

Malgré tous ces dangers, il faut cependant afSrmer ce droit 
avec toutes les conséquences qui en découlent logiquement. 

Mais il convient aussi de reconnaître que son exercice ne se 
conçoit presque pas. Le droit de refus du budget est surtout 
une arme préventive ; il est comme une épée de Damoclès per- 
pétuellement suspendue ^ur la tête du gouvernement, pour 
lui rappeler les prérogatives du Parlement et la nécessité de 
gouverner d'accord avec lui. 

* Loc. cit., pp. 383-384. 



(317) 

Le Parlement, de son côté, ne peut en trancher le fil qu'à 
la toute dernière extrémité, après avoir épuisé toute la série 
des concessions et des ménagements possibles. 

Le refus du budget est entre ses mains un droit quelque 
peu analogue au droit de grève des ouvriers organisés. L'exer- 
cice irréfléchi de ce dernier aboutit fatalement à'semer le 
désordre et la ruine dans le monde industriel. 

L'exercice du refus du budget serait plus funeste encore, au 
point qu'on ne le conçoit même pas, et de fait, l'histoire 
parlementaire en tous pays n'en mentionne que de très rares 
exemples. 

Nous pouvons donc conclure avec H. Stourm ^ : « Si le 
refus du budget, examiné théoriquement, apparaît comme un 
acte régulier, conforme à l'esprit et au texte des constitutions 
des pays parlementaires, il faut reconnaître que, dans la 
pratique, l'exercice de cet acte devient à peu près invrai- 
semblable. » 

* Loc. cit., p. 386. 



TROISIÈME PARTIE 



L'EXÉCUTION DU BUDGET. — THÉORIE 
DE LA COMPTABILITÉ PUBLIQUE 



sommaire: : 

Chapitre L — Notions préliminaires. 

§ 1. — Généralités. 

§ 2. — Définition de l'exercice. — La gestion et Texercice. 

§ 3. — L'unité d'exécution du budget. — Le ministre des finances. 

§ 4. — Définition de l'ordonnateur et du comptable. — Incompati- 
bilité entre ces deux natures de fonctions. 
Chapitre IL — Le service des recettes. 

§ 4. — Comptables chargés de la perception et du service des recettes. 

§ 2. — Dépenses acquittées directement par les comptables des 
différentes administrations (articles 46, 47 et 135 à 143, 
de l'arrêté de 4868). 

§ 3. — Règles générales concernant les receveurs et comptables ;de 
l'État. 

Chapitre IIL — La Banque nationale de Belgique, caissier de l'État. 
Chapitre IV. — L'exécution des dépenses. 
§ 1. — L'engagement de la dépense. 

§ 2. — La liquidation et l'ordonnancement. — Livres de contrôle. — 
États de situation. — Les diverses catégories de dépenses. 
§ 3. — Le paiement de la dépense. — Déchéances, [prescriptions, 
saisies-arrêts, oppositions. 

Chapitre \. — La clôture de l* exercice. 



( 319. ) 

CHAPITRE I. 

Notions préliminaires. 

§1. — Généralités. 

Le budget voté par les Chambres est remis au Pouvoir 
exécutif qui est seul chargé de son exécution. 

Exécuter le budget, c'est, d'une part, opérer les recettes, 
dont la perception est autorisée par le budget des voies et 
moyens ^ et, d'autre part, effectuer les dépenses dans la limite 
des crédits mis à la disposition du gouvernement par les diffé- 
rents budgets de dépenses 2. 

L'innombrable série des opérations que suppose l'exécution 
du budget est soumise à un ensemble de règles, destinées à 
en assurer la sincérité et la conformité avec la loi budgétaire. 

Ces règles sont contenues principalement dans la loi du 
15 mai 1846, organique de la comptabilité de l'État, et dans 
l'arréié royal du 10 décembre 1868, portant règlement général 
sur la comptabilité de l'État. 

De 1830 à 1846, nos fmances avaient continué à être régies 
par le règlement de l'administration des finances du S4 octo- 
bre 1824. Ce règlement, de l'époque hollandaise, s'inspirait de 
principes constitutionnels différents de ceux proclamés en 
1831, et ses dispositions entravaient le contrôle judiciaire de 
la Cour des Comptes sur les recettes et le règlement des cré- 
dits par la représentation nationale. 

(1 en résultait de nombreux inconvénients pratiques, qui 
avaient fait reconnaître bientôt l'urgence d'une réorganisation 
du régime de la comptabilité publique 3. Elle n'aboutit cepen- 
dant qu'en 1846. 

* Cf. article 3, loi du 15 mai 1846. 

2 Cf. article 15, — 

5 CL Rapport de M. de Man d*Attenrode, au nom de la section centrale, 
sur le projet de loi concernant la comptabilité de TÉtat. (Ch. des Repr., 
sess. de 1844-1845, Doc, parL, no 160.) 



(380) 

La loi de 1846 elle-même emprunta ses principales dispo- 
sitions au règlement général sur la comptabilité de France, 
approuvé par ordonnance du Roi du 31 mai 1838. Cette loi 
fixe l'ensemble des règles qui régissent le maniement des 
deniers publics, qui établissent les obligations des comptables, 
les devoirs des ordonnateurs et le mode suivant lequel ils ont 
à justifier de leurs opérations ^ 

En vertu de l'article 60 de la loi de 1846, le gouvernement 
devait publier un règlement général organique de la compta- 
bilité, dès que toutes les dispositions de la loi seraient mises 
à exécution. 

Un premier règlement fut publié, en conséquence, par un 
arrêté royal du IS novembre 1849. Il fut abrogé dans la suite 
et remplacé par celui du 10 décembre 1868, qui est actuelle- 
ment en vigueur et s'est inspiré fréquemment des prescrip- 
tions du règlement français, établi par décret du 31 mai 1862. 

C'est donc dans la loi du 15 mai 1846 et dans le règlement 
du 10 décembre 1868 que sont énoncés et développés les prin- 
cipes directeurs qui constituent la théorie de la comptabilité 
publique. 

Notre but n'est pas de faire ici un commentaire détaillé de 
ce code de notre comptabilité publique et encore moins d'en- 
treprendre un traité général sur la matière. Nous nous pro- 
posons simplement d'en exposer la théorie, c'est-à-dire les 
r^les essentielles. 



^ Britz, Loi organique de la Cour des comptes du S9 octobre 4846, 
commentée et expliquée. Bruxelles, Devroye, 1847, pp. 5-6. — Indication 
des différents travaux parlementaires relatifs à la loi du 15 mai 1846 : 
Présentation du projet à la Chambre, par le ministre des finances, le 
16 janvier 1844, Doc. pari., n<> 148. — Rapport, au nom de la section 
centrale, par M. de Man d'Attenrode, séance du 7 février 1845, Doc. parL, 
no 160. — Discussion à la Chambre : 26 et 27 février, 2, 3, 4, S, 6 
et 11 mars 1846. — Rapport de la Conunission du Sénat : séance du 
8 mai 1846, Doc. parL, n» 132. — Discussion au Sénat, 13 mai 1846. — 
L'ensemble de ces documents et discussions a été publié en un recueil 
spécial, à Bruxelles, chez Stapleaux, en 1847. 



( 321 



§ 2. -- Définition de l'exergigb. — La gestion 
ET l'eubrgige. 

L'exercice n'est autre chose que la période pendant laquelle 
le budget doit s'exécuter. Cependant, pour bien comprendre 
la valeur précise de ce terme de comptabilité, il est nécessaire 
d*entreir dans quelques explications. 

Ainsi que nous l'avons dit, l'année financière se confond, en 
Belgique, avec l'année civile et s'étend, par conséquent, 
du l*"" janvier au 31 décembre. 

Comme le budget est voté pour une année, il devrait rigou- 
reusement s'exécuter endéans ce délai, au terme duquel toutes 
les opérations de recette et de dépense, qu'il autorise, devraient 
être terminées. Mais cela n'est pas possible, certaines opéra- 
tions se continuent fatalement au delà du 31 décembre, et 
pour les rattacher au budget dont elles font partie, il a fallu 
recourir à un procédé de comptabilité, qui consiste à pro- 
longer l'année financière d'une période complémentaire plus 
ou moins longue. 

C'est cette période de prolongement qui, ajoutée à l'année 
financière, constitue, à proprement parler, l'exercice. 

ce Lorsqu'un particulier, dit M. Stourm, assigne sur les 
revenus de son budget courant la dépense devenue nécessaire 
de réparation ou de renouvellement de son mobilier, et qu'il 
fait, dans ce but, des commandes à son tapissier, à son ébé- 
niste, etc., ces fournisseurs n'exécutent pas toujours leurs 
commandes à l'époque convenue : cela se voit constamment. 
En outre, les notes tardent à venir, le client, d'ailleurs peu 
pressé de les recevoir, consacre encore un certain temps à 
les vérifier. Bref, sept ou huit mois se passent avant que 
lesdits mémoires soient définitivement arrêtés, réglés et soldés. 
Malgré ces délais, l'imputation budgétaire primitivement déter- 
minée ne se trouve pas modifiée : la dépense sera toujours 
régulièrement prélevée sur les revenus de l'année pendant 
Tome LXVI. 21 



( 322 ) 

laquelle la commande et la plus grande partie des livraisons 
auront été effectuées. 

» Deux idées ressorlent de l'exemple que vient de nous 
fournir notre comptabilité ménagère : la première, c'est que 
les travaux engagés dans le cours d'une année se rattachent 
à cette année, bien qu'un certain délai pour leur complet 
achèvement ait été nécessaire; la seconde, c'est que les nou- 
veaux délais qu'exigeront la liquidation et le paiement des 
notes ne sont pas non plus de nature à modifier l'imputation 
primitive. 

» Ces observations s'appliquent à l'État aussi bien qu'aux 
particuliers. 

» L'État, en effet, une fois Tannée terminée, se trouve éga- 
lement obligé d*attendre avant d'arrêter définitivement ses 
comptes, d'abord, que certains travaux commencés soient 
achevés, ensuite, que le prix des travaux effectués soit liquidé 
et payé. Alors, la période qui comprend, en plus de l'année 
primitive elle-même, l'attente complémentaire précitée se 
nomme l'exercice... D'une manière générale, le mot exercice 
signifie un prolongement de l'année primitive employé à 
rassembler les résultats définitifs et complets de cette 
année i. » 

Et M. Léon Say disait de même : « Par le mot exercice, on 
veut dire purement et simplement que, pour gérer et liquider 
les affaires de douze mois, on a besoin d'une période de temps 
plus longue que ces douze mois. L'exercice n'a pas d'autre 
objet 2. » 

L'année financière se distingue donc nettement de l'exer- 
cice. La première coïncide avec l'année civile et va du l*"" jan- 
vier au 31 décembre; tandis que l'exercice financier se consti- 
tue de l'année financière augmentée de certains délais 
complémentaires 3. 



* Stourm, loc, cit., pp. 116-117. 

* Sénat, séance du 9 novembre 1887, cité par M. Stourm. 
^ Cf. BoucARD et JèzE) 1. 1, p. 480. 



( 323 ) 

Ces délais complémentaires sont plus ou moins longs, selon 
la législation particulière des pays qui adoptent la compta- 
bilité par exenâce ^. 

Sous le régime hollandais et jusqu'en 1846, l'exercice restait 
ouvert en Belgique pendant trois ans. Les délais complémen- 
taires étaient donc de deux ans. Période trop longue, qui 
entraînait à des abus incompatibles avec un bon régime de 
comptabilité. 

(€ Cet usage, disait le rapporteur de la section centrale sur 
le projet de loi de comptabilité, a le grave inconvénient de 
laisser à la disposition des chefs d'administration les alloca- 
tions de trois budgets, sur lesqgels ils peuvent disposer 
simultanément, puisque tant que la clôture n'en est pas pro- 
noncée, on peut épuiser tout ce qui reste libre sur les crédits, 
circonstance qui pousse à des dépenses souvent peu utiles, 
par la facilité qu'elle offre d'y faire face. 

» Ce mode est d'ailleurs contraire au principe du vote 
annuel du budget, qui veut que toutes les dépenses d'une 
année portent exclusivement sur les allocations consenties 
dans le budget de la même année, sans qu'il puisse y avoir de 
transferts, qu'en vertu d'une loi; de plus, il ajourne trop 
l'époque où la loi du règlement des crédits peut être discutée, 
puisqu'il porte sur des actes déjà anciens et dus à des hommes 
qui souvent ont quitté le pouvoir. 

y> Malgré cette longue période, il s'est fait souvent des 
recettes et des dépenses sur des exercices clos, ce qui tend à 
rendre les comptes indéchiffrables 2. » 

11 n'est donc pas de bonne comptabilité de prolonger outre 
mesure la durée de l'exercice. 

i £n France, la loi du 25 janvier 1889 a fixé des délais variables selon 
la nature des opérations ; ils ne se prolongent pas au delà du 31 juillet . 
(Cf. Stourm, p. 532.) 

En Prusse, rexercice est clos deux mois et demi après la fin de Tannée 
financière, donc le 15 juin. ^ ^ ' ' 

« Ch. des Représ., sess. de 1844-1845, Doc. pari., n» 160. 



( 324 ) 

Aussi, le projet de loi sur la comptabilité de TÈtatrëdui- 
sait-il la période complémentaire de deux ans à douze mois 
(art. 3 du projet). 

La section centrale, sMnspirant des prescriptions de la 
comptabilité française en vigueur à cette époque, proposa la 
réduction à dix mois. « Ce système, disait-elle, tend à bâter la 
marche des services, à accélérer la reconnaissance et l'acquit- 
tement des droits, à faire rentrer les fonds disponibles, à faci- 
liter la formation des comptes, sans nuire ni aux recettes de 
l'État ni à ses créanciers, car les restants à recevoir et à payer 
sont renvoyés à l'exercice suivant ^. » 

Le gouvernement adopta la limite proposée. Elle fut votée 
par les Chambres et inscrite à l'article 2 de la loi da 
15 mai 1846. 

Cet article 2 est libellé comme il suit : 

a L'exercice commence le l^'' janvier et finit le 31 décembre 
de la même année '^. Toutefois, les opérations relatives aa 
recouvrement des produits, à la liquidation et à l'ordonnan- 
cement des dépenses, pourront se prolonger jusqu'au 31 octo- 
bre de l'année suivante. » 

D'après ce texte, l'exercice est donc de vingt-deux mois. 
Il reste ouvert pendant ce laps de temps et il est permis de 
faire des imputations sur un budget depuis le l®** janvier de 
l'année qui donne son nom à l'exercice jusqu'au 31 octobre 
de l'année suivante. 

Il est permis, par exemple, de faire des imputations sur le 
budget de 1902 depuis le i"^ janvier 1902 jusqu'au 3i octo- 
bre 1903. 

L'article 2 dispose encore dans son -alinéa l'^" : 

« Sont seuls considérés comme appartenant à un exercice 
les services faits et les droits acquis à l'État et à ses créanciers 

* Ibidem. 

^ On remarquera que le texte légal ne fait pas la distinction eatre 
Tannée financière et Texercice^ 



( 325:) 

pendant i année qui donne sa dénomination à Texercice ^« » 

Par conséquent, sont seuls considérés comme appartenant 
à l'exercice 1902, les services faits (dépenses) et les droits 
acquis à TÉtat et à ses créanciers pendant l'année 1902. 

Il peut y avoir des doutes, dans de nombreux cas, sur 
l'exercice d'imputation, quMl convient d'assigner à. certaines 
dépenses ou à certaines recettes. 

Les articles 3 et 4 du règlement de 1868 établissent une 
série de règles à cet égard. 

L'article 3 concerne l'exercice d'imputations des droits à 
recouvrer; l'article 4 détermine l'exercice d'imputation des 
dépenses. 

De l'exercice, il convient de distinguer la gestion. L'ar- 
ticle 11 de Tarrélé de 1868 en donne la définition suivante : 
« La .gestion comprend tous les faits matériellement accomplis 
en recette et en dépense, depuis le 1*' janvier jusqu'au 
31 décembre de là même année, à quelque service public ou 
particulier qu'ils se rapportent. Elle comprend, en outre, le 
solde de la gestion précédente ». 

Les comptes de gestion diffèrent donc des comptes d'exer- 
cice. Ceux-ci se composent d'une période de douze mois, plus 
un prolongement plus ou moins étendu, qui est de dix mois en 
Belgique. « Pour les comptes de gestion, il n'est plus question 
de prolongement, d'attente ni de délais complémentaires. 
La gestion commence et finit à date fixe. Elle enregistre stric- 
tement les opérations matérielles effectuées d'un jour à un 
autre jour donné, sans autre objectif que l'établissement d'une 
situation de caisse. Tandis que les comptes d'exercice consti- 
tuent des comptes moraux, les comptes par gestion n'ont 

* Texte emprunté à rordonnance française de M. de Villèle du 
14 septembre 1822 (art. 152) et reproduit dans Tartiele 6 du décret 
impérial du 31 mai 1862. 

L'article l«'de la loi française du 25 janvier 4889 a reproduit la même 
prescription en ces termes : •« Les droits acquis et les services faits du 
ie' janvier au 31 décembre de l'année qui donne son nom à un budget 
sont seuls considérés comme appartenant à l'exercice de ce budget ». 



( 326 ) 

l'ambition d*élre que des comptes matériels, des comptes de 
caisse ^. x> 

La comptabilité par gestion est celle de tous les commer- 
çants, industriels, banquiers, etc. Elle est aussi celle de 
certains États : l'Angleterre, les États-Unis d'Amérique, l'Italie. 
L'exercice y est inconnu et tous les comptes publics y sont 
arrêtés en même temps que les comptes de caisse 2. 

En Belgique, au contraire, de même qu'en France et en 
Prusse, on a recours à la comptabilité par exercice 3, mais 
non d'une manière exclusive. Seuls, les ordonnateurs comptent 
par exercice, tous les comptables de l'État établissent et rendent 
leurs comptes par gestion, en vertu de l'article 10 de l'arrêté 
de 1868 : la comptabilité e»t tenue par gestion^ avec distinction 
des exercices *. 



§ 3. — L'unité d'exécution du budget. — 
Le ministre des finances. 

C'est au Pouvoir exécutif, avons nous dit, qu'appartient 
l'exécution du budget. Il serait plus exact de préciser cette 
formule et de dire que cette exécution et toutes les opérations 
qu'elle suppose: recettes, dépensas, service de trésorerie, etc., 
dépend en ordre principal du ministre des finances. 

C'est du ministre des finances que partent tous les ordres; 
c'est lui qui donne l'impulsion à tous les rouages adminis- 
tratifs qui interviennent dans l'exécution du budget; c'est au 
ministère des finances qu'aboutit et se centralise toute la 
cpmptabilité publique. 

Ainsi se réalise pleinement l'unité de direction, indispen-* 

» Stourm, toc. cit., p. 120. 

« Cf. BoucARD et Jèze, 1. 1, p. 481. 

^ Sur les mérites et les inconvénients respectifs de la comptabilité par 
exercice et de la comptabilité par gestion ; Cf. Stourm, pp. 123-141; 
BouGARD et Jëze, 1. 1, pp. (>4-73. 

* Cf. aussi les articles 180, 181 de l'arrêté de 1868. 



(327 ) 

sable à une bonne administration financière, parce qu'elle 
concentre les responsabilités sur une seule tête au lieu de les 
disséminer. 

Un ancien ministre des finances français, qui assuma, à une 
époque troublée, la lourde tâche de restaurer et de diriger les 
finances de son pays et dont le nom restera synonyme de 
science, d'expérience et d'intégrité, M. Léon Say, a iracé d'une 
plume autorisée ce portrait-type du ministre des finances en 
tous pays * : 

« Le ministre des finances a des attributions de deux 
natures : les unes, d'ordre supérieur, par lesquelles il domine 
tous les ministres, les autres, d'ordre spécial, par lesquelles il 
leur ressemble. 

» 11 est le ministre du trésor, de la caisse, du contrôle des 
recettes et des dépenses, du mouvement des fonds, du crédit 
public et de l'équilibre budgétaire. Il est en même temps 
l'administrateur des biens de la nation et préside au recouvre- 
ment des impôts. Ce sont là deux natures d'attributions si 
différentes et si faciles à distinguer l'une de l'autre, qu'à cer- 
taines époques de notre histoire, et dans d'autres pays, elles 
ont été ou sont exercées par deux ministres différents. Le pre- 
mier s'appelle minvitre du trésor , et l'autre jninistre des finances. 

« Aujourd'hui, dans notre organisation française, il n'y a 
pas* de ministre du trésor; c'est le même ministre qui réunit 
toutes les attributions. 

» Il s'appelle le ministre des finances. 11 est d'une manière 
générale préposé à la gestion des finances de l'État et, sous le 
contrôle du Parlement, il en réunit les ressources. Ces res- 
sources, il les emploie d'abord à celles des dépenses publiques 
qui ressortissent à son ministère et ensuite en bloc à toutes les 
autres dépenses, dont il fournit les fonds aux autres ministres, 
ses collègues. 

* Cf. Léon Say, Les Finances, pp. 3-5. — Dans la collection de La 
Vie nationale. (Bibliothèque de la politique et de la science sociale , diri- 
gée par MM. Charles Benoist et André Liesse. Paris, Léon Chailley, 1896.) 



( 328 ) 

» 11 est ou doit être le véritable contrôleur général des 
dépenses de la nation et rintendant de sa fortune. 

» Comme contrôleur général des dépenses de l'État, il pré- 
pare le budget, dépose sur le bureau du Parlement un exposé 
écrit de la situation financière et le fait suivre d*un projet de 
loi destiné à devenir la loi de finance. 

» Quand le projet de loi portant approbation du budget de 
l'exercice qui va s'ouvrir a été adopté par les deux Chambres 
et qu'il est devenu la loi de finance de l'État, c'est Je ministre 
des finances qui a la charge de l'exécuter, qui en tient les 
comptes, qui organise les moyens de contrôler les résultats de 
toutes les opérations en recettes et en dépenses et qui, après 
que les résultats définitifs ont été contrôlés, les réunit en un 
projet de loi qui, après avoir été voté par le Parlement, devient 
la loi des comptes. 

» £n vertu du principe de l'unité de caisse, c'est le ministre 
des finances qui encaisse toutes les recettes et qui paie toutes 
les dépenses de l'État. Il le fait par son caissier payeur central 
à Paris, ses trésoriers payeurs généraux et ses autres agents 
comptables dans les départements. 

» Il est l'ordonnateur des dépenses de son propre ministère 
et préside à la distribution des fonds mis à la disposition des 
autres ministres, comme s'il était l'ordonnateur en chef, les 
autres ministres étant réduits à n'être que des ordonnateurs 
secondaires dépendant de lui et ne pouvant exercer que sous 
sa surveillance, leur droit d'ordonnancer leurs propres 
dépenses. » 

Les lois et règlements de la comptabilité publique en Bel- 
gique ont compris, de la manière indiquée par L. Say, la place 
éminente que le ministre des finances est appelé à occuper 
dans l'exécution du budget, en vue d'en assurer l'unité. 

Ils lui reconnaissent les attributions les plus étendues, qui 
pourraient sufiir, semble-t-il, à absorber toute l'activité d'un 
homme. 

Néanmoins, tandis que, en d'autres pays, il a paru utile de 
faire deux parts de ces attributions et d'en investir deux per- 



( 329 ) 

sonnes distinctes : le ministre du trésor et le ministre des 
finances ^, en Belgique, on ne se contente pas de les réunir 
dans le chef d'un même titulaire. Une distribution récente des 
départements ministériels a rattaché au département des 
finances celui des travaux publics. 

A envisager cette institution du ministère des finances et des 
travaux publics en elle-même, abstraction faite de toute consi- 
dération de personne, l'innovation ne nous semble pas heu- 
reuse. Il paraît difficile, en théorie, qu'un seul chef, quels que 
soient d'ailleurs son talent et ses capacités, puisse mener de 
front, avec une égale compétence et une égale sollicitude, des 
services aussi complexes et aussi divers. 

A un autre point de vue, il peut être délicat aussi de laisser 
à une même main la disposition du trésor public et la direction 
d'un département aussi exigeant en fait de dépenses. 

Quoi qu'il en soit, le ministre des finances dirige donc tout 
d'abord le service des recettes. 

La perception des deniers de l'État ne peut être efi*ectuée 
que par un comptable du trésor, et aucune manutention de ces 
deniers ne peut être exercée que par un agent placé sous les 
ordres du ministre des finances, nommé par lui ou sur sa 
présentation, responsable envers lui de sa gestion et justiciable 
de la Cour des Comptes (art. 6 et 7 de la loi de 1846). 

Tous les revenus publics sont versés par les comptables dans 
une caisse unique, qui les centralise tous (art. 24, arr. de 1868) 
et qui fournira aussi les fonds nécessaires au paiement des 
dépenses publiques. 

Le service de cette caisse unique est confié à la Banque 
Nationale de Belgique, en vertu de conventions et à des condi- 
tions que nous détaillerons plus loin. 

En sa qualité de caissier de l'État, la Banque Nationale est 
comptable du trésor. Elle est soumise, à ce titre, à toutes les 
obligations des comptables. 

Les opérations du caissier de l'Etat, relatives soit à la centra- 

* Par exemple, en Italie. 



( 330 ) 

lisation des revenus, soit au paiement des dépenses, sont donc 
contrôlées par le ministre des finances et ses agents, parmi 
lesquels figure en première ligne l'agent du trésor ^. 

Le service des dépenses dépend, lui aussi, du ministre des 
finances. Les ordonnances de paiement émanées des cheb des 
difi^érents départements ministériels sont visées par lui (art 108, 
arr. de 1868). Il n'autorise le paiement d'une ordonnance que 
lorsqu'elle porte sur un crédit ouvert par la loi, et aucune 
sortie de fonds ne peut se faire sans son concours (art* 17, loi 
de 1846). 

Le ministre des finances est investi de la sorte d*une véri- 
table suprématie sur ses collègues. 

Le service des recettes et celui des dépenses sont donc placés 
complètement sous ses ordres, il en est de même du service de 
trésorerie, qui consiste essentiellement dans Taménagement 
des recettes aux dépenses 3. 

Nous avons déjà dit qu'à ce point de vue, le ministre des 
finances dirige le trésor ou la caisse de l'État. C'est à lui aussi 
de veiller à la présence de fonds sufiisants pour satisfaire, à 
tout moment, à toutes les exigences du paiement des dépenses. 

Car, il peut se faire que « la rentrée des recettes publiques 
ne coïncide pas toujours soit quant au temps, soit quant aux 
sommes avec les sorties de fonds nécessitées par le paiement 
des dépenses ^ ». 

Les ministres des finances ont alors recours à des moyens 
de trésorerie, c'est-à-dire principalement à l'emprunt à court 
terme, sous diverses formes 4. 

En Belgique, le ministre des finances émet, afin de faire face 
à des nécessités urgentes, des bons du trésor ^. 

« Cf. infra, chapitre III. 

2 Cf. BoucARD et Jèze, t. II, p. 1158. 

3 Ibid., t. II, p. 1218. 

* Cf. ibid., t. II, pp. 1218 et suiv. 

3 Les bons du trésor sont a des effets à ordre ou au porteur, à échéance 
fixe et portant intérêt, que le Ministre des finances est autorisé à créer 



(331 ) 

Enfin, le contrôle des receltes et des dépenses et les diffé- 
rents éléments de la comptabilité publique sont, eux aussi, 
centralisés au ministère des finances. 

Toute entrée de fonds dans les caisses publiques, quel que 
soit le service auquel ils appartiennent, a lieu pour compte du 
département des finances, qui en centralise le montant dans 
les livres de la comptabilité de la trésorerie générale (art. 5, 
loi de 1846; art. 178 et suiv., arr. de 1868). Il en est de même 
de la comptabilité des dépenses. Le ministre des finances est en 
rapports constants, à cet effet, avec les différents départements 
ministériels, la Cour des Comptes, le caissier de TÉtat et les 
agents du trésor. 

Une administration spéciale, dépendante du ministère des 
finances, Vadministration de la trésorerie et de la dette publiqtte 



pour procurer des ressources urgentes à la trésorerie. » (Pand. belges, 
V® Bons du trésor, n» 1.) 

Ils sont émis généralement pour payer les dépenses ordinaires avant 
que les recettes ordinaires soient effectuées, ou bien aussi pour couvrir 
provisoirement les dépenses extraordinaires et surtout celles résultant 
de grands travaux publics, en attendant la réalisation d'un emprunt 
d'État, ilbid., n»» 3, 4, 5.) Il n'y a pas de législation organique sur les 
bons du trésor. Chaque émission fait l'objet d'une disposition de loi 
et d'arrêtés d'exécution qui en précisent les règles. (Ibid., no 2.) 

Cependant, la loi du 27 avril 1883, article 3, a donné au gouvernement, 
afin de pourvoir au service du trésor, une autorisation permanente « de 
créer, renouveler ou maintenir en circulation des bons du trésor portant 
intérêt et payables à une échéance qui ne dépasse pas cinq ans. Les bons 
du trésor en circulation ne pourront excéder 15 millions de francs ». 
(Cf. les travaux préparatoires de cette loi et notamment le rapport de la 
section centrale.) 

Les bons du trésor sont négociés en bloc à des établissements finan- 
ciers, bien qu'en principe ils puissent se négocier à des particuliers. 
(Pand. belges, ibid., n» 26.) 

La Banque Nationale escompte les bons à concurrence de 20 millions 
de francs. (Cf. articles 22 et 23 des nouveaux statuts de la Banque 
Nationale du 5 mai 1900, approuvés par arrêté royal du 16 mai.) 

Chaque émission est soumise au visa préalable de la Cour des Comptes. 
(Cf. Pand. belges, v» Bons du trésor, t. XIII, pp. 1258 et suiv., v» Dette 
flottante, t. XXX, p. 899.) 



( 33-2 ) . 

est chargée de tous les services que comporte rexécution du 
budget. Les cadres du personnel de cette administration ont 
été établis par un arrêté royal du 30 mai 1871. (Moniteur du 
18 juin.) 

Telle est la place éminente qu'occupe le ministre des finances 
dans l'exécution du budget. Nous l'avons signalée dans une 
vue d'ensemble, nous réservant d'y revenir dans l'étude plus 
détaillée qui va suivre. 



§ 4. — Définition de l'ordonnateur et du comptable. — 
Incompatibilité entre ces deux natures de fonctions. 

Notre code de comptabilité ne définit pas formellement 
l'ordonnateur, mais ses fonctions sont précisées et organisées 
par de nombreux articles des lois et règlements. 

L'ordonnateur est celui qui a mission d'engager la dépense 
publique, de la liquider, c'est-à-dire de la constater et d'en 
fixer la quotité, de l'ordonnancer, c'est-à-dire d'en assigner le 
paiement sur le crédit alloué par la loi budgétaire et de donner 
Tordre de payer. 

L'ordonnateur est donc celui qui dirige la recette et son 
emploi. Ces fonctions sont exercées par les ministres, en leur 
qualité de chefs des administrations publiques, soit directe- 
ment, auquel cas ils portent le nom d'ordonnateurs primaires, 
soit par voie de délégation à certains fonctionnaires, qui agis- 
sent alors à titre d'ordonnateurs secondaires. 

Par opposition à l'ordonnateur, qui dirige et contrôle, ce 
qui caractérise essentiellement le comptable c'est le maniement 
réel des deniers publics. Le comptable est « celui qui, soit en 
recevant les deniers publics, soit en en faisant emploi, manie 
réellement ces deniers et qui, à ce titre, est soumis à la juridic- 
tion de la Cour des Comptes ^ )>. 

Le comptable est à la fois un mandataire et un agent de 
l'administration et, sous ce rapport, il est soumis à des règles 

1 Laurent, Droit civil, t. XXX, n« 421. 



( .333 ) 

spéciales établies surtout en vue de prévenir les malversa- 
tions ^. 

L'article 7 de la loi de 1846, que nous avons déjà cité, déter- 
mine la situation de l'agent comptable, en disant : « Aucune 
manutention de deniers publics ne peut être exercée, aucune 
caisse publique ne peut être gérée que par un agent placé sous 
les ordres du ministre des finances, nommé par lui ou sur sa 
présentation, responsable envers lui de sa gestion et justiciable 
de la Cour des Comptes ». 

Ce même article ajoute : « Sauf les exceptions établies par 
la loi, tout agent chargé d'un maniement de deniers apparte- 
nant au trésor public est constitué comptable, par le seul fait 
de la remise desdits fonds sur sa quittance ou son récé- 
pissé ». 

Nous aurons à revenir bientôt sur le détail des règles qui 
concernent les comptables publics. 

Pour le moment, il nous faut insister sur un principe fon- 
damental qui se trouve à la base de notre comptabilité publique 
et que ce même article 7, alinéa 1 formule en ces termes : ks 
fonctions dCordonnateur et d'administrateur sont incompatibles 
avec celles de comptable. 

Cette règle est textuellement empruntée à l'ordonnance de 
M. de Villèle du 14 septembre 1822. Elle a été conservée dans 
l'organisation française actuelle ^ et se retrouve dans les codes 
de l'Angleterre, de l'Italie, etc.... Cette règle est, en effet, insé- 
parable d'un régime de comptabilité bien ordonné. 

MM. Boucard et Jèze ont très nettement fait ressortir l'im- 
portance capitale de la séparation de ces deux natures de 
fonctions et les avantages qu'elle présente '^. 

* Pand. belges, vo Comptable public, n© 4. 

2 Dans les mêmes termes, par l'arlicle 17 du décret du 34 mai 1862. — 
« Aucun mélange de personnes ne peut donc exister entre le service qui 
constate les droits au profit des créanciers de TÉtat et le service qui en 
opère l'acquittement* » (Stourm, p. 491.) 

5 Lac. cit., U I, pp. 515-517. 



(334) 

« Dans l'acquittement des nombreuses dettes de l'État, il y 
a trois points principaux dont il faut tenir compte. 

» Tout d'abord, il faut que le mécanisme soit arrangé de 
telle façon que les paiements se fassent avec ordre, que les 
créanciers soient régulièrement et promptement payés. 

» D'autre part, il faut éviter que, dans le maniement de ces 
fonds, il y ait du coulage et des malversations. Il faut que les 
deniers publics soient exclusivement employés à payer les 
véritables créanciers de l'État pour des services régulièrement 
faits et pour des sommes strictement dues. 

» Enfin, il faut que seules les créances autorisées par 
l'autorité législative soient payées et qu'elles le soient dans les 
limites strictes de l'autorisation. A quoi servirait-il au Parle- 
ment de poser la règle de la spécialité, si les agents d'exécution 
n'en tenaient aucun compte? 

» Toute comptabilité qui ne donnera pas satisfaction à ces 
trois intérêts sera incomplète et critiquable. » 

Or, la séparation des fonctions d'ordonnateur de celles de 
comptable est une combinaison destinée à leur donner satis- 
faction. 

« L'avantage de cette séparation est triple. 

» Le premier avantage est celui qui s'attache à toute divi- 
sion du travail : on ira plus vite. 

» Le deuxième — et c'est l'avantage capital — c'est de 
rendre possible une vérification des ordonnateurs par les 
comptables, tant au point de vue de la réalité de la créance 
que du respect des autorisations budgétaires. Si, en eifel, le 
comptable ne paie qu'après avoir vérifié, à son tour, le dossier 
justificatif de la créance, et après avoir constaté qu'il y avait un 
crédit et que ce crédit n'a pas déjà été dépassé, il y a les 
chances les plus sérieuses pour qu'aucun paiement fictif ou 
extra-budgétaire n'intervienne. 

» Enfin, — troisième avantage, — la comparaison après 
coup des écritures tenues par chaque catégorie d'agents — 
ordonnateurs d'une part, comptables de l'autre — pourra 
servir à un contrôle très efficace... « - 



( 335 ) 

» ... Ainsi, la dualité des fonctions d'ordonnateurs et de 
comptable apparaît comme une garantie extrêmement puis- 
sante de la sincérité des paiements et du respect des volontés 
du Parlement. Combinée avec des méthodes de comptabilité 
distinctes, les unes propres aux ordonnateurs et les autres spé- 
ciales aux comptables pour leurs opérations réciproques, il est 
permis d'espérer de l'ordre, de la rapidité, de l'honnêteté dans 
la gestion des finances publiques, et une scrupuleuse obser- 
vation des autorisations législatives. » 



CHAPITRE II. 

Le service des recettes. 

§ 1. ^- Comptables chargés de la perception et du service 
DES recettes. 

L'article 6 de la loi de 1846 dispose : la perception des 
deniers de F État ne peut être effectuée que par un comptable du 
trésor et en vertu d'un titre légalement établi (cf. aussi : art. 13, 
arr. de 1868). 

Les administrations chargées du service des recettes com- 
prennent, dans leurs cadres, outre les agents spécialement 
investis de la perception, des fonctionnaires : directeurs, 
inspecteurs, contrôleurs, vériQcateurs, etc., dont la mission 
est de constater les receltes, de surveiller et de contrôler les 
comptables placés sous leurs ordres. 

Il y a lieu de distinguer, au point de vue de cette organisa- 
tion, le service des recettes provenant de l'impôt et le service 
des recettes puisées à d'autres sources. 

Quant aux recettes provenant de l'impôt, leur service est 
confié à deux grandes administrations, qui relèvent immé- 
diatement du ministre des finances : 

1^ l'administration des contributions directes, douanes et 
accises; 



( 336 ) 
2° l'administration de l'enregistrement et des domaines. 

I. — L'administration des contributions directes, douanes 
et accises comprend d*abord l'administration centrale, à la 
tête de laquelle se trouve un conseil d'administration, qui se 
compose du directeur général, président; des directeurs 
généraux à titre personnel, des inspecteurs généraux et des 
directeurs qui remplissent les conditions requises par 
l'article 4 de l'arrêté royal du 2S juin 1900. 

Le pays est divisé en neuf directions de contributions 
directes, correspondant chacune à une circonscription provin- 
ciale. 

Chaque direction se divise en un certain nombre de con- 
trôles de contributions (en tout 105) ^, et chaque contrôle en 
un certain nombre de bureaux de recettes des contribulions 
(583) 2. 

Les impôts perçus par cette administration sont : la contri- 
bution foncière, la contribution personnelle, le droit de 
patente, la redevance sur les mines, le droit de licence sur les 
débits de boissons alcooliques, les droits de douanes, les 
droits d'accise, le droit de poinçonnage des matières d'or et 
d'argent 3. 

IL — A la tête de l'administration de l'enregistrement et 
des domaines se trouve aussi un conseil d'administration, 
composé du directeur général, président; des inspecteurs 
généraux et des directeurs, préposés aux divers services de 
l'administration centrale. 

Les directions de l'administration, en province, sont au 

* Direction d'Anvers : 10. — Brabant : 16. — Flandre occidentale : 13. 

— Flandre orientale : 14. — Hainaut : 49. -- Liège : 11. — Limbourg:6. 
, — Luxembourg : 7. — Namur : 9. 

* Contrôle d'Anvers : 48. — Brabant 71. — Flandre occidentale : 91.— 
Flandre orientale : 77. — Hainaut : 101. — Liège : 67. — Limbourg : 33. 

— Luxembourg : 44. — Mamur : 51. 

'• A Tadministralion des contributions directes ... se rattache aussi le 
>ervice de la conservation du cadastre. 



( 337 ) 

nombre de neuf également. Elles ont leur siège au chef-lieu 
de chaque province, comme les directions de l'administration 
des contributions, mais, à la différence de celles-ci, leur res- 
sort ne s*arréle pas aux limites de la province. Elles se com- 
posent, chacune, d*un certain nombre d'arrondissements 
judiciaires, groupés, sans respecter toujours les délimitations 
provinciales ^. 

Cette administration perçoit les impôts suivants : droits 
d'enregistrement, droits de grefîe, droits de succession, de 
mutation et de mutation par décès, droits de timbre, droits 
d'inscription et de transcription hypothécaire. 

Elle perçoit, en outre : les amendes de condamnation en 
matières diverses et les droits de péages sur les rivières et les 
canaux. 

Elle opère enûn le recouvrement des capitaux et revenus 
des domaines, forêts et dépendances des chemins de fer, des 
établissements et services régis par TEtat, des produits divers 
et accidentels, des reliquats de comptes arrêtés et non arrêtés 
par la Cour des Comptes, des déficits des comptables et des 
avances faites par les divers déparlements, y compris les frais 
de justice en matière répressive. 

A côté d*impôts proprement dits, l'administration de l'enre- 
gistrement perçoit donc les produits les plus divers. Aussi les 
recettes sont-elles opérées par diverses catégories d'agents ou 
de receveurs. 

l.es conservateurs des hypothèques sont chargés de la per- 

* La direction d'Anvers comprend les arrondissements judiciaires 
d'Anvers, Malines et Turnhout. 
La direction d'Arlon, ceux d'Arlon, Dinani, Marche et Neufchâteau. 
La direction de Bruges, ceux de Bruges, Courtrai, Furnes et \pres. 
La direction de Bruxelles, ceux de Bruxelles et Nivelles. 
La direction de Gand, ceux d'Audenarde, Gand et Termonde. 
La direction de Hasselt, ceux de Hasselt, Louvain et Tongres. 
La direction de Liège, ceux de Huy, Liège et Verviers. 
La direction de Mons, ceux de Mons et Tournai. 
La direction de Namur, ceux de Charleroi et Namur. 

Tome LXVl. 22 



( 338 ) 

ception des droits d'inscription et de transcription hypothé- 
caire et dirigent la caisse des consignations i. II y a un conser- 
vateur des hypothèques par arrondissement judiciaire. 

Il existe aussi des bureaux spéciaux pour la perception des 
droits de navigation (péages). 

Enfin, tous les autres impôts ou droits sont à la recette des 
receveurs de l'enregistrement et des domaines. Des bureaux 
de recette sont installés généralement dans chaque canton de 
justice de paix. Mais dans les localités d'une certaine impor- 
tance, les diverses branches de recettes sont réparties entre 
plusieurs bureaux. 

Le contrôle est exercé : 

lo par des inspecteurs et des vérificateurs de 1'* et de 
2« classe. 11 y a 14 ressorts d'inspection, 40 ressorts de vérifi- 
cation et 3 vérificateurs sans résidence fixe ; 

2o par des agents chargés du contrôle des droits de naviga- 
tion. 11 y a 7 contrôles des droits de navigation 2; 

30 par des contrôleurs du timbre ; 9, attachés à chaque 
direction. 

La perception des recettes de l'État autres que celles de 
l'impôt et celles dont le recouvrement appartient à l'admi- 
nistration de l'enregistrement et des domaines, est faite : 

i Les fonds de consignations sont soumis à une comptabiUté spéciale, 
organisée par les articles 19 et 20 de rarrêté de 1868. 

« Ces contrôles ont respectivement pour ressort : 

{o Le canal de Charleroi à Bruxelles ; 

2o Les provinces de Flandre occidentale et de Flandre orientale ; 

30 Les canaux de Mons à Condé, de Pommerœul à Antoing, de l'Escaut 
etdeKoulersàlaLys; 

40 La Sambre ; 

50 La Meuse, TOurthe et le canal de Liège à Maestricht ; 

60 Le canal de Maestricht à Bois-le-Duc et la partie du canal d'embran- 
chement vers Hasselt située dans la province de Limbourg; 

70 Les canaux de jonction de la Meuse à TEscaut, d'embranchemem 
vers le camp de Beverioo, vers Turnhout, et de Turnhout à Anvers par 
St-Job-in't Goor. 



( 339 ) 

Par les comptables de Tadministration des chemins de fer 
(chefs de station); 

Par les comptables de l'administration des postes et télé- 
graphes (percepteurs) ; 

Parles comptables de l'administration de la marine; 

Par les comptables de l'administration des prisons ; 

Par les comptables des établissements régis par l'État ; 

Par les comptables des établissements de bienfaisance et 
d'aliénés ; 

Par les comptables du ministère de l'agriculture. 

Les comptables tiennent, selon les modèles arrêtés par les 
administrations» des registres et journaux de perception 
présentant, par branche de produit, les développements 
propres à chaque nature de recette. 

Les sommes perçues sont renseignées immédiatement en 
recette, avec la date du recouvrement (art. 14, arr. de 1868). 

Les comptables sont tenus de représenter aux fonctionnaires 
de l'État sous les ordres desquels ils sont placés, et chaque 
fois que ceux-ci le requièrent, les fonds provenant des gestions 
qui leur sont confiées par le gouvernement, par les communes 
ou par les établissements publics; ils en dressent un borde- 
reau détaillé. Ces fonds ne peuvent être confondus avec 
d'autres dans une même caisse (art. 15, arr. de 1868). 

§ 2. — Dépenses acquittées directement par les comptables 

DES différentes ADMINISTRATIONS. 
(Art. 16, art. 17, art. 135 à 143, arr. de 1868.) 

En principe, notre régime de comptabilité établit une dis- 
tinction très nette entre les receveurs et les payeurs. Ces der- 
niers sont les agents de la Banque Nationale. 

Cependant, par exception à ce principe, certaines dépenses 
sont acquittées directement par les comptables de recettes, en 
vertu de l'article 16 de l'arrêté de 1868. 



( 340) 

Cet article dispose : 

ce Les comptables des différentes administrations acquittent, 
sauf régularisation ultérieure par la Cour des Comptes, les frais 
de régie et de perception, ainsi que les autres dépenses man- 
datées sur leurs caisses par les fonctionnaires désignés comme 
ordonnateurs par les ministres. 

» Sont applicables à ces fonctionnaires, les dispositions de 
l'article 18 de la loi du IS mai 1846 sur la comptabilité de 
l'État. » 

Expliquons cet article. 

Les administrations des recettes ne font payer sur la caisse 
des comptables que les frais de régie, de perception et d'une 
manière générale les dépenses qui, par assimilation à celles 
prévues à l'article 23 de la loi de comptabilité {déperues fixes, 
voir plus loin), sont fixées d'avance par une disposition de loi, 
un arrêté. royal ou un arrêté ministériel (cf, aussi: art. 135, 
arr. de 4868), 

Voici un aperçu de ces dépenses, avec l'indication des 
comptables qui les paient. 



A. — Dépenses payables par les receveurs des contributions 
directes, douanes et accises. 

1° Sur le budget du ministère des finances. 

a. Les traitements de toute nature, l'indemnité de résidence 
et les suppléments de traitement, ainsi que les remises et 
l'indemnité variable des receveurs; 

b. Les frais de tournée ; 

c. Les indemnités pour la confection des rôles de la contri- 
bution foncière et du droit de patente; 

d. L'indemnité des sous-contrôleurs et des commis ambu- 
lants pour le service des accises ; 

e. Les frais de route et de séjour alloués aux experts de la 
contribution personnelle; 

f. L'indemnité allouée aux répartiteurs pour l'assiette du 



( 341 ) 

droit de patente, du droit de débit en détail de boissons 
alcooliques (licence) et du droit de débit de tabac ; 

g. L'indemnité allouée aux porteurs de contraintes pour le 
recensement des patentables; 

h. L'indemnité et les frais résultant de l'application de la loi 
sur la contribution personnelle, dus aux experts et aux porteurs 
de contraintes ; 

i. L'indemnité de déplacement aux employés des provinces ; 

;. L'indemnité pour la copie des rôles des contributions 
directes destinée à la formation des listes électorales ; 

k. L'indemnité pour la transcription des mutations cadas- 
trales ; 

L Les primes pour saisies de boissons distillées, découvertes 
d'usines clandestines et arrestations de fraudeurs; 

m. L'indemnité pour surveillance extraordinaire allouée aux 
agents inférieurs du service des douanes ; 

n. Le salaire des expéditionnaires attachés aux directions; 

0. Les frais d'escorte de la douane ; 

p. Les loyers, le chauffage et l'éclairage des locaux et 
embarcations ; 

q. Les frais de transport de matériel, les contributions et 
passages d'eau. 

2° Sur lé budget des non-valeurs et remboursements : 

a. Les non-valeurs concernant la contribution foncière, la 
contribution personnelle, le droit de patente, les redevances 
fixes et proportionnelles sur les mines ; 

b. Les restitutions de droits indûment perçus * et de fonds 
reconnus à des tiers ; 

c. Les procès-verbaux de déficit des comptables. 

3® Sur le budget des recettes et dépenses pour ordre 2 ; 
a. Le produit des amendes et confiscations ainsi que des 
préemptions; 

* Cf. article 17, arrêté de 1868. — Les ordonnances de restitution sont 
payables sur la caisse du comptable qui a opéré indûment la perception. 
« Cf. articles 24 et 22, alinéa 2, articles 23 et 185, arrêté de im. •: 



( 342 ) 

b. Les indemnités allouées sur le fonds réservé dans le pro- 
duit des amendes et confiscations ; 

e. Les sommes prélevées sur le fonds spécial des préemp- 
tions ; 

d. Les droits de magasin des entrepôts à payer aux cotn- 
munes ; 

e. Les centimes additionnels sur les contributions directes 
revenant aux communes ^ ; 

/. Les centimes communaux pour la voirie vicinale ; 
g. Les paiements pour compte de la masse d'habillement; 
h. Les paiements pour compte de la caisse de retraite ; 
i. Les paiements pour compte de la caisse d'épargne ; 
j. Le remboursement des sommes Jversëes pour garantie de 
droits et d'amendes éventuellement dus. 

4® Sur le budget de la dette publique : 
La rémunération en matière de milice. 

B. — Dépenses payables par les comptables de renregistrement. 

!• Sur le budget des finances : 

a. Les traitements de toute nature, suppléments, indem- 
nités, salaires; 

b. Les remises des receveurs ; 

c. Les remises des greffiers; 

d. Les frais de poursuite et d'instances; 

e. Les frais d'emballage, de transport de paquets, ballots, etc.; 

f. Les frais d'entretien des bâtiments, digues, polders, che- 
mins, etc.; 

g. Les charges et contributions sur les domaines; 
A. Les frais de vente et d'autres actes; 

i. Les intérêts moratoires. 

2* Sur le budget des non-valeurs et remboursements : 

a. Les restitutions de droits indûment perçus, d'amendes, 

« {Jf^«rticle 22^ alinéa 4, arrêté de 1868. 



( 343 ) 

frais, etc. ^,... ainsi que le remboursement de fonds reconnus 
appartenir à des tiers; 

b. Le montant des procès-verbaux de déficit des comptables. 

3» Sur le budget de la dette publique : 
Les intérêts de consignations ^. 

4» Sur le budget de la justice : 
Les frais de justice 3. 

5<> Sur le budget des dépenses pour ordre : 

a. Les consignations de toute nature 4; 

b. Les paiements imputables sur les amendes diverses et 
autres recettes soumises et non soumises aux frais de régie; 

c. Les paiements imputables sur les amendes et les frais de 
poursuite et de recouvrement en matière forestière. 

C. — Dépenses payables par les comptables des chemins 
de fer, postes et télégraphes. 

1" Sur le budget ordinaire du déparlement des chemins de fer : 
Les traitements de toute nature, salaires, indemnités de 
changements.de résidence, de déplacement, d'intérim, primes 
de régularité, d'économie, secours, frais de loyer, de chauffage 
et éclairage des locaux, en un mot, toutes les dépenses émanant 
de ce département et les non-valeurs et remboursements. 

2» Sur le budget des recettes et dépenses pour ordre : 
Paiements pour compte de la caisse de retraite et de secours, 
de la caisse d'assurance et de 4a masse d'habillement. — 
Déboursés, ports au delà, remboursements, fonds pour ordre 
liquidés, salaires, traitements, indemnités. 



« Cf. article 17, arrêté de 1868. 

* Par les conservateurs des hypothèques. — Articles 19, 20, 84 et 85, 
arrêté de 1868. 

5 Cf. articles 142 et 143, arrêté de 1868. 

* Cf. note 2. , - 



( 344 ) 

S^ Sur le budget extraordinaire : 

Toutes les dépenses, traitements, salaires, indemnités se 
rapportant à la construction de lignes nouvelles, de bâtiments 
nouveaux, etc. *... 

* Voici quelques chiffres qui permettront de se rendre compte de 
l'importance des paiements effectués par les comptables de recettes. 
Pendant Tannée 1900, il avait été payé : 

I. — Service des recettes et dépenses de VÈtat : opérations sur les btulgets 
en cours d'exécution (1899-1900). 

Par les receveurs des contributions directes, douanes 
et accises fr. 25,M8,586 » 

Par les receveurs de l'enregistrement et des domaines . 5,338,933 83 

Par les comptables de l'administration des chemins de 
fer 79,691,725 85 

Par les comptables de l'administration des postes et 
télégraphes 16,800,124 73 

Par les comptables de l'administration de la marine . . 2,343 34 

Soit un total de fr. 127,351,733 75 
Sur un total général des paiements de même catégorie de 549,210,097 72 

IL — Service des recettes et dépenses pour ordre. — Fonds de tiers déposés 
au trésor et dont le remboursement a lieu directement par les comptables 
qui en ont opéré la recette, (Comp. plus haut : !»•« partie, chap. IIIJ2-C 
pp. 165 et suiv.) 

Par les receveurs des contributions directes, douanes 

et accises fr. 28,852,108 » 

Par les receveurs de l'enregistrement et des domaines. 9,449,716 H 

Par les comptables de l'administration des chemins de 

fer 79,282,398 50 

Par les comptables de l'administration des postes et 

télégraphes 503,108,427 60 

Par les comptables de l'administration de la marine . . 32.252 02 

— — des prisons . . 285,375 64 

— des établissements de bienfaisance 

et d'aliénés 4,116,452 05 

Par les comptables du ministère de l'agriculture . . . 112,026 13 

Total. . . .fr. 625,238,756 05 



( 345) 

Ces dépenses sont mandatées sur la caisse des comptables par 
des ordonnateurs secondaires, par les fonctionnaires désignés 
comme ordonnateurs par les ministres (art. 16, arr. de 1868). 

En ce qui concerne les dépenses payables par les comptables 
de Tenregistrement et des contributions directes, elles sont 
ordonnancées par les directeurs provinciaux. Les frais de justice 
font exception à cette règle : ils sont payés directement par les 
receveurs de l'enregistrement sur la taxe du juge ou sur le bon 
à payer du département de la justice. 

Les dépenses en question sont payées par les comptables, 
sauf régularisation ultérieure par la Cour des Comptes, 

La procédure de régularisation est organisée par les 
articles 135 à 143 de l'arrêté de 1868. 

L'article 135 distingue à ce point de vue les deux grandes 
catégories que l'on peut établir parmi les dépenses payées par 
les comptables : 

1** Les dépenses de l'État en général ; 

2*» Les frais de justice et les fonds de tiers. 

Les articles 126 à 129 de Tarrété royal du 18 juin 1853 sont 
applicables à la régularisation des frais de justice (art. 142, 
arrêté de 1868); l'article 143, arrêté de 1868 aux fonds de tiers. 

Quant aux dépenses générales de l'État, les articles 136 à 141 
de l'arrêté de 1868 établissent la procédure suivante. 

Les pièces de dépenses acquittées par les comptables sont 
classées par spécialité de service et détaillées sur des borde- 
reaux divisés par article du budget et par exercice. 

Les directeurs provinciaux donnent décharge aux comptables 
de leur ressort des pièces de dépenses versées à l'appui de leur 
comptabilité mensuelle. 

Les directions provinciales résument à leur tour, par spécia- 
lité de service, par exercice et par article du budget, toutes les 
dépenses produites par les comptables, et transmettent le tout 
au ministère des finances et des travaux publics (administra- 
tion de la trésorerie). 

La trésorerie, après vérification des pièces de dép^Q^es, 



( 346) 

donne décharge aux directeurs provinciaux et récapitule les 
pièces de dépenses des neuf provinces sur une ordonnance de 
régularisation qu'elle adresse à la Cour des Comptes. . 

La Cour procède à l'examen des pièces produites à l'appui 
des ordonnances de régularisation, elle en vérifie la légalité et 
l'imputation sur les allocations du budget et munit l'ordon- 
nance de régularisation de son visa. 

Ces ordonnances de régularisation ^ sont formées en double 
expédition lorsqu'elles concernent le département des finances, 
et en triple expédition lorsqu'elles s'appliquent à un autre 
département. 

L'ordonnance de régularisation, visée par la Coiir, vaut 
décharge à l'administration d'où elle émane. 

Une expédition de l'ordonnance de régularisation visée par 
la Cour est adressée à la trésorerie, pour imputer le montant 
des dépenses reprises sous chaque article du budget et pour 
passer écriture des paiements justifiés, dans la comptabilité 
générale de l'administration des finances. 

L'expédition de l'ordonnance de régularisalion adressée à la 
trésorerie revient à la Cour, à l'appui des pièces acquittées par 
les agents du trésor, dont les bordereaux récapitulatifs de la 
trésorerie contiennent une colonne ad hoc pour y renseigner le 
total des paiements sur ordonnances de régularisation. 

En ce qui concerne les administrations des chemins de fer, 
postes et télégraphes, la direction du contrôle des recettes et 
des matières, pour les chemins de fer, la direction des postes 
et télégraphes, pour les dépenses de ces services, donnent 
décharge aux comptables des pièces de dépenses versées à 
l'appui des états mensuels des recettes et dépenses et la Cour 
des Comptes donne à son tour décharge aux administrations 
par le visa des ordonnances de régularisation. 

* Cf. les modèles 22a et 22b, établis par Tarrêté du ministre des 
finances du 12 décembre 1868, pris en exécution de Tarticle 229 du 
règlement général sur la comptabilité de TÉtat. 

Les modèles 23a et 23b concernent les ordonnances de régularisation 
des fv9i§.de justice payés pour compte du département de la justice par 
les réSpt&oixi ^ l'enregistrement et des domaines. 



( 347 ) 



§ 3. — Règles générales concernant les receveurs 

ET COMPTABLES DE l'ÉtaT. 

Le législateur, en traçant les règles que nous allons rapide- 
ment passer en revue, s'est proposé, en dernière analyse, de 
prévenir les abus ou les irrégularités qui pourraient se pro- 
duire dans la gestion de ceux qui manient les deniers publics, 
et de prescrire les moyens propres à désintéresser le trésor, au 
cas où ces précautions auraient été inutiles. 

A cet effet, les comptables sont soumis à un régime sévère 
que Ton peut résumer en ces trois propositions : 

a. Ils répondent sur leurs biens propres de la fidélité de 
leur gestion (art. 8, 9, loi de 1846); 

b. Ils doivent justifier périodiquement, dans les formes 
prescrites, des opérations qu'ils effectuent et rendre leurs 
comptes (art. 28 à 46, arr. de 1868); 

c. Les règlements déterminent la procédure à suivre dans les 
différents cas où la responsabilité des comptables peut être 
engagée (art. 10 à 14, loi de 1846, art. 47 et suiv. , arr. de 1868). 

A. " Avant d'être installé dans ses fonctions, le comptable 
doit prêter serment et justifier de cette prestation. Il doit 
justifier aussi du versement de son cautionnement, dans les 
formes et devant les autorités à déterminer par les lois et règle- 
ments (art. 8, loi de 1846). 

L'arrêté royal du 10 mars 1866 a prescrit les formes relatives 
aux cautionnements des comptables et autres agents de l'Etat, 
et l'arrêté ministériel du 30 juillet 1867 en a fixé les taux 
respectifs. 

Les cautionnements doivent être intégralement versés en 
numéraire, bien que l'arrêté de 1866 permette de les fournir en 
fonds publics belges ou en immeubles. Mais aucun arrêté 
ministériel n'a encore mis en vigueur ces dispositions. 

Ces cautionnements sont versés chez les agents du caissier 
de l'État et remboursés par eux, pour le compte de la caisse 



( 3*8) 

des dépôts et consignations (art. 189, arr. de 1868). Ils sont 
inscrits au grand-livre des cautionnements (art. 192, arr. de 
1868). Des certificats constatant l'inscription des cautionne- 
ments sont délivrés aux intéressés par la caisse des dépôts et 
consignations; ils sont visés préalablement par la Cour des 
Comptes. Ces certificats forment titre : il n'en est délivré de 
duplicata que lorsque la perte en est constatée, et en vertu 
d'une décision ministérielle portant annulation du certificat 
primitif (art. 193, arr. de 1868). Remboursement des caution- 
nements : articles 195 à 201, arrêté de 1868. 

Les intérêts des cautionnements des comptables sont 
payables par trimestre. La Cour des Comptes reçoit le 
décompte des sommes à payer (art. 84, arr. de 1868). 

Une seconde garantie est le privilège qui appartient au 
trésor public sur les biens de tout comptable, caissier, dépo- 
sitaire ou préposé quelconque chargé d'un maniement de 
deniers publics. 

Le privilège du trésor a été organisé par la loi des S-15 sep- 
tembre 1807, modifiée sur différents points par la loi du 
16 décembre 1881 sur la revision du régime hypothécaire 
(art. lS-20-47-48-89). Il a lieu même à Tégard des femmes des 
comptables, séparées de bien « pour les meubles trouvés dans 
les maisons d'habitation du mari, à moins qu'elles ne justifient 
légalement que les dits meubles leur sont échus de leur chef,, 
ou que les deniers employés à l'acquisition leur apparte- 
naient » (art. 2, loi 1807). 

B. — Le règlement de la comptabilité publique de 1868 
prescrit, d'une manière détaillée, les formes dans lesquelles 
les comptables devront justifier de leurs recettes et de leurs 
dépenses. 

Ils tiennent, nous l'avons déjà dit, leurs comptes par gestion 
(art. 10, arr. de 1868) et, à cette effet, ils tiennent un livre de 
caisse, dans lequel sont résumés les faits accomplis, en recelte 
et en dépense, du 1" janvier au 31 décembre de la même 
ann4e,*(art. 28, arr. de 1868). A la fin de chaque journée, on 



(349 ) 

inscrit au livre de caisse les recouvrements opérés suivant les 
journaux et registres de perception et à la suite des recettes de 
la dernière journée du mois, les récépissés de versement et les 
pièces comptables qui peuvent être admises en dépense sont 
libellés mensuellement par nature (art. 29, arr. de 1868). 

Le livre de caisse doit présenter constamment le total des 
recettes effectuées et des dépenses admises par Tautorité supé- 
rieure depuis le commencement de Tannée, et offrir le moyen 
de constater tous les jours la situation de la caisse du comp- 
table (art. 30, arr. de 1868). 

À l'expiration de chaque mois, les comptables des différentes 
administrations forment des états de leurs recettes et de leurs 
dépenses (art. 31, arr. de 1868), selon les prescriptions des 
articles 32 et 33, arrêté de 1868. 

Deux expéditions des états mensuels, appuyées des récépissés 
de versement et des pièces justificatives des paiements faits, 
sont adressées par les comptables au département ou au chef 
de service dont ils relèvent, dans les délais fixés par les règle- 
ments d'administration. 

Une de ces expéditions, revêtue de l'acte de décharge, est 
renvoyée aux comptables (art. 34). 

Au moyen des états fournis par les comptables, les direc- 
teurs ou chefs de service forment des états généraux et men- 
suels par province. Cependant, par exception à cette règle, les 
produits des administrations de la marine, des prisons et des 
chemins de fer, postes et télégraphes sont résumés dans un 
seul état général pour le royaume lart. 35). 

Ces états généraux et mensuels sont, à leur tour, transmis 
en double expédition au ministre des finances, appuyés des 
pièces justificatives de dépenses, détaillées sur des bordereaux. 
Une expédition, munie de l'acte de décharge, est renvoyée à 
l'administration ou au fonctionnaire que la chose concerne 
(art. 36). 

Enfin, le département des financess dresse des états géné- 
raux et mensuels indiquant, par province, les recettes et les 



( 350 ) 

dépenses effectuées dans le royaume, par les comptables des 
contributions directes et de l'enregistrement (art. 37). 

Le 31 décembre de chaque année ou bien à Tépoque de la 
cessation des fonctions, les écritures et les livres des comp- 
tables des deniers publics sont arrêtés par les agents admi- 
nistratifs désignés à cet effet. La situation de leur caisse et de 
leur portefeuille est vérifiée aux mêmes époques et constatée 
par un procès- verbal. Ce procès-verbal de situation de caisse 
est dressé en double expédition. Une expédition reste entre les 
mains du comptable; l'autre est transmise par la voie hiérar- 
chique à l'administration centrale (art. 38 et 41) ^. 

Il arrive que des comptables de l'État soient en même temps 
receveurs de communes ou d'établissements publics. Dans ce 
cas, la vérification de leur caisse par les agents du gouverne- 
ment s'opère simultanément pour tous les services dont ces 
comptables sont chargés, et ce indépendamment de la surveil- 
lance et du contrôle des autorités provinciales ou autres 
(art. 39 —cf. aussi : art. 40, arr. de 1868 et art. SI, loi de 1846j. 

Tout receveur ou comptable des administrations financières 
est justifiable de la Cour des Comptes (art. 7, loi de 1846), à 
laquelle il rend annuellement compte de sa gestion, avant le 
l»*" mars (art. 42, arr. de 1868, et 49, loi de 1846). 

Chaque comptable n'est responsable que des actes de sa 
gestion personnelle. En cas de mutation, le compte est divisé 
suivant la durée de la gestion des différents titulaires, et chacun 
d'eux rend séparément à la Cour des Comptes, le compte des 
opérations qui le concernent (art. 43). 11 y a donc lieu de 
distinguer la gestion annuelle et la gestion personnelle. 

Le compte des comptables comprend tous les faits de la 
gestion pendant la période annuelle (ou la période de 
gestion personnelle), quelle que soit leur nature et à quelque 



* Cf. aussi : article 50, loi de 1846. — Cf. le modèle du procès-verM 
de situation de caisse (modèle n® i) établi par rarrété ministériel du 
12 décembre 1868. 



(351 ) 

service public ou particulier qu'ils se rapportent. Il présente : 

i^ Le tableau des valeurs existant en caisse et en portefeuille, 
et des créances à recouvrer au commencement de la gestion 
annuelle, ou Tavance dans laquelle le comptable se serait 
constitué à la même époque ; 

2<* Les recettes et les dépenses de toute nature, faites pendant 
le cours de cette gestion, avec distinction d'exercices et de 
droits; 

3^ Le montant des valeurs qui se trouvent dans la caisse et 
dans le portefeuille du comptable et des créances restant à 
recouvrer à la fin de la gestion annuelle, ou les sommes 
dont le préposé serait en avance à la même époque (art. 49, loi 
de 1846). 

Des règlements d'administration déterminent la forme des 
comptes et les pièces à produire pour les justifications des 
recettes et des dépenses qui y sont renseignées, ils fixent les 
délais dans lesquels les comptes doivent être rendus et 
adressés soit au département, soit au chef de service dont le 
comptable relève (art. 44, arr. de 1868). Les comptes de 
gestion annuelle, appuyés de résumés généraux formés par 
l'administration centrale ou par les chefs de service, sont 
transmis au département des finances avant le 1 S février de 
chaque année. Si un comptable ne rend pas son compte dans 
les délais voulus, ce compte est dressé d'office par le fonction- 
naire désigné à cet ef!*et. 

Le ministre que la chose concerne requiert, s'il y a lieu, 
contre le comptable en défaut, l'application de l'amende com- 
minée par l'article 8 de la loi du 29 octobre 1846, organique de 
la Cour des Comptes (art. 45 et 46) ^. 

L'obligation de rendre compte ne concerne pas seulement 
les comptables en deniers, mais aussi les comptables des 
matières qui sont commis à la garde, à la conservation et à 
l'emploi du matériel appartenant à l'État (art. 52, loi de 

* Cf. plus bas, le chapitre relatif à la Cour des Comptes, 



( 8S2 ) 

1846) ^. De même, le mobilier fourni par TÉtat doit être inven- 
torié et les inventaires sont récolés à la fin de chaque année ei 
à chaque mutation de fonctionnaires responsables ^ (art. 47, 
loi de 1846). 

Le principe de la responsabilité des comptables est proclamé 
par l'article 10 de la loi de 1846 : Tout comptable est respon- 
sable du recouvrement des capitaux, revenus, péages, droits et 
impôts dont la perception lui est confiée. 

Elle peut être engagée d'abord en cas de non-recouvrement. 
Avant d'obtenir décharge des articles non recouvrés, le comp- 
table doit faire constater que le non-recouvrement ne provient 
pas de sa négligence, et qu'il a fait en temps opportun toutes 
les diligences et poursuites nécessaires (art. 10, al. i, loi 
de 1846). Des règlements d'administration déterminent les 
règles à suivre pour obtenir décharge des articles non recou- 
vrés (art. 60, arr. de 1868). Quand un comptable a été forcé en 
recette et qu'il a payé de ses deniers les sommes dues et non 
renseignées, il est subrogé de plein droit dans les créances et 
privilèges de l'État à la charge des débiteurs (art. 10, al. 3, loi 
de 1846 et art. 47 et suiv., arr. de 1868). 

Les comptables prennent les mesures nécessaires pour pré- 
venir les vols et les perles de fonds. S'il se produit un fait de 
Tespèce, la constatation en a lieu, sous forme d'enquête, à la 
diligence des fonctionnaires désignés à cette fin; il en est 
dressé procès-verbal, dont une expédition est transmise au 
département des finances ; une autre est jointe au compte de 
gestion; une troisième expédition est adressée au chef du 
département dont le comptable relève (art. 61, loi de 1868). 

* La comptabilité des matières a été organisée par un arrêté royal du 
6 décembre 4853. — Un arrêté royal du iO janvier 1862 concerne plus 
spécialement le ministère des chemins de fer, postes et télégraphes. — 
Un arrêté royal du 31 décembre 1900 approuve un nouveau règlement 
sur la comptabilité des matières appartenant au Ministère des finances 
et des travaux publics. 

* Cf. arrêté royal du 26 mars 1858 relatif à l'exécution de Tarlicle 47. 



( 383 ) 

Tout receveur, caissier, dépositaire ou préposé quelconque 
chargé de deniers publics ne pourra obtenir décharge d'un 
vol ou d'une perte de fonds, s'il n'est justifié qu'il est l'effet 
d'une force majeure et que les précautions prescrites par les 
règlements ont été prises. 

En attendant l'arrêt de la Cour des Comptes, et sans y 
préjudicier, le ministre des finances peut ordonner le verse- 
ment provisoire de la somme enlevée ou contestée (art. H, loi 
de 1846). 

Les articles 47 à S9 et l'article 63 de l'arrêté de 1868 règlent 
les cas de déficits. Lorsqu'un déficit est reconnu dans la 
gestion d'un comptable, le fonctionnaire chargé de la surveil- 
lance en dresse immédiatement procès-verbal et se conforme 
aux règlements qui régissent l'administration à laquelle il 
appartient (art. 47, arr. de 1868). 

Tous les droits et impôts perçus et non renseignés sont 
portés en recette au profit du trésor Le comptable constitué 
en déficit demeure, en outre, responsable des droits et 
amendes qui, à défaut de poursuites exercées en temps utile, 
sont devenus irrécouvrables (art. 48). 

Une expédition du procès-verbal de déficit est adressée au 
directeur de l'enregistrement et des domaines, pour être 
remise au receveur de cette administration, chargé de pour- 
suivre le recouvrement du débet sur les biens meubles et 
immeubles du comptable (art. 50). 

Si l'administration centrale ou le chef de service a requis — 
ce qui est facultatif (art. 49) une inscription hypothécaire 
sur les biens immeubles du comptable, conformément à l'ar- 
ticle 89 de la loi du 16 décembre 1851, le bordereau d'inscrip- 
tion hypothécaire est joint à l'expédition du procès-verbal de 
déficit (art. 50). 

Après la constatation du déficit, Tadministration compé- 
tente ordonne au comptable reliquataire de rendre compte de 
sa gestion. Si lui ou ses ayants cause restent en défaut de le 
fournir, le ministre provoque l'application des articles 7 et 

Tome LXVI. 23 



( 384) 

8 de la loi du 29 octobre 1846 i. L'arrêt de la Cour des 
Comptes est signifié à l'intéressé par l'administration de IVa- 
registrement (art. 52). 

Les fonctionnaires ne peuvent dénoncer un déficit au 
ministère public sans une autorisation préalable du minisire 
au département duquel le comptable ressortit (art. 53). 

Lorsque le déficit est arrêté par la Cour des Comptes, le 
procès-verbal qui le constate est porté en dépense par le comp- 
table en fonctions. Si le débet arrêté par la Cour présente une 
difi^érence avec le procès- verbal, ce dernier est mis préalable- 
ment en concordance avec l'arrêt (art. 54). 

Le déficit est consigné dans un sommier tenu par le rece- 
veur de l'enregistrement. Celui-ci est chargé de continuer les 
diligences nécessaires pour assurer le recouvrement des droits 
restant dus au trésor, après la réalisation du cautionnement 
affecté à la garantie de la gestion du comptable s. Toutes les 
recettes faites en apurement du déficit y sont successivement 
annotées (art. 55). 

Dans le cas où le déficit dépasse le montant du cautionne- 
ment, le receveur de l'enregistrement, s'il n'a pas reçu d'or- 
dres contraires, décerne immédiatement une contrainte et 
fait procéder ensuite à la saisie des meubles du comptable en 
déficit; toutefois, la vente n'a lieu que sur l'autorisation du 
directeur de l'enregistrement. Les biens immeubles ne 
peuvent être saisis sans un ordre du ministre des finances 
(art. 51). 

Les erreurs et fausses perceptions de droits au préjudice da 
trésor, constatées postérieurement à l'arrêt de la Cour des 
Comptes, font, s'il y a lieu, l'objet d'un acte de chargement. 
Cet acte est transmis à la Cour pour être revêtu de la forme 
exécutoire, par application de l'article 11 de la loi du 29 octo- 
bre 1846 3. 



* Cf. infray chapitre relatif à la Cour des Comptes. 

2 a. arlicle 202, arrêté de 1868. 

3 Cf. infra. 



( 386 ) 

Il est envoyé ensuite à l'administration de l'enregistrement, 
à l'effet de poursuivre le recouvrement des sommes dues 
(art. 86). 

Les receveurs de l'enregistrement et des domaines paient les 
frais des actes conservatoires et de signification des arrêts de 
la Cour des Comptes. Ils paient également ceux qu'occasionne 
le recouvrement des déficits. Les mémoires de ces fraiSj 
dûment acquittés, sont portés en dépense dans leurs états 
mensuels (art. 57). 

Annuellement, il est porté une allocation spéciale au 
budget, pour recevoir l'imputation et la régularisation des 
pertes résultant de déficits et d'événements extraordinaires ^ 
Les pertes qui seront imputées sur cette allocation seront con- 
signées par l'administration des domaines dans ses sommiers; 
elle fera les diligences nécessaires pour en assurer le recou- 
vrement sur les cautionnements et biens des débiteurs (art. 12, 
loi de 1846). 

Si; pendant cinq années consécutives à compter de la date 
de l'arrêt de la Cour des Comptes, une créance ouverte pour 
cause de déficit ou de tout événement de force majeure n'avait 
pas été recouvrée, l'impossibilité du recouvrement sera 
constatée par un procès- verbal, lequel sera reproduit à l'appui 
du compte général de l'État; une expédition du même procès- 
verbal sera jointe au compte du comptable chargé du recou- 
vrement du déficit (art. 13, loi de 1846, art. 58, arr. de 1868). 

Les agents de l'administration de l'enregistrement et des 
domaines cessent de faire rappel dans leurs écritures des 
déficits non recouvrés cinq ans après l'arrêt définitif de la 
Cour des Comptes; ils transfèrent ces déficits dans un sommier 
de créances en surséance, et continuent, le cas échéant, à en 
poursuivre le recouvrement contre les débiteurs (art. 59, arr. 
de 1868). 



* Au budget des non-valeurs et remboursements pour 1902, le mon- 
tant des crédits portés à rarticle 4i du chef de déficit des divers compta- 
bles de l'État, s*élève à 40,000 francs (non limitatif). 



( 386 ) 

Enfin, les fonctionnaires chargés spécialement et directe- 
ment (le la surveillance des comptables et du contrôle de leur 
comptabilité, sont responsables de tout déficit irrécouvrable 
qui pourrait être occasionné par un défaut de vérification de 
la gestion du comptable en déficit (art. 14, loi de 1846). 

Ces fonctionnaires, en cas de déficit irrécouvrable, sont 
invités à fournir leur justification. S'il est reconnu qu'ils ont 
négligé de remplir leurs devoirs, un arrêté royal motivé fixe 
la somme qu'il y a lieu de mettre à leur charge. Cette somme 
est recouvrée par le receveur de l'enregistrement et portée en 
recette en apurement du déficit (art. 63, an*, de 1868, art. 14, 
loi de 1846). 



CHAPITRE m. 
La Banque Nationale de Belgique, caissier de TËtat. 

Le service de la caisse de l'État, des entrées et des sorties de 
fonds appartenant à l'État, est confié, selon les pays, à des 
fonctionnaires relevant directement du ministre des finances 
ou bien à des banques privilégiées, en vertu d'une convention 
spéciale intervenue entre elles et l'État et sous le contrôle du 
chef responsable de la trésorerie. 

La première combinaison est adoptée en France; la seconde 
en Angleterre et en Belgique et aussi, dans une certaine 
mesure, dans l'empire d'Allemagne ^. 

Deux traits caractérisent surtout le système français ^ : 

l"" Les recettes sont encaissées et les dépenses sont payées 
exclusivement par des fonctionnaires ou agents de l'État. Les 
fonctions de receveur et de payeur sont d'ailleurs, en principe, 
réunies dans les mêmes mains ; 

2» La Banque de France ne joue qu'un rôle très effacé dans 

.1 Cf. Stourm, p. 476. 

« BoDCARD et Jèze, t. Il, pp. 4193 et suiv.; Stourm, chap. XXIÏÏ, 
pp. 458 et suiv. 



( 387 ) 

le service des encaissements, des paiements et des mouve- 
ments de fonds. 

Ce sont donc des agents de l'État qui recouvrent les deniers 
publics et paient les dépenses publiques. Ces agents sont t : 

1" A Paris : le caissier payeur central du trésor; 

2® Dans le département de la Seine : le receveur central de 
la Seine centralise les recettes ; le caissier payeur central du 
trésor paie les dépenses ; enfin, divers percepteurs et receveurs 
spéciaux sont sous les ordres du receveur central, qui répond 
de leur gestion ; 

3« Dans les départements autres que celui de la Seine, on 
rencontre trois catégories d'agents : 

a) Le trésorier- payeur général, chargé des recettes et des 
paiements ; 

b) Dans chaque chef-lieu d'arrondissement, autre que le 
chef-lieu du département : le receveur particulier des finances, 
simple représentant du trésorier-payeur général, agissant pour 
le compte et sous la responsabilité de celui-ci ; 

c) Sur tous les points du territoire : des percepteurs et des 
receveurs. Les premiers, chargés de recouvrer les impôts 
directs, paient les dépenses pour compte du trésorier- payeur 
général, sous la surveillance et la responsabilité du receveur 
particulier de l'arrondissement. Les seconds sont les receveurs 
de Fenregistrement, des douanes, des contributions indirectes, 
des postes et télégraphes, etc. Ils obéissent aux ordres de leur 
administration propre. 

Percepteurs et receveurs versent leurs fonds à la recette par- 
ticulière des finances. 

C'est donc, en définitive, le trésorier-payeur général, installé 
dans chaque département, à Texception de la Seine et de 
Paris, qui fait le service de la caisse de l'État. « Les trésoriers- 
payeurs généraux, dans chaque département, dirigent le ser- 
vice des receveurs particuliers et des percepteurs dont ils sont 
responsables, centralisent les recettes, exécutent les mouve- 

« BouCARD et Jèze, t. II, p. 1207. 



( 358 ) 

ments de fonds du trésor et effectuent le paiement des 
dépenses publiques. Cela forme quatre fonctions distinctes : 

a !• Direction du service du recouvrement des contributions 
directes; 

» 2« Centralisation des revenus publics ; 

» 3^ Opérations de mouvements de fonds du trésor; 

» 4® Paiement des dépenses publiques i. » 

Les fonds centralisés par les trésoriers-payeurs généraux 
sont mis à la disposition du trésor par le moyen du compte 
courant, qui forme le lien qui rattache ces fonctionnaires au 
trésor. 

C'est la direction du mouvement général des fonds qui tient 
ce compte courant et qui donne aux trésoriers-payeurs géné- 
raux les instructions nécessaires. 

c( Le directeur du mouvement général des fonds est le gar- 
dien du trésor; on peut même dire que c'est lui qui person- 
nellement en a la clé, puisque aucun paiement ne peut avoir 
lieu sans qu'au préalable il n'ait été appelé à donner son 
visa 2. » 

Les trésoriers- payeurs sont donc avisés par lui des paie- 
ments à effectuer dans le département. « 811 y a un excédent 
disponible, la direction du mouvement général des fonds en 
disposera en donnant l'ordre au trésorier-payeur général soit 
de l'envoyer directement à la caisse centrale à Paris, soit de 
le remettre au caissier central en valeurs déterminées payables 
à Paris, soit enfin — et ce sera le cas le plus fréquent — de le 
verser à la Banque de France, au crédit du compte du 
trésor 3. « 

Le compte courant du trésor à la Banque de France a été 
organisé par la loi et la convention des 9 et 10 juin 1857. 
Une loi du 17 novembre 1897 a développé quelque peu cette 

* Stourm, p. 458. — Pour l'historique de cette institution, les critiques 
qu'on lui adresse et les réformes projetées, cf. Stourm, pp. 459-474, et 
BoucARD et Jèze, t. II, pp. 1193 et suiv. 

2 LÉON Say, Les Finances, pp. 122 et suiv. 

5 BoucARD et Jèze, t. II, p. 1210. 



( 389 ) 

première participation de la banque au service de la tréso- 
rerie, qui consiste aujourd'hui : 

1*> Dans rencaissement par les succursales ou les bureaux 
auxiliaires de la banque des excédents de recette disponible; 

2" Dans le versement aux comptables, soit par les succur- 
sales, soit par les bureaux auxiliaires des sommes nécessaires 
pour subvenir à l'insuffisance des encaissements à un jour ou 
sur un point déterminé ; 

3^ Dans le paiement gratuit, concurremment avec les caisses 
publiques, pour le compte du trésor, des coupons au porteur 
de rentes françaises et de valeurs du trésor français ^. 

Les relations entre la Banque de France et le trésor sont 
donc encore à Tétat embryonnaire, malgré les tentatives faites 
à diverses époques pour les resserrer et confier à la Banque 
le service complet de la caisse de l'Etat. 

Elles sont, au contraire, plus intimes en Angleterre, où, 
depuis 1834, les Banques d'Angleterre et d'Irlande reçoivent 
tous les fonds recueillis par les divers « collectors » et paient 
les dépenses publiques ^ et surtout en Belgique, où la Banque 
Nationale réalise de la manière la plus complète le typé de la 
banque, caissier de l'État, dont MiM. Boucard et Jèze ont 
déterminé très exactement les fonctions. « En reprenant, disent- 
ils, la formule de M. Thiers, on est amené à distinguer dans 
le trésor public deux rôles bien distincts : le trésor est une 
caisse de banquier, mais c'est aussi une caisse d'homme de loi. 

« Si une banque est incapable de jouer efficacement le rôle 
de caisse d'homme de loi, elle est, au contraire, très capable 
de faire le service de caisse de banquier. La banque, caissier 
de rÉtat, voilà une solution non seulement très acceptable, 

* Boucard et Jèze, t. II, p. 4246. 

« Cf. Boucard et Jèze, t. II, pp. 4485-1493; Stourm, p. 475. — Cf. aussi : 
. AuG. Arnauné , Note sur le contrôle financier en Angleterre. (Bull, de 
LA Soc. DE LÉGISLATION COMPARÉE, t. XIV, 4884-4885, pp. 270 ct sulv.); 
Philippovich, £ugen von, Die Bank von England im Dienste der Finanz- 
verwaltung des Staates. Wien, Tôplilz und Deuteke, 4884, et les ouvrages 
et documents cités dans Boucard et Jèze, t. II, p. 4485. 



( 360 ) 

mais encore très avantageuse. Des agents de l'État percevront 
les recettes conformément aux lois et règlements et sous la 
haute direction du ministre des finances. IMais le produit en 
sera versé à la banque, au crédit du compte courant du trésor 
public. Des agents de l'État vérifieront, sous leur responsabi- 
lité, la régularité des ordonnances et mandats de paiement, 
apposeront leur vu, bon à payer, et c'est seulement alors que la 
banque effectuera le paiement matériel aux créanciers de 
l'État. En d'autres termes, les agents de l'État s'occuperont 
de la partie juridique du service de la trésorerie; la banque 
sera cantonnée et limitée dans les opérations matérielles de 
caisse ^. » 

Depuis 1824 et jusqu'en 1850, la caisse de l'État avait été 
gérée en Belgique par la Société générale pour favoriser l'in- 
dustrie nationale, fondée en 1823 ^. 

La Société générale était une création personnelle du roi 
Guillaume. C'est de son autorité privée que celui-ci avait sup- 
primé les receveurs généraux que nous avait légués le régime 
français, et confié le service de la caisse de l'État à la Société 



* BoucARD et Jèze, t. II, p. 1161. — Dans son rapport fait, au nom delà 
commission des finances du Sénat sur le projet de loi. qui est devenu 
la loi du 26 mars 1900, M. le chevalier Descamps disait aussi : «Les 
mouvements de fonds dans la caisse de l'État sont considérables : il n*est 
guère possible que l'État ne soit, dans une mesure assez large, le client 
de quelque banque, qu'il n'y ait pas un compte courant et de dépôts •• 
Les rapports de l'État avec une banque déterminée pourraient se borner 
à la rigueur à assurer à celle-ci la possession, dans sa clientèle générale, 
du premier client du pays. Des liens plus intimes peuvent rattacher la 
Banque à l'État dans l'ordre de la trésorerie. Sans doute, il ne peut être 
question de confier à un établissement privé le contrôle proprement dit 
de la recette et de la dépense. Le service matériel de caisse doit être seul 
en jeu. Mais, dans ces limites, l'État peut demander à la banque et 
obtenir d'elle les services les plus importants et les plus variés. » (Sénat, 
sess. de 1899-1900, Doc. parL, no 32.) 

^ Cf. la brochure de J. Malou, Notice historique sur la Société généraU 
pour favoriser Vindustrie nationale, établie à Bruxelles (1823-1868). 
Bruxelles, 1863. 



(361 ) 

anonyme qu'il venait de fonder et dont il possédait les quatre 
cinquièmes des actions ^. 

On reprochait à cette combinaison de manquer de garanties 
sérieuses pour la bonne gestion des int^^.réts de l'État 2. Elle 
était de plus onéreuse pour le trésor ^ et enfin le système fonc- 
tionnait médiocrement, en partie par la faute de l'État. « La 
Société générale, en effet, était tenue d'avoir une agence dans 
chacun des vingt-six arrondissements judiciaires du pays; 
mais l'État qui dirigeait et contrôlait le service par ses direc- 
teurs du trésor n'avait de représentants que dans les chefs-lieux 
de province. La conséquence de cette situation était la suivante : 
d'une part, les versements effectués à la Société par les rece- 
veurs de l'État pour le compte du trésor ne pouvaient pas être 
immédiatement vérifiés par la comptabilité centrale; de ce 
chef, le contrôle de la Gourdes Comptes devenait très difficile, 
sinon impossible. D'autre part, les paiements ne pouvant être 
effectués par la banque que sur des assignations des direc- 
teurs du trésor, les créanciers de TÉtat devaient commencer 
par s'adresser à eux, aux chefs-lieux de province : ceci entraî- 
nait des lenteurs ^. » 

* et * Cf. le discours de M. le baron de Man d'Allenrode (Ch. des 
Repr., séance du 6 mars i846), ainsi que toute la discussion de l'arti- 
cle 58 (art. 57 du projet) de la loi du 15 mai 1846, notamment dans les 
séances de la Chambre des 6 et 11 mars 1846. 

3 Depuis 1837, la Société générale touchait Vb ®/« sur les recettes ordi- 
naires, */8 ®/o sur les bons du trésor et */ie <>/© sur les emprunts. (Ch. des 
Représ., séance du 11 mars 1840.) En outre, TËtat lui remboursait 
certaines dépenses. 11 déboursait, somme toute, une somme annuelle 
moyenne de 270,000 francs. (Boucard et Jèze, t. II, p. 1165, note 2.) 

^ Boucard et Jèze, itnd, — Cf. aussi : Exposé des motifs du projet de 
loi prorogeant la durée de la Banque Nationale. . ., par M. de Smet de 
Naeyer. (Ch. des Représ., sess. de 1898-1899, Doc, pari,, n» 57, p. 8.) — 
« Cette organisation de la trésorerie présentait de graves imperfections 
» et donnait lieu aux plus vives protestations de la part de la Cour des 
» Comptes qui, faute de justifications suffisantes, refusait son concours 
» à la vérification et à farrété des écritures. L'institution de la banque 
i> fut Toccasion de mettre fin à cette situation intolérable et d'introduire 
» dans la tenue des comptes la clarté et la régularité sans lesquelles le 
» contrôle des finances publiques ne saurait être assuré » 



( 362 ) 

La loi du 15 mai 1846 sur la comptabilité de l'État prit, à ce 
sujet, la disposition suivante : ce Le gouvernement est autorisé 
à conserver à la Société générale pour favoriser l'industrie 
nationale les fonctions de caissier de l'État, jusqu'au 31 décem- 
bre 1849. 

» Le caissier général de l'État fournira en immeubles ou en 
inscriptions sur le grand-livre de la dette publique un caution- 
nement dont le montant sera fixé par arrêté royal. 

» Le service de caissier de l'État sera organisé par une loi 
spéciale, avant le !«' janvier 1850. » (Art. 58.) 

Mais ce fut seulement la loi du 10 mai 1850 qui organisa ce 
service en le confiant à la Banque Nationale, instituée par une 
loi du 5 mai de la même année. 

Une convention entre le gouvernement et la Banque, à 
reviser tous les cinq ans (art. 9, loi du 10 mai 1850), devait 
régler tous les détails d'organisation du service. La première 
convention est datée du 17 novembre 1850 (arr. roy. du 20 dé- 
cembre). 

La durée de la Banque Nationale avait été fixée à trente ans 
(art. 3, loi du 5 mai 1850). Cette durée fut prorogée une pre- 
mière fois par la loi du 20 mai 1872. En même temps, la 
Banque était maintenue dans ses fonctions de caissier de l'État, 
qui furent précisées par une nouvelle convention du 17 juil- 
let 1872 (approuvée par un arrêté royal du 19 juillet). 

Enfin, la loi du 26 mars 1900 a prorogé la durée de la Banque 
Nationale de Belgique jusqu'au 1®' janvier 1929. 

Les nouveaux statuts de la Banque, modifiés d'après les 
dispositions de cette dernière loi, portent la date du 5 mai 1900. 
Ils ont été approuvés par un arrêté royal du 16 mai {Moniteur 
du 24 mai). 

Une nouvelle convention est intervenue entre le ministre des 
finances et la Banque, au sujet de l'organisation du service de 
caissier de l'État, le 23 juin 1900 (approuvée par arrêté royal 
du 2 juillet. — Moniteur du 6). 

Celte convention laisse subsister, dans leurs grandes lignes, 
les dispositions de la convention de 1872, qui avait été succes- 
sivement renouvelée le 16 avril 1878, le 25 novembre 1882, le 



( 363 ) 

le 30 novembre 1887, le 9 décembre 1892 et le 24 décem- 
bre 1897. Elle se contente d'y introduire de simples modifica- 
tions aux articles 1, 5, 14, IS et 23. Elle est valable jusqu'au 
30 juin 1910. 

Actuellement, ce sont donc, avec le texte de cette convention, 
les lois combinées des 10 mai 1850, 20 mai 1872 et 26 mars 1900 
relatives au service du caissier de l'État, dont le texte a été 
publié par arrêté royal du 7 août 1900, qui forment le siège de 
la matière i. 

La qualité de caissier de l'État confère à la Banque Nationale 
de Belgique le caractère de comptable public. Elle est dès lors 
soumise à toutes les obligations des comptables qui découlent 

* A consulter les différents travaux parlementaires auxquels ont donné 
lieu les lois relatives à la Banque Nationale et au service du caissier de 
rËtat et notamment : 

Institution de la Banque Nationale et organisation du service du 
caissier de l'État. (Lois des 5 et 10 mai 1850.) Recueil des documents et 
discussions parlementaires. Bruxelles, Hayez, 1851, gr. in-B» de 330 pages. 

Banque Nationale. — Documents officiels relatifs à la prorogation de 
cette institution, décrétée par arrêté royal du W mai i872, Bruxelles, 
Hayez, 1872, gr. in-8« de xcii-696 pages. 

Recueil des documents et discussions parlementaires concernant Vinsti- 
tution de la Banque Nationale. Bruxelles, Guyot, 1872. 

Documents et discussions parlementaires relatifs à la deuxième pro- 
rogation de la Banque Nationale : 

Exposé des motifs. (Ch. des Représ., séance du 22 décembre 1898, 
Doc. pari., n*» 57.) 

Rappoj^t fait au nom de la section centrale de la Chambre, par M. Del- 
beke. (Ch. des Représ., séance du 29 juin 1899, Doc. pari., n* 224.) 

Rapport fait au nom de la commission du Sénat, par M. Descamps- 
David. (Sénat, séance du 17 mars 1900, Doc. pari., n» 32.) 

Discussions. Chambre : Séances des 6, 7, 8, 12, 13, 14 et 15 décem- 
bre 1899; des 16, 17, 18, 19. 23, 24, 25, 26, 30 et 31 janvier 1900; des 
1«, 2, 6, 7, 8, 9, 13, 14, 15 et 20 février 1900. — Sénat : Séances des 
22 et 23 mars 1900. 

MM. BoucARD et Jèze ont consacré, dans leur Traité, une monographie 
très précise et très documentée à l'organisation du service du caissier de 
l'État en Belgique, t. II, pp. 1164-1185. — Cf. aussi : Stourm, pp. 477 
et suiv. 



(364) 

des prescriptions de la loi sur la comptabilité et de la loi sur 
la Cour des Comptes et qui ne sont pas incompatibles avec les 
principes qui régissent les sociétés anonymes (lois comb. ^ 
art. 2). 

La Banque établit une agence dans chaque chef-lieu d'arron- 
dissement judiciaire, et, en outre, dans les localités où le 
gouvernement le juge nécessaire dans Hntérét du trésor et du 
public (art. 3, lois comb., art. 2, convention de 1872). 

II y a actuellement, outre la succursale d'Anvers, trente-neuf 
agences de la Banque Nationale. Les bureaux des agents sont 
ouverts tous les jours, les dimanches et les fêtes exceptés. Les 
heures d'ouverture et de fermeture de leurs bureaux sont fixées 
de commun accord entre le ministre des finances et l'admi- 
nistration de ta Banque (art. 22, convent. de 1872). Les bureaux 
sont ouverts, aujourd'hui, tous les jours ouvrables de 9 heures 
à 14 heures. 

Les agents de la Banque sont nommés par le Roi, sur une 
liste double de candidats présentés par le conseil d'adminis- 
tration de rétablissement. Ils sont révoqués par le Roi, sur la 
proposition du conseil d'administration. Celui-ci peut les 
suspendre, de sa propre autorité, pour un mois au plus. La 
Banque nomme son délégué au siège social à Bruxelles. Elle 
pourvoit au remplacement temporaire des agents. En cas de 
vacance, elle soumet au ministre des finances, dans les trois 
mois au plus tard, ses propositions pour la nomination d'un 
titulaire. Les agents de la Banque ne peuvent prétendre à une 
pension à la charge du trésor. Ils fournissent, à la garantie 
de leur gestion envers le caissier, un cautionnement soit en 
immeubles, soit en fonds nationaux (art. 5, lois comb., art. 3, 
convent. de 1872). La Banque fait parvenir au ministre des 
finances les signatures de ses agents titulaires ou intérimaires 
et de son délégué ù Bruxelles, avant qu'ils entrent en fonctions. 
Le ministre transmet de même à la Banque les signatures des 



* Nous entendons par lois combinées : les lois des 10 mai d850, 
20 mai 1872 et 26 mars 1900, relatives au service du caissier de TÉtat, et 
nous les citons dans le texte publié par Tarrêté royal du 7 aoilt 1900. 



( 365 ) 

agents du trésor (art. 6, convent. de 1872). Ces dispositions 
sont prises afin de permettre Texercice du contrôle. 

La Banque est responsable de sa gestion et de celle de ses 
agents. Il n'y a d'exception que pour les cas de force majeure, 
dont l'existence et l'application aux fonds reçus pour le compte 
de l'État seraient dûment constatées (art. 4, lois comb.). Le 
règlement d'ordre de la Banque déclare les agents responsables 
de toutes les sommes et valeurs versées dans leurs caisses, à 
quelque titre que ce soit (art. 242). Les dispositions de la loi 
des 5-18 septembre 1807 qui règle le privilège et l'hypothèque 
légale du trésor public, sur les biens des comptables, sont 
applicables au caissier de l'État (art. 8, lois comb.). 

Quelles sont les attributions du caissier de l'État? 

L -- La Banque reçoit les versements et fait les paiements 
pour le compte de l'État dans toutes ses agences (art. 7, al. 1, 
convent. de 1872). 

A. — Centralisation des recettes. 

Les comptables de l'État versent le produit de leurs recettes, 
après acquittement des dépenses assignées sur leurs caisses, 
entre les mains du caissier de l'État ou de ses agents en pro- 
vince. Ces versements ont lieu une ou plusieurs fois par mois, 
selon l'importance des recouvrements, les ordres et les néces- 
sités du service, de telle sorte que, à moins d'autorisations 
contraires, les comptables ne conservent point en caisse une 
somme libre excédant 5,000 francs. Les derniers versements 
sont effectués, au plus tard, le dernier jour du mois de recou- 
vrement. Par exception, les produits du mois de décembre 
doivent être versés, au plus tard, le 28 du même mois (art. 24, 
25 et 26 de l'arr. royal de 1868). 

Tout versement ou envoi en numéraire et autres valeurs fait 
dans les caisses de l'État pour un service public, donne lieu à 
la délivrance d'un récépissé à talon, avec imputation de verse- 
ment (art. 4, loi de 1846). 



( 36&) 

En conséquence, le caissier de l'État ou ses agents délivrent, 
pour chaque versement, un récépissé à talon, daté et numéroté, 
indiquant Pimputation et exprimant la qualité de la partie 
versante, ainsi que la somme versée (art. 27, arr. de 1868). 

Ce récépissé est libératoire pour le comptable, il forme titre 
envers le trésor public, à la charge toutefois pour la partie ver- 
sante de le faire viser et séparer de son talon dans les vingt-quatre 
heures par les fonctionnaires et agents administratifs à désigner 
à cet effet (art. 4, al. 2, loi de 1846). 

Cet article organise de la manière la plus ingénieuse le 
contrôle des versements opérés par les comptables, lequel 
s'exerce de la manière suivante. 

Pour chaque versement reçu dans la caisse de l'Etat, l'agent 
de la Banque délivre à la partie versante un récépissé à talon, 
dans les formes prescrites à l'article 27 de l'arrêté de 1868. 

Mais ce récépissé n'est qu'un simple reçu, il n'a aucune 
force libératoire, il ne constitue pas un titre envers le trésor 
public, à moins de le faire viser et séparer de son talon par 
les agents de l'État désignés à cet effet. 

Le récépissé visé par l'agent de l'Etat est remis au comptable 
qui a opéré le versement. Cette remise signifie que ce verse- 
ment a été contrôlé par l'agent de l'Etat qui avait qualité à cet 
effet, que ce versement a été réellement opéré dans la caisse de . 
l'État et que par conséquent le comptable est libéré et déchargé 
de toute responsabilité de ce chef. 

Le talon séparé du récépissé est gardé par l'agent de l'État, 
qui a visé le récépissé. Il forme titre vis-à-vis du caissier de 
l'État, vis-à-vis de l'agent de la Banque, qui devra rendre 
compte de l'import du versement, qu'il a déclaré avoir reçu 
par la remise du récépissé à la partie versante. 

C'est ainsi que l'agent de l'État, à ce désigné, contrôle par 
une même opération le versement opéré par le comptable et 
le versement reçu par l'agent de la Banque. 

Quels sont les agents de l'État chargés de ce contrôle? 
L'article 4 de la Convention de 1872 répond : « Dans toutes les 
localités où une agence de la Banque est instituée, il y a un 



( 367 ) 

agent du trésor chargé spécialement du contrôle des opérations 
de recette et de dépense. 

Le service des agents du trésor a été organisé par l'arrêté 
royal du 28 octobre 1850 ^. Ces agents remplacent depuis le 
1«' janvier 1851 les directeurs provinciaux du trésor, dont les 
attributions leur ont été transmises depuis cette époque. 

Ils sont nommés par le Roi (art. 2, arr. de 1850). Les 
articles 3 et 4 de ce même arrêté organisent le contrôle des 
versements de la manière que nous venons de décrire : « Les 
agents du trésor sont chargés de constater les versements 
effectués entre les mains des agents de la Banque Nationale en 
sa qualité de caissier de l'État. A cet effet, les récépissés délivrés 
par les agents de la Banque Nationale seront visés par les 
agents du trésor, qui en détacheront le talon et en passeront 
écritures (art. 3) ». Les parties versantes sont tenues d'accom- 
pagner leurs versements d'un bordereau indiquant l'imputa- 
tation (art. 4). 

Des mesures seront prises par le ministre des finances, de 
concert avec le gouverneur de la Banque Nationale, pour que 
les bureaux des agents de la Banque et ceux des agents du 
trésor soient établis dans le même local ou aussi rapprochés 
que possible, conformément à l'article 12 de l'arrêté royal du 
28 octobre 1850. Lorsque le service de l'agent du trésor peut 
être établi chez l'agent de la Banque, celui ci a droit à une 

« Arrêté royal du 28 octobre 1850 sur l'organisation du trésor dans les 
provinces. {Moniteur du !•' novembre.) — Les arrêtés royaux du 30 mai 
1871 et du 31 décembre 1875 (Moniteur du 6 janvier 1876) ont complété 
cette organisation. Ce dernier arrêté a notamment modifié le tableau indi- 
quant les résidences, traitements, frais de bureau et les cautionnements 
des agents du trésor et qui était annexé à l'arrêté de 1850. 

Une instruction ministérielle du 20 octobre 1865 pourvoit à l'exécution 
de l'arrêté de 1850 et règle tout ce qui est relatif au paiement des ordon- 
nances et des pensions. 

Un arrêté royal du 31 décembre 1864 autorise le ministre des finances 
à instituer des agents auxiliaires du trésor. 

11 y a actuellement trente et une agences du trésor et onze agents 
auxiliaires. 



( 368 ) 

indemnité, à fixer de concert avec la Banque (art. SI, con- 
vent. de 1872). 

La Banque intervient dans les frais de la trésorerie en pro- 
vince à concurrence d'une somme annuelle de 330,000 francs. 
Cette somme ne pourra être augmentée aussi longtemps que 
la Banque Nationale sera chargée du service de caissier de 
l'État (art. 5, convent. de 1873, modifiée par celle du 23 juin 
1900). 

Cette somme de 230,000 francs représente, à l'heure actuelle, 
la totalité des frais occasionnés à l'Etat par le service de la 
trésorerie en province. Les frais de l'administration centrale 
restent, dès lors, seuls à la charge de l'État. 

B. — Paiement des dépenses. 

La Banque ne paie aucune dépense avant d'avoir reçu du 
ministre des finances avis des ouvertures de crédit et des 
dispositions sur la caisse de l'État. Le ministre indique les 
localités du royaume dans lesquelles les paiements doivent 
avoir lieu (art, 8, convent. de 1872) *. 

C'est ainsi que le service des paiements, comme celui des 
ordonnancements, dont nous parlerons plus loin, est centralisé 
et unifié. 

Le ministre informe aussi la banque de l'émission de 
mandats pour restitution des titres et valeurs déposés dans sa 
caisse. Cet avis n'est pas requis en ce qui concerne les litres 
appartenant à la caisse d'amortissement et à celle des dépôts et 
consignations (art. 10, convent. de 1872). 

< La Banque fait les fonds nécessaires à cet effet; elle supporte tous 
les frais d'administration, de matériel, ainsi que de transport et de 
virement de fonds (art. 8, al. 2, convent. de 4872). 

Si la Banque est chargée d'effectuer des envois de fonds à l'étranger 
pour le compte du trésor, les frais de ces envois lui sont remboursés 
(art. 9, ibid.). 

La Banque paie cependant, sans ouverture de crédits, entre autres : 
les coupons d'intérêt des emprunts de l'État (art. 11, convent. de i872). 



( 369 ) 

La Banque, de son côté, informe ses agents des dispositions 
faites par le ministre des finances ou par son délégué et qui 
sont payables à leur caisse. 

Elle leur fait connaître aussi le nom de Tagent du trésor 
appelé à viser les ordonnances, mandats ou bons du trésor 
qu'ils ont à payer (Règlement d'ordre de la Banque, art. 345). 

Et en effet, les mandats et ordonnances de la trésorerie ne 
sont pas payés par les agents de la Banque, à moins d'être 
revêtus du visa de l'agent du trésor. Les agents du trésor sont 
chargés du service des dépenses publiques ordonnancées par 
la trésorerie. Après avoir reçu avis du département des finances 
des paiements à faire, ils disposent, selon la nature des 
dépenses, soit sur le caissier de TÉtat ou ses agents, soit sur les 
caisses des receveurs des impôts (art. 133, arr. de 1868). 

Les paiements sont assignés par les agents du trésor sur les 
caisses des agents de la Banque, au moyen d'un visa portant : 
vu bon à payer à apposer sur les litres de créances (ordonnances, 
mandats, etc.) revêtus de l'acquit des parties et de toutes les 
autres formalités requises (instructions ministérielles du 8 dé-* 
cembre 1850, § 8). 

Cependant, les agents de la Banque ne peuvent dans aucun 
cas acquitter des ordonnances, des mandats ou des bons du 
trésor, revêtus du visa de l'agent du trésor, pour une somme 
qui excéderait le montant des crédits ouverts par le ministre des 
finances et dont les agents auraient été informés par l'adminis- 
tration de la Banque. Ils portent immédiatement à la connais- 
sance de celle-ci les demandes de paiement refusées ensuite 
de cette prescription (art. 246 du règlement d'ordre de la 
Banque). 

Si donc les agents de la Banque ne peuvent payer les ordon- 
nances ou mandats non revêtus du visa de l'agent du trésor, ce 
visa ne les dispense toutefois pas de vérifier si la somme à 
payer ne dépasse pas le montant des crédits ouverts par le 
ministre des finances, dont ils ont reçu avis. 

Lorsque les paiements ont été effectués par les agents de la 
Banque, ceux-ci envoient à l'agent dii trésor, contre reçu, les 

Tome LXVL 24 



{ 370 ) 

pièces acquittées. L'agent du trésor constate alors les paiements 
effectués par les agents de la Banque (art. 6, arr. du 28 octo- 
bre 1850). 

Les agents du trésor constateront égalenâent dans leurs écri- 
tures, sur la production des pièces acquittées, les paiements 
faits, sans leur intervention, par les agents de la Banque, pour 
le service de la dette publique ou d autres services spéciaux 
(art. 7, ibid.). 

Aucune dépense ne sera assignée directement par l'adminis- 
tration centrale du trésor public sur la caisse des comptables 
des administrations des recettes. Les mandats dûment acquittés 
que les agents du trésor sont autorisés à émettre sur les caisses 
des receveurs des contributions directes, douanes et accises, de 
l'enregistrement et des domaines et des postes seront échangés 
chez ces agents contre des assignations sur les agents de la 
Banque (art. 9, ibid.). Les mandats sont détaillés sur un borde- 
reau. L'agent du trésor, après examen des mandats qu'il 
retient, appose sur le bordereau un visa ainsi conçu : vu bon à 
échanger contre un récépissé de versement. 

Les agents de la Banque délivrent alors aux receveurs des 
récépissés à talon, comme pour les versements en numéraire 
(art. 9, ibid.). 

Les écritures des agents du trésor et des agents de la Banque 
Nationale seront combinées de manière à se contrôler les unes 
les autres. Le rapprochement de leurs livres aura lieu à des 
époques périodiques à déterminer par le ministre des finances 
(art. 8, ibid.). 

Les agents du trésor renvoient, tous les mois, au ministre 
des finances, les ordonnances de paiement acquittées. Ils y 
joignent les quittances des paiements faits après le renvoi des 
ordonnances collectives d'où elles dérivent (art. 183, arr. de 
1868). (Cf. plus loin.) 

Les opérations des agents du trésor font l'objet d'une 
comptabilité spéciale. Ils produisent annuellement à la Cour 
des Comptes le compte de leur gestion (art. 134, arr. de 1868). 

Enfin, pour achever l'exposé des attributions de l'agent du 



( 371 ) 

trésor, qui se lient si intimement à celles du caissier de l'État, 
il faut mentionner encore l'article 10 de Tarrêté du 28 octobre 
1850, en vertu duquel la comptabilité des fonds provinciaux 
reste centralisée. Elle est confiée aux agents du trésor dans les 
chefs-lieux de provinces (cf. aussi les art. 203 à 213 de Tarr. 
de 1868). 

En résumé, dit M. Stourm ^, « l'agent du trésor, logé autant 
que possible dans les bâtiments mêmes de la Banque, ou tout 
à proximité, vise les récépissés délivrés par le caissier de 
l'Etat et en détache le talon, opération analogue à celle que les 
préfectures et sous-préfectures effectuent en France à l'égard 
des trésoriers généraux. Pour les dépenses, il vise et revêt de 
son ce vu bon à payer » les ordonnances de paiement délivrées 
par les départements ministériels, que les parties prenantes 
viennent d'abord lui présenter; le caissier de l'État paie ensuite 
sur la production des pièces revêtues de ce « vu bon à payer ». 
Le délégué du trésor auprès de chaque agence tient donc, pour 
ainsi dire, les clefs de la caisse, sans toutefois manier person- 
nellement les fonds. » 

II. ~ La Banque est en outre chargée : 

a. Du service et de la conservation des fonds publics de la 
trésorerie, de la caisse d'amortissement et de la caisse des 
dépôts et consignations, ainsi que des services qui y sont ou 
pourront être rattachés (cautionnements); 

b. De la réception des titres de la dette publique destinés à 
être convertis en inscriptions nominatives et de la restitution 
des titres provenant des transferts au porteur; 

c. De l'encaissement — s'il y a lieu — des coupons des titres 
dont elle a la garde, ainsi que des arrérages des rentes dont 
les inscriptions sont déposées à la trésorerie de l'État, pour 
compte d'établissements publics (crédit communal, caisse 
d'annuités, vicinaux). Le montant de ces encaissements est 

< Loc. cit., p. 478» 



( 372 ) 

versé au trésor conformément aux instructions de l'administra- 
tion de la trésorerie (art. 7, al. 2 de la convention de 1872). 
Les coupons d'intérêt des emprunts de l'État sont payables 
dans toutes les agences de la Banque, sans ouverture de cré- 
dit. Le ministre se réserve, après avoir entendu le conseil 
d'administration de la Banque, d'étendre cette disposition à 
d'autres valeurs et de rendre les intérêts, ainsi que les 
capitaux payables dans les agences qu'il désignera (art 11 delà 
convention de 1872). 

in. — Placement des fonds disponibles. 

Les fonds disponibles du trésor ne sont pas admis à figurer 
dans la réserve métallique de la Banque et celle-ci ne peut en 
faire emploi à son profit pendant le temps où elle en a la garde 
et la responsabilité. 

La Banque est, au contraire, chargée d'en opérer le place- 
ment au profit de l'État, et bien que de ces placements elle 
n'ait que les charges, sans aucune participation aux bénéfices, 
elle en est responsable envers le trésor (cf. Bapport Delbeke, 
loc. cit.). 

C'est ce que décident les articles 14 à 20 de la convention de 
1872, modifiée par celle du 23 juin 1900 ^. 

La Banque fera le placement des fonds disponibles du trésor 
excédant les besoins du service. 

Est considéré normalement comme fonds disponible, le 
solde que présente le compte courant du trésor, après déduc- 
tion des dispositions de l'État ^ (article 14). 



* Cf. rarticle 7, al. 3 des lois combinées 

* D'après la convention de 1872, on considérait comme fonds norma- 
lement disponibles le solde que présentait le compte courant du trésor, 
après déduction du montant des dispositions de l'État, augmenté de 
Ô millions de francs. 

La convention du 23 juin 1900 (art. 14) a supprimé cette restriction. 
A l'avenir, l'encaisse disponible sera intégralement placée au profit de 



( 373 ) 

Afin d'établir ce solde, la Banque adressera, tous les deux 
jours, au ministre des finances et des travaux publics, une 
situation sommaire des recettes et des dépenses, présentant 
le montant de l'encaisse et des dispositions courantes. 

Si, d'après ces situations, le montant des dispositions excède 
le chiffre de l'encaisse pendant plus de six jours, le ministre 
fait réaliser les sommes nécessaires pour rétablir l'équilibre 
(art. 14). 

Le placement des fonds disponibles consistera, en général, 
en achat de valeurs commerciales sur l'étranger payables en 
numéraire. Il sera fait dans le délai de cinq jours francs après 
la réception de l'ordre de placement donné à la Banque par le 
ministre des finances et des travaux publics. 

S'il n'a pas été opéré dans ce délai, la Banque établira 
néanmoins le décompte des placements comme si ceux-ci 
avaient été effectués dans ledit délai ^. 

Toutefois, le ministre des finances et des travaux publics se 
réserve, après avoir entendu le conseil d'administration de la 
Banque, de faire opérer exceptionnellement des placements en 
valeurs belges et spécialement en promesses ou simples traites 
escomptées par l'intermédiaire des comptoirs de la Banque et 
ce à des conditions identiques à celles que la Banque admet 
pour les escomptes qui lui sont propres (art. 15). 

Les achats et les ventes ou réalisations pour le compte du 
trésor sont faits d'après les instructions du ministre des 
finances. 

La Banque Nationale reste garante, conformément au droit 
commercial commun, du remboursement en écus à l'échéance 
de toutes les valeurs acquises ou appliquées pour le compte 
du trésor (art. 16). 

rÉtal. On estime qu'au taux moyen du portefeuille, cette concession 
faite par la Banque vaut au trésor public un supplément annuel de 
100,000 francs environ. (Exposé des motifs, loi de 1900, loc. cit.) De 1872 
à 1900, au contraire, la Banque pouvait faire emploi à son profit de la 
somme de 5 millions. 
* Disposition ajoutée par la convention du 23 juin 1900. 



( 374 ) 

Les profits et les pertes résultant du change, les frais d'assu- 
rance et de transport d'espèces à l'étranger ou venant de 
l'étranger, le ducroire payé aux maisons étrangères, les com- 
missions des comptoirs ou autres intermédiaires auxquels la 
Banque aurait eu recours, seront pour le compte de l'État 
(art. 17). 

A la fin de chaque journée, la Banque transmet au ministre 
un tableau indiquant les achats et les ventes ou encaissemeDts 
qu'elle a opérés pour le compte du trésor. 

Elle lui adresse : 1» à la fin de chaque semaine, un état som- 
maire du mouvement du portefeuille spécial, et 2<> à la fin de 
chaque quinzaine, un relevé de la situation et des opérations 
de la quinzaine. 

Les pièces justificatives des frais relatifs à ces opérations y 
seront, le cas échéant, annexées (art. 18) ^. 

Chaque année, dans le courant du mois de janvier, la 
Banque adresse les comptes de sa gestion, en ce qui concerne 
les placements qu'elle a opérés pour le trésor pendant Tannée 
précédente. 

La forme de ces tableaux, états, relevés et comptes sera 
arrêtée de concert avec le ministre des finances et la Banque 
Nationale (art. 20). 

La qualité de caissier de l'État attribue donc à la Banque 
Nationale de Belgique le maniement de tous les fonds et 
valeurs appartenant soit au trésor, soit aux institutions res- 
sortissant à l'administration des finances. La Banque est char- 
gée, en outre, de certains services qui ne découlent pas direc- 
tement de ses fonctions de caissier de l'État. Elle a notamment 
la garde des valeurs appartenant à la Caisse générale d'épargne 
et de retraite (loi du 16 mars 186S, art. 27, 28, 30) et la gestion 
de son portefeuille. 



* Les dispositions des articles 14 à 18 inclusivement pourront éti-e 
revisées, modifiées ou complétées à toute époque par le ministre des 
finances d'accord avec l'administration de la Banque (art. 19), 



( 375 ) 

Le concours que la Banque prête à la Caisse d'épargne n'est 
pas absolument gratuit. Ses agents touchent de ce chef cer- 
taines bonifications, mais elles sont minimes (en 1898 : 
fr. 16,801), et les bons offices de la Banque sont, en somme, 
véritablement onéreux pour elle ^. 

L'importance des fonctions du caissier de TÉtat peut se 
mesurer au mouvement général des opérations de la Banque 
Nationale pour le compte de l'État. 

En 1899, il présentait la situation suivante ; 

Recettes. 

Versements fr, 1,676,140,503 94 

Inscriptions nominatives 83,949,600 » 

Cautionnements (numéraire) 11,365,271 43 

— (fonds publics) .... 19,751,100 » 
Trésorerie (valeurs diverses) 71,085,772 50 

. Amortissements, dépôts et consignations 83,353,025 » 
Portefeuille du trésor et correspondants 
étrangers 379,652,858 96 

2,325,298,131 83 

Dépenses. 

Paiements fr. 1,698,930,813 56 

Inscriptions nominatives 84,411,500 » 

Cautionnements (numéraire) 11,307,839 69 

— (fonds publics) .... 19,211,820 » 

Trésorerie (valeurs diverses) 82,210,028 50 

Amortissements, dépôts et consignations 68,482,700 » 
Portefeuille du trésor et correspondants 

étrangers 378,053,332 81 

2,342,608,034 56 



* Rapport Descamps-David, loc. cit,^ et rapport Delbeke, Annexes 
réponses aux XX» et XX1« questions. 



( 376 ) 

Le mouvement général des opérations dépasse donc large- 
ment les 4 ^/^ milliards. En 1872, il atteignait à peine le quart 
de cette somme. 

D'autre part, le mouvement du compte courant du trésor 
public à la Banque Nationale ^ a atteint successivement les 
chiffres suivants : 

En 1851 303,400,000 francs. 

1860 380,800.000 — 

1870 547,800,000 - 

1880 1,605,200,000 — 

1890 2,200,400,000 - 

1900 3,802,000,000 - 

Hais, et nous l'avons déjà fait observer, il ne s'agit danstoat 
cela que du service matériel de la caisse. 

L'ouverture des crédits, le contrôle, la surveillance dépen- 
dent exclusivement de l'État et de 3es agents. 

Le contrôle de l'État est assuré d'abord par la nomination 
des agents de la Banque et leur révocation, qui appartient au 
Roi, et par l'institution des agents du trésor. Nous n'avons 
plus à y revenir. 

De plus, un commissaire du gouvernement surveille les 
opérations de la Banque et notamment l'escompte, les émis- 
sions de billets et le placement des fonds disponibles du 
trésor. Son traitement est fixé par le Roi, de concert avec la 
Banque, et payé par celle-ci 2. 

Le contrôle et la surveillance des écritures et des caisses 
des agents de la Banque sont exercés par le gouvernement. 

Les journaux et autres registres relatifs au service du trésor 
sont tenus d'après un mode à arrêter par le gouvernement. 
Les journaux sont cotés et paraphés par un membre de la 

^ Rapport sur Les opérations de la Banque pendant Vannée 1900, p. 26. 
Bruxelles, imprimerie de la Banque, 1901. 
« Cf. Statuts de la Banque, articles 76, 77, 78. 



( 377 ) 

Cour des Comptes (art. 6, al. 1 des lois comb.). La comptabi- 
lité est tenue suivant les règlements et instructions arrêtés 
par le ministre des tinances (art. l'*^ al. 3 de la convention de 
1872). 

Les agents de la Banque soumettront les caisses, les registres 
et les journaux à l'inspection des fonctionnaires délégués à cet 
effet par le ministre des finances (art. 6, al. 9 des lois combi- 
nées). L'article 253 du Règlement d'ordre de la Banque repro- 
duit cette disposition : ce Tout agent auquel le délégué de 
Tadministration se présente pour procéder à une inspection, 
muni des pouvoirs nécessaires, est tenu de mettre sous ses 
yeux, à l'instant même, tous ses livres de comptabilité, tous 
les billets, espèces et valeurs existant dans la caisse, et de lui 
donner tous les renseignements réclamés ». 

La Banque Nationale adresse au ministre des finances, au 
plus tard le 10 et le 25 de chaque mois : 

A, — Un compte des recettes et des dépenses arrêté à 
l'expiration de la quinzaine écoulée. Ce compte présente : 
l» le solde en caisse au commencement de l'année; 2® les 
recettes et les paiements de l'année, avec indication, par 
agence, des sommes se rapportant à la dernière quinzaine; 
3^^ le solde en caisse au commencement de la quinzaine cou- 
rante. Les dispositions courantes et les crédits encore ouverts 
seront déduits de ce dernier solde, de manière à établir le 
montant net du solde disponible. 

B. — Un compte, dressé dans une forme analogue, des 
obligations de la dette publique et autres valeurs reçues et 
restituées larl. 12 de la convention de 1872). 

Nous avons déjà signalé les tableaux, états, relevés et comptes 
que la Banque doit présenter au ministre des finances pour la 
comptabilité des fonds disponibles (art. 14 et suiv. de la con- 
vention de 1872). 

Enfin, en vue de permettre à la Cour des Comptes d'exercer 
son contrôle, la Banque lui soumet, au mois de janvier, en 



( 378 ) 

triple expédition, par Tintermédiaire du ministre des finances, 
le compte de sa gestion de Tannée précédente comme caissier 
de l'État. Ce compte est divisé en deux parties distinctes : 
l'une présentant, par agence, les opérations en deniers; l'autre, 
les opérations en titres et valeurs. 

L'une des expéditions du compte, accompagnée de Tarrét 
de la Cour, est renvoyée à la Banque (art. 13 de la convention 
de 1872). 

La Banque fait gratuitement le service de caissier de TÉtat 
(art. 7 des lois combinées). Elle ne reçoit donc aucune indem- 
nité. Non seulement les services qu'elle rend sont gratuits, 
mais ils sont onéreux pour elle. « L'État fait payer le service 
par celui qui le rend. » (Rapport Delbeke.) 

Et cela de diverses manières : 

l'» Intervention dam les frais de la trésoreiie en province^ 
La loi du 10 mai 1850 avait, il est vrai, alloué à la Banque 
une indemnité annuelle de 200,000 francs. « L'augmentation 
continue de ses bénéfices, dont FÉtat, sous le régime de la loi 
de 1850, ne prélevait qu'une part modique (l'unique redevance 
de la Banque à l'État était celle de Ve ^^s bénéfices dépas- 
sant 6 Vo), amena la Banque, lors des renouvellements pério- 
diques de la convention réglant le service du caissier, à renon- 
cer graduellement à cette rémunération. » (Exposé des motifs 
de la loi de 1900). 

Réduite en 1856 à 100,000 francs, l'indemnité fut supprimée 
en 18H1. En 1870, on alla plus loin et il fut convenu que la 
Banque interviendrait dans les frais de trésorerie, à concur- 
rence de 175,000 francs, somme égale à peu près au chiffre de 
la dépense à cette époque. Ce chiffre fut maintenu dans la 
convention de 1872 ; la convention de 1900 (art. 5) l'a porté à 
230,000 francs, ainsi que nous l'avons dit, avec la condition 
que cette somme ne pourra être augmentée aussi longtemps 
que la Banque sera chargée du service de caissier de l'État. 
Mais cette restriction figurait déjà dans la convention de 1871 



( 379 ) 

2« Placement des fonds disponibles. 

Nous en avons déjà parlé. Cette disposition fut, au point de 
vue des intérêts de TÉtat, une des plus heureuses additions 
apportées par le législateur de 187!2 à la loi de 1850. De 1872 
à 1898, le produit des placements faits par la Banque pour le 
compte de l'État et sous sa propre responsabilité a dépassé 
18 millions de francs. Au budget de 1902 (voies et moyens, 
art. 43), ce produit est évalué à i ,200,000 firancs. 

3« Part de FÉtat dans les bénéfices réalisés par la Banque 
Nationale. 

Le quart des bénéfices excédant 4 »/o est attribué à l'État 
(art. 2, al. 3 de la loi du 26 mars 1900). 

« S'il est juste qu'en retour du privilège d'émission, l'État 
obtienne une part des profits de la Banque, il est équitable de 
laisser aux actionnaires un revenu en rapport avec la priva- 
tion de leur argent et les services que la Banque est appelée à 
rendre, 

» Fixé en 1880 à 6 •/», ce revenu fut maintenu au même 
taux par la loi du 20 mai 1872. Le gouvernement tenant 
compte de la dépression subie depuis 1872 par le loyer des 
capitaux, a cru convenable d'abaisser de 6 à 4 Vo du capital de 
50 millions, soit de 3 à 2 millions, la part fixe prélevée au 
profit des actionnaires sur les bénéfices réalisés par la Banque. 

» La part de l'État restant fixée au quart, c'est une plus-value 
annuelle de recette de 250,000 francs assurée au trésor 
public. » (Exposé des motifs de la loi de 1900.) 

De 1873 à 1899, alors que l'État touchait un quart des 
bénéfices excédant 6 Vo» ^a part de l'État s'était élevée à 
fr. 31,104,864 48, soit une moyenne annuelle de 1 million 
152,030 francs. 

En 1900, sous le nouveau régime, elle a atteint 2 millions 
114,675 fr. 86 centimes. Elle est évaluée au budget de 1902 à 
2,200,000 francs. 

On a calculé la part respective prélevée par les actionnaires 



( 380 ) 

et par TÉtat dans les bénéfices réalisés par la Banque, en 
1872 et en 1899 1. 

En 1872, la part totale des actionnaires était à celle de l'État 
comme 4654 est à 1. 

En 1899, la part totale des actionnaires était à celle de l'État 
comme 2^^6 est à 1. 

4« L'État touche encore ^/^ "/o par semestre, sur F excédent de 
la circulation moyenne des billets au delà de 275,000 francs (loi 
de 1872 et loi de 1900). 

Disposition introduite dans la loi de 1872, sur l'initjative de 
M. Pirmez. 

De 1873 à 1899, l'Etat avait touché de ce chef 13 millions 
141 fr. 67 centimes, soit une moyenne annuelle de 481 mille 
486 fr. 73 centimes. 

Enl900,fr. 1,463,938 99. 

Budget de 1902, fr. 1,745,000 francs. 

o« Attribution à VÉtat du bénéfice résultant de la différence 
entre l'intérêt de 5 ^/^ "/« ^l '^ ^^^^ d'intérêt perçu par la Banque 
(loi de 1900, art. 2, al. 4j. 

Disposition inscrite dans la loi de 1872, afin d'éviter les 
élévations arbitraires du taux de l'escompte par la Banque. 
Sous le régime de cette loi, l'État percevait la différence entre 
le taux de 5 */o et celui perçu par la Banque. La loi de 1900 a 
abaissé ce taux de 5 à 3 ^/^ ''/o, en raison de la réduction dii 
loyer de l'argent et pour continuer à réaliser les intentions du 
législateur de 1872. (Exposé des motifs, loi de 1900.) 

Toutefois, celte disposition de la loi de 1872 n'a eu d'effet 
qu'en 1873, 1874, 1881, 1882, 1888, 1889 et 1899. Elle a pro- 
duit au profit du trésor une recette totale de fr. 2,330,182 m 

6*» Versement au trésor public par la Banque de la valeur des 
billets de banque d!un type remplacé ou supprimé. 
Cette disposition a été nouvellement introduite par la loi de 

* Cf. Rapport Descamps-David, annexe V. 



( 381 ) 

1900 (art. 6) : « La Banque versera au trésor public, dans le 
mois qui suivra la promulgation de la présente loi, la valeur 
des billets de banque appartenant aux émissions antérieures à 
l'année 1869, qui n'ont pas été jusqu'ici présentés au rem- 
boursement. 

» Chaque fois qu'un type de billet de banque sera remplacé 
ou supprimé, la Banque versera au trésor, à l'expiration du 
délai fixé dans chaque cas par une convention spéciale, la 
valeur des billets de ce type qui n'auront pas été présentés au 
remboursement. Cette disposition est applicable aux billets de 
20 francs du type antérieur à celui créé en 1897. 

» Les billets dont la contre-valeur aura été versée au trésor 
seront retranchés du montant de la circulation ; le rembourse- 
ment de ceux de ces billets qui seront ultérieurement présentés 
aux guichets de la Banque s'effectuera pour le compte du 
trésor. » 

L'Exposé des motifs expliquait cette disposition en ces 
termes : « Il reste en circulation un certain nombre de billets 
de la Banque Nationale appartenant à des types abandonnés 
depuis longtemps. 11 est fort rare que des billets de cette 
nature soient présentés aux guichets de la Banque; on peut, 
sans crainte de se tromper, affirmer que la plupart d'entre eux 
sont perdus ou détruits. Ils continuent cependant de figurer 
au passif de la Banque Nationale. Il n'existe pas, en effet, de 
prescription en cette matière : la Banque demeure indéfini- 
ment tenue de payer à vue tous les billets émis par elle; si elle 
venait à cesser d'exister, elle devrait consigner les fonds néces- 
saires pour rembourser ceux d'entre eux qui n'auraient pas été 
présentés au remboursement avant la clôture de la liquidation. 

» A l'avenir, chaque fois que la Banque aura renoncé à un 
type de billet, elle versera au trésor le montant des billets de 
ce type qui ne lui auront pas été présentés dans un délai à 
fixer de commun accord entre le gouvernement et le conseil 
d'administration. 

» Par première application de ce principe, la Banque ver- 
sera immédiatement au trésor de l'État le montant des billets 



( 382 ) 

appartenant à des émissions antérieures à 1869 et qui n'ont pu 
être retirés jusqu'ici de la circulation. 

» Le trésor assurera le remboursement de ceux de ces billets 
qui viendraient à être présentés ultérieurement. » 

Le premier versement fait par la Banque au trésor de la 
valeur des billets antérieurs à 1869 a produit plus de 1 million. 

7» Services gratuits rendus par la Banque, soit à des particu- 
liers ^ soit à certaines institutions. 

Nous signalerons dans cet ordre d'idées : le service des accré- 
ditifs, qui est des plus utiles, pour les envois d'argent d'une 
place à une autre, à l'égal des mandats-poste. Mais les accré- 
ditifs ont, sur ceux-ci, l'avantage de ne rien coûter. Jusqu'en 
1872, la Banque percevait une commission de ^/^ "/oo. Celle 
taxe a été abolie par décision du 8 juillet 1871. Le mouvement 
des accréditifs (recettes et paiements) a été le suivant de 186^ 
à 1900 ^ : 

En 1863 : 13,200,000 francs. 
1870 : 54,300,000 - 

1880 : 1,543,400,000 — (Gratuité depuis 1872.) 
1890 : 1,843,200,000 — 
1900 : 2,900,700,000 — 

Il faut noter de même les relations entre la Banque et les 
sociétés mutualistes reconnues. La Banque se charge, à titre 
gratuit, de la garde des dépôts fermés qu'opéreront les sociétés 
mutualistes reconnues, les frais de transport des valeurs à 
Bruxelles demeurant seuls à charge des déposants. Les dépôts 
à découvert opérés par les mêmes sociétés se feront aux con- 
ditions ordinaires des tarifs, les frais du premier transport de 
valeurs effectué pour compte d'une société mutualiste demeu- 
rant à charge de la Banque (Statuts de la Baiiqtie, art. 40). 

Tous ces avantages concédés par la Banque à l'État, à cer- 
tains établissements publics, à certaines sociétés ou aux par- 

* Cf. Rapport de la Banque Nationale pour 1900, p. 27. 



( 383 ) 

ticuliers ne sont en aucune façon compensés par un régime 
de faveur, dont jouirait la Banque au point de vue fiscal. 

Elle reste soumise au droit commun. Elle paie le droit de 
patente, le droit de timbre sur les billets, etc., dont Timport 
est considérable, 

La Banque a payé du chef du droit de patente : 

En 1900 : fr. 263,815 68 (centimes additionnels, province 
et commune compris.) 
et 164,884 80 pour TÉtat seul. 

Du chef du droit de timbre sur la circulation fiduciaire 
(abonnement) : 

En 1899 : fr. 269,038 20 
1900 : 288,241 77 

La gratuité des services et les redevances que paie la Banque, 
sous diverses formes, se justifient d'ailleurs parfaitement et 
par Tappui moral que donne à cet établissement la clientèle de 
l'État et surtout par la faculté octroyée à la Banque d'émettre 
des billets reçus dans les caisses du trésor. 

Il faut renoncer à déterminer les frais qu'occasionne chaque 
année le service de caissier de l'État. Ainsi que le remarque 
M. Delbeke dans son excellent rapport : « La confusion néces- 
saire des services généraux, la communauté des locaux, l'iden- 
tité du personnel opposent des obstacles infranchissables à 
une décomposition mathématique (de la dépense), mais on 
trouvera dans les réponses de la Banque Nationale à deux 
questions i qui lui ont été transmises au nom de la section 
centrale par le ministre des finances, des éléments suffisants 
pour apprécier l'importance de ces services et de leur coût ». 

[1 n'est pas exagéré de constater, à la fin de cet exposé, que 
la Belgique a résolu le problème de la Banque, caissier d'État , 
d'une manière aussi parfaite que possible, ce Le gouvernement, 

* XX* et XXI« questions. — Annexes au rapport de M. Delbeke. ' 



(384) 

disait M, de Smet de Naeyer, n*a qu'à se féliciter de la façon 
dont la Banque remplit ses obligations de caissier. L'organi- 
sation du service a, depuis longtemps, atteint la per- 
fection ^. » 

« La Banque Nationale, lisons-nous encore dans l'Exposé 
des motifs, n'a cessé de justifier les espérances que ses fonda- 
teurs avaient placées en elle 2.... » Et plus loin : « Il faut le 
dire, ces multiples et précieux services, la Banque les rend à 
l'État avec une régularité, une exactitude, un soin qui mériienl 
tous les éloges. L'organisation du caissier de l'État est l'un des 
points qui, de tout temps, ont le plus vivement frappé l'atten- 
tion des spécialistes étrangers venus en Belgique dans le but 
d'étudier les rouages de notre système financier. » 

MM. Boucard et Jèze ont, entre autres, émis sur cette orga- 
nisation une appréciation des plus flatteuses, en même temps 
que très exacte, que nous nous plaisons à citer en terminant. 

<c En résumé, l'étude de la Banque Nationale de Belgique 
laisse cette impression qu'en aucun pays, peut-être, les inté 
rets du trésor et des particuliers n'ont été mieux garantis 
qu'en Belgique. Il faut ajouter que les intérêts des actionnaires 
de la Banque n'ont pas été non plus sacrifiés, et qu'on leur a 
assuré une rémunération satisfaisante. 

» C'est certainement un titre de gloire pour Frère-Orban, le 
fondateur de la Banque, et pour ses successeurs au ministère 

* Réponse du gouvernement à la XXVJe question. — Annexes du 
rapport de M. Delbeke. 

* La Banque, elle aussi, s'est déclarée en complète harmonie d'idées 
avec les différents hommes politiques qui ont eu successivement à 
s'occuper d'elle : Cf. Rapport de 1900, pp. 24-25. 

M. Delbeke constate dans son rapport que « la Banque Nationale est 
seule, peut-être, à présenter ce phénomène : dans un pays où tout le monde 
se plaint toujours, personne ne se plaint d'elle ». 

De même, ni la noie de la minorité, annexée au rapport de M. Delbeke, 
m rExposé des motifs d'une proposition de loi de M. Denis tendant à 
1 mstituiion d*une enquête sur les effets de la loi de 1872... (Ch. des 
Keprés., séance du 23 décembre 1898, Doc. parL, no 58) ne contiennent 
aucune critique relative à l'organisation actuelle du service du caissier 
de ['Etat- 




( 385 ) 

des finances, que d'avoir su habilement résoudre le problème 
délicat qu'on posait. 

» En dehors de cette sagesse, ii est deux faits qui expliquent 
que la Banque ait pu faire de larges concessions, tout en con- 
tinuant à retirer cependant de ses opérations des bénéfices 
rémunérateurs pour les capitaux qui y sont engagés. Et ces 
faits, semble-t-il, ne peuvent guère se produire sans inconvé- 
nients que dans de petits États neutres. 

)) Le premier de ces faits, c'est que le capital de la Banque 
est relativement très faible; dès lors, de faibles bénéfices peu- 
vent être rémunérateurs pour les actionnaires (le capital "était 
deSo millions en 1850, il est de oO millions en 1872)... Le 
deuxième fait à mettre en relief, c'est l'existence d'une encaisse 
en partie productive... D'après une « règle juridique coutu- 
mière », on admet, pour former le tiers statutaire, le montant 
du portefeuille étranger, lequel est composé « d'effets de tout 
premier ordre que les banquiers endosseurs se sont engagés à 
remplir à première demande et à couvrir en espèces ». On a 
ainsi une encaisse supérieure à une encaisse métallique, en ce 
qu'elle rapporte des intérêts. L'expérience a prouvé, en 1870, 
et en 1881, que cette encaisse était aussi efficace. De 1851 à 
1872, l'encaisse métallique a été en moyenne de 34 7o« 
Aujourd'hui, le stock métallique n'est plus que de 17 à 18 Vo', 
ce n'est qu'en ajoutant le portefeuille étranger (108 millions 
en 1899) que l'on obtient (en le dépassant d'ailleurs) le tiers 
statutaire ^ . » 

CHAPITRE IV. 

L'exécution des dépenses. 

L'exécution des dépenses entraîne une série d'opérations 
successives qui incombent aux ordonnateurs, c'est-à-dire aux 
ministres. 

* Loc. cit., t. II, pp. H83 à 1185. 

Tome LXVL 25 



( 386 ) 

Avant d'être acquittée ou payée, une dépense doit être 
engagée, liquidée et ordonnancée. 

Nous avons déjà traité de la question du paiement des 
dépenses ; nous n'y reviendrons que pour exposer certaines 
règles complémentaires et celles relatives aux déchéances, 
prescriptions et saisies. 

Nous insisterons donc surtout dans ce chapitre sur l'en- 
gagement, la liquidation et l'ordonnancement de la dépense. 

§ 1. — L'engagement de la dépense. 

Les engagements de dépense sont, d'une manière sommaire, 
d'après M. Stourm ^, les actes dont V exécution implique^ pour 
le présent ou pour Vavenir, une création ou une augmentation 
de dépense. 

Rien, ajoute le même auteur, ne se laisse moins aisément 
saisir et, par conséquent, dirons-nous, n'est plus difficilement 
contrôlable qu'un engagement de dépense, a Le document 
d!où dérive l'engagement initial n'est souvent qu'une circu- 
laire, qu'une lettre, qu'une simple promesse verbale, que le 
résultat d'une conférence ou d'un entrelien. Puis, même quand 
l'engagement serait saisi sur le fait, comment le chiffrer exac- 
tement? Les projets les plus onéreux sont trop souvent lancés 
intentionnellement avec l'affirmation mensongère qu'ils ne 
coûtent pas un centime ; les innovateurs cherchent toujours, 
presque malgré eux, à atténuer le chiffre des répercussions 
financières de leurs conceptions. En réalité, l'épreuve de 
l'exécution permet seule de donner aux résultats pécuniaires 
quelque précision. » 

11 est naturel, d'ailleurs, qu'une très grande liberté soit 
laissée aux ordonnateurs dans l'engagement de la dépense. 
C'est une liberté nécessaire aux ministres, chefs des adminis- 

* Lac, cit,, p. 483. — Lors donc que le ministre nomme un nouveau 
fonctionnaire ou décide Texécution d*un travail public, il engage une 
dépense. 



(387 ) 

trations, qui doivent pouvoir agir sous leur responsabilité, 
bien qu'il soit utile, d'autre part, d'organiser dans la mesure 
du possible le contrôle des engagements ^. 

L'engagement de la dépense n'est donc pas réglementé et 
organisé minutieusement par les règlements de comptabilité. 
Ceux-ci contiennent seulement une série de dispositions rela- 
tives à cette catégorie de dépenses, qui dépendent le plus 
directement de l'ordonnateur : les dépenses résultant de tra- 
vaux et fournitures. 

A . — Article 19 de la loi de 1846 : Les ministres ne font 
aucun contrat, marché ou adjudication^ pour un terme dépassant 
la durée du budget. 

Cette règle s'explique très bien par la nature même de la 
loi budgétaire, qui est essentiellement temporaire. Les crédits 
qu'elle autorise n'ont qu'une durée limitée, et il s'ensuit que 
les dépenses engagées sur ces crédits ne peuvent l'être pour un 
terme dépassant celui de la validité des crédits, c'est-à-dire la 
durée du budget. 

Cette limite d'une année serait toutefois trop courte pour 
certains engagements. 

L'article 19, alinéa 2, établit donc une première exception 
pour les baux de location ou d'entretien qui peuvent être 
contractés pour un plus long terme. Dans ce cas, chaque 
budget se trouve grevé de la dépense afférente à l'année à 
laquelle il se rapporte. 

Et l'alinéa 3 du même article autorise les ministres à con- 
tracter pour un plus long terme, qui toutefois ne dépassera 
pas. cinq années, à compter de l'année qui donne son nom à 
l'exercice, ce quand ta dépense, à raison de l'importance des 
travaux, ne peut se réaliser pendant la durée du budget )). 

Des lois ultérieures ont encore apporté des dérogations à 
l'article 19 et autorisé les ministres à contracter, pour certaines 
dépenses, pour des termes variant de cinq à dix, vingt et 

* Cf. infra, p. 428. 



( 388 ) 

vingt-cinq ans. (Cf. les lois du 20 décembre 1862, du 28 juil- 
let 1871, du 26 février 1881, du 23 décembre 1895, du 
4 avril 1900.) 

B. — Article 21, loi de 1846 : Tous les marchés au nom de 
rÉtat sont faits avec concurrence^ publicité et à forfait^ sauf les 
exceptions établies par les lois et mentionnées à l'article 
suivant. 

Ce principe avait déjà été proclamé par un arrêté royal du 
11 novembre 1815. Le régime des adjudications est organisé 
par les articles 91 à 97 du règlement de 1868. 

L'article 92 exige que, à moins d'urgenc*e, les adjudications 
soient annoncées quinze jours d'avance, par voie d'atfiches et 
par tous les moyens ordinaires de publicité. L'avis doit con- 
tenir certaines indications énumérées au mêtne article. Les 
clauses que doit contenir le cahier des charges sont indiquées 
à l'article 93. Les articles 94, 95, 96 se rapportent à Touver- 
lure des soumissions et aux offres faites par les soumis- 
sionnaires. 

Les adjudications, réadjudications, contrats et marchés ne 
sont définitifs qu'après avoir reçu l'approbation du ministre. 
Après celte approbation, il ne peut être dérogé qu'en vertu de 
décisions ministérielles motivées aux clauses et conditions des 
devis et cahiers des charges, soit pour changer la nature de 
l'entreprise ou des travaux, soit pour en modifier et- augmenter 
le prix ou pour affranchir les entrepreneurs des cas de respon- 
sabilité et d'amendes. Ces décisions sont communiquées à la 
Cour des Comptes (art. 97). 

De fréquents abus sont résultés de ces dérogations aux con- 
ditions des adjudications publiques. La Cour des Comptes a 
souvent, dans ses cahiers d'observations, rappelé le gouverne- 
ment à la stricte exécution des clauses des cahiers des charges^. 

* Consultez les développements de cette question et les exemples 
rapportés par L. Richald, Histoire des finances publiques de la Belgiq^te 
depuis 4850, (Mém. couft. par l'Acad. Bruxelles, Uayez, 1884, pp. 33 à 4B.) 



( 389 ) 

Les ministres sont toutefois autorisés à traiter de gré à gré, 
dans de nombreux cas énumérés à Tarlicle 22 de la loi de 1846. 
Ces marchés de gré à gré sont conclus par les ministres ou par 
les fonctionnaires qu'ils délèguent à cet effet, lis ont lieu soit 
sur un engagement souscrit à la suite du cahier des charges, 
soit sur soumission souscrite par celui qui propose de traiter, 
soit sur correspondance suivant Tusage du commerce. Il peut y 
être suppléé par de simples factures, pour des travaux ou four- 
nitures dont la dépense n'excède pas 4,000 francs. Les mar- 
chés de gré à gré, passés par les délégués d'un ministre, ainsi 
que les factures, sont soumis à son approbation. Toutefois, 
l'approbation n'est point requise, en cas de nécessités résul- 
tant de force majeure, ni lorsqu'il existe une autorisation 
spéciale ou dérivant des règlements. Ces circonstances sont 
portées à la connaissance de la Cour des Comptes. Les disposi- 
tions des 2® et 3* alinéas de l'article 97 sont applicables aux 
marchés de gré à gré (art. 98). 

Chaque année la Cour des Comptes se trouve dans l'obliga- 
tion d'interroger les départements ministériels au sujet de 
Tapplication des dispositions de la loi du 15 mai 1846, que 
nous venons de rappeler, et qui exigent que tous les marchés 
au nom de l'État soient faits avec concurrence, publicité et à 
forfait, sa(uf les exceptions spécifiées à l'article 22. Il semble 
que ces exceptions soient parfois interprétées très largement 
par les ministres, pour dispenser ceux-ci de recourir à l'adju- 
dication publique ^. 

C. — Article 20 de la loi de 1846 : Aucun marché, aucune 
convention pour travaux et fournitures, ne peut stipuler 
d^acompte que pour un service fait et accepté. 

* Cf., entre autres, Observations de la Cour des Comptes (Ch. des 
Représ., sess. de 1901-1902, Doc. parL, n« 27, p. 14), la nomenclature 
des créances qui, dans le cours d'une année, ont donné lieu à cette 
remarque et les raisons invoquées par le gouvernement pour sa justifi- 
cation. 



( 390 ) 

Aussitôt que les travaux ou fournitures sont parvenus à un 
degré d'avancement donnant droit à un paiement en faveur de 
l'entrepreneur, il en est dressé procès-verbal par le fonction- 
naire désigné à cet effet. 

§ 2. — La LIQCIDATION ET L'ORDONNANCEMENT DE LA DÉPENSE. 

Les créanciers intéressés : fournisseurs, entrepreneurs, 
adjudicataires, etc., qui veulent obtenir paiement de ce qui 
leur est dû par l'État doivent produire une déclaration ou un 
mémoire en double ^. Cette pièce est adressée, au plus tard, 
dans les six mois qui suivent l'année de la dette, au fonction- 
naire ou chef de service que la dépense concerne. Celui-ci, 
après vérification, la transmet au département dont il relève, 
en y joignant les diverses pièces établissant la légalité de la 
créance (art. 100 de l'arrêté de 1868). 

Aux termes de l'article 35, § 2, de la loi du 15 mai 1846, 
tout créancier a le droit de se .faire délivrer, par le ministre 
compétent, un bulletin énonçant la date de sa demande et les 
pièces produites à l'appui. Ce bulletin peut également être 
délivré par les fonctionnaires chargés de diriger les travaux ou 
de procéder à la réception des fournitures, livraisons, etc... 
(art. 101 de l'arrêté de 1868). 

Le département ministériel vérifie la déclaration du créan- 
cier et, cette vérification faite, il dresse l'ordonnance de paie- 
ment. 

Cette vérification porte le nom de liquidation. D'après 
M. Stourm 2, la liquidation se définit : « la détermination admi- 
nistrative du montant de la dette de l'État vis-à-vis de chacun 
de ses créanciers, après examen des pièces justificatives ». — 
a Liquider, c'est rechercher si la dette existe réellement, 
quel en est le quantum, s'il n'y a pas de paiements antérieurs, 
s'il n'y a pas de compensation à opposer, si la créance n'est 

* Cf. modèle no 6, établi par Tarrôté ministériel du 12 décembre 1868. 
« Loc. dt., p. 485. 



( 391 ) 

pas^éteinte par une prescription ou une déchéance, en parti 
eulier par une déchéance quinquennale ^. » 

La liquidation n'est donc autre chose que la déclaration de 
la réalité de la dette de l'État et de son import. 

C'est au créancier à provoquer cette déclaration (art. 100). 
Cependant, pour certains créanciers de l'État, il y a lieu à 
liquidation d'office, ainsi que le remarque M. Stourm 
(p. 485, note) : « Cette obligation de la liquidation n'est pas 
imposée aux fonctionnaires et employés pour le paiement de 
leurs traitements, non plus qu'aux rentiers et pensionnaires 
pour le paiement de leurs arrérages. A leur égard, la liquida- 
tion s'opère spontanément, en dehors d'eux, au vu des états du 
personnel et du Grand-Livre de la dette publique ». 

Lorsque la dette est liquidée, il y a lieu de procéder à 
V ordonnancement, c'est-à-dire à la ce confection du titre qui 
permet au créancier de l'État d'obtenir le paiement des 
sommes liquidées à son profit 2 ». 

Liquidation et ordonnancement sont deux opérations étroi- 
tement unies, mais nettement distinctes. « Si par la liquida- 
tion le ministre reconnaît la dette de l'État et son montant 
précis, c'est par l'ordonnancement qu'il impute la dépense 
sur un crédit législatif et donne à un comptable Tordre 
d'ouvrir sa caisse 3. » 

L'ordonnancement suppose donc l'imputation de la dépense 
sur un crédit législatif et l'ordre donné à un comptable d'en 
opérer le paiement. 

Aucune dépense ne peut se faire sans un crédit budgétaire 
correspondant. C'est un principe fondamental. Il est rappelé 
par les articles 16, alinéas 1 et 2, et 17, § 1 de la loi du 
15 mai 1816, et les articles 64 et 65 de l'arrêté de 1868 
prescrivent à chaque ordonnance d'énoncer l'article du budget 
sur lequel la dépense est imputée. Ils garantissent ainsi la 
spécialité budgétaire. 

« Cf. BoucARD et Jèze, 1. 1, p. 526. 

« Stourm, lac, cit., p. 1)86. i 

3 Cf. BoucARD et Jèze, 1. 1, p. 529. 



( 392 ) 

Article 64 : Toute dépense donne lieu à rémission (Fwie 
ordonnance... indiquant F article du budget ou de la loi spéciale^ 
la nature de la dépense, les ayants droit et la somme à payer. 

Article 65 : Chaque ordonnance est signée par le ministre que 
la créance concerne ou par son délégué. Elle ne peut contenir que 
des dépenses imputables sur un seul exercice et sur un seul et 
même article du budget. 

Aucun changement d'imputation ne peut être fait aux 
ordonnances sans le concours de la Cour des Comptes. Avis 
de la demande en rectification est donné au ministre des 
finances par les départements liquidateurs. La Cour des 
Comptes, après avoir autorisé le changement, lui en donne 
également connaissance (art. 66). L'article 67 prévoit le cas de 
l'annulation d'une ordonnance. 

' Aucune sortie de fonds ne peut se faire sans le concours du 
ministre des finances (art. 17, al. 2 de la loi de 1846 i), et le 
ministre des finances n'autorise le paiement d'une ordonnance 
que lorsqu'elle porte sur un crédit ouvert par la loi (art. 17, 
al. 1 de la loi de 1846). 

Le ministre des finances vérifie donc l'imputation, puis il 
autorise le paiement par l'enregistrement à la trésorerie 
(art. 108 de l'arrêté de 1868) et l'ordre donné à Tagent du 
trésor et à la Banque. 

Les ordonnateurs sont responsables des paiements mandatés 
par eux, contrairement aux lois et règlements d'administra- 
tion (art. 18 de la loi de 1846. art. 158 de l'arrêté de 1868). 
Tout double emploi dans les dépenses, tout paiement opéré 
indûment entraîne la responsabilité de l'ordonnateur (art. 159 
de l'arr. de 1868). 

Le département auquel l'ordonnateur ressortit procède à 

* Le même article ajoute : « et sans le visa préalable et la liquidation 
de la Cour des Comptes, sauf les exceptions établies par laloiï>.— Pour 
Tétude du visa préalable et de la liquidation de la Cour des Comptes, 
nous renvoyons à Tétude détaillée de la Cour des Comptes qui fait l'objet 
du chapitre II de la quatrième partie de ce livre. 



V 393 ) 

une enquête, pour déterminer dans quelle mesure sa respon- 
sabilité et, éventuellement, celle des agents sous ses ordres 
sont engagées. S'il y a lieu, la décision est prise par arrêté 
royal (art. 160 de l'arrêté de 1868). Les ordonnateurs conservent 
leurs recours contre leurs agents, ainsi que contre les per- 
sonnes qui ont touché indûment sur leur ordre ou signature 
(art. 161 de l'arrêté de 1868). 

Les articles 125 à 129 et 130 à 132 du règlement de 1868 
organisent la comptabilité de Tordonnancement et son con- 
trôle, en prescrivant la tenue de certains livres et l'envoi pério- 
dique d'états de situation. 

Il est tenu au département des finances et à la Cour des 
Comptes des livres de contrôle des budgets, ainsi que des 
dépenses imputables sur fonds spéciaux (art. 124). Les créances 
liquidées et ordonnancées sont successivement inscrites dans 
ces livres à charge des crédits y relatifs. En procédant à celte 
inscription, le département des finances et la Cour des 
Comptes s'assurent que les crédits permettent l'imputation des 
ordonnances qui leur sont soumises (art. 125). 

D'autre part, les départements ministériels, les questures du 
Sénat et de la Chambre des représentants et la Cour des 
Comptes tiennent le contrôle de leur budget au moyen de 
livres d'imputation. 

Ces livres présentent, dans un cadre uniforme, par alloca- 
tion, les ordonnances de paiement successivement émises 
(art. 126) K 

Chaque semestre, il est procédé à un rapprochement des 
imputations faites par la Cour des Comptes, la trésorerie et les 
divers départements ministériels, les questures du Sénat et de 
la Chambre des représentants soit par suite du visa préalable, 
soit du chef des dépenses fixes affranchies de cette formalité, 

* Cf. modèle no 19 du Journal des ordonnances émises sur les budgets : 
arrêté ministériel du 12 décembre 1868, et modèle n« 20 du livre d*irapu- 
tation des ordonnances émises sur lès budgets : arrêté ministériel du 
12 décembre 1868. 



(394) 

soit enfin pour des dépenses liquidées sur crédits ouverts 
(art. 127). 

Les articles 128 et 129 prennent différentes mesures afin de 
faciliter ce contrôle, par rapprochement des écritures tenues 
dans les différents ministères, à la trésorerie et à la Cour des 
Comptes. 

A l'expiration de chaque semestre, des états de situation des 
budgets en cours d'exécution sont formés en double expédi- 
tion par les divers départements ^. Ces expéditions sont trans- 
mises, dans les dix premiers jours du semestre suivant,, Tune 
à la Cour des Comptes, Tautre au ministre des finances. En 
ce qui concerne les dépenses des mois de juillet, d'août, de 
septembre et d'octobre de l'exercice précédent, l'envoi des 
états a lieu dès que l'on a pu y comprendre les dernières 
ordonnances soumises au visa de la Cour des Comptes (art. 130). 

Dès la réception des états de situation, la Cour procède à 
leur vérification et à leur rapprochement avec ses registres. 
Elle fait connaître aux départements liquidateurs le résultat de 
sa vérification, et, si celle-ci donne lieu à des observations, elle 
les communique au département des finances (art. 131). 

Le ministre des finances adresse à la Cour des Comptes les 
remarques auxquelles l'examen des états de situation a donné 
lieu de la part de son département. En cas de différence, non 
susceptible de rectification immédiate, il est procédé à un 
appel générai des enregistrements faits dans les livres de la 
Cour, de la trésorerie et du département que la chose concerne 
(art. 132). 

Toute dépense, avons-nous dit, donne lieu à l'émission 
d'une ordonnance (art. 64 de l'arrêté de 1868), et nous avons 
examiné les dispositions applicables aux ordonnances en géné- 
ral et aux ordonnateurs. 

Mais les ordonnances sont d'espèces différentes, comme les 
dépenses auxquelles elles s'appliquent. 

* Cf. Modèle n« 21 : arrêté ministériel du 12 décembre 1868. 



( 395 ) 

On distingue, en effet, les ordonnances individuelles, les 
ordonnances collectives, les ordonnances d'ouverture de crédit 
et les ordonnances d'avances de fonds, suivant qu'il s'agit de 
dépenses soumises à une liquidation préalable de la Cour des 
Comptes, de dépenses fixes affranchies du visa préalable, de 
dépenses sur crédits ouverts et de dépenses sur fonds avancés. 

Telles sont les quatre espèces de dépenses dont nous allons 
exposer en détail le régime spécial. 

I. — Dépenses soumises à une liquidation préalable de la Cour 
des Comptes. (Art. 17, al. 2, loi de 1846; art. 14, loi du 29 oc- 
tobre 1846; art. 100 à 108, arrêté de 1868.) 

En vertu des articles 17, alinéa 2 de la loi de 1846 et 14 de 
la loi du 29 octobre 1846, toute ordonnance de paiement doit, 
avant d'être payée, être soumise au visa et à la liquidation préa- 
lable de la Cour des Comptes, dont le contrôle s'exerce ainsi 
préventivement. 

Cette règle est applicable, en principe, à toutes les dépenses. 
La loi fait cependant une exception en faveur des dépenses 
fixes, dont nous allons parler, et le visa n'est que provisoire, 
en ce sens que la justification de la dépense peut se faire 
postérieurement en cas d'ouvertures de crédits et d'avances de 
fonds (art. 15, loi du 29 octobre 1846) : deux cas dont nous 
nous occuperons également plus loin (art. 90, arrêté de 1868). 

Quelles sont donc les dépenses auxquelles s'applique le 
principe du visa et de la liquidation préalable? « 

Ce sont, d'une manière générale, les dépenses facultatives et 
variables, dont le chiffre doit être limité annuellement par la 
loi du budget et qui n'ont pas trait à l'exécution des lois 
générales de l'État. Ce sont, par exemple, les dépenses pour 
achats, travaux, fournitures, et en général toutes celles qu'il 
dépend du gouvernement de créer, d'étendre ou de restreindre 
à volonté ^. 

* Cf. Britz, Loi organique de la Cour des Comptes, commentée et 
appliquée, p 76, n» 72; AIarcé, Étude sur la Cour des Comptes.., en 
Belgique, p. SO. 



( 396 ) 

Dès que le département ministériel intéressé a liquidé les 
dépenses rentrant dans celte catégorie, ainsi que nous l'avons 
dit plus haut (art. 100, 101, arrêté de 1868), il dresse, dans 
l'ordre de leur réception, les ordonnances individuelles de 
paiement, qui sont envoyées, sans délai, au visa de la Cour 
des Comptes appuyées des pièces justificatives * (art. 102, 
arrêté de 1868). 

Toute ordonnance de paiement exprime la somme due à 
raison du service fait et des prix stipulés dans les contrats, 
marchés, conventions, procès-verbaux d'adjudications ou 
autres documents en vertu desquels le droit est acquis au 
créancier de l'État. 

Si une ordonnance peut, par suite d'une circonstance quel- 
conque, nécessiter une explication, le département ministé- 
riel, en la transmettant au visa de la Cour des Comptes, y 
joint les renseignements nécessaires afin de prévenir un 
retard dans la liquidation (art. 103, arrêté de 1868). 

La Cour des Comptes, si elle n'a pas de remarque à faire, 
procède au visa et à l'enregistrement des ordonnances de paie- 
ment, qu'elle adresse ensuite au département des finances. Les 
pièces justificatives des ordonnances visées restent déposées à 
la Cour (art. 104, arr. de 1868). 

* Dans les cas d'urgence qui exigent la liquidation et le visa immédiats 
d'une ordonnance de paiement, il en est fait mention dans la lettre 
d'envoi, ainsi qu*en marge de la inèce, à côté de la signature du 
ministre ou de son délégué. Hormis ces cas, les ordonnances suivent le 
cours ordinaire (art. 106, arrêté de 1868). 

Lorsqu'il s'agit de plusieurs créances de même nature imputables sur 
un même article du budget, il peut être suppléé aux ordonnances indi- 
viduelles par des ordonnances collectives, soumises aux prescriptions 
que nous dirons plus loin et, notamment, à celles des articles 87 et 89 
de l'arrêté de 1868 (art. 107, arrêté de 1868). 

Cf. pour les ordonnances individuelles et les ordonnances collectives, 
prévues par l'article 107, les modèles no» 7 et 9 établis par l'arrêté 
ministériel du 12 décembre 1868, modifié par celui du 4 juillet 1898- 

Cf. aussi modèle n» 10 de la lettre d'envoi à la Cour, ibid.; modèle 
no 11 du bordereau des ordonnances soumises au visa de la Cour, ibid. 



( 397 ) 

Au département des finances, l'imputation des ordonnances 
est contrôlée; elles sont enregistrées à la trésorerie (art. 108) 
et renvoyées aux administrations ou aux départements liqui-» 
dateurs, revêtues de toutes les formalités voulues (art. 10[), 
arr. de 1868). 

Les départements ministériels et les chefs de service en pro- 
vince font remettre, dès qu'elles leur parviennent, les ordon- 
nances de paiement aux parties intéressées (art. 105, àl. 2)« 
L'envoi des ordonnances aux intéressés se fait généralement 
par lettres recommandées d'office à la poste. 

En possession de Tordonnance de paiement, le créancier se 
rend d'abord chez l'agent du trésor, qui examine s'il a reçu 
crédit ouvert de la trésorerie pour le paiement de l'ordonnance 
et si celle-ci est acquittée. Puis, il vise l'ordonnance. Muni de 
son ordonnance ainsi visée, le créancier se rend à la Banque 
Nationale, qui paie. 

A la fin de chaque journée, remise par la Banque à l'agent 
du trésor, contre décharge, de toutes les pièces payées. A 
l'expiration de chaque quinzaine, échange des actes de 
décharge journaliers contre une pièce résumant les opérations 
de la quinzaine. Puis, accomplissement des diverses forma- 
lités prévues par les articles 183 à 157 de l'arrêté de 1868 
pour la justification des dépenses acquittées. 

IL — Dépenses fixes, affranchies du visa de la Cour des 
Comptes. (Art. 23, loi du 15 mai 1846 ; art. 68 à 89, arrêté de 
1868.) 

Par dépenses fixes affranchies du visa de la Cour des 
comptes, on entend les traitements, remises, indemnités, 
abonnements, frais de bureau et de loyer, pensions, intérêts 
de cautionnements et de fonds de dépôts dont le montant 
est déterminé par les lois ou par les autorités compétentes 
(art. 68, arrêté de 1868). 

Les ministres font dresser pour les dépenses fixes des ordon- 
nances collectives de paiement. Sont exceptées , les dépenses 



( 398 ) 

fixes rentrant dans la catégorie des frais de régie des administra- 
tions chargées du recouvrement des impôts (art. 86, arrêté de 
1868)^ 

Les ordonnances collectives sont formées par exercice, par 
article du budget et par agence du trésor (art. 87, arrêté 
de 1868). 

Elles sont directement envoyées au ministre de finances 
pour enregistrement (art. 108, arrêté de 1868), pour imputation 
et pour qu*il soit donné crédit aux agents du trésor et à la 
Banque, chargés d'en affectuer le paiement (art. 23, loi de 1846) 

Cependant, conformément à l'article 23 de la loi du 15 mai 
1846, les départements ministériels font connaître successive- 
ment à la Cour des Comptes le montant des imputations à 
(aire sur chaque article du budget, par suite de la formation 
des états collectifs ^. Ils y joignent des relevés des mutations 
survenues soit dans la dépense, soit dans l'effectif du person- 
nel. Au vu de cette communication, la Cour fait l'enregistre- 
ment des dépenses (art. 88, loi de 1846). 

Elle vérifie les états des dépenses fixes et passe les écritures 
au livre des imputations. 

Lorsque les ordonnances collectives ont été enregistrées à la 
trésorerie, il en est donné avis aux départements liquidateurs 
(art. 89) 3. Elles sont ensuite transmises aux agents du trésor 
chargés d'en effectuer le paiement (art. 89). 

Les agents du trésor y apposent leur visa et forment les 
mandats individuels destinés aux différents créanciers de 

* Cf. articles 16 et suivants de l'arrêté de 1868, et plus haut, pp. 339 et 
suiv. — On peut excepter aussi les dépenses fixes à payer intégralement 
à un seul créancier. Par exemple, pour les traitements des ministres, 
il est formé des ordonnances individuelles. — Cf. pour les ordoimances 
collectives (art. 86), le modèle n^ 2 établi par Tarrété ministériel du 
d2 décembre 1868. 

« Cf. modèle n« 3 de l'arrêté ministériel du 12 décembre 1868 et 
modèle n® 4. 

5 Cf. modèle n« 5 de l'arrêté du 12 décembre 1868. 



( 399 ) 

rÉtat pour lesquels il a été dressé une ordonnance collective. 
, On forme, par exemple, par agence du trésor, une ordon- 
nance collective pour les traitements de Tordre judiciaire, 
puis les agents du trésor établissent des mandats individuels 
destinés à chacun des magistrats du ressort. 

Ces mandats sont d'abord visés par les agents du trésor, 
puis payés à la Banque. 

Les agents de la Banque remettent à la fin de chaque 
journée à Tagent du trésor les ordonnances et mandats 
acquittés. Les relevés de quinzaine et la justification des 
dépenses acquittées ont lieu suivant les prescriptions que 
nous avons indiquées plus haut. 

Les articles 69-74 de l'arrêlé de 1868 établissent une série de 
prescriptions spéciales relatives aux traitements des fonction- 
naires et employés dans les administrations civiles ou dans 
Tordre judiciaire, aux abonnements, frais de bureau et de 
loyer, etc.. Le paiement de ces dépenses peut se faire par 
mois ou par trimestre, selon les nécessités du service (art. 74). 
Les dispositions des articles 69 et 70 ne sont pas applicables 
aux agents diplomatiques et consulaires (art. 71). Ces articles 69 
et 70 établissent les règles à suivre pour le paiement des trai- 
tements, en cas de première nomination, d'augmentation, de 
démission ou de décès. L'article 72 concerne le cas des 
employés intérimaires. 

Les articles 75 à 83 intéressent le paiement des pensions ^ ; 
les articles 84 et 85, celui des intérêts des cautionnements. 

m. . — Dépenses sur crédits ouverts. (Art. 18, al. 1 de la loi du 
29 octobre 1846; art. 109 à 112, 144 à 132 de l'arrêté de 
1868.) 

D'après l'article 15, alinéa 1, de la loi du 29 octobre 1846, 
organique de la Cour des Comptes, « la justification de la 

*■ A rapprocher les articles 2214 et 225 relatifs aux dépenses à charge 
des diverses caisses spéciales de pensions. 



( ^) 

créance peut se faire postérievrement au visùy lorsque la nature 
du service exige l'ouverture de crédits pour une dépense à faire ». 

Les dépenses prévues par cet article font l'objet d'ordon^ 
nances d'ouverture de crédit (art. 109, arrêté de 1S68). a Par 
ce mode on met un crédit à la disposition d'un des ministres 
ou d'un de leurs ordonnateurs secondaires, lequel en dispose 
successivement par mandats particuliers, au nom direct des 
créanciers de l'État et au fur et à mesure de la production de 
leurs titres de créance... Ce mode de disposer des deniers de 
l'État, au moyen d'ouvertures de crédits, est applicable à 
toutes les dépenses qui se rattachent à de grands services 
exploités par le gouvernement i d, et d'une manière générale 
il est autorisé a lorsque la nature du service l'exige ». 

Or c'est là, semble-t-il, une question d'appréciation, et le 
gouvernement jouit d'une grande latitude dans cette apprécia- 
tion 2. 

Ce mode de paiement s'applique 3 : 
. l"" Aux crédits qu'on ouvre aux conseils d'administration des 
régiments et corps de l'armée, à la disposition des intendants 
militaires, pour les besoins de l'armée, le traitement des 
officiers, la solde des sous-officiers et soldats, la masse d'habil- 
lement, les frais de recrutement, etc.. L'intendant, à titre 
d'ordonnateur secondaire, mandate les dépenses dans la limite 
des crédits mis à sa disposition par Tordonnance de crédit. 11 
est rendu compte tous les trois mois, au moyen des feuilles de 
revue, des fonds qui ont été fournis à chaque corps; 

â"" Aux crédits ouverts au directeur de la régie des chemins 
de fer, pour le paiement des nombreux ouvriers qui travaillent 
au compte direct de l'État ; 

3® Aux crédits ouverts au ministre de la justice pour cer- 
taines dépenses des prisons, des écoles de bienfaisance; 

* Britz, lac. cit, pp. 79-80, n» 74. 

« Marge, loc, dt., p. 85. 

3 Cf. Britz, loc. cit., pp. 81 et suiv. ; Marge, loc, cit., pp. 85-86. 



(401 ) 

4* Aux crédits ouverts au ministre des affaires étrangères 
pour acquitter les traitements des agents diplomatiques ^ ; 

5« Aux crédits ouverts pour les dépenses du service de la 
gendarmerie, de la marine, du Moniteur, des forêts domia- 
niales, etc.. 

Ces dépenses font donc l'objet d'ordonnances d'ouverture de 
crédit '^. Ces ordonnances sont soumises au visa de la Cour ^ ; 
elles indiquent approximativement, par article du budget, la 
somme présumée nécessaire pour assurer le service, ainsi que 
les lieux où les paiements doivent se faire (art. 109, al. 2, 
arrêté de 1868). 

Celles qui concernent le département de la guerre et le 
service de la marine indiquent, les unes la répartition du crédit 
entre les différents intendants militaires ^, les autres la dépense 
présumée imputable sur le chapitre de la marine (art. 109, 
al. 3, arrêté de 1868). 

11 est tenu, par chaque ministre et par la Cour des Comptes, 
un livre d'inscription des crédits ouverts (art. 109, al. 4, arrêté 
de 1868) ^ 

Après le 31 janvier de Tannée suivant celle qui donne son 
nom à Texercice, la Cour ne vise plus aucune ordonnance de 
crédit sur le budget dudit exercice (art. 110, arrêté de 1868.) 

Les demandes de crédit visées par la Cour des Comptes sont 
transmises au ministre des finances, qui en met le montant à 
la disposition des ordonnateurs (art. 111, arrêté de 1808), au 
moyen de lettres d'avis adressées aux agents du trésor et à la 
Banque. 

Les ordonnateurs disposent de ces crédits par mandats sur 
les agents du trésor. Ceux-ci n'en autorisent le paiement 
qu'après avoir reçu une lettre d'avis des ordonnateurs. 

Les ordonnateurs secondaires (intendants militaires, par 
exemple) ne peuvent excéder les crédits qui leur sont ouverts. 

4 Cf. arlide 71 de rarrété de 1868. 

* €f. modèles n^ 12 et 13 de Tarrêté ministériel du H décembre 1868. 
-5 Cf. modèle no 14, ibid. 

* Cf. modèle n» 13, ibid. 

5 Cf. modèle no 16, ibid. 

Tome LXVL 26 



( 402 ) 

ils encourent la responsabililé générale des ordonnateurs 
(art. 1S8 à 161, arrêté de 1868). 

Les dépenses sur crédits ouverts ont lieu à charge de régula- 
risation ultérieure par la Cour des Comptes. Elles doivent être 
justifiées à la Cour au moyen d'ordonnances de régularisa- 
tion. La procédure à suivre pour cette régularisation est 
indiquée par les articles 144 à 152 de Tarrêtè de 1868. Nous 
nous contentons d'y renvoyer *. 

IV. — Dépenses sur avances de fonds à des agents comptabks 
chargés d'un service administratif régi par économie. (Art. 15, 
al. 2, loi du 29 octobre 1846; art. 113 à 118, arrêté de 1868). 

Il est indispensable que les chefs des départements ministé- 
tériels puissent disposer de quelques fonds pour des dépenses 
trop minimes pour faire Tobjet de mandats spéciaux ou qui 
exigent une grande célérité 2. 

Dans ce cas, des avances de fonds sont faites, sous certaines 
conditions, c< pour faciliter l'exploitation des services admi- 
nistratifs régis par économie » (art. 113, arrêté de 1868). 

On appelle service administratif régi par économie, le ser- 
vice que le gouvernement exploite par ses propres agents, sans 
publicité ni concurrence. Ce service se fait quelquefois aussi 
dans le cas où le gouvernement, ayant essayé la voie de l'adju- 
dication publique, n'a pas trouvé d'entrepreneur ou de prix 
acceptable, il e^ciste aussi des fournitures, des travaux, des 
dépenses d'une nature tellement urgente que leur paiement 
ne peut souffrir aucun retard, ainsi que des menues dépenses 
d'administration qu'on ne peut prévoir dans leurs minutieux 
détails. 

Ce mode de paiement s'applique donc : 

a) Aux menues dépenses des départements ministériels, 
cours et tribunaux ; 

* Cf. aussi Marge, loc, cit., pp. 95-97. — Étac récapitutatif des man- 
dats acquittés sur crédits ouverts et ordonnances de régularisation des 
dépenses payées sur crédits ouverts (art. 145) ; cf. modèles n** 25, 26a et 
26b de Tarrêté minislériel du 12 décembre 1868. 

* Britz, loc, cit,, p. 83. 



( 40S ) 

b) Aux frais de bureau des auditeurs militaires *, 

c) Aux travaux urgents, rédactions de plans^» études et tracés 
de routes nouvelles, de canaux, par avances faites aux ingé^ 
nieurs des ponts et chaussées; 

dj Aux frais d'entretien journalier des places, du matériel, 
par avances faites aux gardes d'artillerie et du génie ; 

e) Aux dépenses nécessaires pour les arsenaux de construc- 
tion, de la fonderie de canons, de la manufacture d'armes, etc., 
par avances faites aux directeurs de ces établissements; 

f) Aux frais de courriers, d'estafettes et de voyage, par 
avances faites au ministère des affaires étrangères; 

g) Aux dépenses de la boulangerie militaire ; 

h) A la dépense des aides et du matériel que la commission 
royale pour la publication des anciennes lois a trouvée indis- 
pensable à l'accomplissement de sa mission 4. 

Ces avances ont lieu sur ordonnances d'avances de fonds 
émanées des ministres, visées par la Cour des Comptes 
(art. 113) "^ et inscrites à la trésorerie (art. 114, al. 1). Elles 
s'imputent immédiatement sur les crédits affectés aux dépenses 
qu'elles concernent (art. 114, al. 2). 

Ces avances sont faites aux agents spéciaux des services 
administratifs régis par économie (art. 113, ai. 1). 

Ces agents sont des comptables extraordinaires, non soumis 
au cautionnement. 

Les avances qu'ils reçoivent ne peuvent dépasser 20,000 francs 
par agent. Ils doivent justifier de l'emploi des fonds dans le 
délai de quatre mois et ne peuvent recevoir aucune nouvelle 
avance avant que toutes les pièces justificatives de l'avance 
précédente aient été produites à la Cour (art. 113, al. 1 et 2). 

Il est tenu, dans chaque ministère et à la Cour des Comptes, 
un livre d'inscription des fonds avancés, destiné à en suivre 
l'emploi et la justification (art. IIS) 3. 

Les agents spéciaux des services régis par économie forment 

* Britz,. loc, cit., p. 84. 

2 Cf. modèle no 16 de l'arrêté ministériel du 12 décembre 1868. 

» Cf. modèle n» 17, ibid* • 



(404) 

lin compte, en double expédition, des sommes payées aux 
intéressés; ils soumettent ce compte au visa du ministre dont 
ils relèvent, lequel l'adresse à la Cour des Comptes, appuyé 
des pièces justificatives. Dès que le Cour a statué, une expédi- 
tion de son arrêt et une expédition du compte sont remises 
aux agents spéciaux (art. 116) ^. 

Toute avance ou portion d'avance faite pour un service régi 
par économie et dont l'emploi ne serait pas justifié à l'expira- 
tion du délai de quatre mois (art. 113) doit être reversée immé- 
diatement au trésor, si elle n*est plus nécessaire pour la conti- 
nuation du service (art. 117). La Cour tient un relevé spécial 
des comptables extraordinaires en retard de justification de 
l'emploi de leurs avances. 

Ces versements sont effectués soit d'office, soit en vertu 
d'un ordre administratif ou d'un arrêt de la Cour des Comptes. 

ils ont lieu directement dans la caisse de l'État (avec l'impu- 
tation : produits de e administration de la trésorerie)^ à moins 
qu'il n'en ait été disposé autrement par un arrêt de la Cour. 
Le débiteur pst tenu de rapporter, pour sa décharge, le récé- 
pissé ou la quittance de la somme par lui versée (art. 118). 

Outre les quatre modes de paiement que nous venons de 
passer en revue, il faut rappeler encore les dépenses acquittées 
pai* les comptables des administrations de recettes (art. 16, 
arrêté de 1868), dont nous avons étudié le régime plus haut 3. 

S 3. — Le paiement de la dépense. — déchéances, 

PRESCRIPTIONS, SAISIES- ARRÊTS, OPPOSITIONS. 

Le paiement est la dernière opération de l'exécution des 
dépenses. En vertu de l'article 133 de Farrêté de 1868, dont 
nous avons précédemment parlé, ce sont les agents du trésor 
qui sont chargés du service des dépenses publiques ordon- 
nancées par la trésorerie. Après avoir reçu avis du départe- 

^ Cf. modèle du compte à rendre à la Cour : modèle a»^ 18 de Parrété 
dulSdécembF^iSt*.. . ' < .- 

« Cf. pp. 339 et suiv. :-.■■ : > ■ . • 




( 405 ) 

ment des finances des paiements à faire, ils disposent, selon 
la nature des dépenses, soit sur le caissier de TEtat ou ses 
agents, soit sur les caisses des receveurs des impôts. 

En règle générale, c'est sur la Banque Nationale que l'agent 
du trésor disposera ; ce sont les agents de la Banque qui, le 
plus souvent, effectueront les paiements. 

Il arrive cependant que les agents du trésor disposent sur 
les caisses des receveurs des impôts et notamment lorsqu'il 
s'agit de paiements à faire à des personnes qui n'habitent pas 
le chef-lieu d'arrondissement, siège de l'agence, ou sa ban- 
lieue. Dans ce cas, les agents du trésor émettent des mandats 
sur la caisse des receveurs des impôts des communes où 
résident les intéressés. (Instruction n^ 1 du 20 octobre 1865 
concernant le service des agents du trésor, § H ^.) 

Hais, même dans ce cas, ce sont les agents de la Banque c[ui 
portent en dépense les paiements ainsi faits 2. 

En outre, rappelons-le encore, les frais de régie, d'adminis- 
tration, etc.. (art. 16, arrêté de 1868) sont payés par les comp- 
tables, sous forme d'avance. 

En dehors de ces cas, c'est donc la Banque Nationale, en sa 
qualité de caissier de l'Etat, qui est chargée du paiement des 
dépenses. 

Nous avons exposé plus haut les règles générales relatives 
au paiement des dépenses, à son contrôle et à sa justification 3. 
Nous n'y reviendrons pas. 

Nous ajouterons seulement que si, en principe, les dépenses 
sont payées par la Banque, à l'intervention des agents du 
trésor, la Banque peut aussi payer certaines dépenses, sans 
l'intervention de ces agents. 

C'est ainsi qu'elle paie, après avoir préalablement reçu avis 
soit de l'émission des mandats, soit de l'ouverture de crédits : 

a) Les mandats à ordre délivrés par le ministre ; 



* Cette instruction vient d'être réimprimée avec les changements qui 
y oiit été successivement apportés. R. n^ 2740. 
« Ci. Marge, loc, cit., p. 92. 
3 Cf. pp 368 et suiv. 



(406) 

b) Les mandats au porteur, délivrés par le directeur général 
de la trésorerie sur les crédits qui lui sont ouverts pour le ser- 
vice de la caisse d'amortissement et de la caisse des dépôts et 
consignations; Tavis de l'ouverture de crédit sert d'autorisa- 
tion de paiement ; 

c) Les coupons d'intérêts des emprunts de l'État et d'autres 
titres au porteur représentatifs d'intérêts de capitaux, payables 
dans toutes les agences de la Banque sans ouverture de crédit. 
Pour les mandats à ordre, la lettre d'avis est envoyée directe- 
ment aux agents de la Banque et celle-ci en est également 
informée*. 

Voici, d'après les chiffres de l'année 1900, un aperçu de l'im- 
portance respective des paiements faits par la Banque avec ou 
sans l'intervention des agents du trésor s. (V. tableau ci-contre.) 

Il nous reste enfin, pour terminer ce chapitre, à signaler les 
rèjgles qui concernent la déchéance des créances à charge de 
l'État, les prescriptions légales et les oppositions. 

Ces règles sont contenues dans les articles 34 à 40 de la loi 
du 15 mai 1846. 

Sont prescrites et définitivement éteintes au profit de l'État, 
sans préjudice des déchéances prononcées par les lois anté- 
rieures, ou consenties par des marchés ou conventions, toutes 
créances qui n'auraient pas été liquidées, ordonnancées et 
payées dans un délai de cinq ans, à partir de l'ouverture de 
l'exercice (art. 34). 

Cette disposition ne s'applique pas aux créances dont 
l'ordonnancement et le paiement n'ont pu être effectués dans 
les délais déterminés par le fait de l'administration ou par 
suite d'instances entamées devant l'autorité judiciaire. 

C'est pourquoi, afin de pouvoir éventuellement se prévaloir 
de cette exception, tout créancier a le droit de se faire délivrer 

* Cf. Marcé, loc, cit., p. 92. 

^ Cf. Compte général de radministration des linances, rendu pour 
l'année 1900 par le ministre des finances, pp. 22-23. (Ch. des Représ., 
séance du 12 février 1902, Doc. parl.^ n» 64.) 




( 407 ) 



NATURE DES DÉPENSES. 



PAIBlfENTS FAITS 



avec l'interrention 

des 

agents do tréior 

dans 
les proTioees. 



sans rintenrenUiin 

des 

agents da trinr 

dans 
les piDTinca. 



Opérations sur les budgets en cours 
d'exécution (4899-1900) 

Opérations sur les budgets clos. . . 

Fonds de tiers déposés au trésor et 
dont le remboursement a lieu avec 
Tintervenlion du ministi*e des fi- 
nances 

Fonds spéciaux rattachés aux fonds 
de tiers, et dont il n'est disposé 
qu'en vertu d'ordonnances visées 
par la Cour des Comptes 

Opérations de trésorerie relatives au 
service de la dette publique . 

Opérations diverses en dehors du 
service des budgets 



Total 



3^,526,865 32 
4 318,822 72 



44.286,502 57 

13,201,402 40 
43,450,955 49 
49,601,278 02 



1,376,361 80 



819 25 



362,023,076 32 
1.743,110,341 76 



476,285,826 52 



2.106,510.599 13 



par le ministre compétent un bulletin énonçant la date de sa 
demande, et les pièces produites à l'appui (art. 35; art. 104, 
arrêté de 1868). 

Toute ordonnance dont le paiement n'a pas été réclamé dans 
le délai de cinq ans, à compter du l®*" janvier de Tannée qui 
donne son nom h Texercice, est prescrite au profit du trésor. 

Cette prescription n'atteint pas les ordonnances de paiement 
qui seraient frappées de saisie-arrêt ou d'opposition (art. 36). 
A l'expiration de la cinquième année, le montant de ces 
ordonnances est versé à la caisse des dépôts et consignations, à 
la conservation des droits de qui il appartiendra. Ce versement 
libère entièrement le trésor public (art. 37). 

Sont définitivement acquises à l'État les sommes versées aux 



( 408) 

caisses des agents des postes et du chemin de fer de l'État, 
pour être remises à destination, et dont le remboursement 
n'a pas été réclamé par les ayants droit dans un délai de 
cinq années à partir du jour du versement des valeurs (art. 38). 

Toutes saisies-arrêts ou oppositions sur les sommes dues 
par l'État^ toutes significations de cession ou transport des- 
dites sommes et toutes autres notifications ayant pour objet 
d'en arrêter le paiement doivent, à peine de nullité, être faites 
entre les mains du chef du département ministériel que la 
dépense concerne, ou de son délégué en province, et, en cas 
d'urgence, en mains de l'agent du trésor chargé d'en effectuer 
le paiement (art. 40 et arrête royal du 27 décembre 1847). 

Les saisies-arrêts, oppositions, significations de cession et 
délégations sur des sommes et ordonnances de paiements dues 
par rÉtat, n'ont d'effet que pendant cinq ans, à compter de 
leur date, quels que soient d'ailleurs les traités, actes de pro- 
cédure ou jugements intervenus sur lesdites oppositions ou 
significations, à moins qu'ils n'aient été régulièrement notifiés 
à l'administration. Elles sont rayées d'ofiîce des registres dans 
lesquels elles auraient été inscrites, et ne sont pas comprises 
dans les certificats prescrits par l'article 14 de la loi du 
19 février 1792 et par les articles 7 et 8 du décret du 18 avril 
1807 (art. 39). 

CHAPITRE V. 

La clôture de Texercice. 

(Art. 27 à 32, loi de 1846; art. 162 à 477, règlement général, arr. de 1868.) 

D'après notre système de comptabilité, l'exercice com- 
prend, outre l'année budgétaire, un délai complémentaire 
de dix mois. 11 dure depuis le 1«' janvier d'une année jusqu'au 
31 octobre de l'année suivante. 

Pendant cette période de vingt-deux mois, lés opérations 
relatives au recouvrement des produits, à la liquidation et à 



(409) 

rordonnancement des dépenses peuvent s'effectuer sur le bud- 
get d'une année (art. 2, loi de 1846). 

Les recettes prévues au budget des voies et moyens de 1901 
pourront donc être opérées jusqu'au 31 octobre 1902 et les 
dépenses à imputer sur les crédits ouverts par les budgets de 
dépenses de 1901 pourront être liquidées et ordonnancées 
jusqu'au 31 octobre 1902. 

A cette date le budget de Texercice est clos. 

Pour obtenir ce résultat, les départements ministériels 
cessent, à partir du 15 octobre de la seconde année de l'exer- 
cice, de soumettre au visa de la Cour des Comptes des ordon- 
nances de paiement imputables sur cet exercice. Les dernières 
ordonnances sont transmises liquidées au département des 
finances, par la Cour des Comptes, au plus tard le 25 octobre 
de la même année. 

A partir de cette date, la trésorerie n'ordonnance plus les 
dépenses fixes affranchies du visa de la Cour (art. 162, arrêté 
de 1868). 

A la fin de la journée du 31 octobre, le département des 
finances, après avoir passé les dernières écritures, arrête les 
livres d'ordonnancement sur les budgets, et l'exercice est 
irrévocablement clos : aucune opération nouvelle d'ordonnan- 
cement ne peut plus y être constatée (art. 163, arrêté de 1868). 

Cependant, il faut prévoir le cas fréquent où, à la clôture de 
l'exercice d'imputation, certaines allocations du budget clos 
sont grevées de droits en faveur de créanciers de l'État. Il y a 
lieu alors à opérer des transferts soit sur les budgets ordi- 
naires, soit sur les fonds spéciaux. 

Ces transferts sont réglementés par les articles 30, 31 et 32 de 
la loi de 1846 et par les articles 164 à 172 du règlement géné- 
ral delà comptabilité publique. 

Lorsque à la clôture d*un exercice, dit l'article 30, certaines 
allocations du budget sont grevées de droits en faveur de 
créanciers de l'Etat, pour travaux adjugés et en cours d'exécu- 
tion, la partie d'allocation encore nécessaire pour solder la 



(440) 

créance est transférée à l'exercice suivant, après décompte 
vérifié préalablement par la Cour des Comptes. 

L'article 16i de l'arrêté de 1868 précise cette disposition, en 
rappelant tout d'abord que les ministres, en principe, ne font 
aucun contrat, marché ou adjudication, pour un terme dépas- 
sant la durée du budget. 

Hais si, à raison de l'importance des travaux, dans les cas 
exceptionnels prévus. par l'article 19 de la loi de 1846, ali- 
néas 2 et 3 et par les lois spéciales que nous avons indiquées ^ 
ils contractent pour un plus long terme et que le crédit néces- 
saire est entièrement accordé dans un seul et même budget, la 
partie du crédit disponible à la clôture de l'exercice est trans- 
férée successivement, pendant quatre années, à l'exercice sui- 
vant, après décompte vérifié préalablement par la Cour des 
Comptes, 

Il en est de même, ajoute cet article 164, de la partie des 
allocations ordinaires qui sont grevées de droits en faveur des 
créanciers de TÉtat, soit pour travaux adjugés et en cours 
d'exécution, soit pour d'autres services qui ne peuvent être 
accomplis dans le cours de l'exercice. 

Les articles 1 6S à 169 du règlement général de la comptabilité, 
arrêté de 1868, établissent la marche à suivre pour le décompte 
prescrit par l'article 30 de la loi de 1846, sa vérification par 
la Cour des Comptes et les écritures auxquelles il donne lieu ^. 

L'article 31 de la loi de 1846 et les articles 170 à 172 du 
règlement général de la comptabilité sont relatifs aux trans- 
ferts des fonds restés disponibles, au 31 décembre de chaque 
année, sur les allocations spéciales affectées à des services 
étrangers aux dépenses générales de l'État. Ces fonds dispo- 
nibles sont reportés à l'exercice suivant et ils y conservent 

* Cf. plus haut, chapitre IV, § 1. 

* Cf. arrêté du 12 décembre 1868 : modèle n® 27 du décompte des 
crédits à transférer à l'exercice suivant, en vertu de rarlicle i65 et 
modèle n» 28 de Tétat général des créances restant à liquider sur les 
parties de crédits à transférer à l'exercice suivant (art. 166). 



(411 ) 

l'affectation qui leur a été donnée par le budget (art. 81 ; 
art. 170) <. 

Sont considérées comme disponibles : 

l*" Les sommes libres sur les crédits, après déduction des 
créances liquidées et ordonnancées dans le cours de l'année ; 

9f^ Les dépenses non justiBées ni régularisées sur des crédits 
ouverts à des ordonnateurs. 

Elle ne peuvent être confondues avec les fonds de même 
nature, alloués pendant l'année à laquelle elles sont trans- 
férées (art. 171). 

Les reports ont lieu à la suite de décomptes établis par le 
département des finances, qui les communique, dans les 
dix premiers jours de janvier, à la Cour des Comptes et aux 
départements ministériels respectifs. Après que l'exactitude en 
a été reconnue, il peut être disposé des sommes transférées 
(art. 172; art. 32, loi de 1846). 

Il se peut aussi que des ordonnances, bien que liquidées et 
ordonnancées avant la clôture de l'exercice, n'aient pas encore 
été payées à celle époque. 

L'article 29 de la loi de 1846 prévoit ce cas : les ordon- 
nances de paiement liquidées sur l'exercice, et dont le paie- 
ment n'a pas été réclamé dans le cours légal du budget, ne 
sont pas sujettes à renouvellement ; le paiement peut en être 
fait pendant cinq ans, à compter du l^*" janvier de l'année qui 
donne son nom à l'exercice. 

L'article 173 de l'arrêté de 1868 dispose de même : les 
ordonnances en circulation à Tépoque de la clôture de l'exer- 
cice auquel elles sont rattachées restent payables pendant les 
trois années qui suivent l'année de cette clôture. Elles sont 
portées en dépense dans le compte de l'année de leur paie- 
ment (cf. aussi art. 27, loi de 1846). 

Lorsque cinq années se sont écoulées à partir du l*** janvier 
de l'année qui donne son nom à l'exercice, l'exercice est dit 
périmé et les ordonnances dont le paiement n'a pas été 

Cf. plus haut : pp. 118 et suiv. 



( «2 ) 

réclamé dans ce délai de cinq ans, sont prescrites au profit du 
trésor (art. 36, loi de 1846). 

Les articles 474 à 177 de Tarrété de 1868 prescrivent la 
marche à suivre pour l'apurement des exercices clos et le 
compte final de Fexercice périmé. 

Le 31 décembre de la dernière année (par exemple le 
31 décembre 1902 pour l'exercice 1898), les départements 
ministériels transmettent aux agents du trésor respectifs les 
actes et exploits de saisies-arrêts, de cessions, de transferts et 
d'oppositions relatifs aux ordonnances liquidées sur l'exercice 
périmé. 

Après la réception de ces pièces, les agents du trésor 
dressent un décompte des ordonnances restant encore à payer 
sur l'exercice périmé et qui, aux termes des articles 36 et 37 
de la loi sur la comptabilité, sont prescrites ou doivent être 
versées à la caisse des consignations, à la conservation des 
droits des intéressés (art. 174). 

Les crédits ouverts pour le paiement des ordonnances pres- 
crites sont annulés. Le caissier de TÉtat annule également ces 
crédits, après qu'il en a reçu avis du département des 
finances. 

Quant aux ordonnances frappées de saisie-arrêt ou d'oppo- 
sition, le montant en est versé à la caisse des consignations, 
sur une autorisation spéciale du ministre de finances. Les 
reconnaissances de dépôt, à délivrer par les conservateurs des 
hypothèques, sont comprises en dépense par les agents du 
trésor (art. 178). 

Annuellement, il est dressé un compte final d'apurement de 
l'exercice périmé. 

Ce compte comprend : 

1® Les paiements successivement opérés sur les ordonnances 
qui restaient en circulation à la clôture de l'exercice ; 

ip Les versements efi'ectués à la caisse des consignations sur 
ordonnances frappées de saisie- arrêt et d'opposition ; 

3® Les ordonnances prescrites au profit de l'État (art. 176). 

Le montant des ordonnances prescrites étant porté en 
dépense dans le compte final d'apurement, il en est fait recette 



(413) 

réelle au compte de gestion et du budget de l'année qui suit 
celle pendant laquelle la prescription est acquise (art. 177). 
A titre d'exemple, voici comment s'établit, en vertu de 
l'article 176 que nous venons de citer, le compte final 
d'apurement de l'exercice 1895, qui est périmé depuis le 
31 décembre 1899^. 

Les ordonnances en circulation à la clôture 
de l'exercice (31 octobre 1896) étaient de . fr. 473,403 05 

Sur ces ordonnances, il a été payé et justifié : 

1*> Depuis lors jusqu'à la fin de 1899 
(art. 173) 452,248 65 

2"" Il a été versé, en 1900, à la caisse des 
dépôts et consignations, du chef des ordon- 
nances frappées de saisie-arrêt ou d'opposition 
(art. 175, al. 2) 1,554 12 

3® Et il a été porté en recette au compte du 
budget de l'exercice 1900, pour les ordon- 
nances prescrites au profit du trésor (art. 177). 19,610 38 

Fr. 473,403 05 
D'autre part 2, les dépenses à payer sur les — """^^■"" 
exercices clos, mais en cours d'apurement, de 

1895 à 1898, étaient de fr. 225,836 

Depuis lors (le dernier compte rendu), ce 
chiffre s'est accru des créances non acquittées 
à la clôture de l'exercice 1899 ; ainsi que le 
constate le compte définitif de cet exercice, 

elles s'élèvent à 1,463,246 61 

Le montant des paiements à effectuer pour 

apurer les exercices précités était donc de . fr. 1,689,081 61 



^ Cf. Compte général de radministration des finances, rendu pour 
Tannée 190O par le ministre des finances, p. 353. (Gh. des Représ., 
séance du d2 février 1902, Doc. parL, n» 64.) 

« Cf. ibidem^ pp. 5-6. 



(4U) 

Les paiements effectués dans le cours de 
1900, y compris : 

i^ Les ordonnances frappées de saisie-arrét 
ou d'opposition, dont le montant a été versé 
à la caisse des dépôts et consignations (art. 37, 
loîdel8i6); 

â^" Les ordonnances prescrites (art. 36) dont 
le montant a été porté en recette au profit du 
trésor sont de 1,338,433 10 

Il s'ensuit que les ordonnances non acquit- 
tées sur les exercices clos s'élèvent, au 1*' jan- 
vier 1901, à fr. 350,648 51 

Ce chiffre se décompose de la manière sui- — """^^■"" 
vante : 

Sur l'exercice 1896 fr. 21,662 11 

— 1897. 17,817 15 

— 1898 50,196 04 

— 1899 260,973 21 

Fr, 350,648 51 

Quant aux recettes, l'article 28 de la loi de 1846 dispose : 
« Les sommes réalisées sur les ressources de l'exercice clos 
sont portées en recette au compte de l'année pendant laquelle 
les recouvrements seront effectués ». 



QUATRIÈME PARTIE 



LE CONTROLE DE L'EXÉCUTION 
DU BUDGET. 

SOMMAIRS : 

Chapitre I. — Généralités : Les diverses espèces de contrôle, — Le 
contrôle des comptables et celui des ordonnateurs. 

Chapitre IL — La Cour des Comptes. 

§ 4. — Sa nature. — Législation en vigueur. 

§ 2. — Le personnel : composition, nomination, incompatibilités, 
traitements. 

§ 3. — Les attributions : 

A. ~ Le visa préalable; 

B. — Le contrôle judiciaire des comptables; 

C. — Le contrôle de la dette publique ; 

D. — Le contrôle des pensions. 

Chapitre IIL — Le contrôle législatif des ordonnateurs. 

§ 1. — Compte général de l'administration des finances et états de 
situation à fournir par les ministres. 

§ 2. — Le règlement définitif du budget par la loi des comptes. — 
La responsabilité ministérielle. 



(416) 



CHAPITRE I. 

Grénèralités : les diverses espèces de contrôle. — Le 
contrôle des comptables et celui des ordonnateurs. 

La gestion des deniers publics, qui constitue Texécution du 
budget, est soumise, comme toute gestion, à un contrôle dont 
les détails sont minutieusement réglés par les lois et les 
règlements. 

On distingue généralement trois espèces de contrôle : le 
contrôle administratif, le contrôle judiciaire et le contrôle 
législatif. 

ce Le contrôle administratif est exercé hiérarchiquement par 
l'administration supérieure sur ses subordonnés; le contrôle 
judiciaire est exercé par la Cour des Comptes sur les comp- 
tables soumis à sa juridiction; le contrôle législatif est exercé 
par le Parlement sur les ministres chargés de Texécution du 
budget 1. » 

Ces trois espèces de contrôle ne s'exercent pas au même 
moment. Tandis que le contrôle administratif se poursuit con- 
tinuellement au fur et à mesure de Tavancement des opérations, 
le contrôle judiciaire et le contrôle législatif n'apparaissent 
qu'après leur achèvement. 

De plus, des deux catégories d'agents que nous avons vues 
intervenir dans l'exécution du budget, les comptables et les 
ordonnateurs, les comptables seuls sont assujettis à ce triple 
contrôle, tandis que les ordonnateurs ne subissent, en réalité, 
que le contrôle législatif. 

Le contrôle administratif des comptables a donc lieu au 
cours de l'exécution du budget. Les justifications dont il se 
compose sont multiples. Nous les avons indiquées précédem- 

* Stourm, loc, cit., p. 551. 



(417 ) 

ment en exposant les obligations des comptables en général, 
celles des agents du trésor, du caissier de l'État, etc. 

Elles consistent principalement dans les vérifications pério- 
diques des livres et journaux dont la tenue est exigée, dans 
l'envoi d'états journaliers, hebdomadaires ou mensuels des 
recettes ou des dépenses soit à l'administration de la trésorerie, 
soit à la Cour des Comptes, dans des procès-verbaux de situa- 
tion de caisse, etc.. (Cf. art. 28 à 40, arrêté de 1868.) Nous 
n'avons plus à y revenir. 

Quand l'année est terminée ou bien à l'expiration de la 
gestion personnelle du comptable, il y a lieu au contrôle judi- 
ciaire du comptable, et ce contrôle a pour base les comptes 
de gestion rendus par lui (art. 42 à 46, arrêté de 1868). Il est 
exercé par la Cour des Comptes, dans les conditions que nous 
aurons à examiner (art. 7 à 13, loi du 29 octobre 1846). 

Enfin, le contrôle législatif des comptables s'effectue, selon 
la remarque de M. Stourm, « par la comparaison de l'ensemble 
des écritures des comptables avec les résultats du compte 
général des finances et des déclarations générales de la Cour 
des Comptes ^ ». 

Quant aux ordonnateurs, il ne peut être question pour eux 
de contrôle administratif, puisqu'ils sont les chefs des admi- 
nistrations et placés à la tête de la hiérarchie administrative. 
Mais les ordonnateurs secondaires, eux, sont contrôlés par 
leurs supérieurs hiérarchiques. 

Il n'y a pas non plus de contrôle judiciaire des ordonnateurs; 
le contrôle législatif existe, seul, pour eux. Il a pour base le 
compte général de l'administration des finances et les divers 
comptes à rendre par les ministres au Parlement, après 
vérification par la Cour des Comptes (art. 42 à 48, loi du 
15 mai 1846). 

Cependant notre organisation budgétaire prévoit le contrôle 

* Loc. ciL, p. 561. 

Tome LXVl. 27 



(418) 

de rordonnancement des dépenses, préalable à leur paiement. 
11 est exercé par la Cour des Comptes et on pourrait le consi- 
dérer comme une espèce de contrôle administratif des ordon- 
nateurs. 

Mais comme la Cour des Comptes tient en réalité ses pou- 
voirs d'une délégation qui lui est faite par la Chambre des 
représentants et qu'il peut être passé outre à son visa préalable 
par les ministres, dans certaines conditions et sous réserve de 
l'approbation finale du Parlement, on peut dire que le contrôle 
préalable de la dépense se résout, lui aussi, en dernière ana- 
lyse, dans le contrôle législatif. 

Nous n'avons plus, en cette dernière partie, qu'à examiner 
les deux questions suivantes. 

D'abord, l'organisation de la Cour des Comptes et ses attri- 
butions essentielles, qui sont le contrôle préalable de Tordon- 
nancement des dépenses et le contrôle judiciaire des comp- 
tables. 

Ensuite, le contrôle législatif des ordonnateurs et la loi des 
comptes qui clôt la série des opérations budgétaires. 



CHAPITRE IL 
La Cour des Comptes. 

§ 1. — Sa nature. — Législation en vigueur. 

De même que le service de l'exécution du budget est centra- 
lisé au ministère des finances, de même le service du contrôle 
se concentre, en dernière analyse, dans la Cour des Comptes. 

Cette institution est comme l'épine dorsale de notre régime 
budgétaire, dont un contrôle sérieusement organisé constitue 
le rouage essentiel et indispensable. 

En principe, c'est aux représentants de la nation qui don- 



(419) 

nent leur assentiment aux propositions budgétaires du gou- 
vernement que revient aussi le droit de vérifier si, dans 
Texécution du budget, le gouvernement n'a pas outrepassé ses 
pouvoirs, tels que les avait définis la loi budgétaire. 

Hais comme cette vérification entraîne pratiquement des 
formalités complexes et qu'il est matériellement impossible au 
Parlement de suivre la comptabilité publique dans ses mille 
détails journaliers, c'est à un corps spécial, nommé par lui, 
que le Parlement a délégué son droit de contrôle. 

Dans notre organisation, la Cour des Comptes est donc tout 
à fait indépendante du gouvernement, dont elle surveille la 
gestion. La Cour des Comptes est a Tœil des Chambres », 
auquel, théoriquement du moins, rien n'échappe et qui veille 
à la stricte application des lois et des règlements. 

Ce fut un des premiers soins du Congrès national que de 
travailler à la création de cette institution ^. 

Le 13 décembre 1830, M. Coghen, administrateur général 
des finances, présenta un projet de décret sur l'établissement 
d'une commission provisoire de comptabilité nationale. Le 
23 décembre, la commission du Congrès conclut à l'institution 
d'une Cour des Comptes ^, et le projet devint la loi du 30 dé- 
cembre 1830. 

Cette loi rfavait toutefois qu'un caractère temporaire. L'or- 
ganisation de la Cour n'était que provisoire. « Une expérience 
de douze années, disait l'Exposé des motifs de la loi de 1846, 
a fait reconnaître, de plus en plus, combien il est important 
de rendre son organisation définitive, et de déterminer d'une 
manière précise le mode d'exercice de ses attributions consti<* 
tutionnelles 3, en établissant, pour ses rapports avec les admi- 

* Sur la Chambre des comptes sous Tancien régime et Thistorique de 
cette institution, cf. Introduction historique, pp. 23 et suiv. 

Sur la Chambre générale des comptes du régime hollandais, cf. ihid,, 
pp. 79 et suiv. 

* Rapport de M. de Meulenaere. (Huyttens, Discussions^ t. IV, p. 403.) 
' L'article 416 de la Constitution du 7 février 1881 avait déterminé les 

fonctions essentielles de la Cour. 



( 420 ) 

nistradons publiques, des règles exactes et invariables ^. » 
Dès 1839, une commission spéciale fut chargée de préparer, 
sous la présidence du ministre des finances, un projet de 
revision de la loi du 30 décembre 1830 et un projet de loi de 
comptabilité générale. 

Ce dernier projet est devenu la loi du 18 mai 1846. La revi- 
sion de la loi du 30 décembre 1830 a été définitivement con- 
sacrée par la loi organique relative à l'organisation de la Cour 
des Comptes, du 29 octobre 1846 2. 

* Session de 1843-1844, Doc. pari., n^ 166. — L'article 116, alinéa 3 de 
la Constitution promulguée le 7 février 1831, c'est-à-dire après le décret- 
loi du 30 décembre 1830, avait d'ailleurs prescrit que la Cour serait 
organisée par une loi. 

^ Le projet de loi fut présenté à la Chambre le 19 janvier 1844. {Doc, 
pari., no 146.) 

Rapport de la section centrale, par M. de Man d'Attenrode, présenté 
en séance du 21 mai 1844. (Doc. pari., n® 344.) Discussion à la Chambre : 
11 et 12 mars 1846. 

Rapport de la commission du Sénat. {Doc. pari., n» 165.) Discussion 
au Sénat : 8, 9 et 10 juillet 1846. 

Les documents et discussions relatifs à la loi sur la Cour des Comptes 
ont été réunis en un volume. Bruxelles, Stapleaux, 1847, gr. in-8® de 
159 pages. 

A consulter sur l'organisation de la Cour des Comptes : 

M. J. Britz, Loi organique de la Cour des Comptes dit S9 octobre i846, 
commentée et expliquée. Bruxelles, Devroye et O*, novembre 1847. 

Victor Marge, Étude sur la Cour des Comptes et la comptabilité publique 
en Belgique. — Contrôle préventif exercé par la Cour des Comptes. (Extrait 
du Bulletin de la Société de législation coïiparée) in-8<> de 208 pages. 
Paris, Pichon et Guillaumin et O^, 1892. — Cet ouvrage est la meilleure 
étude sur la Cour des Comptes belge et l'ensemble de la comptabilité 
publique en Belgique. 

L. RiCHALD, Histoire des finances publiques en Belgique depuis 4830. 
(Mém. cour, de l'Acad.) Bruxelles, Hayez, 1884, pp. 1-22. — Giron, lac. 
cit., et Pandectes belges : V° Cour des Comptes. 

Pour la législation comparée, consulter : 

Emmanuel Besson, Le contrôle des budgets en France et à V étranger, 
2o édit. Paris, Chevalier-Marescq, 1901, in-8". 

H. Sarrette, Étude sur le contrôle du budget en France, en Angleterre 
et en Italie. Paris, Guillaumin, 1902, 



(421 ) 

Celte loi forme, avec Farticle 116 de la Constitution et le 
règlement d'ordre de la Cour du 9 avril 1831, les sources à 
consulter sur la matière. 



§ 2. — Le personnel : composition, nomination, 
incompatibilités, traitements. 

La Cour des Comptes se compose d'un président, de six 
conseillers et d'un greffier (art. l»"" de la loi). 

La proposition d'adjoindre à la Cour un procureur général, 
organe du ministère public, avait été combattue par le gouver- 
nement et rejetée par le Parlement (cf. : Chambre, séance du 
11 mars 1846; Sénat, 9 juillet 1846) i. 

C'est le plus jeune des conseillers qui en remplit les fonc- 
tions (règlement d'ordre du 9 avril 1831, art. 19; loi de 1846, 
art. 9). 

De même, la proposition d'instituer un commis-greffier, 
pour venir en aide au greffier, ne fut pas admise non plus par 
les Chambres â. 

Le président et les conseillers doivent avoir au moins l'âge 
de 30 ans. Le greffier doit élre âgé de 25 ans au moins ; il n'a 
pas voix délibéràtive (loi : art. l«^ al. 3, 4). 

Les membres de la Cour sont nommés tous les six ans par 
la Chambre des représentants, qui a toujours le droit de les 
révoquer (art. 1", al. 2). 

La Cour est donc élective et temporaire. Élective, afin 
d'assurer son indépendance vis-à-vis de l'Exécutif. « La Cour, 
disait H. Ch. de Brouckère au Congrès national, ayant pour 
but de surveiller les opérations et la marche financière d'un 
ministre, celui-ci ne peut avoir une part quelconque à la 
nomination de ses membres. Ne confions pas au Pouvoir 



* Brifz, loc. cit., no 16. — Cf. aussi Marge, p. 24. 
« Id., ibid., no 17. 



(423 ) 

exécutif le soin de faire contrôler les finances par ses créa- 
tures : que rexpérience de quinze années nous serve de leçon » 
(29 décembre 1830). 

M. Devaux justifiait en ces termes la limitation à six années 
de la durée des fonctions des membres de la Cour, qu'il avait 
proposée au Congrès national : « La révocation est une mesure 
sévère qui ne pourrait être autorisée que par des raisons très 
graves. Par mon amendement disparaît le grand inconvénient 
de devoir maintenir à leur poste des hommes dont on aurait 
eu réellement à se plaindre. Ainsi tous les six ans, on pourrait 
remanier la Cour, en éloigner ceux qui n'auront pas fait leur 
devoir et réélire des autres ^. » 

Cependant, le droit de révocation en tout temps fut inscrit 
dans la loi de 1846, malgré l'avis du gouvernement, qui regar- 
dait le droit permanent de révocation comme portant atteinte 
à l'indépendance et par suite à la dignité de la Cour, alors 
surtout que le mandat de ses membres est limité à un terme 
fort court. (Exp. des motifs, 19 janvier 1844. — Britz, loc, cit., 
n^ 10). La section centrale, au contraire, motivait l'amende- 
ment en disant : a La Cour constitue un contrôle sur les actes 
du gouvernement en fait de dépenses; la Chambre des repré- 
sentants a été investie du droit de nomination ; elle doit con- 
server son droit de révocation, afin de maintenir ce contrôle 
dans de justes bornes ». 

Le président, les conseillers et le greflSer de la Cour sont 
élus au scrutin secret, à la majorité absolue et par bulletins 
séparés et successifs. Si, au second tour de scrutin, le candidat 
n'a pas obtenu la majorité absolue, il sera procédé à un scrutin 
de ballottage entre les deux membres qui ont réuni le plus de 
voix. En cas de parité de suffrages, la préférence est accordée 
au plus âgé (décret du 30 décembre 1830). 

* L'article 116, alinéa l*' de la Constitution avait, lui aussi, attribué la 
nomination des membres de la Cour à la Chambre des représentants et 
laissé à la loi le soin de fixer la durée de leur mandat. 



(423) 

La Cour des Comptes prend rang immédiatement après la 
Cour de cassation et jouit des mêmes prérogatives (art. 7 de la 
loi du 16 septembre 1807). a La loi de 1807, disait le ministre 
des finances à la Chambre, n'assigne même pas à la Cour des 
Comptes un rang inférieur à la Cour de cassation ; elle porte 
que la Cour des Comptes jouit des mêmes prérogatives et, 
comme les deux corps ne peuvent marcher sur la même ligne, 
elle établit que la Cour des Comptes prendra rang immédia- 
tement après la Cour de cassation (15 novembre 1844, Annales^ 
p. 188. — Britz, loc.y cit., n« 11). 

Les articles 2 et 3 de la loi établissent une série d'incompa- 
tibilités qui libèrent les membres de la Cour de certains liens 
de parenté, de certaines attaches politiques ou financières, qui 
pourraient éventuellement entraver l'exercice régulier et loyal 
de leur mission de contrôle. 

Les membres de la Cour des Comptes ne peuvent être parents 
ou alliés entre eux jusqu'au quatrième degré inclusivement, 
ni, à répoque de leur nomination, être parents ou alliés au 
même degré d'un ministre, chef d'administration générale. 
Ils ne peuvent appartenir à Tune ou à l'autre Chambre légis- 
lative, ni remplir aucun emploi auquel est attaché un traite- 
ment ou une indemnité sur les fonds du trésor, ni être direc- 
tement ou indirectement intéressés ou employés dans aucune 
entreprise ou affaire sujette à comptabilité envers l'État. Ils ne 
peuvent délibérer sur les affaires qui les concernent personnel- 
lement, ou dans lesquelles leurs parents ou alliés jusqu'au 
quatrième degré inclusivement sont intéressés (art. 2). 

Il est interdit, sous peine d'être réputé démissionnaire, à 
tout membre de la Cour des Comptes, d'exercer soit par lui- 
même, soit sous le nom de son épouse ou par toute autre per- 
sonne interposée, aucune espèce de commerce, d'être agent 
d'afiFaires, ou de participer à la direction ou à l'administration 
de toute société ou établissement industriel (art. 3). (Cf. com- 
mentaire, Britz, n»» 20 et 21.) 

Les traitements des membres de la Cour avaient été fixés 
une première fois par l'article 19 de la loi de 1846, puis 



(424 ) 

augmentés par la loi du 9 mars 1863 et en dernier lieu par la 
loi du 31 décembre 1900 *. 

A la Cour appartient la nomination et la révocation de tous 
ses employés (art. 18). C'est la Cour également qui a rédigé son 
règlement d'ordre. 11 fut approuvé par le Congrès national, le 
9 avril 1831 2. La Cour ne peut y apporter de changement 
qu'avec l'approbation de la Chambre des représentants (art. 20). 



( du président : 9,000 francs. 
Article 19 : Traitement j ^^^ conseillers et du greffier : 7,000 francs. 

f j A iooo ( président : 11,250 francs. 

Loi du 9 mars 4863 . . J .„ . œ o t^nn r 

( conseillers et greffier : 8,500 francs. 

Loi du 34 décembre 1900 : le traitement du président est porté à 
42,500 francs (art. 3). Les traitement fixés par la loi de 4863 sont majorés 
de 300 francs après chaque période de cinq années de fonctions. Les 
augmentations prennent cours à partir du 4«' du mois qui suit l'expira- 
tion de la période quinquennale. Ces dispositions sont applicables à 
partir du 4«' janvier 1900. 

* Arrêté par la Cour le 49 février, il fut présenté au Congrès le 23 et 
approuvé par lui le 9 avril 4834. 

Cf. Exposé des motifs de la Cour. (Huyttens, IV, n«» 224, p. 440.) D*après 
ce règlement d'ordre, la Cour est divisée en deux sections, composée 
chacune de trois conseillers. 

La première section ou section de comptabilité est chargée du contrôle 
de tous états — de l'examen de tous renseignements et éclaircissements 
relatifs à la recette de deniers de l'État, — de l'examen et de la liquida- 
tion des comptes de l'administration générale et de tous les comptables 
envers le trésor. Ces comptes sont ensuite clos et arrêtés en assemblée 
générale de la Cour, sur le rapport de cette section (art. 3). 

Par décision de la Cour, approuvée le 44 mars 4902 par la Chambre 
des représentants, les attributions de la section de comptabilité ont été 
augmentées encore de la surveillance de la tenue du double du grand- 
livre de la dette publique et du registre des pensions, qui incombait en 
vertu de l'article 4 à la seconde section. 

Celle-ci, ou section de contrôle, reste donc, actuellement, exclusive- 
ment chargée du contrôle des dépenses et du visa et de l'enregistrement 
des demandes de paiement (art. 4). Ces documents sont signés par un 
membre de cette section et contresignés par le greffier. 

Le président a le droit de nommer des commissions spéciales pour 
faire rapport sur les affaires qui ne rentrent point directement dans les 



(425 ) 



§ 3. — Les attributions. 

- Les attributions de la Cour des Comptes sont déterminées 
par l'article 116, alinéa 2 de la Constitution et par les articles 5, 
16 et 17 de la loi du 29 octobre 1846. 

a De l'article 116 de la Constitution dérivent pour la Cour 
des Comptes deux espèces ou, pour mieux dire, deux ordres 
d'attributions : par les premières qui sont celles inhérentes à 
son institution même, elle est chargée de Texamen et delà liqui- 
dation des comptes de l'administration générale et de tous les 
comptables envers le trésor public ; ses attributions de second 
ordre lui imposent le devoir de veiller à ce qu'aucun article de 
dépenses du budget ne soit dépassé et à ce qu'aucun transfert 
n'ait lieu. 

» Juger les comptes de tous les comptables et en arrêter la 
situation, telle a été, de tout temps, l'attribution la plus essen- 
tielle d'une Cour des Comptes, celle qui lui donne le caractère 
et l'autorité d'un corps de judicature... 

» ... Le visa des dépenses publiques n'est pas un élément 
essentiel de l'institution d'une Cour des Comptes, ce visa 
n'appartenait pas à notre ancienne Chambre des comptes, dans 
l'organisation qui a précédé 1794. Il n'existe pas non plus en 
France. La disposition constitutionnelle qui charge la Cour des 
Comptes de veiller à ce que le budget ne soit pas dépassé et à 
ce qu'aucun transfert n'ait lieu, est le principe d'où découle la 
règle du visa préalable pour les dépenses, et qui trace aussi 



attributions de la section de contrôle, ou de la section de comptabilité 
(art. 7). Il sera fait tous les six mois un roulement d'une section à Tautre, 
de manière que chaque année chacun des conseillers soit appelé à siéger 
dans les deux sections. 

Le règlement s'occupe encore des assemblées générales (art. 8-12), des 
vacances, absences et vacatores (art. 1^43), de la tenue et police des 
assemblées (art. 14-18), du ministère public (art. 19-21) et du greffier 
(art. 22-31). 



(426) 

les limites dans lesquelles l'exercice du droit de visa doit être 
renfermé ^. » 

Les deux attributions essentielles de la Cour des Comptes, 
telles qu'elles résultent de l'article 116 de la Constitution et de 
l'article S de la loi sont donc : k contrôle judiciaire des comp- 
tables et le visa préalable des dépenses. 

La Cour est en outre charge du contrôle de la dette publi- 
que (art. 16), du contrôle des pensions (art. 17) et de la véri- 
fication du compte général de l'État 3 (art. 116 de la Consti- 
tution). 

Nous étudierons ces diverses attributions, en commençant 
par la plus caractéristique de toutes : le contrôle préalable des 
dépenses. 

A. — Le visa prenable de la Cour des Comptes. 

Ainsi que le remarque l'exposé des motifs de la loi du 
29 octobre 1846, dans l'extrait que nous venons de citer, la 
règle du visa préalable des dépenses par la Cour des Comptes 
découle du droit constitutionnel que possède cette dernière de 
veiller à la spécialité budgétaire : « elle veille à ce qu'aucun 
article des dépenses du budget ne soit dépassé et qu*aucun 
transfert n'ait lieu. » (Art. 116 ; art. 5, al. 2, loi du 29 octo- 
bre 1846.) 

Cette règle fut précisée et exprimée formellement par l'ar- 
ticle 17, alinéa 2 de la loi du 15 mai 1846 : aucune sortie de 
fonds ne peut se faire sans son concours (du ministre des 
finances) et sans le visa préalable et la liquidation de la Cour 
des Comptes, sauf les exceptions établies par la loi. 

Elle est organisée définitivement par l'article 14 de la loi du 
29 octobre 1846 : 

^ Exposé des motifs, loi du 29 octobre 1946. 

^ La Cour des Comptes est investie aussi du contrôle de la comptabi- 
lité provinciale. Nous nous bornerons ici k indiquer cette attribution. — 
Cf. la loi du 28 décembre 1883. — (Marge, toc. cit., pp. 123-125.) 



( 427 ) 

c( Aucune ordonnance de paiennent n'est acquittée par le 
trésor qu'après avoir été munie du visa de la Cour des Comptes. 

» Lorsque la Cour ne croit pas devoir donner son visa, les 
motifs de son refus sont examinés en conseil des ministres. 

)> Si les ministres jugent qu'il doit être passé outre au paie- 
ment sous leur responsabilité, la Cour vise avec réserve. 

» Elle rend compte de ses motifs dans ses observations 
annuelles aux Chambres. » 

Le visa préalable de la Cour des Comptes a pour but de 
vérifier les dépenses ordonnancées par les ministres avant 
qu'elles soient consommées par le paiement. 

« Ainsi le contrôle établi en vertu du principe posé dans la 
Constitution a un caractère préventif; il tend à prévenir des 
actes contraires aux lois financières et aux règlements, car 
lorsqu'ils sont déférés, lors de l'examen de la loi des comptes, 
au jugement des Chambres, elles n'ont d'autre recours contre 
des actes consommés, contraires aux intérêts du pays, que la 
responsabilité ministérielle, et y avoir recours est une mesure 
extrême ^. » 

On peut ajouter, avec M. Marcé, que « la responsabilité 
ministérielle en matière de finances, sauf dans les cas de con- 
cussion ou de dilapidation, est et ne peut être que purement 
morale, elle n'aboutit et ne peut aboutir qu'à un vote de blâme 
ou au renversement du ministre qui s'est écarté des prescrip- 
tions du budget et des lois et règlements financiers. 

a La répression ne pouvant garantir sufiisamment les inté- 
rêts de l'État, il faut mettre obstacle à la perpétration de l'acte 
irrégulier. La Cour des Comptes, indépendante des ministres 
qu'il s'agit de contrôler, sera chargée de cette mission ; elle 
remplira par avance, d'une façon préventive, le rôle que le 
Parlement ne saurait remplir a posteriori avec efficacité 2. » 

Telle est donc la raison d'être de ce visa préalable, que doit 
subir, en principe, toute créance à charge de l'Etat, avant d'être 



^ Rapport de la section centrale. 
* Lac. cit., p. 5. 



( 428 ) 

Mais ce principe comporte des exceptions, prévues par l'ar- 
ticle 17 de la loi du 15 mai 1846. 

Elles sont nombreuses et concernent : les dépenses fixes^ les 
dépenses payées par les comptables, les dépenses sur crédits 
ouverts et les dépenses sur fonds avancés. 

Ces quatre catégories de dépenses échappent, à des degrés 
divers, au contrôle préventif de la Cour. 

Par conséquent, selon la remarque de M. Marcé, « la sphère 
d'application de la règle du visa préalable est déterminée 
par les exceptions qu'elle comporte... Elle comprend d'une 
façon générale les dépenses variables et facultatives dont le 
chiffre doit être limité annuellement par le budget et qui 
n'ont pas trait à l'exécution des lois générales de l'État; ce 
sont, par exemple, les dépenses pour achats, travaux, fourni- 
tures qu'il dépend du gouvernement de créer, d'augmenter ou 
de restreindre à volonté * ». 

Le contrôle préalable que la Cour exerce sur cette catégorie 
de dépenses ne porte pas sur leur engagement. 

L'engagement de la dépense n'est pas soumis au contrôle 
préventif. Les ministres en restent seuls juges et seuls respon- 
sables. Cependant, si le contrôle de la Cour sur ce point ne 
s'exerce pas a priori, il s'exerce aposteiHori, et les articles 96, 
97 et 98 de l'arrêté de 1868 organisent ce contrôle postérieur 
relativement aux dépenses afférentes aux travaux publics et 
aux fournitures. 

Dans ses observations annuelles aux Chambres, la Cour 
consigne les remarques et les objections que peuvent lui 
suggérer les engagements de certaines dépenses. 

On trouve, par exemple, dans le Cahier (T observations de 
1890 sur l'exercice 1888, l'espèce suivante. 

L'administration avait eu recours, pour certains travaux 
d'amélioration et d'entretien de divers bâtiments de l'État, à 
des spécialistes, alors que la nature des ouvrages décrits dans 
le devis établit aux yeux de la Cour qu'il n'y avait aucune uti- 

* Lac, cit., p. 60. — Cf. plus haut, pp. 395 et suiv. 



( 429 ) 

litë à recourir à des ouvriers spéciaux, puisque ces travaux 
devaient être exécutés par l'entrepreneur de l'ensemble des 
travaux. « En présence du fait accompli, la Cour a liquidé la 
créance, tout en exprimant des regrets quant à la marche irré- 
gulière suivie, et la dépense notablement plus élevée (25 7© 
environ) qui en est résultée. » (Observ., loc. cit., p. 3.) (Cité 
par Marge, p. 37,) 

De même, la Cour vérifie également le transfert des crédits 
engagés (art. 164 à 172, arrêté de 1868). 

Mais à cela se borne son rôle au point de vue de l'engage- 
ment de la dépense. Son contrôle est ici postérieur et non 
préalable. 

C'est là une différence essentielle entre la Cour des Comptes 
italienne et la Cour belge. 

Les deux systèmes ont pour caractère commun le contrôle 
préventif de la dépense. Mais le système italien est plus déve- 
loppé : il saisit la dépense à sa source même, au moment où 
elle va être engagée, et soumet à ce moment la question de 
légalité au contrôle de la Cour des Comptes ^. 

En Belgique, le contrôle de la Cour ne s'exerce donc que 
sur les ordonnancements et préalablement au paiement. 

Les ordonnances de paiement, émanées des différents dépar- 
tements ministériels, sont envoyées par ces derniers — avant 
d'être enregistrées à la trésorerie — à la Cour des Comptes. 

Le contrôle préalable de celle-ci consiste à vérifier d'une 
part l'imputation de l'ordonnance et d'autre part à faire à nou- 
veau la liquidation de la dépense. 

« La Cour, saisie de l'ordonnance avant paiement, pourra 
examiner en premier lieu son imputation, s'assurer qu'il existe 
au budget un crédit pour y faire face et garantir la spécialité 
des crédits, en un mot, veiller à l'exactitude de l'ordonnance- 
ment; elle pourra aussi faire à nouveau la liquidation de la 
dépense, liquidation déjà faite par le département qui lui 
envoie l'ordonnance, c'est-à-dire qu'elle pourra s'assurer que 

* Cf. Makcé, loc. cit., p. 36; Stourm, loc. cit,, p. 517; Besson, 2« partie, 
chap. VI ; Sarrette, loc, cit., pp. 123 et suiv. 



( *80) 

la dette de TÉtat est exactement calculée, qu'elle est sufSsam- 
ment justifiée quant à sa réalité et quant à sa légalité ^. » 

A son arrivée à la Cour, chaque ordonnance reçoit un 
numéro d'ordre, qui détermine son tour de rôle, à moins de 
cas urgent et dans les conditions prévues par l'article 106 de 
l'arrêté de 1868 â. Du numérotage, elle passe au dépouille- 
ment : elle est inscrite au catalogue alphabétique et sur fiche 
qui renseigne le nom de chaque créancier de l'État et facilite 
singulièrement les recherches. Puis, elle va à la vérification et 
chez le chef de service, qui la transmet à la section de contrôle. 
De là, elle arrive à Timputation. La Cour — ainsi que chaque 
département ministériel et l'administration de la trésorerie — 
tient un livre des imputations, dressé pour chaque service ou 
département ministériel et par article du budget afférent à 
chaque département 3. On y tient note des imputations succes- 
sives faites sur chaque article, de manière que l'on puisse 
s'assurer à tout moment du degré d'épuisement du crédit 
prévu à chaque article. De l'imputation, l'ordonnance arrive 
enfin au service de l'expédition, qui est chargé de faire parvenir 
les ordonnances au département des finances (art. 104, arrêté 
de 1868). 

La procédure suivie par la Cour, en matière de visa préa- 
lable, est résumée en ces termes dans les Observations de la 
Cour des Comptes sur l'exercice 1863 : « Les ordonnances de 
paiement présentées à notre liquidation passent par une filière 
d'enregistrement et une épreuve de vérification qui en pré- 
cèdent l'examen par la Cour. C'est la tâche spéciale de ses 
employés. 

» Pour se livrer avec fruit à l'étude des affaires de sa com- 
pétence, notre section de contrôle se fait mettre sous les yeux 
les pièces justificatives annexées aux ordonnances de paiement 
que ces affaires ont pour objet, afin de s'assurer s'il y a lieu de 
procéder à la liquidation. Ces pièces sont nombreuses; elles 



^ Marge, lac, ait,, p. 42. 
« Cf. supra, p. 396, note 1. 
5 Cf. supra, p. 393. 



( 431 ) 

varient avec la nature de la créance, les conventions, ordres 
d'achats et d'entreprises, factures, actes d'adjudication, mar- 
chés, cahiers des charges, procès-verbaux de réception pro- • 
visoire ou définitive des travaux ou fournitures; elles se 
compliquent parfois de comptes devant faire l'objet d'une 
vérification semblable à celle à laquelle on doit se livrer à la 
section de comptabilité (chargée d'examiner les recettes et les 
dépenses faites par les comptables et de procéder au jugement 
des comptes). 

» Si le dossier est incomplet ou irrégulier par suite 
d'oubli, de lacune ou erreur de chiffre, l'ordonnance de 
paiement est renvoyée avec observation. Lorsque l'oubli est 
réparé, la lacune comblée et le chiffre rectifié, l'affaire est en 
état et la liquidation a lieu, sans passer par la Cour assemblée 
en séance générale; mais, quand des doutes s'élèvent au 
sein de la section sur l'imputation budgétaire, ou, ce qui 
est plus sérieux, sur la légalité de la dépense, au point de vue 
des lois en vigueur, la section en réfère à la Cour, qui fait de 
son rapport le sujet de ses délibérations ^; » 

C'est donc la section de contrôle et non la Cour en assemblée 
générale qui donne le visa prélalable, à moins de question déli- 
cate ou douteuse, qui peut aboutir au refus du visa. C'est la 
Cour en assemblée générale qui décidera de ce refus et éven- 
tuellement du visa avec réserve 2. 

La Cour est libre d'accorder ou de refuser son visa. La loi 
ne limite en aucune façon ses pouvoirs, en spécifiant par 
exemple les cas où elle est obligée de donner son visa. 

Le projet de loi de 1844 contenait, il est vrai, h l'article 13 
(devenu l'art. 14 de la loi de 1846), un alinéa 2 ainsi conçu : 
Ce visa est accordé lorsque la réalité de la créance est justifiée 
et que la Cour a reconnu la régularité de l'imputation. 

L'Exposé des motifs disait à l'appui de cette disposition : 

* Cité par Marcé, pp. 51-52. 

« Règlement d'ordre : article 4, alinéa 2. — La Cour se réunit réguliè- 
rement deux fois par semaine en assemblée générale (art. 8, règlement 
d'ordre), el plus souvent, sur convocation du président, suivant que 
Texige l'expédition des affaires (art. 9). 



( 432 ) 

ce La Cour des Comptes n'est point juge des actes du Pouvoir 
exécutif; il ne saurait donc lui appartenir d'en rechercher les 
causes, et moins encore d'en paralyser l'exécution et les effets. 
C'est dans la responsabilité ministérielle que se trouve la 
garantie de la nation contre les actes abusifs, et cette garantie 
serait déplacée ou cesserait d'exister le jour où, par l'effet 
d'un contrôle exercé sur les dépenses que leurs actes doivent 
entraîner, l'action des dépositaires du pouvoir cesserait d'être 
libre. On voit qu'il est de la plus haute importance que la loi 
nouvelle, en ce qui concerne l'obligation du visa sur les 
dépenses, maintienne rigoureusement chaque pouvoir dans les 
conditions que la Constitution lui a faites. Ainsi, lorsqu'une 
ordonnance de paiement est adressée à la Cour des Comptes 
pour être munie de son visa, cette Cour n'a point à s'enquérir 
des causes de la dépense, non plus que de son utilité; elle n'a 
pas non plus à rechercher si la dépense est bien ou mal faite; 
elle n'a que deux points à vérifier : la créance que l'ordon- 
nance de paiement a pour objet existe-t-elle réllement? Y a-t-il 
pour cette dépense un crédit ouvert? 

» Par la vérification de ces deux points, la Cour des 
Comptes exerce pleinement le contrôle qui lui est déféré; il ne 
pourrait être étendu sans excéder le vœu de la Constitution, 
et sans créer une source de confiits dont les conséquences 
seraient obslatives à la marche des affaires et désastreuse pour 
la chose publique ». 

En conséquence, le gouvernement estimait que lorsque la 
créance était réelle et qu'elle était exactement imputée, la Cour 
devait accorder son visa. 

Mais la section centrale n'adopta pas ce système. Elle pro- 
posa à l'unanimité de ses membres la suppression du § 2 de 
l'article 13 (art. 14), pour les motifs suivants : « Le paragraphe 
tend à définir dans quelles circonstances le visa préalable 
pourra être exigé. Cette définition a paru dangereuse à la 
section centrale, car elle pourrait amoindrir un contrôle 
nécessaire pour prévenir les abus et éclairer la discussion de 
la loi des comptes; contrôle qui, au moyen de la disposition 
finale de l'article (visa avec réserve), ne peut entraver désormais 



(433) 

l'action du gouvernement. Pour que la Cour puisse être 
astreinte à viser avec réserve, il faut qu'elle conserve son libre 
arbitre pour refuser le visa pur et simple, qu'elle puisse exiger 
les justifications indispensables pour éclairer sa religion, et 
donner aux observations que la Constitution lui a prescrit de 
transmettre aux Chambres, une valeur indiscutable. >> 

Ce dissentiment entre le gouvernement et la section centrale 
fit les frais de presque toute la discussion de la loi du 
29 octobre 1846, tant à la Chambre qu'au Sénat i. 

Le gouvernement voulait donc définir les pouvoirs de la 
Cour des Comptes, afin d'empêcher que celle-ci n'entrave la 
marche régulière de l'administration et ne s'érige en juge des 
actes des ministres^ responsables seulement devant le Parle- 
ment. 

La section centrale, au contraire, craignait qu'une délimita- 
tion des pouvoirs de la Cour ne rende illusoire son contrôle. 
Elle remarquait d'ailleurs que ce contrôle n'était pas prohibitif, 
puisque la loi instituait le visa avec réserve, qui permettait aux 
Chambres de trancher en dernier ressort les conflits entre la 
Cour et l'administration. 

Cette manière de voir l'emporta définitivement par 37 voix 
contre 35 et 3 abstentions à la Chambre et par 21 voix contre 
12 et 1 abstention au Sénat. 

C'est pourquoi l'article 14, en organisant le visa préalabK* 
de la Cour, n'apporte aucune restriction au droit d'examen de 
celle-ci. 

« En résumé, dit M. Marcé 2, la législation belge ne limite, 
de quelque manière que ce soit, les pouvoirs de la Cour des 
Comptes; ces pouvoirs illimités sont confirmés par les travaux 
préparatoires de la loi organique de 1846 et embrassent, en d 

* Cf. Chambre, séances des 11 et 1:2 mars 1846. — Sénat, séances des 
8, 9 et 10 juillet 1846. — Cf. résumé de cette discussion : Marge, loç. 
cit., pp. 126-t39. 

« Loc, dt,^ p. 134. 

Tome LXVL 28 



(434) 

qui concerne l'exercice de son contrôle préventif comme en ce 
qui touche celui de son contrôle a posteriori, les questions de 
réalité et de légalité de la dépense; la Cour examinera donc 
non seulement si la dépense est budgélairement régulière, 
exactement imputée sur un crédit dûment voté, mais encore si 
elle correspond à une dette de l'État juridiquement et légale- 
ment établie ; au surplus, le législateur paraît même ne pas 
enlever à la Cour le droit d'apprécier le mérite et les motifs de 
la dépense. » 

Il est difficile, d'autre part, de soutenir que la Cour abuse 
des pouvoirs étendus qu'elle tient de la loi. Certes, il y eut de 
fréquents frottements entre la Cour et l'administration, avant 
d'assurer le fonctionnement régulier des rouages du contrôle; 
à certaines époques, la lutte a été assez vive, mais elle a tourné 
en définitive à l'avantage d'une bonne administration financière. 

Si le contrôle préalable constitue souvent une gêne pour les 
exécuteurs du budget, cette gêne est salutaire; elle est une 
condition de la bonne gestion de la fortune publique et ne peut 
d'ailleurs jamais entraver la marche régulière des affaires. 

Car, outre l'institution du visa avec réserve, qui donne, en 
cas de conflit sérieux, le dernier mot aux ministres réunis en 
conseil, sous réserve de l'approbation des Chambres, les 
ministres ont à leur disposition différents moyens de tempérer 
dans la pratique les rigueurs du visa préalable 4. 

La Cour des Comptes peut accorder ou refuser son visa. Elle 
pourra le refuser notamment : 

a) Quand elle trouve que la créance n'est pas réelle, c'est-à- 
dire que celui qui se présente n'a pas une dette légitime à 
charge de l'État ; 

* Il faut remarquer encore que les opérations du visa sont effectuées 
avec diligence à la Cour, à moins de discussion avec radministration sur 
certains points douteux (cf. Marge, p. 62) el aussi que l'obligation du 
visa ne porte que sur une catégorie restreinte des dépenses publiques 
(cf. infra, p. 449). 



( *35 ) 

b) Quand elle trouve que l'imputation n'est pas régulière, 
c'est-à-dire qu'elle n'a pas été faite sur l'article ou le chapitre 
compétent du budget ou que le crédit assigné à la dépense par 
le budget a été excédé ou détourné ; 

c) Quand elle trouve que la dépense n'est pas légale, n'est 
pas conforme à la lettre ou à l'esprit de la loi ^. 

c( La Cour ne permettra aucun paiement des deniers publics, 
à moins que la légalité et la régularité de la créance n'aient 
été reconnues par elle. En cette matière, la Cour a les mêmes 
droits et les mêmes devoirs que ceux d'un juge qui ne peut 
rendre son arrêt qu'alors que sa religion et sa conscience sont 
suflSsamment éclairées 2. » 

En cas de conflit entre la Cour et l'administration, lorsque 
la Cour refusait son visa, la loi du 30 décembre 1830 ne pré- 
voyait pas de solution. 

« Sous l'empire de cette loi, dans les cas où la Cour refusait 
son visa préalable, elle permettait au Pouvoir exécutif de 
demander des fonds à charge d'en rendre compte, et alors la 
difficulté se trouvait réellement devoir être jugée à l'occasion 
d'un compte contre l'apurement duquel on pouvait se pour- 
voir à la Cour de cassation 3. » 

La loi du 29 octobre 1846, article 14, alinéas 2, 3, 4 — et 
ce fut un de ses mérites — a comblé cette lacune par l'institu- 
tion du visa avec réserve, 

a Lorsque la Cour ne croit pas devoir donner son visa, les 
motifs de son refus sont examinés en conseil des ministres. 

» Si les ministres jugent qu'il doit être passé outre au paie- 
ment sous leur responsabilité, la Cour vise avec réserve. 



^ Discours du ministre des finances et de M. Donny. (Gh. des Représ., 
séance du 42 mars 4846.) 

* Observations de la Cour des Comptes du 29 novembre 1844, sur le 
compte de Texercice 4840, pp. 45-46. — Cf. B^nz, p. 6U 

» Britz, toc. cit., p. 65. 



(436) 

» Elle rend compte de ses motifs dans ses observations 
annuelles aux Chambres. » 

Cette procédure est ingénieuse et cadre parfaitement avec 
les principes constitutionnels de la séparation des pouvoirs et 
de la responsabilité ministérielle. « Le Pouvoir exécutif doit 
pouvoir accomplir en toute liberté la mission qui lui est con- 
fiée et la marche des services publics ne saurait être entravée 
par la volonté d'un corps de contrôle qui n'est pas chargé 
d'administrer. C'est à cette idée que répond l'institution du 
visa avec réserve ^ ». 

(c La Cour des Comptes n'a donc pas la faculté d'opposer 
son veto à un acte de dépense. Dès lors, la marche du gouver- 
nement ne peut être entravée et la responsabilité ministérielle 
reste entière 2. » 

L'Exposé des motifs de la loi de 1846 et le rapport de la 
section centrale justifient d'une manière analogue cette solu- 
tion. 

<c On a dû prévoir, lisons-nous dans l'Exposé des motifs, 
le cas d'une dissidence entre le gouvernement et la Cour. Sans 
doute, en pareil cas, le premier devoir des ministres sera de 
peser mûrement les motifs de la Cour; mais lorsque, après 
examen et délibération, le conseil des ministres, et plus 
spécialement le ministre que la dépense concerne, jugera que 
l'intérêt de l'État lui commande de persister, cet intérêt qui 
est la suprême loi devra dominer toute opposition. Le droit de 
protestation est réservé à la Cour, et en définitive, le débat 
sera porté devant la Chambre des représentants. » 

Le rapporteur de la section centrale écrivait de son côté : 
c< La condition du visa préalable à la dépense, posée comme 
règle absolue et abandonnée au jugement d'un corps constitué 
en dehors des trois pouvoirs de l'État, était de nature à entraver 
la marche du gouvernement, à enchaîner son libre arbitre, à 



* Marge, loe. cit., p. 53.- 

^ Discours de M. de Man. (Gh. des Représ., séance du 13 niai*s 1846.) 



( *n ) 

porter atteinte à sa liberté d'action, contrairement à l'exercice 
de ses droits et aux principes de sa responsabilité. En effet, le 
décret de 1830 ne trace pas de règle à suivre en cas de dissi- 
dence entre l'autorité qui crée la dépense et l'institution qui 
contrôle au moyen de la liquidation préalable. D'après la nou- 
velle loi, si le chef d'un département ministériel persiste à 
créer une dépense malgré les observations de la Cour, il en 
est référé au conseil des ministres, et si son avis est conforme, 
il est passé outre à la liquidation; mais alors le cabinet s'est 
associé à la responsabilité de l'acte que la Cour aura à signaler 
à la Législature. Dans la loi des comptes les Chambres peuvent, 
en définitive, apprécier cet acte et en décider. » 

C'est, en effet, à cette conclusion qu'aboutit en dernière 
analyse le contrôle préventif de la Cour. Ainsi que nous le 
remarquions plus haut, il se résout en fin de compte dans le 
contrôle législatif. 

C'est en 1880 qu'il a été fait application pour la première 
fois du visa avec réserve ^. Mais depuis cette époque les cas se 
sont multipliés. Faut-il, comme le suggère M. Marcé, voir 
dans ce fait la preuve c< que le système fonctionne mieux 
aujourd'hui qu'autrefois, que l'administration tourne moins le 
contrôle préventif, que la Cour remplit plus énergiquement 
sa mission? 2 » 

Les ministres, avons-nous dit, disposent de certains moyens 
pour tempérer dans la pratique les rigueurs du visa préalable. 

Il est arrivé que dans des circonstances urgentes, comme 
par exemple en 1866, lors de la guerre austro-allemande, 
en 1870, lors de la guerre franco-allemande, des dépenses 
urgentes, notamment des achats de chevaux, ont été faites en 
violation formelle des dispositions légales 3. 

De même, certaines dépenses doivent être admises par la 

* Marcé, loc. cit., p. 60. 

* Ibidem. 

^ Ihid., pp. 74-75. 



(438) 

Cour, même en cas d'insuffisance de crédits. C'est le cas pour 
les dépenses à payer sur les crédits non limitatifs inscrits au 
budget <. 

Mais, en dehors de ces cas spéciaux, les ministres trouvent 
encore le moyen d'échapper au contrôle préalable, lorsqu'ils 
estiment qu'il est nécessaire d'effectuer une dépense soumise à 
l'obligation du visa préalable, bien qu'aucun crédit n'ait été 
voté pour y faire face. 

« Ce moyen consiste dans l'émission de mandats directs pour 
le paiement des dépenses dont il s'agit; le mandat direct est le 
mandat émis directement au nom d'une partie prenante, sans 
que la Cour des Comptes ait été préalablement appelée à en 
liquider le montant ou à en vérifier l'imputation : ce sont des 
avances de trésorerie, avance que le trésor, banquier de l'État, fait 
au budget, et qui lui seront remboursées ultérieurement après 
justification de la dépense. 

» La Cour des Comptes a soin de relever, dans ses observa- 
tions annuelles, ces avances de trésorerie qui ont 6guré et 
figurent dans les comptes pour des sommes considérables. 

» La Cour des Comptes belge signale au Parlement l'avance 
ainsi faite contrairement aux allocations du budget; elle lui 
expose, d'après les états justificatifs qu'elle réclame, la nature 
des dépenses effectuées, et par conséquent relève, après coup, 
comme la Cour des Comptes française ou allemande, le dépasse- 
ment ou le virement irrégulier de crédit. 

» Cest alors au Parlement, saisi de la question dans Vexamen 
de la loi des comptes, qu'il appartient de trancher la question de 
savoir si le ministre a eu raison de faire la dépense critiquée et 
s'il y a lieu de lui accorder un bill d indemnité ». 

Ce système aboutit donc à transformer le contrôle préalable 
exigé par la loi en un contrôle postérieur au paiement de la 
dépense. 

M. Marcé, auquel nous empruntons l'exposé qui précède, ^ 



* Marge, lac. cit., p. 75. 

* Ibid., pp. 66 et suiv. 



( 439) 

cite de nombreux exemples tirés des cahiers d'observations de 
la Cour et qui montrent la nature et la portée de ces avances 
de trésorerie ^. II conclut en disant : 
c< L'émission des mandats directs à titre d'avances, faites par 

* Les avances s'élèvent à des sommes relativement importantes, mais 
variables d'année en année. M. Marcé en a dressé le tableau pour la 
période de 4877 à 4890 (p. 67, note). 

Mandats directs créés chaque année par le ministre des finances : 

4877 fr. 6,2(H,389 72 

4878 4,476,646 42 

4884 538,934 64 

4882 ; 7,850,475 36 

4883 2,444,658 24 

4884 4,458,362 69 

4885 3,348,088 » 

4886 945,000 » 

4887 1,263,927 43 

4888 858,080 72 

4889 . . 3,734,391 32 

1890 403,092 80 

En 4900, ces avances faites par le trésor sans Tintervenlion de la Cour 
ont atteint le chiffre élevé de fr. 43,653,534 45. 

La Cour des Comptes, dans son dernier cahier d'observations sur 
l'exercice 1900 (session de 4904-4902, Doc. pari., n® 27), en a dressé, 
selon son habitude, le tableau suivant indiquant l'objet de ces avances 
par service, leurs motifs et leur montant. 

AVANCES FAITES PAR LE TRÉSOR SANS L'INTERVENTION 
DE LA COUR DES COMPTES. 

L'administration de la trésorerie a fait, dans le cours de l'année 4900, 
des avances à divers départements ministériels, en dehors des pres- 
criptions de la loi sur la comptabilité publique , pour une somme de 
fr. 13,653,534 45. 

Le tableau ci-après fait connaître, d'après une annexe du compte de 



(440 ) 

le trésor aux départements ministériels, est donc le moyen 
avoué de tourner le visa préalable de la Cour des Comptes dans 
les cas où le ministre croit la dépense utile et oii ce contrôle 
devient gênant. 

l'État, l'objet de ces avances par service, les motifis de rémission des 
mandats directs, créés par M. le Ministre des finances, ainsi que leur 
montant : 

Montant des aranees 
Objet det eréanees et motib de l'émission des mandats. par serTîee. 

Ministère des Affaires étrangères. — Par suite de circon- 
stances exceptionnelles, les crédits alloués par les arti- 
cles 9, 12 et 44 du budget de l'exercice 4899, étant devenus 
insuffisants, la liquidation de certaines dépenses urgentes 
a dû se faire au moyen de mandats du trésor. Ces avances 
ont été régularisées à charge d'un crédit supplémentaire 
alloué par la loi du 9 mai 1900 fr. 47,878 05 

Alandats délivrés à M. le Ministre des affaires étrangères 
pour faire face au surcroit de dépenses résultant des frais 
occasionnés par la correspondance télégraphique à laquelle 
ont donné lieu les événements de Chine 69,431 65 

Ministère de V Agriculture. — Le crédit budgétaire de 
l'exercice 1899 affecté au paiement des indemnités dues 
pour Tabatage de bêtes atteintes de tuberculose ou de 
charbon étant complètement absorbé, le paiement des 
créances de cette nature a dû être effectué au moyen de 
mandats du trésor en attendant le vote d'un crédit supplé- 
mentaire 126,373 16 

Indemnités dues pour l'abatage, par ordre de l'autorité, 
de bêtes atteintes de tuberculose ou de charbon, impu- 
tables sur l'exercice 1900 et liquidées par mandats 
d'avances en attendant le vote d'un crédit supplémentaire 217,267 51 

Ministère de Vlntérieur et de l'Instruction publique. — 
Le crédit provisoire alloué au département de l'intérieur 
et de l'instruction publique pour l'exercice 1900 étant 
insuffisant, le Gouvernement a autorisé l'émission d'un 
mandat de la trésorerie pour permettre la répartition du 



(441 ) 

» Dans tous les cas, le système belge aboutit donc, en défi- 
nitive, au système français. Le ministre des finances et non la 
Cour des Comptes décide la question de savoir si les avances 

solde des subsides provisoires en faveur de renseignement 
primaire. — Cette avance a été remboursée au trésor 
aussitôt après le vote du budget du ministère de Tintérieur 
et de rinstruction publique 4,570,850 » 

Ministère de la Guerre, — En attendant le vote du crédit 
supplémentaire de 8,000,000 de francs destiné à parfaire 
le fonds spécial et temporaire de 20,000,000 de francs 
institué par la loi du 9 août 4897 pour Tamélioration du 
casernement, des mandats d'avances ont été délivrés pour 
le paiement des créances dont la liquidation ne pouvait 
être différée sans préjudice pour le trésor 827,576 46 

Dépenses d'établissement de la ligne de défense avancée 
d'Anvers. Le reliquat du crédit alloué au budget extra- 
ordinaire de 1897 destiné à pourvoir à ces dépenses a été 
annulé au 34 décembre 4899 conformément aux dispo- 
sitions applicables à la durée des crédits extraordinaires. 
Un nouveau crédit est inscrit au budget de l'exercice 4904 89,834 70 

Ministère des Chemins de fer. Postes et Télégraphes. — 
Fourniture de matériel fixe tenant à la voie. Achat de 
combustibles et autres objets de consommation pour la 
traction des convois. Frais d'exploitation, — Les crédits 
des articles 16, 24 et 26 du budget des chemins de fer 
étant épuisés au moment où les créances étaient devenues 
exigibles, l'émission de mandats de la trésorerie a été 
autorisée pour prévenir le paiement d'intérêts de retard . 8,894,834 67 

Loyer de bâtiments. — A partir de l'exercice 4900, les 
frais de loyer pour les bâtiments occupés par l'adminis- 
tration des postes ont été transférés du service des ponts 
et chaussées au budget du département des chemins de 
fer, postes et télégraphes. En attendant le vote de ce 
budget, les termes de loyer échus ont été payés au moyen 
de mandats du trésor 43,950 » 

Les crédits affectés aux dépenses de matériel de la 
marine étant épuisés, le ministre des finances et des 



( 442 ) 

demandées par un départennent ministériel seront accordées, et 
exerce par conséquent le contrôle préventif des finances ; la 
Cour des Comptes belge, comme la Cour des Comptes fran- 

travaux publics a autorisé la délivrance de mandats 
d'avances pour eflFectuer le paiement des dépenses dont 
la liquidation ne pouvait être retardée sans exposer le 
trésor à devoir payer des intérêts de retard 984,504 53 

Fourniture de matériel roulant pour le service des 
chemins de fer. — Ces avances, consenties pour permettre 
de solder sur-le-champ le prix de ces fournitures, ont été 
régularisées à charge du budget extraordinaire de 1900 747,516 18 

Ministère des Finances et des Travaux publics, — 
Travaux d'appropriation d'un immeuble à Bruxelles pour 
rinstallation des bureaux des services des hypothèques et 
du timbre extraordinaire. — Cette avance, consentie pour 
permettre de régler dans les délais contractuels des 
créances exigibles, a été régularisée à charge du budget 
du ministère des finances et des travaux publics de 
l'exercice 1900 6,656 47 

Travaux d'appropriation dans divers locaux du Palais 
de Justice de Bruxelles. — Le crédit du budget de l'exer- 
cice 1899 sur lequel le prix de ces travaux devait être 
imputé, étant épuisé, la liquidation en a été faite au moyen 
d'un mandat du trésor en attendant le vote d'un crédit 
supplémentaire . . 1,411 » 

Mandat délivré à M. Rycx, ingénieur en chef, directeur 
des ponts et chaussées du Brabant, pour lui permettre de 
payer dans le délai prescrit par l'article 5 de la loi du 
16 août 1887, les salaires des ouvriers de son service. ,— 
Cette avance a été régularisée par un versement au trésor 
eflFectué à Bruxelles, le 21 juin 1900 6,000 » 

Travaux de remplacement de la machine et de la 
pompe no 1 de l'usine établie à Bossuyt pour l'alimentation 
artificielle du canal de Bossuyt à Courtrai. — Travaux 
d'entretien exécutés à l'Escaut dans le Hainaut et travaux 
d'amélioration du canal de Bossuyt à Courtrai. — Travaux 
de recreuseraent du bief inférieur du canal d'Ypres à 



( 443 ) 

çaise, arrive à signaler purement et simplement au Parlement 
le dépassement ou l'interversion de crédit, ou bien les 
dépenses sans crédit; dans les deux systèmes, ce sera au Parle- 
ment qu'il incombera de mettre en jeu la responsabilité des 
ministres ou de leur accorder le bill d'indemnité qu'il doit 
leur donner pour couvrir leur gestion » (pp. 73, 74). « D'autre 
part, des mandats directs sont parfois nécessaires, parce que 
le contrôle préventif ne se prête pas à toutes les circonstances » 
(exemples, p. 74). 

Cette pratique des avances de trésorerie ne peut évidemment 
être qu'exceptionnelle; elle doit se limiter strictement aux cas 
urgents, sous peine de vicier complètement le système de 
contrôle établi par la loi. 

On doit constater cependant de fréquentes tentatives faites 
par l'administration pour se libérer du contrôle préalable de 
la Cour. .Celle-ci veille et exige, chaque fois qu'elle en a l'occa- 
sion, Inapplication de la loi. 

Un des derniers cahiers d'observations nous en fournit 
encore des exemples. [Observ. sur Pexerdce 1900. Session de 
1904-1902, Doc. pari., n« 27, p. 13) : 

Nécessité de soumettre au visa préalable de la Cour, les dépenses 
susceptibles de ce mode de liquidation. 

« La loi du 29 octobre 1846 a établi pour la liquidation des 
dépenses de l'État, divers modes de paiement dont le plus 
propre à assurer l'eflScacité du contrôle que la Cour exerce sur 

TYser. — Ces avances ont été consenties pour effectuer, 
dans le délai stipulé par les contrats, le paiement des 
travaux exécutés. Elles ont été régularisées à charge des 
crédits transférés de Texereice 1899 conformément à 
Tarticle 30 de la loi sur la comptabilité de TÉtat. .... 49,456 07 

Total égal. . .fr. 13,653,534 15 



( 444 ) 

les actes financiers de l'administration générale consiste dans 
l'émission d'ordonnances à soumettre au visa préalable de son 
collège. 

» Jugeant que ce mode de liquidation avait le désavantage de 
compliquer les écritures, en ce qui concerne les travaux qui 
s'exécutent aux bâtiments civils de la capitale et des environs, 
l'administration des ponts et chaussées souleva la question de 
savoir s'il y aurait quelque inconvénient à ce que les receveurs 
des contributions soient autorisés à payer directement les 
dépenses de l'espèce aux intéressés, sur la production de 
pièces comptables délivrées par le service des bâtiments civils 
et sous réserve qu'ils seraient remboursés trimestriellement de 
ces avances au moyen d'une ordonnance de paiement créée à 
leur profit. 

» La Cour n'a pu donner son consentement à celte mesure, 
par le motif que le système proposé l'empêcherait de yeiller à 
ce que les allocations budgétaires ne soient dépassées et de 
constater, le cas échéant, des doubles emplois dans le paiement 
des dépenses. 

» Quelque temps après que cette proposition lui eut été faite, 
la Cour constata que des fournitures importantes de com- 
bustible pour le service des bateaux à vapeur de la douane à 
Anvers avaient été soldées aux livranciers sans son interven- 
tion préalable. 

» Le département des finances et des travaux publics jugeait 
que ce mode de procéder était conforme aux prescriptions du 
paragraphe 49 de l'instruction générale du 15 mai 1870, qui 
rangent les frais de chauffage parmi les dépenses afiranchies 
du visa préalable, et qu'au surplus ces frais devaient être 
considérés comme des frais de régie et de perception tombant 
sous l'application des articles 16 et 18 du règlement général 
sur la comptabilité de l'État. 

» La Cour ayant démontré que les dépenses résultant de four- 
nitures de combustible effectuées pour le service des embarca- 
tions de la douane n'avaient point ce caractère, le département 



( 445 ) 

n'insista pas davantage et promit de donner des instructions 
pour que lesdites créances soient liquidées à l'avenir au moyen 
d'ordonnances de paiement soumises au visa préalable. » 

Malgré les tempéraments qu'y apporte la pratique, on ne 
peut nier toutefois que le contrôle de la Cour ne soit très 
efficace et n'exerce une influence très réelle sur la régularité 
des actes de l'administration. 

Le contrôle préventif produit d'abord, selon la remarque de 
M. Marcé, un effet moral, un effet avant la lettre, en ce sens 
qu'il permet aux ministres « d'agiter le spectre de la Cour des 
Comptes » pour se débarrasser des solliciteurs de dépenses 
irrégulières. Ainsi que l'observait la Cour elle-même, ce Si, 
dans certaines cas, ce système de contrôle est une gêne pour 
MH. les Ministres, dans d'autres circonstances, ces hauts fonc- 
tionnaires s'en prévalent pour se refuser à prendre des déci- 
sions qu'on sollicite de leur bienveillance ^ ». 

Il aboutit aussi et surtout à des résultats pratiques et tan- 
gibles. Les cahiers d'observations de la Cour fournissent de 
nombreux exemples de cas où les ministres ont été amenés 
à renoncer, par suite de l'intervention de la Cour, à des 
dépenses qu'ils voulaient faire irrégulièrement et d'autres 
exemples oti, en présence du refus de la Cour, les ministres 
se résignent à demander un crédit supplémentaire ou les 
autorisations nécessaires pour effectuer la dépense. 

D'autre part, il arrive aussi que la Cour cède, à la condi- 
tion qu'il lui sera donné satisfaction à l'avenir ou bien enfin 
que la Cour cède sans conditions et consent à viser l'ordon- 
nance irrégulière, afin, par exemple, d'éviter des retards dans 
le paiement et les actions en dommages-intérêts que les 
créanciers de l'Étal pourraient lui intenter 2. 

L'article 14, alinéa 2 de la loi du 15 mai 1846, après avoir 

f Observations sur Texercice 1863, cité par Marge, pp. 55^56. 

* Sur tous ces cas. cf. les nombreux exemples patiemment recueillis 
par M. Marcé dans les Cahiers d'observations de la Cour, loc. cit., 
pp. 36-60. 



( 446 ) 

disposé qu'aucune sortie de fonds ne peut se faire sans le visa 
préalable et la liquidation de la Cour des Comptes, ajoute : 
a sauf les exceptions établies par la loi ». 

C'est ce régime d'exceptions qu'il nous faut étudier mainte- 
nant. 

Une première exception concerne les dépenses Hxes ^. 

Les dépenses fixes sont, par définition, affranchies du visa 
de la Cour des Comptes (art. 63, 68, arrêté de 1868). 

Les ordonnances collectives de paiement afférentes aux 
dépenses de cette catégorie étant affranchies de la règle du 
visa préalable, ne sont pas liquidées à nouveau par la Cour, 
préalablement à leur paiement. De plus c< elles ne sont même 
pas soumises in globo à son contrôle préalable en ce qui 
concerne l'exactitude de leur imputation. La Cour est seule- 
ment mise en situation de suivre l'épuisement des crédits 
budgétaires '^; elle aura ici pour mission d'inscrire sur son 
livre de contrôle des budgets 3 les sommes ordonnancées à 
charge des crédits y relatifs, en s'assurant que les crédits per- 
mettent rimputation de ces sommes ^ ». 

Les .dépenses fixes sont donc affranchies complètement et 
de la liquidation préalable et du contrôle de l'imputation 
avant paiement. 

Il en résulte que la Cour ne pourrait s'opposer au paiement 
d'une ordonnance collective qui dépasserait les crédits budgé- 
taires ou serait mal imputée. « Elle pourra seulement adresser 
des observations aux ministres et, s*il y a lieu, signaler aux 
Chambres le dépassement ou virement irrégulier de crédit, 
dans son rapport annuel ^ ». 

* Cf. supra, p. 397. 

« Article 23 de la loi du 45 mai 4846; article 88 de l'arrêté de 4868. — 
Cf. supra, p. 398. 
3 Articles 424 et 125 de rarrété de 4868. 

* Marge, pp. 45-46. 

3 Ibid,, p. 46. — C'est à raison de la nature fixe et invariable de ces 
dépenses et pour en assurer le paiement plus rapide qu'on les a dispensées 
du visa préalable (Exposé des motifs de la loi du 45 mai 1846). Jlais 



(447 ) 

Le contrôle de la régularité de l'ordonnance, au point de 
vue de son imputation comme de sa liquidation (s'il s'agit de 
charges nouvelles, par suite de changement de personnel, 
augmentation de traitements, etc., art. 88, arrêté de 1868), 
n'a donc lieu que postériement au paiement. Ce contrôle 
aposterio7i,ii s'exerce rapidement en ce qui concerne l'ordon- 
nancement comme en ce qui concerne la liquidation des 
dépenses, grâce à l'envoi mensuel des pièces acquittées ainsi 
que par l'envoi mensuel ou trimestriel des avis d'émissions 
des ordonnances et des états de mutation du personnel » 
(art. 88, arrêté de 1868) ^ 

L'article 15 de la loi du 29 octobre 1846 prévoit deux nou- 
velles exceptions à la règle du visa préalable. 

La justification de la créance, dit cet article, peut se faire 
postérieurement au visa : 

1® Lorsque la nature du service exige l'ouverture de crédits 
pour une dépense à faire. 

C'est le cas des dépenses sur crédits ouverts 2; 

i^ Lorsque l'exploitation d'un service administratif régi par 
économie nécessite des avances à l'agent comptable de ce 
service. 

C'est le cas des dépenses sur fonds avancés 3. 



comme ces dépenses sont relatives au personnel et que rexpérience 
atteste que c'est pour cette catégorie de dépenses que les ministres sont 
le plus souvent tentés de faire des virements irréguliers de crédit, on 
peut regretter cette exception (Marge, p. 47). Aussi la section centrale 
avait-elle proposé une modification à Tarticle 19 du projet de loi (devenu 
art. 23 de la loi du 15 mai 1846), de manière à maintenir dans une cer- 
taine mesure « le principe salutaire du visa préalable ». {Rapport de la 
section centrale.) Mais Tarticle 23 fut voté par les Chambres dans la 
rédaction de l'article 19 du projet de loi, qui dispensait les dépenses 
fixes de tout contrôle préalable. 

* Itfid., p. 47. 

« Cf. supra, p. 399. 

5 Cf. supra, p. 402. • . 



( 448 ) 

Les ordonnances d'ouverture de crédit sont soumises au 
visa de la Cour (art. 109, arrélé de 1868). Comme ces ordon- 
nances indiquent Tarticle du budget sur lequel elles sont 
imputées (art. 109), la Cour pourra, à Taide du livre d'inscrip- 
tion des crédits ouverts dont la loi impose la tenue (art. 109), 
vérifier l'exactitude de l'imputation de l'ordonnance in globo. 
Mais a elle ne saurait assurer le respect de l'imputation de 
chaque dépense, puisque c'est l'ordonnateur secondaire, 
l'intendant militaire, par exemple, qui l'ordonnance sous le 
contrôle de l'agent du trésor ^ ». 

Quant à la réalité, à la liquidation de la dette de l'État, la 
Cour ne pourra la contrôler préalablement. La justification de 
la créance se fait postérieurement au visa, il n'y a pas de 
justification préalable. <c Cette justification ultérieure de la 
dépense a paru nécessaire ici pour ne pas paralyser l'action du 
gouvernement et compromettre l'intérêt du service 2. » 

La procédure de régularisation des dépenses sur crédits 
ouverts est organisée par les articles 144 à 152 du règlement 
général de 1868. 

Quant aux ordonnances pour avances de fonds, elles s'im- 
putent immédiatement sur les crédits affectés aux dépenses 
qu'elles concernent (art. 114, arrêté de 1868). La Cour tient un 
livre d'inscription des fonds avancés, elle pourra donc suivre 
la disposition des crédits, en empêcher le dépassement et 
refuser son visa. 

Le contrôle préalable de la Cour subsiste donc quant à 
l'imputation des dépenses, mais dans une certaine mesure 
seulement, ce car la Cour ne pourra empêcher que les sommes 
avancées ne servent à payer des dépenses que ne devait pas 
supporter le chapitre sur lequel l'ordonnance de fonds est 
imputée. La Cour des Comptes belge, comme la Cour des 

* BL\RCÉ, p. 87. 

* Exposé des motifs du règlement d'ordre de la Cour des Comptes du 
19 février 1831. Hcyttens, IV, m 221, p. 410. * 



( 449 ) 

Comptes française, signalera dans son rapport annuel les 
interversions de crédits ou les dépenses sans crédit qu'elle 
n'aura pu empêcher i. » 

La justification de la créance sera postérieure au paie- 
ment et aucune nouvelle avance, dans la limite fixée de 
20,000 francs, ne pourra être faite si toutes les pièces justi- 
ficatives de l'avance précédente n'ont été envoyées à la Cour 
dans le délai de quatre mois (art. 15, loi du 29 octobre 1846; 
art. 113, arrêté de 1868). 

C'est pourquoi le Cour surveille de près l'état des avances. 
Elle tient un livre des comptables extraordinaires et fait le 
relevé de ceux qui sont en retard de justifier l'emploi de leurs 
avances. 

ce Tous les quatre mois, le conseiller faisant fonction de 
ministère public nous remet un état présentant la situation 
des fonds avancés à charge du budget, et quand nous voyons 
par ce relevé que des avances sont en retard de justification 
dans les délais prescrits, nous provoquons des explications à 
cet égard, nous réservant, pour les cas où celles-ci ne seraient 
point satisfaisantes, de mettre les comptables en demeure de 
nous fournir leurs comptes ou de reverser dans les caisses du 
trésor les sommes restées sans emploi entre leurs mains 2. » 

Enfin, les dépenses payées par les comptables, sauf régula- 
risation ultérieure par la Cour des Comptes (art. 16, arrêté de 
1868) sont, de même que les dépenses fixes, affranchies du 
contrôle préventif et soumises seulement à un contrôle posté- 
rieur à la réalisation des opérations comptables 3. 

Les exceptions à la règle du contrôle préventif que nous 
venons de passer en revue sont importantes, puisque, d'après 
les calculs de M. Marcé, un tiers du budget seulement, quant 
aux dépenses, serait contrôlé préventivement par la Cour. Les 

4 Marcé, p. 97. 

^ Observations de la Cour de i885 sur Vexercice 48S3, p. 48, cité par 
Marge, p. 99. 
3 Marge, p. 100. 

Tome LXVL 29 



(450) 

deux tiers- des dépenses échapperaient donc soit totalement, 
soit partiellement au contrôle préventif ^. 

Le système du visa préalable de la Cour des Comptes ne 
réalise peut-être pas complètement l'idéal d'un contrôle pré- 
ventif absolu et inflexible. Il ne le pourrait qu'à la condition 
d'empêcher la marche normale et régulière des services 
publics. 

Si le contrôle modéré de la Cour des Comptes belge pré- 
sente certaines lacunes et prête le flanc à des critiques, la 
forme plus accentuée et plus exagérée du contrôle préventif 
italien, qui a été modelé sur le système belge, est loin d'être 
à l'abri de tout reproche 2. 

Tout bien considéré, on peut affirmer que le régime du visa 
préalable fonctionne en Belgique d'une manière très satisfai- 
sante. 

C'est la conclusion de la belle étude que M. Marcé lui a 
consacrée 3 : « La part faite aux critiques que nous avons for- 
mulées, dit-il, il faut reconnaître, en définitive, que le système 
de contrôle préventif adopté en Belgique fonctionne d'une 
façon satisfaisante. A la suite de transactions réciproques, 
grâce aux exceptions très larges que le système belge comporte 
légalement, grâce aussi aux tempéraments de fait qui en sont 
le corollaire, il s'est établi un modm vivendi qui permet de 
penser que ce système approprié au milieu dans lequel il est 
mis en œuvre, laisse aujourd'hui à l'administration, malgré la 
gêne qu'il lui impose, une liberté suffisante au cours de l'exécu- 
tion du budget ». 

B. — Le contrôle judiciaire des comptables. 

La Cour arrête les comptes des différentes administrations de 
l'État et est chargée de recueillir, à cet effet, tous renseigne- 

* Marge, p. 62 et tableau : p. 160. 

* Cf. Marge : La Cour des Comptes italienne, — Annales de V École libre 
des sciences politiques, 1890, pp. 268 et suiv., 446 et suiv., 718 et suiv. 

' Loc. dt., p. 163. 



(451 ) 

ments et toutes pièces comptables (art. 116, Constitution ; 
art. 8, § 3, loi du 29 octobre 1846). Elle a le droit de se faire 
fournir tous états, renseignements et éclaircissements relatifs à 
la recette et à la dépense des deniers de l'État et des provinces. 
A cet effet aussi, la Cour correspond directement avec les 
diverses administrations générales; elle correspond de même 
avec les députations permanentes des conseils provinciaux 
pour la comptabilité des provinces, et avec les comptables 
pour ce qui concerne la reddition de leurs comptes (art. 5, § 4, 
art. 6, loi du 29 octobre 1846). 

Les articles 42 et suivants de l'arrêté de 1868 et 49 à 52 de 
la loi du 15 mai 1846 imposent, en effet, nous l'avons dit, aux 
comptables l'obligation de rendre compte de leur gestion à la 
Cour des Comptes avant le l" mars de chaque année. 

La Cour a le droit de prononcer contre les comptables 
retardataires, entendus ou dûment appelés, une amende qui 
n'excède pas la moitié de leurs traitements, remises ou indem- 
nités. Elle peut aussi provoquer, le cas échéant, leur destitution 
ou suspension. 

Quant h ceux qui ne jouissent ni de traitements ni de 
remises ou indemnités, la Cour peut prononcer à leur charge 
une amende qui n'excède pas 2,000 francs. 

Le tout sans préjudice du droit qu'elle a de prescrire la 
reddition d'oflSce du compte de tout comptable interpellé, qui 
ne Ta point rendu dans le délai fixé (art. 8, loi du 29 octobre 
1846; art. 46, 52, arrêté de 1868). 

Toute condamnation à des amendes est prononcée sur le 
réquisitoire du plus jeune des conseillers, faisant fonctions de 
ministère public (art. 9, loi du 29 octobre 1846). 

Dans les cas exceptionnels, tels que démissions, décès, 
déficit des comptables, la Cour fixe les délais dans lesquels 
leurs comptes doivent être déposés à son greffe, sans préju- 
dice de toutes les mesures d'ordre et de surveillance qui sont 
prescrites par les chefs d'administration (art. 7, loi du 29 oc- 
tobre 1846). 

Les comptes de gestion annuelle ou personnelle des comp- 



(452) 

tables sont arrêtés par la Cour. Celle-ci, chargée d'un pouvoir 
juridictionnel, prononce de véritables arrêts définitifs et 
exécutoires sur la gestion des comptables. 

L'article 4 de la loi du S9 octobre 1846 exige la présence de 
la majorité des membres de la Cour pour arrêter ou clore les 
comptes. Les comptes sont clos et arrêtés en assemblée géné- 
rale de la Cour, sur le rapport de la section de comptabilité 
(art. 3, al. 2, règlement d'ordre). 

Les articles 10 à 13 de la loi du 29 octobre 1846 organisent 
les attributions juridictionnelles de la Cour ^. 

La Cour règle et apure les comptes de TÉtat et des pro- 
vinces. Elle établit par des arrêts définitifs si les comptables 
sont quittes, en avance ou en débet. 

Dans les deux premiers cas, elle prononce leur décharge 
définitive et ordonne la restitution des cautionnements, et, s'il 
y a lieu, la mainlevée des oppositions et la radiation des 
inscriptions hypothécaires existant sur leurs biens, à raison de 
leur gestion 2. 

Dans le troisième cas, elle les condamnée solder leur débet 
au trésor, dans le délai qu'elle prescrit. 

Dans tous les cas, une expéditioti de ses arrêts est adressée, 
pour exécution, au ministre des finances, si le compte inté- 
resse le trésor public, et à la députation permanente du conseil 
provincial si le compte concerne les deniers provinciaux. 

Trois ans après la cessation de ses fonctions, le comptable 
aura une décharge définitive, s'il n'a été autrement statué par 
la Cour des Comptes (art. 10). 

Cependant, nonobstant un arrêt qui a définitivement jugé 
un compte, la Cour peut, dans le même délai de trois ans à 
partir de la date de l'arrêt, procéder à la revision soit sur la 

* Pour les détails de la procédure, cf. Mârcé, pp. 104 el suiv. — 
Cf. aussi : Giron, Dictionnaire de droit administratif. V» Cour des 
Comptes, n» 10, 1. 1, p. 256. 

* Toutes les demandes en main-levée, etc., doivent être communiquées 
au ministère public avant qu'il y soit statué (art. 20, règlement d'ordre). 



(433) 

demande du comptable, appuyée de pièces justificatives 
recouvrées depuis l'arrêt, soit d'office pour erreur, omissions 
ou double emploi reconnu par la vérification d'autres 
comptes. 

Il y aura lieu, même après le délai de trois ans, à la revi- 
sion de tout compte qui aurait été arrêté sur la production de 
pièces reconnues fausses (art. 11). 

Si, dans l'examen des comptes, la Cour trouve des faux ou 
des concussions, il en est rendu compte au ministre des 
finances et référé au ministre de la justice, qui font pour- 
suivre les auteurs devant les tribunaux ordinaires (art. 12). 

Les arrêts de la Cour contre les comptables sont exécu- 
toires. Ils peuvent être déférés à la Cour de cassation pour 
violation des formes ou de la loi. Dans le cas où un comp- 
table se croit fondé à attaquer un arrêt pour violation des 
formes ou de la loi, il doit se pourvoir dans les trois mois pour 
tout délai à compter de la notification de l'arrêt. Le pourvoi 
est jugé sur requête et sans plaidoirie. 

Si l'arrêt est cassé, l'affaire est renvoyée à une commission 
ac hoc^ formée dans le sein de la Chambre des représentants, 
et jugeant sans recours ultérieur, selon les formes établies par 
la Cour des Comptes (art. 13). 

Cette dernière disposition marque nettement le caractère de 
la Cour des Comptes, qui n'est au fond qu'une « commission 
parlementaire » puisque, même en matière juridictionnelle, 
c'est la Chambre des représentants qui juge en dernier ressort 
les comptes des comptables. 



C. — Le contrôle de la dette publique. 

En vertu de l'article 16 de la loi du 29 octobre 1846, un 
double du grand-livre de la dette publique est déposé à la 
Cour des Comptes. 

La Cour veille à ce que les transferts et les remboursements 



( 454 ) 

ainsi que les nouveaux emprunts y soient exactement inscrits; 
elle veille également à ce que tout comptable fournisse le cau- 
tionnement affecté à la garantie de sa gestion. A cet effet, elle 
reçoit des diverses administrations générales l'état indicatif 
des cautionnements de tous les comptables, à quelque titre que 
ce soit. 

Le même article 16 dispose encore que toutes les obligations 
d'emprunt ou de conversion et les certificats de cautionne- 
ments, n'auront de force qu'autant qu'ils soient revêtus du 
visa de la Cour des Comptes. 

c( Afin de se conformer à ces prescriptions, le ministre des 
finances transmet régulièrement à cette administration (la 
Cour), par semestre, et par emprunt ou catégorie de dette, avec 
les pièces justificatives à l'appui, les certificats de transferts et 
un relevé des inscriptions nouvelles; et chaque fois qu'un 
emprunt est voté ou une conversion décrétée, le ministre 
des finances présente au visa des titres ou obligations à con- 
currence du capital nominal ou effectif de l'emprunt nou- 
veau ou du capital nominal restant à amortir de l'emprunt 
converti. 

» Des annotations sont faites en conséquence dans le double 
du grand-livre; ce double doit toujours être en parfaite con- 
cordance avec celui qui est ouvert au département des 
finances. 

» Les fonds nécessaires au paiement des intérêts de la dette 
publique, de même que les fonds affectés au remboursement 
des emprunts ou dettes, augmentés des intérêts afférents aux 
capitaux amortis, sont mis à la disposition de qui de droit à 
l'aide d'ordonnances de paiement créées par le département 
des finances et liquidées préalablement par la Cour des 
Comptes. 

» L'emploi en est justifié ultérieurement, savoir : 

» Ceux destinés au paiement des intérêts, par les quittances 
de rentes nominatives et les coupons échus détachés des 
obligations au porteur; et ceux affectés au remboursement 




( 455 ) 

des emprunts, par les bordereaux des agents de change 
chargés des rachats à la Bourse. 

» Les intérêts dont le paiement n'est pas réclamé dans le 
délai de cinq ans sont prescrits au profit du trésor, conformé- 
ment à l'article 2277 du Code civil, et renseignés dans les 
comptes généraux de l'État comme recette accidentelle ^. » 

Enfin, toujours d'après l'article 16, la Cour tient un livre 
des prêts remboursables, faits en vertu des lois sur les alloca- 
tions des budgets au commerce, à l'industrie, à l'agriculture 
ou h toute autre partie prenante. Elle veille à ce que ces prêts 
soient renseignés exactement dans les comptes des comptables 
et dans le compte général de l'État. 

Quant aux bons du trésor, nous avons déjà signalé plus 
haut ^ que chaque émission était soumise au visa préalable de 
la Cour. Les bons sont à double talon, dont l'un demeure à 
la Cour 3. 

D. — Le contrôle des pensions. 

(Art. 17, loi du 29 octobre 1846; art. 76 à 83 du 
règlement général de 1868.) 

Le premier terme d'une pension nouvellement conférée est 
payé au moyem d'une ordonnance à viser préalablement par la 
Cour des Comptes. 

Cette ordonnance, à former par le département que la chose 
concerne, ne comprend que les arrérages dus à partir du jour 
où la pension commence à courir jusqu'à l'expiration du 
trimestre pendant lequel le droit a pris naissance, de manière 
que les arrérages ultérieurs coïncident avec le commencement 
de chaque trimestre. 

* LÉON Demarteau, Histoire de la dette publique belge, p. 383. (Extrait 
des Mém. cour, de l'Académie royale de Belgique, 1885, in4<>, t. XLVIU. 
Bruxelles, Hayez.) 

2 Cf. supra, p. 330, note 5. 

5 Marge, p. 115. 



(486) 

Elle est appuyée de toutes les pièces qui ont servi de base à 
la reconnaissance des droits du pensionné et à la fixation de 
la pension. 

Ce n'est qu'après le visa de l'ordonnance par la Cour que 
l'inscription définitive au livre des pensions et la délivrance du 
brevet ont lieu (art. 79-80-81). 

Le visa de la Cour est donné par elle, conformément aux 
prescriptions de l'article 14 de la loi du 29 octobre 1846, c'est- 
à-dire que les brevets de pension sont soumis à un contrôle 
préventif énergique de la Cour des Comptes. Si la Cour refuse 
son visa, le Conseil des ministres peut passer outre (art. 17, 
loi du 29 octobre 1846). 

Ce contrôle préalable des pensions a été introduit dans la 
loi malgré le gouvernement, sur la proposition du rapporteur 
de la section centrale, H. de Man d*Âttenrode. 

Quant aux arrérages des pensions : il est tenu, au départe- 
ment des finances et à la Cour des comptes, un livre des 
pensions conférées et un livre des extinctions. Ces livres sont 
continués sans interruption ni interligne. Ils sont arrêtés 
à l'expiration de chaque trimestre, afin de permettre d'établir, 
à cette époque, le décompte du montant des pensions à servir 
(art. 76). 

Ce décompte, qui est envoyé à la Cour, sert à la fois de base 
au contrôle et à la formation des ordonnances collectives de 
paiement des termes échus, ainsi qu'aux enregistrements à faire 
par elle à charge des allocations du budget (art. 77). 

Les pensions dont le paiement est momentanément suspendu 
sont portées dans le décompte. Lorsque les causes qui s'oppo- 
saient au paiement sont levées, il est formé, au profit des 
intéressés, des ordonnances collectives spéciales. Il en est 
donné connaissance à la Cour, afin qu'elle puisse en charger 
les crédits du budget. 

La même marche est suivie à l'égard de tous les paiements 
à faire successivement pour un même trimestre (art. 78). 

A l'expiration de chaque trimestre, il est transmis à la Cour 
des Comptes une copie du livre des extinctions, afin que la 
transcription en soit faite dans son livre (art. 83). 



(457) 

CHAPITRE ni. 
IjO contrôle législatif des ordonnateurs. 

§ 1. — Compte général et états de situation a fournir 
par les ministres. 

(Art. 42 à 48, loi du 15 mai 1846; art. 182 à 184, arrêté de 1868). 

La loi de comptabilité oblige les ministres à dresser chaque 
année des comptes et des états de situation destinés à éclairer 
le Parlement sur l'exécution du budget, en vue du règlement 
définitif de celui-ci par la loi des comptes. 

A. — Le Compte général de F administration des finances est 
rendu chaque année par le ministre des finances, dans les 
conditions établies par les articles 42 et 43 de la loi du 
15 mai 1846. Ce compte annuel comprend toutes les opérations 
relatives au recouvrement et à l'emploi des deniers publics, et 
présente la situation de tous les services de recette et de 
dépense au commencement et à la fin de Tannée. 

Les comptes de chaque exercice doivent toujours être établis 
d'une manière uniforme, avec les mêmes distributions que les 
budgets dudit exercice, sauf les dépenses pour ordre qui n'y 
auraient pas été mentionnées, et pour lesquelles il est fait des 
articles ou chapitres additionnels et séparés (art. 42). 

Dans le premier trimestre de chaque année, le ministre des 
finances communique aux Chambres et transmet à la Cour des 
Comptes le compte général des finances, comprenant l'exercice 
clos et la situation provisoire de l'exercice suivant, avec les 
documents à l'appui (art. 43, al. 1). 

Le compte général pour Tannée 1900 a été déposé par le 
ministre des finances sur le bureau de la Chambre le 12 fé- 
vrier 1902 1. 

* Dor, pari, n«»64. 



( 458 ) 

Il est divisé en quatre parties i : 

La première partie, intitulée : Compte des opérations de 
Vadministraiion des finances pendant Vannée 1900, contient 
l'exposé sommaire de tous les faits de la gestion annuelle de 
cette administration, en ce qui concerne les services des bud- 
gets et de la trésorerie. 

Les trois autres parties constituent les comptes de dévelop- 
pement exigés par l'article 43, alinéas 2 et suivants. 

i* Compte des budgets, qui expose : (1«) par année, par exer- 
cice, par branche de revenu et par nature de perception, les 
droits constatés à la charge des redevables de l'État, les 
recouvrements effectués sur ces droits et les recouvrements 
restant à faire ; et (2*) par année, par exercice, par ministère et 
par article, les droits constatés au profit des créanciers de 
l'État, les paiements effectués et les paiements restant à faire 
pour solder les dépenses. 

Il établit, de plus, la comparaison, quant aux recettes, entre 
les évaluations, les droits à la charge des redevables de l'État et 
les recouvrements opérés sur ces droits; et quant aux 
dépenses, entre les crédits ouverts, les droits au profit des 
créanciers de l'État et les paiements effectués. 

Le compte des budgets se divise lui-même en trois sections : 

a. Le Compte définitif du budget de V exercice 1899, présen- 
tant la situation de ce budget au 31 octobre 1900, époque de sa 
clôture ; 

b. Le Compte provisoire du budget de V exercice 1900, établis- 
sant la situation de ce budget, telle qu'elle résulte de faits 
accomplis jusqu'au 31 décembre de l'année, et de ceux qui se 
réaliseront jusqu'au 31 octobre 1901 ; 

c. Le Compte des opérations sur les exercices clos, compre- 
nant le compte d'apurement de l'exercice 1895 et la situation 
des ordonnances restant à payer sur les exercices 1896 à 1899. 

2° Compte de trésorerie, faisant connaître les mouvements de 
fonds qui ont eu lieu pour les divers services de l'administra- 

* Note préliminaire, pp. 1-2. 



L 



( 459 ) 

tion des finances, et établissant le bilan de cette administra- 
tion. Il retrace la situation de l'actif et du passif au l®*" jan- 
vier 1900, et indique les recettes et les paiements effectués 
pendant l'année 1900, les modifications que ces faits ont 
apportées à cette première situation, ainsi que la situation 
nouvelle qui ressort au l®' janvier 1901. 

3*» Compte de divers services publics et spéciaux^ lequel 
expose la situation au commencement et k la fin de l'année 
1900, de même que le mouvement durant cette période, des 
différentes parties de la dette publique, des pensions de toute 
catégorie et des rentes viagères. 

Quant aux opérations de la Caisse d* amortissement et de la 
Caisse des dépôts et consignations, elles font l'objet d'un exposé 
annuel distinct, qui est présenté aux Chambres législatives 
conformément à l'article 16 de la loi du 15 novembre 1847. 

Les diverses parties du compte général sont, du reste, pré- 
cédées de notes explicatives qui en résument les résultats et qui 
sont surtout destinées à faciliter l'intelligence des tableaux. 

Afin de servir d'éléments pour la vérification du compte 
général de l'État (art. 184, arrêté de 1868), les chefs des dépar- 
tements ministériels remettent à la Cour des Comptes : 

1* Un tableau détaillé des propriétés et rentes de TÉtat; 

Î2« Des expéditions des procès- verbaux d'adjudication de 
barrières, des coupes de bois, loyers de propriétés, ventes de 
récoltes, d'objets mobiliers et autres titres analogues; 

3'' Des extraits du montant des rôles des impôts directs, 
indiquant les quotités par province et par commune ; 

4® Et généralement tous les autres documents de nature à 
constater un droit acquis à l'État (art. 48). 

La Cour des Comptes reçoit le compte général des finances 
dans le premier trimestre de chaque année (art. 43). Elle l'exa- 
mine, le vérifie et le soumet à la Législature, avec ses obser- 
vations (art. 116 de la Constitution) dans le mois qui suit 
Touverture de la session ordinaire des Chambres (art. 33, al. 2). 

Les observations de la Cour font l'objet d'une publication 
séparée. Le cahier d'observations est divisé en deux parties^ 



(460) 

La première partie contient l'exposé de quelques faits de 
comptabilité dont la légalité ou la régularité ont donné lieu 
à des contestations, a Comme il est aisé de le comprendre, 
cet exposé ne représente qu'une minime partie des questions 
que soulève l'examen du nombre toujours croissant des 
dépenses sur lesquelles la Cour est appelée à exercer son 
contrôle*. » 

La seconde partie est entièrement consacrée au compte 
général de l'administration des finances. 

B. — Chaque année aussi, le ministre des finances dépose 
la Sittuition générale du trésor public. 

Ce document se compose d'un exposé et d'une série 
d'annexés. La situation au l*^** janvier 1902 a été présentée 
aux Chambres législatives le 6 mars 1902 3. 

L'Exposé en est dressé dans l'ordre qui a été adopté pour les 
situations antérieures. 

\^ 11 fait connaître les résultats des exercices clos de 4899 et 
de 4900, les résultats probables de t exercice 4904, et les résul- 
tats généraux des exercices 4830 à 4904 ; 

i^ 11 présente la comparaison entre les engagements du trésor 
au 4^' janvier 4902 et les ressources destinées à les couvrir; 

S"" Il indique enfin la situation de la dette publique au 4^' jan- 
vier 4902. 

Les Annexes comprennent : 

I. Compte des recettes et des dépenses à la clôture de l'exer- 
cice 1900. 

II. Compte des recettes de l'exercice 1901 au !«' janvier 1902. 

* Cf. Introduction du dernier cahier : Observations de la Cour des 
Comptes soumises à la Législature avec le compte général de l'administra^ 
tion des finances rendu pour Vannée 4900 et comprenant le compte définitif 
de Vexercice 4899. (Ch. des Représ., sess. de 1901-1902, Doc. pari., n^ 27.) 

* Situation générale du trésor public au i^ janvier 4902, déposée par 
M. le Ministre des finances et des travaux publies. (Gb. des Représ., 
séance du 6 mars 1902, Doc. pari., n» 73.^ 



(461 ) 

III. Compte des dépenses sur ressources extraordinaires 
rattachées à l'exercice 1901. 

IV. Résultats des budgets des exercices clos de 1830 à 1899 
inclusivement (ancien V). 

V. Aperçu des recettes et des dépenses extraordinaires com- 
prises dans les résultats des budgets tant ordinaires qu'extra- 
ordinaires des exercices 1830 à 1901 inclusivement (ancien IV). 

VI. Aperçu général de la dette constituée, des rentes sans 
expression décapitai et des annuités dues par l'État. 

VII. État présentant la situation, au 31 décembre 1901, des 
dettes et emprunts contractés depuis 1830, le capital éteint par 
suite d'amortissement, de remboursement, d'annulation ou de 
conversion, ainsi que le capital restant en circulation. 

C. — Comptes des ministres, — Les ministres présentent, 
à chaque session, des comptes imprimés de leurs opérations 
pendant l'année précédente (art. 44). 

Les comptes que les ministres doivent publier développent 
les opérations qui ne sont que sommairement exposées dans 
le compte général de l'administration des tinances. 

Ils se composent : 

1"" D*un tableau général présentant, par chapitres et par 
articles législatifs, tous les résultats de la situation définitive de 
l'exercice expiré qui servent de base à la loi proposée aux 
Chambres pour le règlement dudit exercice; 

2* De développements destinés à expliquer, avec tous les 
détails propres à chaque nature de service, selon l'ordre des 
articles et des littera du budget, les dépenses constatées, 
liquidées et ordonnancées à l'époque de la clôture de l'exer- 
cice ^ (art. 45). 

Les budgets des départements ministériels et leurs dévelop- 
pements servent de base à l'établissement des comptes à 
publier par les ministres, en exécution des articles 44 et 45. 

* Cf. Exercice 1899. Comptes rendus par les ministres, en exécution des 
articles 44 et 45 de la loi du 15 mai 4846 sur la comptabilité de VÈtat. 
Bruxelles, imprimerie Van Assche et C»*, 1902. 



(464) 

il est procédé à la formation de ces comptes après que les 
derniers états de situation, dont il est parlé aux articles 130 
et 132, ont été reconnus exacts. 

Les faits accomplis sont comparés avec les évaluations com- 
prises dans les états de développement, en regard des littera 
des budgets ; les différences sont expliquées dans les colonnes 
réservées à cet effet. 

Tous les autres renseignements utiles à l'appréciation des 
dépenses y sont également consignés (art. 183, arrêté de 1868). 

D. — Chaque département ministériel fournit annuelle- 
ment aux deux Chambres législatives un état sommaire de 
toutes les adjudications, de tous les contrats et marchés de 
20,000 francs et au-dessus, passés dans le courant de l'année 
échue. 

Les adjudications, contrats et marchés inférieurs à cette 
somme, mais qui s'élèveraient ensemble, pour des objets de 
même nature, à 20,000 francs et au-dessus, sont portés sur le 
dit état. 

De plus, un état des marchés faits de gré à gré, dépassant 
4,000 francs dans les termes des exceptions autorisées par 
l'article 22, et accompagné des motifs de ces marchés. 

Ces états indiquent le nom et le domicile des parties con- 
tractantes, la durée et les principales conditions du contrat 
(art. 46). 

E. — L'article 47 est relatif à l'inventaire du mobilier 
fourni par l'État^. 



§ 2. — Le règlement définitif du budget par la loi des comptes. 
— La responsabilité civile des ministres. 

L'article 115 de la Constitution, en prescrivant le vote annuel 
du budget, dispose en même temps que « chaque année, les 
Chambre arrêtent la loi des comptes ». 

* Cf. supra, p. 352. 



463 ) 

Cette loi est soumise aux Chambres dans la même forme et 
dans le même cadre que la loi du budget (art. 25, loi de 1846). 

Elle a pour objet le règlement définitif du budget. 

«L'examen du règlement définitif du budget annuel com- 
plète l'intervention des Chambres dans le budget de TÉtat. 
Pour que cette intervention soit efficace, il ne suffit pas, en 
effet, que les Chambres votent chaque année le budget. 

» Voter le budget, c'est, d'une part, déterminer, en les 
limitant article par article, les crédits qui sont ouverts au 
gouvernement pour l'exécution des services répartis entre les 
divers départements ministériels; c'est, d'autre part, déter- 
miner les voies et moyens à l'aide desquels le gouvernement 
se procurera les ressources destinées à couvrir ces crédits ; en 
un mot, voter le budget, c'est autoriser la dépense et la 
recette. 

» Cela fait, la fonction des Chambres n'est pas achevée. Le 
gouvernement qui est tenu de se renfermer, pour la dépense, 
comme pour la recette, dans les limites tracées par la loi du 
budget, doit compte de sa gestion aux Chambres. 

» C'est à celles-ci qu'il appartient de vérifier et d'approuver 
annuellement ce compte, dont le projet de loi portant règle- 
ment définitif du budget n'est que le résumé et dont les 
détails sont annexés à ce projet de loi. En discutant et en 
approuvant ce règlement, les Chambres discutent et approuvent 
la gestion des ministres qui, au cours de l'exercice auquel 
le budget se rapporte, ont eu le maniement des affaires de 
l'Etat 4. » 

C'est donc au moment du vote de la loi des comptes que 
s'exerce le contrôle législatif des ordonnateurs. Le vote de 
cette loi vaut décharge pour les ministres et approbation de 
leur gestion. 

La présentation du projet de loi spécial pour le règlement 

* Rapport de M. Demeur, au nom de la Commission permanente des 
finances, sur le règlement définitif du budget de 1876,. p. 2. (Ch. des 
Représ., sess. de 1879-1880, séance du 7 mai 48801, Doc. pari., n» 178.) 



(464 ) 

définitif du budget du dernier exercice clos et arrêté a lieu 
dans le mois qui suit l'ouverture de la session ordinaire des 
Chambres (art. 33, al. 1). 

Des doutes pourraient surgir sur l'interprétation de cette 
disposition. On peut se demander, par exemple, si le projet de 
loi pour le règlement définitif du budget de 1900, qui a été clos 
le 31 octobre 1901, doit être présenté dans le mois qui suit le 
second mardi de novembre 1901. 

La négative est certaine. Il résulte, en effet, de la discussion 
de l'article 33, que le règlement définitif qui doit être soumis 
aux Chambres dans le mois qui suit l'ouverture de la session, 
est celui du budget dont l'exercice a été clos le 31 octobre de 
l'année qui précède l'ouverture de la session. 

Dans l'espèce que nous avons prise comme exemple, le 
règlement définitif qui doit être soumis aux Chambres dans le 
mois qui suit le second mardi de novembre 1901 est donc 
celui du budget de 1899, clos le 31 octobre 1900, et non celui 
du budget de 1900. 

C'est pour affirmer cette interprétation que Ion a ajouté au 
texte primitif de l'article 33 (art. 32 du projet), après les mots 
« du dernier exercice clos », ceux-ci « et arrêté » i. 

La loi qui règle définitivement le budget annuel de l'État a 
pour objet 2 ; 

L — La fixation des dépenses de l'exercice, c'est-à-dire la 
somme des droits constatés et ordonnancés à charge de l'Etat, 
qui se compose du total des paiements effectués et justifiés et 
des paiements restant à effectuer ou à justifier; 

11. — La fixation des crédits, c'est-à-dire la somme des crédits 
ouverts par la Législature et de ceux restant à ouvrir (crédits 
complémentaires) pour couvrir les dépenses — de ceux non 
employés et qui doivent être annulés — et de ceux qui doivent 
être transférés à l'exercice suivant; 

* Cf. Cb. des Représ., séance du 4 mars 1846. 

^ Cf. Projet de loi contenant le règlement définitif du budget de 
l'exercice 1898. (Ch. des Représ., séance du 10 décembre 1901, Doc. 
pari., no 28, pp. 3-11,) 






(468 ) 

ÎII. — La fixation des recettes, qui comprend la somme des 
droits et produits constatés au profit de l'État, la somme des 
recouvrements effectués et de ceux restant à eflFectuer ; 

IV. — La fixation du résultat général du budget, résultat qui 
s'obtient par la comparaison de l'ensemble des recouvrements 
effectués avec Tensembie des dépenses dont les paiements sont 
justifiés ou à justifier et qui aboutit à la constatation d'un boni 
ou d'un déficit. 

Le projet de loi sur le règlement de chaque exercice est suivi, 
à titre d'annexé, du tableau du budget clos, lequel fait con- 
naître ^ : 

Pour la recette : les évaluations ; 

Les droits constatés sur les contributions et revenus publics ; 

Les recouvrements eflFectués ; 

Les produits restant à recouvrer. 

Des développements applicables à l'exercice expiré et for- 
mant une partie spéciale du compte de l'administration des 
finances font connaître sur chaque branche de service les 
valeurs, matières ou quantités qui ont été soumises à l'appli- 
cation des tarifs, et qui ont déterminé le montant des droits 
perçus par le trésor public 2. 

Pour la dépense : Les crédits ouverts par la loi ; 

Les droits acquis aux créanciers de l'État; 

Les paiements effectués ; 

Les dépenses restant à payer (art. 26). 

De même que la loi du budget, la loi des comptes doit être 
votée d'abord parla Chambre des représentants (art. 27, al. 2 
de la Constitution). Cette loi suit au Parlement la procédure 
des lois ordinaires. 

Il est à remarquer cependant qu'à la Chambre, le projet de 



^ Cf. pour le règlement définitif du budget de 1898 : Projet de loi cité, 
pp. 42-105. 
* Cf. ces développements : Projet de loi cité, pp. 407 et suiv. 

Tome LXVI. . : 30 



( 466 ) 

loi portant règlement définitif d*un budget ne passe pas par les 
sections et la section centrale, mais est soumis à Texamen 
préalal^le de la commission permanente des finances et des 
comptes, constituée d'après les prescriptions des articles 59 et 
suivants du règlement de la Chambre. 

Au Sénat, c'est la commission des finances qui est compé- 
tente pour l'examen du projet de loi des comptes (art. 50, 
Règlement du Sénat). 

Ces commissions, tant à la Chambre qu'au Sénat, mènent 
très rapidement leur travail. Elles se contentent le plus géné- 
ralement d'une analyse sommaire des résultats de l'exercice, 
dont elles proposent purement et simplement le règlement 
définitif. 

En séance plénière des Chambres, le projet de loi, en règle 
générale, ne donne lieu à aucune discussion, ce Le vote de ce 
projet de loi, toujours unanime et silencieux, n'est en quelque 
sorte qu'une formalité, précédée uniquement de la publication 
du rapport de la commission des finances qui le plus souvent 
se borne à l'analyse des résultats de l'exercice dont le budget 
est à régler *. Cela tient, sans doute, en grande partie à VexceU 
lence de Vinstitution de la Cour des Comptes et au soin avec lequel 
cette Cour accomplit la tâche qui lui est dévolue par la Consti- 
tution. 

» Mais — selon la remarque très juste de M. Demeur — en 
disposant, en même^temps qu'elle institue la Cour des comptes, 



1 « En fait, les commissions chargées d'examiner la loi des comptes 
et le Parlement laissent àfla Cour des Comptes le soin d'épuiser le débat 
avec les ministres et de donner suite à ses observations. Les rapports 
des commissions n'examinent pas les diverses questions relevées par la 
Cour des Comptes et se contentent de constater que les résultats du 
compte définitif du budget de l'exercice dont il s'agit ont été, après 
examen, admis par la Cour des .Comptes, tels qu'ils ont été établis par 
le département des finances. 

» Le Parlement donne purement et simplement à ces résultats la 
sanction législative qui lui est demandée par ses commissions. » (Marge, 
toc. cit., p. 143.) 



(467 ) 

que les Chambres arrêtent chaque année la loi des comptes, la 
Constitution impose aux Chambres l'obligation de se livrer à 
l'examen de cette loi, comme de toute autre. 

» Il n'est pas téméraire de supposer qu'elles trouveraient, 
dans l'examen annuel et méthodique des faits constatés par le 
règlement définitif du budget et en mettant ces faits en regard 
du budget primitivement voté, la matière de justes critiques, 
d'améliorations à réaliser, des enseignements utiles pour 
l'avenir ^. » 

Malgré cette absence de discussion, la loi des comptes est 
toujours votée avec de grands retards et le règlement définitif 
des budgets ne se fait pas dans les délais prescrits par la loi et 
les règlements. 

Cela tient en partie à l'incurie des Chambres, en partie aussi 
aux retards apportés à la présentation des comptes par le 
gouvernement. 

Incurie des Chambres, car celles-ci ne se hâtent pas de 
discuter et de voter les projets de loi déposés. Pour ne citer 
que des exemples récents : le projet de règlement du budget 
de 1895, déposé le 15 novembre 1898, n'a été sanctionné que 
le 3 août 1901 ; le règlement du budget de 1896, dont le projet 
a été déposé le 20 février 1901, a été sanctionné par la loi du 
2 août 1901 ; les règlements définitifs des budgets de 1897 et 
de 1898, dont le projet avait été déposé le 10 décembre 1901, 
ont été votés sans discussion le 8 juillet 1903. 

D'autre part, les projets de loi des comptes ne sont pas 
déposés dans les délais voulus. L'article 33 de la loi de 1846 
est fréquemment violé. 

Le projet de règlement définitif de l'exercice 1898, par 
exemple, aurait dû être déposé vers le 15 décembre 1900, il n'a 
été présenté que le 10 décembre 1901; le projet relatif à l'exer- 
cice 1896 n'a été déposé que le 20 février 1901 au lieu de l'être 
à la mi-décembre 1898 ; le projet relatif à l'exercice 1895 ne l'a 
été que le 15 novembre 1898, au lieu de décembre 1897, etc. 

* Demeur, loc. ciL 



(468 ) 

Dans les trente dernières années, il a fallu une moyenne de 
deux ans et demi pour le règlement définitif des budgets ^ 
(depuis la clôture définitive de l'exercice jusqu'à la date de la 
loi des comptes). Auparavant, les délais étaient plus longs 
encore : ils s'élevaient à trois, quatre, cinq, six, dix et même 
douze années : le budget de 1881 n'a été réglé définitivement 
que par la loi du 7 avril 1865 ^. 

En 1846 déjà M. Roger déplorait les retards apportés au 
règlement des comptes 3. « Quoique, disait-il, la Constitution 
nous impose l'obligation formelle d'arrêter les comptes chaque 
année, nous sommes de dix ans en arrière. En principe, nous 
devrions arrêter les comptes avant le budget 4; la première 
base d'un budget, c'est, en effet, le compte de l'exercice écoulé. 
Voilà par où nous devrions commencer. C'est ce que nous 
sommes bien loin de faire. Cela est déplorable. Il m'est arrivé 

* Alors que si l'on observait strictement les délais légaux, la loi des 
comptes pourrait être promulguée dix-huit mois après la clôture de 
Texercice. 

* Compte général de Tadministration des finances pour 1900, loc. cit., 
pp. 316-319. 

3 Discussion de la loi de comptabilité : Gh. des Représ., séance du 
26 février 1846. 

* L'article 75 du projet primitif de la Constitution (devenu art. 115) 
portait : a Chaque année les Chambres arrêtent la loi des comptes avant 
de voter le budget ». 

Cette rédaction avait été adoptée par toutes les sections, sauf la cin- 
quième qui proposait de remplacer les mots : avant de voter le budget, 
par ceux-ci : et votent le budget. La raison de ce changement était qu'il 
serait dangereux d'obliger absoiumenUes Chambres à l'examen préalable 
des comptes. La section centrale, appréciant ce motif, a adopté cette 
rédaction qui a passé dans le texte de la Constitution. (Hutttens, IV, 
no 61, p. 106.) Si celle-ci n'a pas imposé absolument le vote des comptes 
avant le vote du budget suivant, il semble bien cependant, d'après les 
travaux préparatoires, que les Constituants aient désiré un règlement de 
budget aussi expéditif que possible. 



( 469 ) 

à vingt reprises de signaler ce fait à la Chambre ; malgré mes 
efforts et ceux de plusieurs de mes honorables collègues, on 
n'est pas parvenu à plus de régularité ». 

Les inconvénients de cet état de choses, qui bien qu'amélioré 
depuis 1846 n'est pas encore satifaisant, ont été fréquemment 
signalés par la Cour des Comptes, dans les rapports des 
sections centrales et au Parlement i. 

M. Demeur les résumait en ces termes : « Il est impossible 
de méconnaître que, quand plusieurs années se sont écoulées, 
depuis que les fonds ont été reçus et dépensés, bien des faits 
auxquels les comptes se rapportent sont oubliés; il devient 
diflScile de mettre en regard les promesses et l'exécution 
qu'elles ont reçue ; souvent les ministres qui ont présenté la 
loi du budget et même ceux qui ont présidé à son exécution 
ont disparu ; le personnel des Chambres législatives s'est 
modifié; les comptes eux-mêmes ne présentent plus en quelque 
sorte qu'un intérêt historique. 

. » Dans ces conditions, on s'explique que le vote par lequel, 
en exécution de Farticle 115 de la Constitution, les Chambres 
arrêtent chaque année la loi des comptes, ne constitue en 
quelque sorte qu'une formalité. 

» Il est donc éminemment désirable que les règlements défi- 
nitifs des budgets soient soumis à l'approbation des Chambres 
plus promptement qu'ils ne l'ont été jusqu'à présent 2 ». 

Et s'il est difficile au ministre des finances, ainsi que la 
déclaration en a été faite plusieurs fois, de se conformer aux 
prescriptions de la loi, relative au délai de présentation du 
compte définitif, peut-être pourrait-on prendre en considéra- 
tion la proposition du rapporteur de la commission perma- 
nente des finances de 1880, qui était formulée de la manière 
suivante : 

* Cf. les extraits cités dans le rapport de M. Demeur sur le rèjçlemeni 
définitif du budget de 4876. (Ch. des Représ., sess. de 1879-4880, ùoc. 
/)oW., n« 478.) 

« lifidèm. 



( 470 ) 

c< Ainsi que le porte rarticle 43 de la loi de comptabilité, le 
compte général deg finances, qui doit être transmis dans le 
premier trimestre de chaque année à la Cour des Comptes, 
comprend : 

!• L'exercice clos, c'est-à-dire l'exercice dont toutes les opé- 
rations ont été terminées à la date du 31 octobre précédent ; 

2® La situation provisoire de V exercice suivant, c'est-à dire la 
situation de l'exercice qui a pris fin au 31 décembre précédent, 
mais dont les opérations ne seront terminées que le 31 octobre 
suivant. 

« Or, s'il est sinon impossible du moins très difficile d'avoir 
dressé, à la date du 31 mars, la situation provisoire de l'exer- 
cice en cours d*exécution, pareille impossibilité n'existe pas, à 
coup sûr, pour l'exercice clos le 31 octobre précédent ; et rien 
ne semble donc s'opposer à ce que, sans attendre l'établisse- 
ment de la situation provisoire de l'exercice suivant, le ministre 
des finances transmette à la Cour des Comptes le compte défi- 
nitif de l'exercice dont la clôture remonte à cinq mois. 

» En procédant de la sorte, l'article 33 de la loi de compta- 
bilité recevrait son entière exécution. » 

Il est désirable, en tout cas, que le gouvernement et le 
Parlement se préoccupent d'assurer, par ce moyen ou autre- 
ment, l'application de la loi et de rapprocher autant que 
possible le règlement définitif du budget de la clôture de 
l'exercice. 

Dans les conditions où se fait actuellement le règlement 
définitif du budget et qui se caractérisent par la discussion 
très superficielle et les retards apportés à la promulgation de 
la loi des comptes, on peut dire que le contrôle législatif des 
ordonnateurs est plutôt une formalité qu'une réalité. 

La théorie veut que les Chambres contrôlent la gestion des 
ministres après leur avoir donné les autorisations nécessaires 
pour faire les dépenses et opérer les recettes publiques. 

La loi a consacré cette règle et en a fait une pièce essentielle 
de notre organisation budgétaire. 

En réalité, le véritable contrôle est exercé par la Cour des 



(471) 

Comptes qui vérifie les comptes de l'administration des finances 
et prévient les abus par son visa préalable. 

D'autre part, le contrôle législatif manque lui-même de 
sanction ou du moins sa sanction est incomplète en l'absence 
d'une organisation de la responsabilité civile des ministres. 

Cette responsabilité civile existe en principe, ce L'obligation 
qui incombe au ministre d'indemniser la partie lésée, existe 
tant à l'égard de TÉtat que des simples particuliers. Le ministre 
est tenu à une réparation civile envers TEtat, chaque fois qu'il 
lèse les intérêts de celui-ci par une mesure illégale et partieu- 
lièrement quand il dépasse la somme qui lui est allouée pour les 
dépenses de son département, à moins qu'une loi postérieure ne 
valide la dépense ^. » 

L'article 90 de la Constitution donne à la Chambre des 
représentants le droit d'accuser les ministres et de les traduire 
devant la Cour de cassation qui seule a le droit de lés juger, 
chambres réunies, sauf ce qui sera statué par la loi, quant à 
Vexercice de Faction civile par la partie lésée et aux crimes et 
délits que les ministres auraient commis hors de l'exercice de 
leurs fonctions. 

Le même article ajoute : une loi déterminera les cas de 
responsabilité, les peines à infliger aux ministres et le mode 
de procéder contre eux soit sur l'accusation admise par la 
Chambre des représentants, soit sur la poursuite des parties 
lésées. 

Cette loi n*est pas encore faite à l'heure actuelle. Aussi, 
jusqu'à ce qu'il y soit pourvu, la Chambre des représentants 
conserve- t-el le le pouvoir discrétionnaire que lui confère 
l'article 34 de la Constitution pour accuser un ministre et la 
Cour de cassation pour le juger, en caractérisant le délit et 
en déterminant la peine, qui ne pourra excéder celle de la 

^ OswALD DE Kerchove DE Oenterghem, De la responsabilité des 
ministres dans le droit public belge, pp. 262-263. Gand, Hoste. Paris, 
A. Durand, 1867. 



(472) 

réclusion, sans préjudice des cas expressément prévus par les 
lois pénales^. 

Il n'existe pas, dans notre histoire parlementaire, d'exemple 
de la mise en œuvre de la responsabilité pénale ou civile des 
ministres. 

Il faut reconnaître» d'ailleurs, qu'une telle responsabilité 
serait très diflScile à organiser et dangereuse même à susciter. 

M. Léon Say Ta fait remarquer avec autorité, en se plaçant 
au point de vue français. Mais la situation n'est pas différente 
en Belgique. 

a On se préoccupe aussi très souvent, écrivait-il, de la 
sanction à donner à des responsabilités qui en sont dépour- 
vues. On veut transformer les responsabilités politiques en 
responsabilités pécuniaires et pénales. Les ministres seraient 
des coupables supposés, qu'on pourrait ruiner ou mettre en 
prison, par application du Code pénal, tandis qu'ils ne peuvent 
être aujourd*hui poursuivis que par la Chambre des députés 
devant le Sénat 3, pour être soumis à des peines que la loi n'a 
pas déterminées. Aujourd'hui, quand ils perdent la confiance 
des Chambres, ils perdent le pouvoir. Les Chambres ne les 
révoquent pas, mais en annihilant leur autorité morale, elles 
les forcent à donner leur démission. La sanction est unique- 
ment politique, et sauf le cas de mise en accusation, elle est 
la plupart du temps suflSsante. 

» Il n'est peut-être pas, d'ailleurs, aussi avantageux que 
certains esprits ardents se Timaginenl de vouloir serrer cette 
question de trop près ; car il pourrait arriver qu'il se produisît 
des grèves de ministres, ou qu'il y eût des ministres choisis 
comme certains hommes de paille par les journaux pour faire 
les jours de prison. 

^ Cf. sur l'interprétation de ces articles et sur la théorie générale de 
la responsabilité ministérielle en droit public belge et comparé, Texcel- 
lent ouvrage que nous venons de citer. 

2 En Belgique, devant la Cour de cassation (art. 90 de la Constitution;. 



( 473 ) 

» Obliger un homme politique à risquer sa fortune pour la 
négligence, pour un oubli ou pour Toubli d'un de ses subor- 
donnés, c'est une exagération manifeste. Si on persévère dans 
les projets de cet ordre, on ne trouvera plus de ministres que 
parmi les gens qui désirent être ministres afin de toucher un 
traitement et de placer leurs créatures, et encore ceux-là feront- 
ils prudemment de quitter la place de ministre qu'ils auront 
acceptée, aussitôt que tous les membres de leur famille auront 
été pourvus *. » 

Répétons donc qu'à défaut de responsabilité civile organisée, 
le système du contrôle préventif de la Cour des Comptes 
garantit très efficacement les intérêts de- l'Etat. *Par ce moyen 
sont prévenus beaucoup d'actes répréhensibles qu'il faudrait 
réprimer. Et le contrôle préventif a précisément pour raison 
d'être de suppléer à l'insuffisance et à l'absence de sanction 
du contrôle législatif-^. . 

* L. Say, Les Finances, loc. cit., p. 59. 
' Cf. supra, p. 427. 



TABLE DES MATIÎIRES 



Pages. 

Préface .•. 3-6 

Introdncticm historique. 
CHAPITRE PREMIER. 

Le budget à la fin de Vancien régime 7-45 

§ 1. — Le vote des subsides . • . . 8-21 

§ 2. — Le Conseil des finances et la Chambre des comptes 21-28 

§ 3. — Les états et aperçus des recettes et des dépenses . 28-45 

CHAPITRE IL 

La domination française • 4S-47 

CHAPITRE m. 

L'organisation budgétaire du royaume des Pays-Bas 47-89 

§ 1. — Le budget décennal 51-72 

J 2. — Le syndicat d'amortissement 72-78 

§ 3. — La Chambre générale des comptes et la compta- 
bilité publique 79-89 

CHAPITRE IV. 

Le Congrès national et la Constitution belge 89-94 




(«S) 

PREMIÈRE PARTIE. 
La préparation da budget. 

CHAPITRE PREMIER. 

Pages. 

L'absence (Tunité dans le budget belge 93-454 

S 1. — La pratique beljçe des budgets spéciaux et divisés. 93-94 
§ 2. — La forme extérieure des budgets. — L'arrêté royal 

du 19 février 4848 95-98 

§ 3. — La tentative de réforme de M. Graux : le budget 

de 1884 99-112 

§ 4. — Le budget extraordinaire 112-138 

A. — La situation avant 1884. 

B. — La réforme de M. Graux. 

C. — Le budget extraordinaire organisé par M. Beer- 

naert. 

D. — La distinction des dépenses exceptionnelles et 

des dépenses ordinaires, inaugurée en 1895. 
§ 5. — Appréciation critique de cette organisation .... 138-154 

CHAPITRE II. 

La procédure belge en matière de préparation du budget. Le 
comité permanent du budget . • ^ . . . . 154^157 

CHAPITRE III. 

La règle de ^universalité if^-ill 

§ 1. — L'article 115, alinéa 2 de la Constitution 157-158 

§ 2. — Étendue d'application de la règle 158-175 

A. — Le budget belge est un budget brut. 

B. — Loi du 15 mai 1846 sur la comptabilité : 

article 16. 

C. -> Le budget des recettes et dépenses pour ordre. 

J 3. — La spécialisation 175-477 



(476) 



CHAPITRE IV. 

Pages. 

L'évaluation des recettes et des dépenses. Les crédits comptée 
mentaires et les crédits supplémentaires 178'489 

CHAPITRE V. 

Époque de la présentation du budget à la Chambre, (Loi du 
45mai4846: art. 1. — Loi du 24 juillet 4900.) 490-197 



DEUXIÈME PARTIE. 
Le bnd^t devant le Parlement. 

CHAPITRE PREMIER. 

Le vote annuel du budget 199-S05 

CHAPITRE II. 

Étude préalable du budget par les Chambres S0S-S4S 

CHAPITRE m. 
La discussion des budgets . . S4S-M0 

CHAPITRE IV. 

Levote article par article, — La spécialité budgétaire. — Les 
transferts SSÙ-iSS 

CHAPITRE V. 
V initiative parlementaire en matière budgétaire ^SSS-SéS 

CHAPITRE VL 
ïh la modification d^une loi organique par voie budgétaire. . : S4à-S6S 



( 477 ) 
CHAPITRE VIL 

. . Pages. 

L'initiative du Sénat en matière de lois de finances. (Article 27, 
alinéa 2 de la Constitution.) i63-27S 

CHAPITRE VIII. 

IhL droit pour le gouvernement de retirer devant le Sénat un 
projet de budget voté par la Chambre S7S-S9S 

CHAPITRE IX.' 

Dtt retard dans le vote des budgets. — Les crédits provisoires, — 
^ Le changement de la date d'ouverture de Vannée financière . 999-SU 

CHAPITRE X. 
ihi refus du budget S44-S47 



TROISIÈME PARTIE. 

L'exécution du budget. — Théorie de la comptabilité 
publique. 

CHAPITRE PREMIER. 

Notions préliminaires .... S49-SSS 

J 1. — Généralités 319-320 

§ 2. — Définition de Texercice. — La gestion et Texercice 321-326 

1 3. — L'unité d'exécution du budget. — Le ministre 

des finances . . . ^ 326-332 

§ 4. — Définition de l'ordonnateur et du comptable. — 
Incompatibilité entre ces deux natures de fonc- 
tions . 332-335 



(478) 
CHAPITRE IL 

Pages 

Le service des recettes. SSS-SSS 

S 1. — Comptables chargés de la perception et du senrice 

des recettes 335-339 

§ 2. — Dépenses acquittées directement par les comptables 
des différentes administrations (articles 16, 17 
et 135 à 143, de l'arrêté de 18(>8) 33^-346 

§ 3. — Règles générales concernant les receveurs et les 

compUbles de l'État 347-356 

CHAPITRE III. 
La Banque Nationale de Belgique, caissier de VÈtat SSÛ-SSS 

CHAPITRE IV. 

^exécution des dépenses S8S-408 

§ i. — L'engagement de la dépense 386-390 

§ 2. — La liquidation et l'ordonnancement. — Livres de 
contrôle. — États de situation. — Les diverses 

catégories de dépenses 390-404 

§ 3. — Le paiement de la dépense. — Déchéances, pres- 
criptions, saisies-arrêts, oppositions 404406 

CHAPITIŒ V. 
La clôture de Texerdce 408-444 



QUATRIÈME PARTIE. 
Le contrôle de rezécution du Imdget. 

CHAPITRE PREMIER. 

Généralités : Les diverses espèces de contrôle. — Le contrôle des 
comptables et celui des ordonnateurs 416-448 




( 479 ) 



CHAPITRE IL 

Pages. 

La Cour des Comptes AlS-âSS 

J 1. — Sa nature. — Législation en vigueur 418-421 

§ 2. — Le personnel : composition, nomination, incompa- 
tibilités, traitements 421-424 

§ 3. — Les attributions 425-4S6 

A. — Le visa préalable. 

B« — Le contrôle judiciaire des comptables . 

C. — Le contrôle de la dette publique. 

D. — Le contrôle des pensions. 

CHAPITRE m. 

Le contrôle législatif des ordonnateurs 457-475 

f 1. — Compte général de l'administration des finances et 

états de situation à fournir par les ministres • • 457-462 . 

§ 2. — Le règlement définitif du budget par la loi des 

comptes. — La responsabilité civile des ministres 462-473 



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